Grande musique dans les églises de Rome. Mais au Vatican ils sont sourds

(Ce que dit Magister le constate moi même) du site:

http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/210023?fr=y

Grande musique dans les églises de Rome. Mais au Vatican ils sont sourds

L’Orchestre Philarmonique de Vienne et d’autres très grands interprètes ont joué dans les basiliques de Rome, dont une fois devant le pape. Mais à la curie c’est la paralysie. L’accompagnement musical des messes pontificales continue à être d’une désolante médiocrité

par Sandro Magister 

ROMA, le 3 décembre 2008 – Le Festival International de Musique et d’Art Sacré, qui a lieu chaque automne dans les basiliques pontificales de Rome, s’est achevé dimanche dernier, le premier de l’Avent.

Organisé par la Fondazione Pro Musica e Arte Sacra, le Festival cherche à rendre à la grande musique sacrée son véritable cadre, les églises. Un cadre qui n’a pas toujours l’acoustique parfaite d’une salle de concert mais qui est le bon pour rendre pleinement vie à des musiques créées à l’origine pour la liturgie.

« Mon rêve – déclare Hans-Albert Courtial, président de la Fondazione – c’est que, chaque dimanche de l’année, il y ait dans une église de Rome une messe où des chefs d’œuvre de la musique sacrée, grégorienne et polyphonique, soient joués par des interprètes de très haut niveau ».

C’est ce qui est arrivé, le 26 novembre dernier, à la basilique Saint-Pierre. Le cardinal Angelo Comastri a célébré la messe tandis que Helmuth Rilling dirigeait magnifiquement la Harmonienmesse en si bémol majeur de Franz-Joseph Haydn.

Mais le Festival n’a pas proposé que de la musique liturgique. Le premier et le dernier jour ont été centrés respectivement sur l’Art de la Fugue et l’Offrande Musicale de Jean-Sébastien Bach, génialement redécouverts et reproposés, dans leur profondeur métaphysique d’une sublime harmonie cosmique, par Hans-Eberhard Dentler.

Autre sommet du Festival de cette année, l’exécution, à la basilique Sainte-Marie-Majeure (photo), du Requiem Allemand de Johannes Brahms. Comme les deux autres, cette œuvre n’est ni liturgique ni catholique mais intensément spirituelle. Elle a été magistralement dirigé par Marek Janowski, avec l’Orchestre de la Suisse Romande et le Rundfunkchor Berlin.

Il y a aussi eu une mémorable Sixième Symphonie d’Anton Bruckner, interprétée par l’Orchestre Philharmonique de Vienne dirigé par Christoph Eschenbach, à la basilique Saint-Paul-hors-les-Murs, le 13 octobre. Benoît XVI était au premier rang.

* * *

La présence du pape Joseph Ratzinger à un concert n’a pas été la seule nouveauté du Festival de cette année.

Au concert de Saint-Paul-hors-les-Murs, il y avait avec Benoît XVI les 250 cardinaux et évêques du synode mondial sur la Parole de Dieu, qui avait lieu ces jours-là. Pour beaucoup d’entre eux, Bruckner n’est pas un compositeur facile, mais l’exemple du pape les a amenés à assister, au moins une fois, à un grand concert. La sensibilité musicale n’est pas le point fort du monde ecclésiastique: aux autres concerts du Festival, les hauts prélats se comptaient sur les doigts d’une seule main.

Autre nouveauté: la place faite à l’orgue. Quatre soirs de suite, du 17 au 20 novembre, l’instrument-roi de la musique liturgique a dominé le programme du Festival, avec des œuvres anciennes ou contemporaines interprétées dans diverses églises romaines par des organistes réputés. De plus, les concerts de Rome étaient le couronnement d’un cycle plus vaste de récitals d’orgue dans neuf pays d’Europe, commencé en juin en Bavière: un « Euro Via Festival » qui a lieu chaque année depuis 2005 sous la direction artistique de Johannes Skudlik.

Au même moment, à Rome, on finissait de restaurer deux orgues magnifiques, ceux de la Salle Académique de l’Institut Pontifical de Musique Sacrée et de l’église Saint-Antoine-des-Portugais. Celui de l’église Saint-Ignace, également l’un des plus beaux de Rome, sera restauré dans les mois à venir par les soins de la Fondazione pro Musica e Arte Sacra et à nouveau utilisé lors du Festival de 2009.

Brutalement remplacé par les guitares dans tant d’églises de par le monde, l’orgue a récemment donné de petits signes de renaissance. C’est ainsi que la conférence des évêques d’Italie a organisé, le mois dernier, un séminaire d’études pour organistes et liturgistes, intitulé: « L’orgue à tuyaux. Des siècles de cheminement au service de la liturgie ».

Mais le cheminement reste très ardu. Non seulement l’orgue est largement absent des rites liturgiques, mais on le néglige même à d’autres moments où il serait tout à fait adapté. La basilique Saint-Pierre elle-même donne le mauvais exemple. A chaque célébration liturgique où le pape est présent, la basilique est pleine de fidèles bien avant l’heure. Le moment serait idéal pour utiliser l’orgue, qui créerait une atmosphère plus recueillie de préparation au rite liturgique. Il n’en est rien. L’orgue est là, les organistes aussi, des milliers de fidèles seraient heureux d’écouter une bonne musique qui leur élèverait l’âme. Seule manque la volonté de décider quelque chose d’aussi simple.

A Rome, une sorte de paralysie musicale affecte les célébrations du pape. Les idées de Benoît XVI en matière de musique liturgique sont archiconnues grâce à ses écrits, très critiques envers la dégradation qui a eu lieu. Mais, après plus de trois ans de pontificat, presque rien n’a changé. Au Vatican, il n’y a toujours pas d’organisme ayant autorité pour la musique sacrée. La Chapelle Sixtine, que dirige Mgr Giuseppe Liberto, est l’ombre de son glorieux passé. Et quand ce n’est pas la Chapelle Sixtine qui chante aux messes papales, c’est le règne du style « comédie musicale » de Mgr Marco Frisina, maître de chapelle à Saint-Jean-de-Latran, la cathédrale de Rome.

Sur ce point aussi, le Festival International de Musique et d’Art Sacré a donné une leçon. Le chœur du sanctuaire de l’Immaculée Conception de Washington, dirigé par Peter Latona, est venu des Etats-Unis, celui de la cathédrale de Spire, dirigé par Leo Krämer, d’Allemagne, pour interpréter les messes et les motets de Giovanni Pierluigi da Palestrina, Tomás Luis de Victoria, Luca Marenzio, Claudio Monteverdi, les grands maîtres de chapelle des cathédrales de Rome et d’Europe aux XVIe et XVIIe siècles.

Rome et l’Italie ne manquent pourtant pas de bons exécutants pour cette grande musique polyphonique. En fait, le plus génial interprète de Palestrina au monde est sûrement Mgr Domenico Bartolucci. Mais, justement, il dirige Palestrina dans des salles de concert et non plus lors des messes papales avec la Chapelle Sixtine, qu’il a dirigée et dont il a été exclu sans ménagements en 1997. Aujourd’hui, il est difficile de trouver, à Rome et en Italie, un chœur d’église capable d’interpréter ces compositeurs au cours d’une célébration liturgique.

S’il faut un Festival pour faire redécouvrir de telles merveilles, cela veut dire qu’il reste beaucoup de chemin à parcourir.

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