Archive pour le 11 novembre, 2008
aujourd’hui Saint Martin de Tours – memoire (en Italie, en France ?)
11 novembre, 2008
du site:
http://www.liguge.com/martin.html
Martin, soldat à Amiens, partageant son manteau avec un pauvre
C’est à Ligugé que tout commence, avec l’installation de ce soldat des légions romaines.
Né, selon toute vraisemblance en 316 à Sabania de Pannonie, d’un père militaire, il a servi dans l’armée de l’âge de 17 ans à l’âge de 40 ans.Devenu chrétien dès l’âge de 20 ans, Martin avait obtenu l’autorisation de quitter l’armée en 356.
Epris de mysticisme chrétien, il usa de sa liberté pour se rapprocher de Saint-Hilaire, évêque de Poitiers, qui lui avait confié la fonction d’exorciste.
Sur les conseils de Saint Hilaire, il s’installe à Ligugé, sur la rive gauche du clain, dans une ancienne villa romaine désaffectée et en ruine, dont la superficie semble assez importante.Là, avec des « frères » épris d’ascétisme qui ne tardent pas à le rejoindre, il vit modestement dans ce « monastérium » dont on a retrouvé les vestiges, et qui est sans conteste le premier monastère de Gaule. On peut facilement imaginer Martin et ses frères, diffusant la parole divine et amenant à la chrétienté bon nombre d’habitants du Poitou. Martin avait en effet une réputation de thaumaturge, et à cet égard, Sulpice Sévère, son principal biographe, fait part de ses miracles et en particulier de la résurrection de deux morts.
Le pouvoir surnaturel de Martin se répandait dans toute la région, et en particulier en Touraine, où l’évêque Saint Lidoire venait de mourir.
Très attaché au Poitou et à son début de congrégation, peu enclin à en partir aussi rapidement, le moine Martin est conduit presque <
Il faut rappeler qu’ en cette fin du IVe siècle, les agissements de Martin dérangeaient les hauts dignitaires épiscopaux qui se considéraient comme les plus autorisés et surtout les plus aptes à promouvoir la religion du christ, désormais officielle.Les évêques des alentours critiquaient le choix des Tourangeaux pour Martin et rapporte Sulpice Sévère: <
Evêque de Tours, saint Martin prend très à coeur ses nouvelles fonctions, mais il reste très fidèle à l’idéal monastique, préférant loger dans une cellule près de son église, plutôt que dans la domus ecclesiae.Il se ménage de grandes journées de solitude, en dehors de Tours, à Marmoutier en particulier.Il accepte très vite des disciples, et ils sont environ une centaine, vivant en commun d’étude et de prière.Il entreprend de convertir les paiens, car avant son arrivée, presque personne en ces régions avaient reçu le nom du christ.Grégoire de Tours cite les six paroisses fondées par Martin:Saunay et Amboise, près du diocèse de Chartres, Langeais et Candes, près du diocèse d’ Angers, Tournon et Ciran, près du diocèse de Poitiers.
Pour établir le plus vite possible la religion chrétienne, et rompre définitivement avec le paganisme, saint Martin n’hésite pas à mettre la main à la pâte, renversant et brisant lui-même les statues des idoles, ou prêtant main forte à la destruction des lieux de culte des anciennes divinités.En cela, il fût un précurseur illégal, car ce n’est qu’en 381 que l’empereur Théodose interdit les oracles, la divination et les cérémonies paiennes dans les temples, et en 382 que l’empereur Gratien abolit les sacerdoces romains et confisque les revenus des temples paiens.
Sulpice Sévère nous indique avec beaucoup de précision en quoi consistait la méthode martinienne pour rompre avec le paganisme: << Martin, par sa prédication, apaisait si bien l'esprit de ces Gentils qu bientôt, éclairés des lumières de la vérité, ils renversaient eux-mêmes leurs temples. >>
Le biographe narre encore la destruction du célèbre « idolium » d’Amboise, énorme tour en pierres de taille polies, s’élevant très haut et se terminant en une forme de cône.Sa mise à bas posant des problèmes auprès des autorités locales, Martin décida de brusquer les choses et d’agir seul :<< Il passa toute la nuit en prières; au matin éclata un orage qui renversa jusqu'aux fondations le temple de l'idole. >>
P Leveel approuve les historiens martiniens quand ils insistent sur l’engagement total du saint qui ayant quitté la militia Caesaris pour la militia Christi << s'était forgé une spiritualité de combat, ardemment militante jusqu'aux affrontements et aux risques physiques; on ne peut s'expliquer sans cet arrière-plan la violence de ses commandos contre les sanctuaires paiens des pays de Loire ou de la future Bourgogne .>>(J.Fontaine,1962) Véritable apôtre des Gaules, Martin voyage beaucoup, quitte fréquemment son diocèse, afin de poursuivre la lutte contre la paganisme parfois difficile à éradiquer, ou pour assister à des conciles ou synodes épiscopaux.Les influences martiniennes se dirigent essentiellement dans trois directions: nord-est vers Chartres, Paris, Reins et Trèves; est et sud-est , traversant le Sénonais, le pays Eduen et la vallée du Rhône jusqu’ à Vienne; puis surtout le sud-ouest aquitain de Paulin de Périgueux et de Sulpice Sévère. C’est en partie grâce à ces derniers que la popularité de Saint Martin est devenue aussi importante: d’abord Sulpice Sévère(360-420), avocat de Bordeaux et moine à la fin de sa vie; puis Paulin de Périgueux qui complétera les écrits de Sulpice Sévère( av 478); enfin Venance Fortunat érudit italien, pèlerin de saint Martin en 565, et évêque de Poitiers en 600.
La popularité se saint Martin, doit aussi beaucoup à saint Grégoire, qui fut son successeur sur la siège de Tours, et qui dans « l’histoire ecclésiastique des Francs »(ap.575) témoigne du rayonnement exceptionnel de saint Martin et de son sanctuaire tourangeau.
Notons tout de même que Martin, malgré cette popularité largement supérieure, ai voulu avant tout rester évêque de Tours, n’ ayant fondé aucune église paroissiale hors de Tours, sans doute pour ne pas exacerber la susceptibilité de ses collègues dans l’épiscopat. A cet égard, ses rapports avec certains autres évêques furent parfois tendus, comme en témoigne « l’affaire du Priscillianisme », où Martin considérait comme inadmissible que certains évêques aient fait exécuter par le « bras séculier » de l’empereur, Priscillien et ses disciples…Comme pour réagir contre la hiérarchie défaillante de l’église, il ne se rendit plus, à la fin de sa vie dans les synodes ou les conciles, comme pour mieux affirmer sa volonté d’unification, et pour réagir contre l’orgueil et la jalousie de certains évêques.
Ses rapports avec les empereurs furent parfois difficiles, mais ceux-ci finirent toujours à admettre la supériorité de son pouvoir.Là encore, Sulpice Sévère nous raconte comment Martin en voyage chez les empereurs de Trèves, au bord de la Moselle, traitait avec ceux-ci d’égal à égal, ou pire encore les amenait à s’humilier devant la puissance divine qu’il représentait.
Dés le début de son épiscopat, Martin se rendit à Trèves pour obtenir selon l’expression de Sulpice Sevère, <
En prenant toujours comme source les récits de Sulpice Sévère, on apprend que les plus hauts dignitaires tremblaient devant Martin, persuadés que le saint évêque connaissait à l’avance leurs pensées les plus secrètes.(P Leveel).
Ce respect des plus grands envers lui, Martin ne le tient pas uniquement de ses bonnes paroles, mais de ses actes hors du commun que sont les miracles. D’où l’obstination de Sulpice Sévère pour convaincre les plus incrédules, de citer nommément des témoins encore vivants :<
La popularité de Martin va grandissante, et s’ il stupéfait les puissants, il sait aussi mettre en confiance et protéger les gens simples. En nous référant à P Leveel dans « L’ histoire de Touraine », voici comment Martin chassa de Tours un indésirable visiteur: Le comes Avitianus (comte Avitien) avait été gouverneur d’Afrique sous le règne de Julien, et avait continué de servir sous Valentinien Ier. On l’a cru frère cadet du comte Ausone, le très érudit poète bordelais; mais c’est inexact, car Avitien, frère d’ Ausone, mourut jeune; il s’agit d’une simple homonymie. Fidèle de l’usurpateur Maxime, il parcourait les Gaules, recherchant pour les éliminer les partisans de l’empereur Gratien qui venait d’être égorgé à Lyon. « Un jour, la rage au coeur, il entra dans la cité de Tours, suivi d’un cortège lamentable de gens enchaînés. Il ordonna de préparer pour leur supplice divers genres de tortures, et décida de procéder le lendemain, dans la ville traumatisée, à ces funèbres exécutions. Dès que Martin en fut informé, il se rendit seul, un peu avant minuit, au palais de cette bête féroce. Mais, dans le silence de la nuit profonde, tous dormaient, les portes étaient fermées : impossible d’entrer… » Par deux fois, Avitien fut averti par un ange que Martin était à la porte du palais – « Comme ses esclaves tardaient, il alla lui-même jusqu’à la porte extérieure. Là, comme il l’avait pensé, il trouva Martin. Alors, sous le coup de cette puissance si grande et si manifeste, le misérable s’écria : Pourquoi m’avoir fait cela, Maître ? Tu n’as pas besoin de parler, je sais ce que tu veux, je vois ce que tu demandes. Retire-toi au plus vite; à cause de l’affront qu’on t’a fait, la colère céleste pourrait me consumer. Crois bien que j’ai été durement frappé, pour m’être décidé à venir ici moi-même. Après le départ du saint, il appela ses officiers et ordonna de relâcher tous les prisonniers. Bientôt, il partit lui-même. C’est ainsi qu’Avitien fut mis en fuite, au milieu de l’allégresse de la cité, enfin délivrée. »
Une autre rencontre avec le comte Avitien établit clairement que la puissance du thaumaturge se doublait, chez Martin, de celle de l’exorciste. La peur des démons était alors universelle et constante, et le saint évêque était reconnu de tous comme leur adversaire le plus efficace. Sulpice Sévère écrit ainsi : « Je reviens à Avitien. Cet homme qui était partout cruel, n’était inoffensif qu’à Tours. Là… il s’apprivoisait et se calmait en présence du bienheureux Martin. Un jour, à peine entré dans la salle d’audience, le saint vit derrière le comte, et assis sur ses épaules, un démon d’une grandeur extraordinaire. De loin, l’évêque soufflant (exsufflans) sur le démon… Avitien crut qu’il avait soufflé sur lui – Pourquoi donc, saint homme, me traites-tu ainsi ? Alors Martin – Ce n’est pas toi que je vise, c’est l’infâme qui pèse sur tes épaules. Depuis ce jour, on l’a constaté, Avitien fut plus doux. » Rien ne dit dans les textes que le personnage se soit amendé définitivement; on ignore même s’il fut ou non chrétien; on sait seulement que son épouse avait fait bénir par le saint évêque une fiole d’huile qui demeurait remplie malgré l’usage qu’elle en faisait pour soigner les malades.(P Leveel)
Martin lui-même attribuait son pouvoir thaumaturgique à la seule grâce divine, obtenue par la prière, le jeûne et la pénitence. Mais il avouait connaître des échecs; un jour, comme il venait de faire rebrousser chemin à un serpent qui traversait la Loire, il dit avec un profond soupir de regret : « Les serpents m’écoutent, les hommes ne m’écoutent pas. » Nous savons déjà que des évêques le jalousaient; la zizanie se développait ça et là parmi les clercs de Touraine. Le plus violent à l’égard de son maître fut, sans conteste, Brictio, le futur saint Brice : « Il avait été nourri au monastère (de Marmoutier) par la charité de Martin. Maintenant, il élevait des chevaux, achetait des esclaves. En ce temps-là, bien des gens l’accusaient d’avoir acheté non seulement des garçons de race barbare, mais aussi des jolies filles… Sous l’influence des démons qui l’agitaient, il s’emporta contre Martin avec une telle violence qu’il faillit en venir aux coups… disant que Martin s’était souillé des ignominies de la vie militaire et que, maintenant tombé dans de vaines superstitions, dupe des ridicules fantasmagories de ses prétendues visions, il vieillissait au milieu d’extravagances séniles. » Le forcené se repentit, non sans récidiver dans ses colères ; mais « Martin craignait de paraître venger des injures personnelles. Il répétait souvent Si le Christ a supporté Judas, je peux bien, moi, supporter Brice. »(P Leveel)
Pour son dernier voyage, Martin se rendit à Candate (Cande, Candes) « car les clercs de cette église se querellaient, et il désirait y rétablir la paix. Il n’ignorait pas que la fin de ses jours approchait; cependant, il ne refusa pas de partir, estimant que ce serait un beau couronnement de sa vie de vertu, s’il rendait et léguait la paix à une église… Il séjourna quelque temps dans le vicus ou dans l’église qu’il était allé visiter. La paix rétablie entre les clercs, il songeait à revenir au monastère (de Marmoutier) quand les forces de son corps commencèrent tout à coup à l’abandonner. »
La mort de Martin (P Leveel.Histoire de Touraine) L’agonie et la mort de Martin nous sont connues par le récit qu’en fait Sulpice Sévère à sa mère Bassula, d’après des témoins oculaires : « Je te ferai part de tout ce que je sais de source sûre. » Rien dans ce long témoignage qui ne soit d’une dignité parfaite. On pleurait autour du mourant, quoi de plus naturel ? D’où la dernière prière de Martin : « Seigneur, si je suis encore nécessaire à ton peuple, non recuso laborein, je ne me dérobe point à la peine. Que ta volonté soit faite. » Rien, chez les biographes contemporains, ne rapporte la querelle avec les clercs de Poitiers pour prendre possession du corps de saint Martin, et le subterfuge employé par ceux de Tours qui réussirent à s’en emparer. Les subtils et délicats lettrés aquitains, Sulpice Sévère et Paulin de Périgueux, n’avaient pas connu, ou par convenance n’avaient pas voulu narrer l’événement survenu dans la nuit du 8 au 9 novembre 397. C’est par saint Grégoire de Tours qu’on en sait les détails quelque peu rocambolesques. Nombreux étaient les disciples de Martin venus des diocèses de Poitiers et de Tours à l’annonce de sa maladie, le veillant jour et nuit. Dès qu’il fut reçu, selon ses dernières paroles « dans le sein d’ Abraham », et que les assistants eurent admiré « son visage comme le visage d’un ange, ses membres blancs comme neige au point que l’on disait : – Qui croirait jamais qu’il était couvert d’un cilice et enveloppé de cendres ? », ils se divisèrent aussitôt et se surveillèrent mutuellement; ils voulaient tous emporter le corps saint, qui à Ligugé en remontant la Vienne et le Clain, qui à Tours en remontant la Loire. Mais les Poitevins étaient, semble-t-il, plus fatigués que leurs concurrents : « Ainsi, dès que les Tourangeaux les voient endormis, ils saisissent le très saint corps ; certains le font passer par la fenêtre, d’autres le reçoivent au dehors ; ils le placent dans une barque, descendant la rivière de Vienne; puis, étant entrés dans le cours de la Loire, ils se dirigent vers Tours. » Le texte porte ceci : Positoque in navi, per Vigennam fluvium descendunt, ingressique Ligeris alveum, ad urbein Turonicam… On a voulu tirer argument de cette phrase de saint Grégoire pour prouver que la Vienne se jetait alors en Loire beaucoup plus à l’ouest qu’aujourd’hui (C. Chevalier, 1858). Cela est inexact, puisque le toponyme gaulois Candate ou Condate signifie confluent. Il suffit de remarquer qu’au droit de l’église de Candes, pour éviter les bancs de sable de la pointe du Véron, une barque doit d’abord descendre le cours de la Vienne avant de remonter celui de la Loire » (P. Gourdin, 1976).
Mais voici la suite : « Ils se dirigèrent vers la ville de Tours, en chantant à pleine voix des louanges et des psaumes. Les Poitevins, réveillés par ces chants, et n’ayant plus rien du trésor qu’ils gardaient, s’en retournèrent chez eux dans une grande confusion. » On ne s’étonnera pas que l’évêque-historien ait insisté aussi lourdement au risque de froisser des voisins et amis : « Le récit de ce larcin commis par les Tourangeaux se passe de commentaire. Nous comprenons aisément la satisfaction qu’en a éprouvé Grégoire de Tours, car la possession du corps du saint a fait la fortune de sa ville épiscopale » (R. Latouche, 1963).
La cérémonie des obsèques de Martin eut lieu le 11 novembre 397 en sa ville de Tours, et nous la vivons par l’un des plus émouvants passages de Sulpice Sévère : « Pour suivre le cortège des funérailles accourut une multitude incroyable. Tout entière au devant du corps se précipita la cité. Tous les habitants des campagnes et des vici étaient là, et même beaucoup venus des villes voisines. Oh combien grand était le deuil de tous! Et surtout quelles lamentations de moines éplorés. Ce jour-là, dit-on, ils étaient venus plus de deux mille, eux la gloire spéciale de Martin… Puis venait le choeur des vierges. Par pudeur elles s’interdisaient de pleurer, mais comme sous leur sainte allégresse elles dissimulaient leur douleur… Chacun faisait en sorte de souffrir pour lui-même et de se réjouir pour Martin. Le corps du bienheureux fut accompagné solennellement jusqu’au lieu de la sépulture par cette foule qui chantait des hymnes célestes. » Certes, l’emplacement exact de la première sépulture du corps de saint Martin a suscité par la suite bien des hypothèses et controverses, qui semblent inutiles si l’on veut bien s’en tenir aux témoignages les plus anciens qui sont les meilleurs. Entre l’arrivée du corps saint à Tours dans la soirée du 9 novembre et la cérémonie solennelle des obsèques le 11 novembre, il avait été déposé en un lieu provisoire, où les clercs de la ville avaient pu le veiller et prier comme il était convenable. Selon une tradition constante du diocèse de Tours, à l’emplacement de cette statio S. Martini fut édifié par la suite un modeste oratoire, lequel fut remplacé au xiv’ siècle par une chapelle plus vaste, appelée dès lors et jusqu’à nos jours le Petit Saint Martin; l’édifice, réhabilité depuis peu, appartient désormais à la Ville de Tours. Il n’y a aucune raison de placer ailleurs cette statio toute provisoire. Quant à la sépulture proprement dite, à partir du 11 novembre 397, elle eut lieu à l’emplacement même des futures basiliques successives qui prirent aussitôt le vocable de Saint-Martin; à cet égard, Grégoire de Tours est très précis : De quo vico (Candatense) navigio sublatus Turonis est sepultus, in loco quo nunc adoratur sepulcrum ejus ; il affirme qu’après son transfert par la Loire depuis Candes, le corps saint fut enseveli à l’endroit même où est encore maintenant vénéré son tombeau. On peut s’étonner avec raison que les clercs de Tours n’aient pas choisi de l’inhumer dans la basilique cémétériale qui contenait déjà les restes mortels de saint Gatien et de saint Lidoire (Ch. Lelong, 1965). Constatons seulement que les Tourangeaux avaient toutes raisons de préférer un emplacement où pourrait être édifiée une église pour Martin seul. Des textes plus tardifs d’Alcuin(vers 800) repris par le Chronicon Turonense Magnum (vers 1127) précisent que, comme il l’avait demandé, Martin fut enseveli dans le « polyandrion), ou cimetière public : in publico polyandro sicut jusserat sepelierunt. Les cimetières à l’ouest de la ville du Haut-Empire s’étendaient de part et d’autre de la voie romaine, dont l’actuel tracé est celui des rues du Grand-Marché et de La Riche (Georges-Courteline). Si au III ie siècle encore, les chrétiens avaient pu être relégués au plus loin vers l’ouest dans un cimetière spécial où fut d’abord inhumé saint Gatien (près de la future église N.D. La Riche), au IV iè siècle le cimetière public leur était ouvert; ses contours restent encore imprécis, mais on s’accorde à le situer de part et d’autre de la voie antique, soit au nord de celle-ci où est situé le Petit Saint-Martin, soit au midi jusque et y compris l’ emplacement des successives basiliques sous le vocable de saint Martin. Ainsi la statio provisoire et la sépulture définitive du corps saint ne sont nullement incompatibles. L’une et l’autre appartenaient, selon toute vraisemblance, à l’aire d’inhumations où désormais, sous l’Empire chrétien, tous les habitants de l’ouest de Tours recevaient normalement leur sépulture.
Cette mise au point une fois faite (elle intéressera surtout les Tourangeaux de Tours), reprenons le récit de Sulpice Sévère, pour qui un tel concours de peuple aux obsèques du saint fut bien mieux qu’un triomphe : « Qu’à ce cortège on compare si l’on veut les fameuses pompes profanes, je ne dirai pas de funérailles, mais d’un triomphe, y trouvera-t-on rien de semblable aux obsèques de Martin ?… Martin, pauvre et modeste, pénètre en riche au ciel. J’ai l’espérance que de là-haut il nous protège d’un regard favorable, moi qui t’écris ces lignes et toi qui les lis. » Depuis lors et pour plusieurs siècles, l’histoire de Tours allait être dominée par le fait martinien. Cité gallo-romaine moins importante que beaucoup d’autres, la ville de saint Martin allait devenir l’une des métropoles de la Chrétienté. Quelques années après ce premier « onze novembre » célébré à Tours, la vie et la mort de Martin étaient connues dans tout le monde méditerranéen, et même des « pères du désert », les anachorètes de la Thébaïde. Au récit des miracles obtenus par saint Martin, soit durant sa vie de moine et d’évêque, soit après sa mort autour de son tombeau, des foules de pèlerins allaient se mettre en marche vers Tours. Une liturgie particulière allait être célébrée en son honneur, avec chaque année les deux points forts de la « Saint-Martin d’été » (4 juillet), qui rappelle l’entrée à Tours et le sacre de Martin dans Ecclesiae prima sur l’emplacement de l’actuelle cathédrale; et surtout de la « Saint-Martin d’automne » (11 novembre), en souvenir de la mort du saint à Candes et de la sépulture solennelle à Tours. D’autres fêtes martiniennes moins importantes furent ajoutées par la suite au « Propre de Tours », c’est-à-dire aux offices spécialement réservés à ce diocèse. Pour résumer l’état d’esprit de foi profonde avec lequel la foule des clercs et du peuple abordaient le saint tombeau de Tours, voici l’inscription gravée sur le marbre, dont saint Euphrone, évêque d’Autun, fit don peu après, en 473, à la basilique tourangelle : « Confesseur par ses mérites, martyr par ses souffrances, apôtre par ses actes, Martin règne glorieux dans le ciel, et ici dans son tombeau; qu’il se souvienne, et qu’effaçant les péchés de notre pauvre vie, il cache nos fautes sous ses mérites. »
bonne nuit
11 novembre, 2008Saint Patrick : « Nous sommes des serviteurs quelconques »
11 novembre, 2008du site:
http://www.levangileauquotidien.org/www/main.php?language=FR&localTime=11/11/2008#
Saint Patrick (vers 385-vers 461), moine missionnaire, évêque
Confession, 12-14 (trad. SC 249, p. 83 rev.)
« Nous sommes des serviteurs quelconques »
Moi qui étais d’abord un rustre fugitif et sans instruction, moi « qui ne sais pas prévoir l’avenir » (Qo 4,13 Vulg), je sais cependant une chose avec certitude : c’est qu’« avant d’être humilié » (Ps 118,67) j’étais comme une pierre gisant dans une boue profonde. Mais il est venu, « celui qui est puissant » (Lc 1,49) et dans sa miséricorde il m’a pris ; il m’a hissé vraiment bien haut et m’a placé au sommet du mur. C’est pourquoi je devrais élever la voix très fort, afin de rendre quelque chose au Seigneur pour ses bienfaits ici-bas et dans l’éternité, bienfaits si grands que l’esprit des hommes ne peut les compter.
Soyez donc dans l’admiration, « grands et petits qui craignez Dieu » (Ap 19,5) ; et vous, seigneurs et beaux parleurs, écoutez et examinez attentivement. Qui m’a suscité, moi l’insensé, du milieu de ceux qui passent pour sages, experts de la loi, « puissants en paroles » (Lc 24,19) et en toutes choses ? Qui m’a inspiré plus que d’autres, moi le rebut de ce monde, pour que « dans la crainte et le respect » (He 12,28)…je fasse loyalement du bien au peuple vers lequel l’amour du Christ m’a porté et à qui il m’a donné, pour que, si j’en suis digne, je les serve toute ma vie avec humilité et vérité ?
C’est pourquoi, « selon la mesure de ma foi » (Rm 12,6) en la Trinité, je dois reconnaître et…proclamer le don de Dieu et sa « consolation éternelle » (2Th 2,16). Je dois répandre sans crainte mais avec confiance le nom de Dieu en tout lieu, afin que, même après ma mort, je laisse un héritage à mes frères et à mes enfants, à tant de milliers d’hommes que j’ai baptisés dans le Seigneur.