Saint Paul (sur la charité)
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http://biblio.domuni.org/cours/theologie/charite/charite_1-08.htm#P69_14209
B – Saint Paul
Il n’y a pas d’épître de S. Paul qui n’ait son mot sur la charité ; mais dans la plupart, la charité est un thème plus ou moins développé, plusieurs fois repris. Je note seulement quelques grands points caractéristiques :
Dès la 1 aux Thaloniciens, apparaît la triade : “ l’activité de votre foi, le labeur de votre charité, la constance de votre espérance, [6] qui sont l’œuvre de N.S. Jésus-Christ ” (1, 3 ; 5, 8). Qu’est-ce que cette charité ?
1. C’est d’abord l’amour dont Dieu nous aime, amour qui est au principe de toute l’économie du salut, c’est-à-dire de tout le grand dessein qui n’a été révélé pleinement que dans le Christ.
“ Béni soit Dieu le Père de N.S.J.C. qui nous a bénis et comblés de bienfaits spirituels, aux cieux dans le Christ. C’est ainsi qu’il nous a élus en lui, dès avant la création du monde, pour être saints et immaculés en sa présence, dans l’amour, déterminant d’avance que nous serions pour lui des fils adoptifs par J.C. Ainsi lui a-t-il plu de vouloir, afin que fût louée la splendeur de la grâce dont il nous a favorisés dans le Bien-Aimé ” (Ep 1, 3-6).
Du côté de Dieu, l’agapè est le principe d’une libéralité toute gratuite, qui se manifeste dans toute la série des bienfaits divins, jusqu’aux plus éclatants : le Christ, Fils de Dieu, livré à la mort pour nous, est, pour ainsi dire, la preuve objective de cet amour, dont par ailleurs le gage nous est intérieurement donné par le Saint-Esprit :
“ L’espérance ne déçoit point, parce que l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous fut donné. C’est en effet alors que nous étions sans force, c’est alors, au temps fixé, que le Christ est mort pour des impies : – à peine en effet voudrait-on mourir pour un homme juste ; pour un homme de bien, oui, peut-être osera-t-on mourir – mais la preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ, alors que nous étions encore pécheurs, est mort pour nous ” (Rm 5, 5-8).
Cet Esprit, présence active de l’amour de Dieu en nous, nous assimile au Christ, fils comme lui et héritiers :
“ La preuve que vous êtes des fils, c’est que Dieu a envoyé dans nos cœurs l’Esprit de son Fils qui crie : Abba ! Père ! Aussi n’es-tu plus un esclave, mais un fils ; fils et donc héritier de par Dieu ” (Ga 4, 6-7).
2. La charité, c’est donc aussi l’amour dont nous aimons Dieu précisément comme un Père. Car si l’Esprit répand dans nos cœurs l’amour dont Dieu nous aime, et réalise la présence active dans notre cœur, il y suscite notre réponse, amour filial qui nous fait invoquer le Père et nous met en communion intime avec lui, faisant qu’en définitive tout ne peut tourner qu’à notre bien :
“ La science enfle, c’est la charité qui édifie. Si quelqu’un s’imagine connaître quelque chose, il ne connaît pas encore comme il faut connaître ; mais si quelqu’un aime Dieu (agapan ton théon), celui-là est connu de Dieu ”, i. e. en termes bibliques, est aimé de Dieu, est connu de lui comme ami (I Co 8, 1b-3).
“ Et nous savons qu’avec ceux qui l’aiment (tois agapôsin ton théon), Dieu collabore en tout pour leur bien, avec ceux qu’il a élus selon son dessein éternel. Car ceux que d’avance il a discernés, il les a aussi prédestinés à reproduire l’image de son Fils, afin qu’il soit l’aîné d’une multitude de frères ” (Rm 8, 28-29).
3. Et voilà pourquoi la même charité est aussi l’amour dont nous aimons nos frères, amour qui s’apprend à l’école de Dieu :
“ Sur l’amour fraternel, vous n’avez pas besoin qu’on vous écrive (philadelphias), car vous avez personnellement appris de Dieu à vous aimer les uns les autres (eis to agapan allélous) ” (1 Th 4, 9).
Il le faut bien, car c’est encore un grand mystère que cette charité [7] fraternelle, celui même de l’édification de l’Église, c’est-à-dire du Corps du Christ, dont précisément l’agapè est le lien. Ici, il faudrait trop citer ; c’est comme vous le savez, un des apports les plus personnels de S. Paul, un des grands centres de sa pensée ; là où S. Jean mettra en avant l’exemple du Christ, et son commandement nouveau, S. Paul invoque le mystère du Christ et de l’Église. Quelques textes suffiront à évoquer ce thème particulièrement étudié aujourd’hui :
“ Mais vivant selon la vérité et dans la charité, nous grandissons de toutes manières vers Celui qui est la tête, le Christ, dont le corps entier reçoit concorde et cohésion par toutes sortes de jointures qui le nourrissent et l’actionnent selon le rôle de chaque partie, opérant ainsi sa croissance et se construisant lui-même, dans la charité ” (Ep 4, 15-16).
C’est bien une nouvelle cité, c’est la maison de Dieu, qui se construit ainsi et qui appelle des rapports tout nouveaux, un amour, une amitié, caractéristique de cette société-là :
“ Ainsi donc, vous n’êtes plus des étrangers ni des hôtes ; vous êtes concitoyens des saints, vous êtes de la maison de Dieu. Car la construction que vous êtes a pour fondation les apôtres et les prophètes et pour pierre d’angle, le Christ Jésus lui-même ” (Ep 2, 19-20).
Jusque-là, il y avait le peuple de Dieu, Israël, et les Nations ;: mais le Christ “ a tué la Haine ”, surmonté cette division, réunissant les deux peuples en un seul, c’est-à-dire appelant tous les hommes, Juifs, Grecs et barbares (Ep 2, 14-17). Aussi la grande et essentielle chose est-elle l’amour :
“ Aussi, je vous en conjure par tout ce qu’il peut y avoir d’appel pressant dans le Christ, de persuasion dans l’amour, de communion dans l’Esprit, de tendresse compatissante, mettez le comble à ma joie en restant bien unis : nourrissez le même amour, ne soyez qu’une seule âme, pensez tous de même ; n’accordez rien à l’esprit de parti, rien à la vaine gloire, mais que chacun par l’humilité estime les autres supérieurs à soi ; ne recherchez pas individuellement vos propres intérêts, mais que plutôt chacun songe à ceux des autres. Ayez entre vous les mêmes sentiments qui furent dans le Christ Jésus ” (Ph 2, 1-5). “ Et puis, par-dessus tout, la charité en laquelle se noue la perfection. Avec cela que la paix du Christ règne dans vos cœurs : tel est bien le terme de l’appel qui vous a rassemblés en un même corps ” (Col 3, 14-15).
Je ne m’arrête pas au grand texte célèbre, l’hymne à la charité (1 Co 13). Il est trop connu pour qu’en parler en général soit bien utile et une étude détaillée nous entraînerait trop loin ; vous la ferez vous-même et, en tout cas, je la laisse à vos cours d’exégèse. Vous savez qu’on a discuté sur le point de savoir s’il s’agit là d’autre chose que de la charité fraternelle. Il s’agit d’elle, bien sûr, directement ; mais si on l’entendait d’une simple attitude morale, on resterait très évidemment bien en deçà du texte de S. Paul ; ici encore, c’est bien le mystère de la charité qui est présent, explicitement proposé par un de ses côtés, mais impliquant toutes ses dimensions et sa profondeur. Cette charité qui dépasse tous les charismes, elle est le lien de la perfection, le lien de tout le Corps qui est l’Église, elle est la “ voie ” (une voie qui les dépasse toutes – 1 Co 12, 31) enseignée par le Christ et par où nous imitons Dieu.
“ Oui, cherchez à imiter Dieu, comme ses enfants bien-aimés, et suivez la voie de l’amour (peripateite in agapè), à l’exemple du Christ qui vous a aimés et s’est livré pour nous, s’offrant à Dieu en sacrifice d’agréable odeur ” (Ep 5, 1-2).
[8] Et cette idée de sacrifice a arraché à S. Paul une expression qui fera problème et dont l’influence a été grande dans la réflexion chrétienne :
“ Je souhaiterais d’être moi-même anathème, séparé du Christ pour mes frères, ceux de ma race selon la chair… ” (Rm 9, 3).
Et enfin, cette charité, dans son rôle d’union et d’assimilation au Christ et par là de la communion de tous les fidèles, a un sacrement :
“ La coupe de bénédiction que nous bénissons, n’est-elle pas communion au sang du Christ ? Le pain que nous rompons, n’est-il pas communion au corps du Christ ? Au moment qu’il n’y a qu’un pain, à nous tous nous ne formons qu’un corps, car tous nous avons part à ce pain unique ” ( 1 Co 10, 16-17).
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