DANS LE DÉSERT, JÉSUS .

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DANS LE DÉSERT, JÉSUS .  

Jésus marche et chemine, mené par l’Esprit.  

Alors, il prend l’initiative :

Il le faut

dans le doux impératif qui pousse à se livrer.

Impérieuse douceur qui attire hors de soi.

Il faut quitter le Jourdain du baptême.

Abandonner ce creuset de révélation.

Renoncer à se fixer – serait-ce au lieu béni de la divine rencontre.

Il n’est pas le baptiseur.

Il est celui qui vient après et qui pourtant est d’avant.

De toujours. 

Pourtant si neuf en sa chair d’homme,

Nouvel Adam inventant l’humanité.  

L’homme Jésus a goûté les mots reçus à son oreille,

mots dilatant à l’excès son cour déjà immense :

« Tu es mon Fils bien-aimé.

Sur toi, en Toi, par Toi,

tout mon amour se dépose

et repose par Toi sur la douloureuse humanité elle sillonne le temps, crucifiée en sa quête de sens. »

L’amour de ce Père béni,

la présence de Son Esprit enfoncent au cour du Fils

le tourment du désir,

la soif de tout offrir : pain et eau et vie en abondance.

Douceur de l’amour au creux du mal de vivre.  

Jésus se lève. Il part. Il se met en mouvement.

Sans regard en arrière

sans retour

sans détour.

Il grave ses pas dans les pas de l’Esprit,

silencieux, déjà.

Il coule son allure sur l’allure de l’Esprit,

lente et prompte à la fois.  

Déjà le vent des sables efface ses propres traces.

L’homme en route,

en chemin de filiation n’a plus de marque à lui

seulement l’empreinte de la voix qui le mène au désert.

Il passe de la source vive et du fleuve inaugural

à l’aride néant du désert

afin que se transforme

tout désert en source vive.  

Il y faut le temps.

Quarante jours et quarante nuits.

Quarante longues étapes du levant au couchant et du couchant au levant.

Entre soleil calcinant la vie comme en fournaise

et le froid glacial figeant la vie sous la voûte d’étoiles.

Epreuve de la durée et durée de l’épreuve.

L’homme Jésus ne fuit pas.
 

En ce lieu de non vie,

en ce lieu de mise à mort de la vie

Il se tient là.

Se tient là comme Dieu seul se tient : pour toujours et pleinement.

Sans dérobade.

Il se tient là comme savent se tenir ceux à qui Dieu  s’apprend :

Comme Elie fugitif prophète, regagné par la miséricorde.

Comme Isaïe, devant le trône céleste, confondu d’immensité.

Comme Marie, devant l’ange d’annonciation, éveillée par la Parole.

Comme Marie encore devant la croix du Fils, tenant d’Esprit, debout.  

Face au vent du désert

dans l’ardeur du soleil

la froidure de la nuit

alors que tout se ligue pour l’effondrer

Jésus se tient debout.

Ni le vent du tourment

ni la fournaise d’enfer

ne l’abattra.

Ni le diable.

Ce diable qui écartèle

qui lapide

et crucifie.

Qui murmure et susurre, insolent : Fils de Dieu ? Montre-le ! 

Pieds au sol, fichés en terre comme racines.

Pieds et jambes arc-boutés comme colonnes

pour soutenir le coeur qui monte au ciel et crie :

« Abba, Père ! Je te bénis. »

Les mains sont vides, sans prise.

Les doigts écartés s’élèvent lentement vers le ciel clos,

en pure louange :

« tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu ! »  

Alors le ciel à nouveau s’ouvre et nos yeux voient cela qui est :

des milliers d’anges exultant

servant le Fils bien-aimé du Père, le Serviteur des hommes.  

 

Mireille HUGONNARD

6 MARS 2004

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