Archive pour le 3 mars, 2009
par Sandro Magister : Revenir au Concile! Celui de Chalcédoine en 451
3 mars, 2009du site:
http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/1337153?fr=y
Revenir au Concile! Celui de Chalcédoine en 451
Un livre accuse l’Eglise d’avoir peur de Vatican II. Mais, selon certains, il y a un danger encore plus grave: celui d’obscurcir la doctrine des Conciles des premiers siècles sur le Christ. Dialogue imaginaire entre un théologien et un de ses élèves
par Sandro Magister
ROMA, le 19 février 2009 – Qui a peur de Vatican II? De cette question, Giuseppe Ruggieri, théologien, et Alberto Melloni, historien du christianisme, ont fait le titre d’un petit livre écrit à plusieurs mains sous leur direction et publié ces jours-ci en Italie.
Ce n’est pas une nouveauté mais une réimpression du numéro 2 de 2007 de « Cristianesimo nella Storia », la revue de l’Institut des Sciences Religieuses de Bologne, c’est-à-dire du groupe de savants qui – avec des collaborateurs de divers pays – a publié l’ »Histoire du Concile Vatican II » la plus lue dans le monde, cinq volumes achevés en 2001 et parus en sept langues. Une « Histoire » très orientée, qui interprète le Concile plus comme un « événement qui fait date » qu’en se basant sur ses documents, plus dans son « esprit » qu’à la lettre, plus comme « nouveau début » qu’en continuité avec l’Eglise précédente.
A côté de Ruggieri et Melloni – le seul à ajouter un nouveau chapitre aux textes déjà connus – les auteurs du livre sont le français Christoph Theobald, l’américain Joseph A. Komonchak et l’allemand Peter Hünermann.
Dans la préface, Ruggieri et Melloni nient que le livre soit une apologie de l’ »Histoire » bolonaise du Concile Vatican II. Mais, en le lisant, on a l’impression qu’ils sont les sentinelles héroïques de l’interprétation correcte du Concile lui-même; qu’ils n’en ont pas « peur » et en préservent la vraie « nouveauté »; qu’ils font ce que même Benoît XVI ne fait plus parce qu’il a trop changé par rapport au jeune Ratzinger qui écrivait les discours explosifs lus au Concile par le cardinal Frings.
Pour une analyse détaillée des essais contenus dans le volume, il suffit de se reporter à l’article que leur a consacré www.chiesa après leur publication dans la revue « Cristianesimo nella Storia »:
> Ils persistent et signent: le Concile Vatican II a été « un tournant historique ». L’école de Bologne annexe le pape (11.12.2007)
Tandis que l’interprétation du Concile Vatican II par Benoît XVI est celle qu’il a donnée dans son mémorable discours à la curie du 22 décembre 2005:
> « Réveille-toi, homme… »
* * *
Le texte qui suit n’est pas un compte-rendu du livre « Qui a peur de Vatican II? ». Mais il prend appui sur sa publication pour exposer – sous forme de dialogue – les questions que l’Eglise affronte aujourd’hui.
Comme on le verra, ce sont des questions d’une importance capitale, qui en viennent à concerner les bases du Credo chrétien. Des questions auxquelles ont répondu Vatican II mais aussi, avant lui, les Conciles christologiques des premiers siècles, ceux de Nicée, Ephèse, et Chalcédoine.
L’auteur, Francesco Arzillo, 49 ans, est romain, magistrat administratif et d’une compétence rare en philosophie et en théologie.
Court dialogue sur le Concile, entre un maître et son élève
par Francesco Arzillo
Le maître (M.) est professeur de théologie, il a 60 ans, il est modérément progressiste, prêt à dialoguer avec tout le monde; seuls l’énervent ceux qui paraissent peu enclins à donner toute sa valeur au Concile de sa jeunesse, qui lui rappelle, entre autres, ses tumultueuses années de séminaire.
L’élève (E.), plus jeune, n’est pas un clerc; il est un peu irrespectueux, mais jamais envers le magistère de l’Eglise. Beaucoup de gens le jugent ultraconservateur mais les traditionalistes le critiquent parce qu’il consulte – même si c’est avec prudence – les ouvrages théologiques d’Henri de Lubac et qu’il défend toujours Jean XXIII et Paul VI.
–––––
M. – Bonjour! Toujours un livre en main. Voyons un peu ton dernier achat.
E. – C’est « Qui a peur du Concile Vatican II? », sous la direction d’Alberto Melloni et Giuseppe Ruggieri.
M. – Tu lis Melloni et les théologiens catholico-progressistes que tu as toujours critiqués? Etonnant. Mais j’ai compris: le titre du livre a agi sur ton sentiment de culpabilité et tu veux expier.
E. – Je vois que vous n’avez pas perdu l’habitude d’ajouter la psychanalyse à la théologie. Je n’ai pas de sentiment de culpabilité, au moins à ce sujet. Vous savez que j’ai toujours accepté Vatican II de tout cœur. Aujourd’hui, comment peut-on parler de l’Eglise sans « Lumen gentium »? De la Révélation divine sans « Dei Verbum »? Ou de la liturgie sans « Sacrosanctum Concilium »?
M. – Alors où est le problème?
E. – Le problème, c’est cette interminable querelle sur le Concile, ce conflit d’interprétations si compliqué. C’est vrai que les essais contenus dans ce livre sont très raffinés, qu’ils contiennent des idées intéressantes, qu’ils se confrontent avec les indications de Benoît XVI. Mais…
M. – Mais?
E. – Ils me rappellent – au moins en partie – des ambiances, climats et lieux communs de ce milieu catholico-progressiste qui tend à faire du Concile un mythe. Mais attention, je ne veux pas coller une étiquette aux auteurs, j’utilise une indication standard à titre d’orientation.
M. – En réalité, tu prétends accepter le Concile, mais c’est avec une restriction mentale, parce que tu critiques ceux qui se battent pour le Concile.
E. – Vous voyez que vous parlez d’une bataille? C’est cela, le problème, cette surexcitation de certains pendant et après le Concile, ce climat de lutte continue, cette « agitation croissante aux alentours du Concile »: la formule n’est pas de moi mais du cardinal Henri de Lubac. Et puis cette façon d’en raconter l’histoire! La fameuse « semaine noire »… Qu’est-ce que cela veut dire? Quelle valeur heuristique a cette expression? Aucune! Si je lis les souvenirs de Waterloo d’un aide de camp de Napoléon, je peux comprendre qu’il parle de « journée noire »; mais d’un historien contemporain j’attends un ton plus calme, qui me fasse comprendre. C’est encore de Lubac, dans son livre « Entretien autour de Vatican II » publié en 1985, qui parle d’un « langage historico-manichéen qui, sous un mode mineur, s’est assez largement répandu ». Ou alors est-ce que même de Lubac ne vous convient plus, lui dont vous m’avez toujours parlé avec une admiration sans bornes?
M. – Une histoire neutre, ça n’existe pas.
E. – Oui, mais il faut au moins être serein. Et en tout cas je parle d’une surexcitation qui n’est pas qu’autobiographique et historique, mais aussi philosophique, si j’ose dire.
M. – C’est-à-dire?
E. – Prenons par exemple le problème de l’ »esprit » et de la « lettre ».
M. – Ne me ressors pas l’histoire selon laquelle les documents conciliaires ne doivent être interprétés qu’à la lettre!
E. – Pourquoi voulez-vous banaliser le discours? C’est vrai que la lettre doit toujours être prise en compte, mais en tout cas elle ne suffit pas à une herméneutique complète. Le juriste romain Celse et saint Paul sont d’accord à ce sujet. Cela me suffit.
M. – Et alors?
E. – Cela dépend de ce que l’on entend par « esprit ». C’est là que la surexcitation entre en jeu. Prenez Hegel à Iéna, par exemple, il était indiscutablement surexcité: il voyait en Napoléon l’Histoire passant à cheval… Vous vous souvenez de ce passage des « Leçons d’Iéna », cité – pas par hasard – par le « négativiste » Kojève en exergue de son « Introduction à la lecture de Hegel »? Vous vous en rappelez le ton? « Messieurs! Nous vivons une époque importante, une effervescence où l’Esprit a fait un pas en avant. Il a dépassé sa précédente forme concrète et en a pris une nouvelle… ». Et bien, quand je lis certains théologiens, certains historiens actuels, je ne peux pas m’empêcher de penser à ce ton-là.
M. – Tu procèdes par insinuations, par allusions, sans conclure. Ce n’est pas une question de ton!
E. – Ce n’est pas à moi de dire jusqu’à quel point ce n’est qu’une affaire de ton, ou de légitime acceptation d’idées théoriques, ou de soumission aux logiques immanentes. Chaque auteur est différent des autres.
M. – Revenons au Concile. Tu cites le juriste romain Celse, tu insistes sur le texte, et tu négliges l’événement.
E. – Encore un mot-clé: l’événement. Hegel? Heidegger? Pareyson?
M. – Laisse tomber les philosophes!
E. – Je ne laisse rien tomber! Vous, les théologiens actuels, connaissez peu la philosophie. Vous voulez faire de la théo-logie sans « logos », a-philosophique ou trans-philosophique, mais ce n’est souvent que de la rhétorique. Le pire, c’est d’être influencé par Hegel sans même en avoir conscience. Si Hegel était parmi nous, il s’étonnerait de sa vaste descendance intellectuelle, fils et beaux-fils… D’ailleurs vous ne savez même pas écrire des manuels. On a du mal à en trouver un qui ne saute pas de Saint Thomas à Rahner, en omettant tout ce qui est entre les deux! Aujourd’hui on peut être diplômé en théologie en ne sachant presque rien de Duns Scot, Suarez, Melchior Cano, Cajetan. Demandez à dix nouveaux diplômés s’ils ont déjà entendu parler de Scheeben et on verra si vous en trouvez plus de deux pour répondre oui.
M. – Maintenant tu exagères.
E. – Vous avez raison. Je me calme.
M. – L’événement! Pense à la théologie, à « Dei Verbum »: Dieu se révèle à travers des événements et des mots intimement liés entre eux…
E. – Bien sûr que je pense à la théologie! Je pense que la Révélation divine culmine dans le Christ, en qui Dieu nous a tout dit. Elle est accomplie, même si elle n’est pas encore complètement expliquée, comme le rappelle le Catéchisme au paragraphe 66. Et puis au paragraphe 83: la tradition « vient des Apôtres et transmet ce qu’ils ont reçu par l’enseignement et par l’exemple et ce qu’ils ont appris du Saint-Esprit ». Penser à un évolutionnisme de l’historisme serait une erreur. Ce n’est pas la réalité révélée par Dieu qui change ou évolue; c’est l’intelligence croyante qui grandit en s’approfondissant. Si c’est vrai, le seul Evénement est le Christ, il n’existe pas un âge de l’Esprit qui dépasse celui du Christ.
M. – Epargne-moi l’histoire de Joachim de Flore, s’il te plaît…
E. – Pourquoi pas? Si nous voulons vraiment chercher un événement qui fasse date, pensons à saint François! Qui a plus fait date que lui, pendant tout le deuxième millénaire? Là-dessus on pourrait tous être d’accord, conservateurs, progressistes et même beaucoup d’incroyants. Mais l’interprétation qui voyait en François l’inauguration de l’âge de l’Esprit a été repoussée à juste titre. François lui-même en aurait été stupéfait, lui qui en tout ne voyait que le Christ et la Trinité.
M. – Mais l’histoire franciscaine est complexe. Il faut tenir compte de la politique de saint Bonaventure dans le récit de l’histoire du fondateur…
E. – Ne me parlez pas de politique! Déjà cet emploi du mot, dans un contexte qu’un homme du Moyen Age n’aurait jamais appelé « politique », m’agace parce qu’il est le fruit d’une mauvaise herméneutique. On lit les événements théologiques, philosophiques, juridiques de ce temps à travers les lunettes du « tout est politique » moderne, on considère tout domaine du réel comme « politique ». Belle façon de se projeter dans une autre époque, pour quelqu’un qui parle sans cesse d’histoire et d’historicité!
M. – Mais enfin, où veux-tu en venir?
E. – Je veux seulement dire que nous devons en finir avec cette histoire d’événement qui fait date. Il n’y a pas d’événements qui font date, en stricte rigueur logique et théologique. Cette rhétorique de l’événement qui fait date risque de n’être bonne que pour la « mobilisation », d’être une forme de crypto-idéologie.
M. – Mais qu’est-ce que tu souhaites, l’éternel retour de l’identique?
E. – Non. Augustin a démontré que la cyclicité païenne était dépassée pour toujours. Il s’agit plutôt de savoir voir l’Eternel dans le temps, qui croise un point du temps, « ce » point du temps, en s’incarnant.
M. – Tu reviens en arrière…
E. – C’est un retour aux sources. Et à la Source.
M. – Mais l’Evénement unique revit-il aujourd’hui ou non?
E. – Il est accompli. Le temps est accompli, voir Marc 1, 15. Même si nous en attendons la pleine manifestation.
M. – Et le Concile Vatican II? Il t’aide en chemin, ou non?
E. – Il m’aide, bien sûr! Mais il présuppose l’Evénement unique et sa définition dogmatique irréversiblement réalisée par les sept premiers Conciles œcuméniques. Vous comprenez que je ne peux pas penser à un événement qui « déchalcédoinise » le Christ – c’est-à-dire lui enlève ce qui a été dit de lui à Chalcédoine – pour l’inculturer dans la modernité.
M. – Mais personne ne veut cela!
E. – En apparence, presque personne. Sûrement pas Vatican II, qui n’a pas voulu innover dans la foi comme les extrémistes du traditionalisme et du progressisme le disent parallèlement, avec des buts opposés. Mais je me demande s’il y a beaucoup d’arianisme tendanciel et virtuel dans le monde actuel, à quel point on nous pousse trop à humaniser Jésus. Je pense par exemple aux gens qui critiquent « Dominus Jesus » qui a dû rappeler l’abc de la christologie en 2000. Je me demande qui a peur des Conciles de Nicée, d’Ephèse, de Chalcédoine.
M. – Tu utilises une astuce rhétorique suggestive. Tu hiérarchises les Conciles pour tuer sournoisement Vatican II.
E. – Non. Mais je crois qu’aujourd’hui les bases de la foi sont en jeu. J’aimerais donc qu’on donne l’importance appropriée aux colloques sur Nicée et sur Chalcédoine, au lieu de les abandonner à quelques spécialistes érudits.
M. – J’arrête, je suis fatigué. Je rentre chez moi et je vais lire un peu mon livre préféré, le « Journal de l’âme » d’Angelo Giuseppe Roncalli.
E. – Curieuse coïncidence, je suis aussi en train de le lire…
Benoît XVI et les prêtres : Comment transmettre la foi ? (1)
3 mars, 2009du site:
http://www.zenit.org/article-20328?l=french
Benoît XVI et les prêtres : Comment transmettre la foi ? (1)
Rencontre avec le clergé de Rome (Jeudi 26 février)
ROME, Lundi 2 mars 2009 (ZENIT.org) – Le 26 février, le pape Benoît XVI a rencontré les curés et les prêtres du diocèse de Rome, comme il le fait chaque année en début du carême. Les prêtres ont posé huit questions, sur différents thèmes, au pape.
Nous publions ci-dessous une synthèse de la première question, et la réponse de Benoît XVI.
Question 1
Face « au monde réel », « aux personnes blessées par la vie », les prêtres de paroisse « se sentent souvent mal préparés ou de manière inadaptée ». S’adressant à Benoît XVI, le père Gianpiero Palmieri, curé de la paroisse « San Frumenzio ai Prati Fiscali », s’est interrogé sur la manière d’aider ces personnes à rencontrer le Christ sans tomber dans des raisonnements « trop schématiques ».
Benoît XVI – Merci ! Chers confrères, je voudrais avant tout exprimer ma grande joie d’être parmi vous, prêtres de Rome : mes prêtres, nous sommes en famille. Le cardinal vicaire nous a bien dit que c’est un moment de repos spirituel. En ce sens, je suis aussi reconnaissant de pouvoir commencer le Carême par un moment de repos spirituel, de respiration spirituelle, en contact avec vous. Et il a aussi ajouté : nous sommes ensemble pour que vous puissiez me raconter vos expériences, vos souffrances, comme vos succès et vos joies. Je ne dirais donc pas que celui qui parle ici, auquel vous vous adressez, est un oracle. Nous sommes au contraire dans un échange familial, où il est aussi pour moi très important, à travers vous, de connaître la vie des paroisses, vos expériences avec la Parole de Dieu dans le contexte de notre monde d’aujourd’hui. Et je voudrais apprendre moi aussi, m’approcher de la réalité dont celui qui habite le Palais Apostolique est un peu trop éloigné. Et c’est aussi la limite de mes réponses. Vous vivez en contact direct, jour après jour, avec le monde d’aujourd’hui ; je vis avec des contacts divers, qui sont très utiles. Par exemple, je viens de recevoir la visite « ad limina » des évêques du Nigeria. Et j’ai pu voir ainsi, à travers ces personnes, la vie de l’Eglise dans un pays important d’Afrique, le plus grand, avec 140 millions d’habitants, un grand nombre de catholiques, et entrevoir la joie et aussi les souffrances de l’Eglise. Mais pour moi, ceci est évidemment un repos spirituel, parce que c’est une Eglise comme nous la voyons dans les Actes des Apôtres. Une Eglise où il y a une joie toute nouvelle d’avoir trouvé le Christ, d’avoir trouvé le Messie de Dieu. Une Eglise qui vit et grandit chaque jour. La population est heureuse d’avoir trouvé le Christ. Ils ont des vocations et peuvent ainsi donner, dans plusieurs pays du monde, des prêtres fidei donum. Et c’est bien sûr un rafraîchissement spirituel de voir que l’Eglise n’est pas seulement fatiguée, comme souvent en Europe, mais qu’il existe une Eglise jeune, pleine de la joie de l’Esprit Saint. Mais il est aussi important pour moi, avec toutes ces expériences universelles, de voir mon diocèse, les problèmes et toutes les réalités vécus dans ce diocèse.
En ce sens et en substance, je suis d’accord avec vous : ce n’est pas suffisant de prêcher ou de faire de la pastorale avec le bagage précieux acquis durant les études de théologie. Cela est important et fondamental, mais doit être personnalisé : (il faut passer) d’une connaissance académique que nous avons apprise et sur laquelle nous avons réfléchie, à une vision personnelle de notre propre vie pour arriver aux autres. En ce sens, je voudrais dire qu’il est essentiel, d’une part, de concrétiser les mots importants de la foi, par notre expérience personnelle de la foi, dans la rencontre avec nos paroissiens, mais aussi de ne pas perdre la simplicité (de la foi). Naturellement, des mots importants de la tradition – comme sacrifice d’expiation, rédemption du sacrifice du Christ, péché originel – sont aujourd’hui incompréhensibles comme tels. Nous ne pouvons pas travailler simplement avec de grandes formules, vraies, mais qui ne trouvent plus leur contexte dans le monde d’aujourd’hui. Nous devons, par l’étude et ce que nous disent les maîtres de la théologie et notre expérience personnelle de Dieu, concrétiser, traduire ces mots importants, afin qu’ils puissent entrer dans l’annonce de Dieu aux hommes d’aujourd’hui.
Et je dirais, d’autre part, qu’il ne faut pas recouvrir la simplicité de la Parole de Dieu par des jugements trop lourds d’approches humaines. Je me souviens d’un ami qui, après avoir écouté des prédications avec de longues réflexions anthropologiques pour en arriver à l’Evangile disait : mais ces approches ne m’intéressent pas, je voudrais comprendre ce que dit l’Evangile ! Et il me semble souvent qu’au lieu de longs chemins d’approche, il serait mieux – je l’ai fait quand j’étais encore dans ma vie normale – de dire que cet Evangile ne nous plaît pas, que nous sommes contre ce que dit le Seigneur ! Mais qu’est-ce que cela veut dire ? Si je dis sincèrement que je ne suis pas d’accord à première vue, j’attire déjà l’attention : on voit que je voudrais, en tant qu’homme d’aujourd’hui, comprendre ce que dit le Seigneur. Nous pouvons ainsi, sans emprunter de longs chemins, entrer dans le vif de la Parole. Et nous devons aussi tenir compte, sans faire de fausses simplifications, du fait que les douze apôtres étaient des pêcheurs, des artisans, de cette province de Galilée, sans préparation particulière, sans connaissance du grand monde grec et latin. Et pourtant, ils sont allés dans tout l’Empire et même en dehors, jusqu’en Inde, et ils ont annoncé le Christ avec simplicité et avec la force de la simplicité de ce qui est vrai. Et il me semble que cela aussi est important : ne perdons pas la simplicité de la vérité. Dieu existe, et Dieu n’est pas un être hypothétique, lointain, mais il est proche, il a parlé avec nous, il a parlé avec moi. Et ainsi, nous affirmons simplement ce qui est et comment on peut, (comment) il faut naturellement expliquer et développer. Mais ne perdons pas de vue que nous ne proposons pas des réflexions, que nous ne proposons pas une philosophie, mais que nous proposons l’annonce simple de ce Dieu qui a agi. Qui a aussi agi avec moi.
Et puis pour le contexte culturel, romain – qui est absolument nécessaire – je dirais que la première aide est notre expérience personnelle. Nous ne vivons pas sur la lune. Je suis un homme de ce temps et si je vis sincèrement ma foi dans la culture d’aujourd’hui, comme une personne qui vit avec les médias d’aujourd’hui, avec les échanges, avec les réalités de l’économie, avec tout cela, si je prends au sérieux cette expérience et que je cherche à personnaliser en moi cette réalité. C’est ainsi que nous sommes sur le chemin pour nous faire comprendre des autres. Saint Bernard de Clairvaux a dit à son disciple le pape Eugène, dans son livre de considérations : considère que tu bois à ta propre source, c’est-à-dire à ta propre humanité. Si tu es sincère avec toi-même et que tu commences à voir à partir de toi ce qu’est la foi, par ton expérience humaine, buvant à ton propre puits, comme dit saint Bernard, tu peux aussi dire aux autres ce qu’il faut dire. Et en ce sens, il me semble important d’être réellement attentifs au monde d’aujourd’hui, et d’être aussi attentifs au Seigneur en nous : être un homme de ce temps et en même temps un homme qui croit au Christ, qui transforme le message éternel en message actuel.
Qui connaît mieux les hommes d’aujourd’hui que le prêtre ? Le presbytère n’est pas dans le monde, il est au contraire dans la paroisse. Et ici, les hommes viennent souvent, normalement, voir le prêtre, sans masque. Ils ne viennent pas avec des prétextes mais dans des situations de souffrance, de maladie, de mort, avec des questions familiales. Ils viennent au confessionnal sans masque, avec leur personnalité. Aucune autre profession, me semble-t-il, ne donne cette possibilité de connaître l’homme comme il est dans son humanité et non pas dans le rôle qu’il joue dans la société. En ce sens, nous pouvons réellement étudier comment il est dans sa profondeur, quand il ne joue pas un rôle, et apprendre nous aussi qui est l’être humain, l’être humain à l’école du Christ. En ce sens, je dirais qu’il est absolument important d’apprendre qui est l’homme, l’homme d’aujourd’hui, en nous et avec les autres, mais toujours dans l’écoute attentive au Seigneur et en acceptant en nous la semence de la Parole, parce qu’en nous elle se transforme en fruit et devient communicable aux autres.
bonne nuit
3 mars, 2009Saint Jean de la Croix: Saint Jean de la Croix
3 mars, 2009du site:
http://www.levangileauquotidien.org/main.php?language=FR&module=commentary&localdate=20090303
Commentaire du jour
Saint Jean de la Croix (1542-1591), carme, docteur de l’Église
La Montée du Carmel III, 43/44 (trad. cf Seuil 1947, p. 462 et OC, Cerf 1990, p. 895)
« Vous donc, priez ainsi »
Pour tout ce qui concerne la prière et les exercices de dévotion, attachons-nous seulement aux rites ou manières de prier enseignés par le Christ. Il est évident que lorsque les disciples ont demandé à notre Seigneur de leur apprendre à prier (Lc 11,1), il leur a sûrement dit tout ce qu’il fallait pour être exaucés du Père éternel, dont il connaissait parfaitement la volonté. Or, il ne leur a enseigné que les sept demandes du Notre Père, où est contenue l’expression de toutes nos nécessités corporelles et spirituelles. Il ne leur a pas enseigné une foule de prières et de cérémonies ; au contraire, il leur a dit dans une autre circonstance de ne pas multiplier les paroles en priant, parce que notre Père céleste sait très bien ce dont nous avons besoin.
La seule chose qu’il leur a recommandé avec la plus vive insistance, c’est de persévérer dans la prière, c’est-à-dire dans la récitation du Notre Père. Car il a dit aussi : « Il faut toujours prier, et ne jamais se lasser » (Lc 18,1). Ainsi, il ne nous a pas enseigné à multiplier nos demandes, mais à les redire souvent avec ferveur et attention. Car, je le répète, ces demandes du Notre Père renferment tout ce qui est conforme à la volonté de Dieu et tout ce qui nous est utile. Voilà pourquoi quand le divin Maître s’est adressé par trois fois au Père éternel, il a répété chaque fois les mêmes paroles du Notre Père, comme le rapportent les évangélistes : « Mon Père, si cette coupe ne peut passer sans que je la boive, que ta volonté soit faite » (Mt 26,42).
Quant aux rites que nous devons suivre à la prière, le Christ nous en a donné deux seulement : ou bien « se retirer au fond de notre maison » (Mt 6,6) ; là, loin de tout bruit et en toute liberté, nous pouvons le prier avec un coeur plus pur et plus dégagé… Ou bien rechercher les lieux solitaires, comme il le faisait lui-même, pour y prier au temps le plus favorable et le plus silencieux de la nuit (Lc 6,12).