Archive pour le 9 novembre, 2008

par Sandro Magister : L’art de lire les Ecritures. Un cours pour les analphabètes d’aujourd’hui

9 novembre, 2008

 du site:

http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/208629?fr=y

L’art de lire les Ecritures. Un cours pour les analphabètes d’aujourd’hui

La liturgie doit de nouveau façonner la lecture et la compréhension de la Bible. Comme au temps du monachisme médiéval, créateur de la civilisation moderne. Timothy Verdon explique pourquoi, alors que le synode des évêques est arrivé à mi-parcours

par Sandro Magister

ROMA, le 16 octobre 2008 A peu près à mi-parcours de ses travaux, le synode des évêques consacré à « La parole de Dieu dans la vie et dans la mission de lEglise » a aussi demandé une consultation à la sociologie.

Cette consultation a eu lieu non pas dans la salle du synode, mais à proximité, dans la salle de presse du Saint-Siège. Cest là que, mardi 14 octobre, le professeur Luca Diotallevi, de l’Université Roma III, a présenté les résultats dune grande enquête menée par GFK-Eurisko dans douze pays du monde: Etats-Unis, Grande-Bretagne, Pays-Bas, Allemagne, France, Espagne, Italie, Pologne, Russie, Hong-Kong, Philippines, Argentine.

Le premier résultat est que les adultes de ces pays disent, à une large majorité, quils ont fait lexpérience de Dieu, un Dieu qui « veille sur leur vie et les protège ».

De plus, une majorité aussi large déclare quelle prie. La foi en Dieu nest donc pas en régression. Au contraire, dans des pays comme la Russie et Hong-Kong, elle semble connaître une vigoureuse reprise.

Face à cette large et constante demande de sens religieux, la réponse des Eglises et des communautés chrétiennes apparaît faible. En effet, ayant pris la Bible comme instrument de mesure pour cette réponse, lenquête montre quun petit nombre des personnes interrogées en ont lu au moins un passage au cours des douze derniers mois.

En Europe surtout, le contact avec la Bible a lieu presque uniquement à l’église, au moment de l’homélie. Dans deux pays seulement, la Bible est lue par une large majorité de la population: les Etats-Unis et les Philippines.

Bien que peu lue et peu connue, la Bible bénéficie dune image très positive. A une large majorité, les personnes interviewées trouvent son contenu « réel », « intéressant », « vrai ». Mais, en même temps, « difficile », ce qui met de nouveau en cause les responsabilités des Eglises.

Voici comment le professeur Diotallevi a résumé, en termes sociologiques, la leçon tirée de l’enquête:

« Le niveau de consommation de rites religieux a une énorme marge de croissance, mais l’offre religieuse est bien loin davoir satisfait toute la demande potentielle déjà présente ».

* * *

Bien entendu, on peut aussi interpréter l’actuel analphabétisme biblique autrement que ne le fait la sociologie.

Cest ce qua fait, par exemple, Timothy Verdon dans un article magistral paru dans « L’Osservatore Romano » de dimanche 12 octobre.

Historien de lart, Verdon dirige à Florence le service diocésain de la catéchèse par lart et participe au synode des évêques en tant quexpert. Dans cet article, il explique, aux points de vue artistique, liturgique et théologique, la perte de sens que les Saintes Ecritures ont subie aux époques moderne et contemporaine.

La reconstitution réalisée par Verdon est passionnante mais, pour bien la comprendre, il faut aussi se référer à son arrière-plan.

Qui est le grand discours lu par Benoît XVI à Paris, au Collège des Bernardins, le 12 septembre dernier:

> « Chercher Dieu et se laisser trouver par Lui »

Voici donc l’article de Verdon paru dans « L’Osservatore Romano » du 12 octobre 2008:

A la recherche du symbole perdu. Lanalphabétisme biblique actuel

par Timothy Verdon

Alors que le synode des évêques médite sur la Parole de Dieu dans la vie et dans la mission de lEglise, il peut être utile de réfléchir à ce que lon pourrait appeler « lanalphabétisme biblique actuel », cest-à-dire à la perte presque totale des instincts et techniques qui ont formé au fil des siècles lapproche chrétienne des écritures saintes.

Pour mesurer la gravité de cette situation, il suffit dobserver les livres enluminés que les monastères ont produits au Moyen Age pour la liturgie. Lhomme moderne qui découvre de tels trésors dans le cadre dune exposition ou dun texte dhistoire de lart ne conçoit peut-être même pas la distance qui nous sépare aujourdhui du monde qui les a produits: entre notre expérience du livre et celle quen avait le Moyen Age, il existe en effet des différences si fondamentales que nous risquons de ne pas les percevoir. A l’ère dInternet, le concept de « livre » commence déjà à nous échapper et, à la lumière d’études bibliques et liturgiques modernes, lidée traditionnelle de « livre sacré » na plus le même poids que jadis. Concrètement, il est presque impossible aujourdhui de concevoir lautorité sacrale que pouvait avoir un texte biblique ou liturgique au Moyen Age.

Il en est de même pour les miniatures qui ornent les textes. Notre époque, saturée dimages aux couleurs brillantes dans les revues, dans les journaux, à la télévision – photos instantanées, prises en direct, images produites par ordinateur – narrive pas à saisir la surprise, la délicieuse fraîcheur de miniatures aux couleurs limpides, étincelantes dor, quentourent les colonnes serrées du texte dun manuscrit. Nous ne savons pas non plus retrouver le rapport intellectuel et affectif qui subsiste entre limage fixe et un texte ancien que lon connaissait, que lon aimait, auquel on croyait.

Pourtant, pendant plus de mille ans dhistoire de lEurope, les livres ont toujours été perçus précisément dans le contexte dune foi intensément vécue, profondément méditée, nourrie par des textes si anciens quils semblaient « éternels »: des textes qui plaçaient le lecteur à la frontière entre sa propre situation et des réalités universelles, le contexte liminal que nous pouvons simplement définir par le mot « prière ». Les livres liturgiques servaient en effet à la prière en communauté et les Bibles à la « lectio divina » qui, à son tour, était nourrie et en quelque sorte façonnée par la liturgie et la dévotion.

Par liturgie, nous entendons ici lensemble des rites ecclésiaux avec, au centre, la liturgie eucharistique ou messe. Les textes de la messe, qui changent en fonction des fêtes ou des périodes de lannée, imposent en effet une sorte de « lectio divina » communautaire, une souplesse dans linterprétation de l’événement ou du personnage célébré, que lon doit qualifier de contemplative. Tout est constamment ramené au centre mystique de la foi chrétienne – le sacrifice de soi que Jésus a accompli en mourant sur la croix – et à la vie nouvelle de sa résurrection. Même pendant la nuit de Noël, les textes de la messe obligent à lier la joie dune naissance au fait dramatique de la mort sur la croix; le petit corps dans la mangeoire, le corps de lhomme adulte crucifié, le « Corpus Christi » réellement présent dans le pain eucharistique et le « Corps Mystique » que forme la communauté réunie par la prière ne font plus quun. Voilà pourquoi, sur la fresque de la basilique dAssise représentant saint François qui dépose lEnfant dans la mangeoire de la crèche de Greccio, cette mangeoire est placée sous une grande croix et à côté de lautel.

Cette façon de voir – et de comprendre – les rapports de causalité entre des événements historiques, métahistoriques et surnaturels, est différente de la nôtre: c’était une façon de voir – et de comprendre – qui influençait la manière de lire et donc aussi dimaginer et de représenter les contenus des textes.

Prenons lexemple de lillustration reproduite ci-dessus: une superbe lettrine peinte du bréviaire du XIVe siècle qui se trouve à la bibliothèque municipale Queriniana de Brescia. Cest le « B » du premier mot du psaume 1 en latin de la Vulgate: « Beatus vir qui non abiit in consilio impiorum », heureux l’homme qui ne va pas au conseil des impies. Les pères de lEglise lisaient le début de ce psaume en pensant au Christ. Ainsi, le miniaturiste du « B » utilise les vides dans cette initiale pour évoquer toute la vie du Christ, avec des scènes de lannonciation, de la nativité, de la crucifixion et de la sépulture. En plaçant les mots « Beatus vir » dans linitiale et au bord en dessous de ces scènes, lartiste anonyme associe la « béatitude » du rapport de lhomme avec Dieu – le sujet du psaume – avec Jésus-Christ.

Lancien mode de lecture avait en outre une dimension de parabole que nous risquons de perdre, à lheure des études bibliques « scientifiques ». Lantienne du « Benedictus » pour les louanges de la solennité de lEpiphanie, par exemple, relie de manière tout à fait suggestive les trois événements bibliques qui, dans leur suite chronologique, constituent ensemble la première manifestation du Christ au monde: larrivée des mages apportant leurs présents au nouveau-né Jésus (Matthieu 2, 1-12); le baptême de Jésus à trente ans dans le Jourdain (Matthieu 3, 13-17; Marc 1, 9-11; Luc 3, 21-22); leau changée en vin aux noces de Cana (Jean 2, 1-12). Mais lauteur anonyme de lantienne inverse la chronologie et place les noces avant le baptême, en disant: « Aujourdhui, lEpoux céleste sunit à son Eglise que le Christ lave de son péché dans le Jourdain ». Ayant ainsi évoqué le mariage de Dieu et avec son peuple conformément à la promesse des prophètes, mais aussi lobligation pour « l’époux » de purifier son « épouse », en la lavant (cf. Ephésiens, 5, 25-27), lauteur introduit alors les Mages, quil fait arriver avec leurs présents comme des invités à la fête nuptiale dont les convives se réjouiront de leau transformée en vin premier miracle du Christ, à Cana: « Hodie caelesti Sponso juncta est Ecclesia, quoniam in Iordane lavit eius crimina: currunt cum munere Magi ad regales nuptias, et ex acqua facto vino laetantur conviviae, alleluia! ». Ce qui signifie: « Aujourdhui, lEglise sest unie à lEpoux céleste, qui la lavée de ses péchés dans le Jourdain. Les Mages accourent avec leurs présents aux noces royales dont les convives se réjouissent de la transformation de leau en vin. Alléluia! ».

Le premier et le dernier mot de lantienne « hodie » et « alléluia » font comprendre ce mode de lecture. Ici, les textes du Nouveau Testament ont été interprétés à la lumière de la liturgie. Une liturgie où le sens du temps change, si bien que des événements passés et qui se suivent même entre eux sont vécus de manière extatique dans lunique « aujourdhui » de Dieu. Cela a pour effet de transformer des superpositions historiques impossibles en mystères simultanés et entremêlés. Chaque événement éclaire tous les autres, dans lunique projet du Père révélé par la vie-mort-résurrection du Christ: voilà la « forma mentis » sous-jacente à dinnombrables images chrétiennes, depuis les catacombes jusquau XXIe siècle.

L’initiale enluminée et l’antienne de l’Epiphanie sont toutes deux le fruit de l’imagination monastique et cette origine est dune importance fondamentale. Le monachisme est en soi une œuvre d’art: il rend visible et tangible une intensité particulière de la vie chrétienne, parce que le moine veut être, comme le Christ, icône ou image de la beauté de Dieu. Le monastère est le lieu où, avec laide de confrères qui ont la même vision intérieure, l’œuvre peut être tranquillement menée à bien, dans une sorte de laboratoire de l’âme.

La plus répandue des formulations occidentales de la vie monastique, la « Regula monachorum » de saint Benoît de Nursie, se réfère explicitement à cette analogie quand elle compare le monastère à un atelier dartisan et présente la vie des moines toute entière comme un processus de création (Regula 4, 75-78). Cette affirmation fait aussi écho à une tradition plus ancienne selon laquelle la vie de tout croyant est embellie « par l’or des bonnes actions et les mosaïques de la foi persévérante ». Les moines diffèrent des autres chrétiens, au moins dans la pensée de saint Benoît, par la profondeur de leur engagement: ils investissent toutes leurs énergies humaines dans leur projet spirituel et leurs « outils » sont les préceptes moraux de la vie chrétienne, « instrumenta artis spiritalis » (Regula 4, 75).

Même si ces phrases sont clairement métaphoriques, rien d’étonnant à ce que la métaphore se soit transformée en une réalité et que les monastères soient devenus des centres de développement des arts, ce que prévoyait dailleurs saint Benoît (cf. le chapitre 57 de la règle, sur « Les artisans au monastère »). Un climat de créativité dans un domaine dactivité suscite une même créativité dans dautres secteurs. De plus la vie monastique favorise la production d’art sacré parce que, excluant les distractions profanes, elle permet à l’artiste de simmerger dans les Ecritures et les actions sacramentelles qui donnent couleur et forme à sa foi, en lui garantissant de plus un « public » dévot et préparé.

Dans lhistoire du christianisme, les fruits culturels du monachisme ne se limitent pas aux moines. En effet le silence et la vie retirée des monastères nont pas éloigné la masse des fidèles, ils l’ont attirée. Lhistoire monastique confirme lattrait que les moines ont toujours suscité dans de larges groupes sociaux. Bien avant quAlcuin nenseignât ou quAnselme n’écrivît, les habitants dAlexandrie d’Egypte allaient écouter saint Antoine lErmite dans le désert et les Romains envoyaient leurs fils chez saint Benoît. Même quand l’âge d’or de la culture monastique a commencé à décliner, à partir des XIIIe et XIVe siècles, l’idéal dune solitude pleine de prière est resté comme un exemple pour les ordres religieux actifs de la fin du Moyen Age et pour les laïcs à qui ils prêchaient.

On peut dire sans exagération que les conquêtes formelles des moines – leur art et leur architecture, leurs pratiques en matière de liturgie et de dévotion, leurs structures dorganisation et leurs méthodes éducatives, agricoles et commerciales – ont imprégné la conscience culturelle de l’Europe. Plus encore, la vie monastique elle-même, considérée comme choix social créatif et libre, sest profondément gravée dans l’imaginaire des chrétiens, au point que certaines des aspirations les plus fondamentales de notre civilisation ne sont compréhensibles qu’à la lumière de l« entreprise » monastique.

Dans tout cela, il est important de noter le double rôle de l’imagination. La vie monastique demande un effort d’imagination à ceux qui la choisissent en devenant moines; elle en demande aussi un à ceux qui ne deviennent pas moines, cest-à-dire à la société chrétienne en général. Celui ou celle qui renonce aux biens légitimes de la vie et se retire pour chercher Dieu dans le silence et la prière a besoin dune forte capacité d« imagination » sociale et morale pour continuer à croire à « ces choses que l’œil na point vues, que loreille na point entendues, mais que Dieu a préparées pour ceux qui laiment » (1 Corinthiens 2, 9): ce passage est dailleurs cité dans la règle de saint Benoît (4, 77). Cest surtout dans les rapports parfois problématiques avec les confrères que limagination, en plus de la foi, permet au moine de sentir que « chaque fois que vous avez fait cela à lun de ces plus petits de mes frères, cest à moi que vous lavez fait » (Matthieu, 25, 40; cf. Regula 36, 3).

Par un effort identique d’imagination, ceux qui nentrent pas au monastère ont choisi, à travers les siècles, de voir dans les moines des « sages » et des « prophètes » plutôt que de dangereux dissidents en marge de la société. Les chrétiens – de ceux qui, par milliers, sont allés écouter la parole dAntoine labbé dans le désert égyptien à ceux qui, par centaines de milliers, lisent aujourdhui Thomas Merton ou Enzo Bianchi – ont toujours cru que la solitude des moines nimplique pas le mépris pour autrui et que leur silence peut faire jaillir une sagesse au service de lhomme.

Cette confiance, émouvante dans sa simplicité, fait entrevoir la plus importante fonction du monachisme dans limaginaire des chrétiens, celle de « symbole » qui sanctifie ce qui sen approche. Ceux qui viennent en visite dans un monastère ont, comme les moines eux-mêmes, limpression que, dans le recueillement contemplatif du cloître, les lieux et les objets prennent quelque chose des intentions et du dévouement des habitants de ces lieux. Les objets, même humbles, sont soudain perçus comme des signes qui révèlent la solidarité entre l’homme et le sacré, les barreaux dune échelle qui va de la terre au ciel. Cest dans cet esprit que saint Benoît dit que même les outils ordinaires du monastère doivent être traités comme si c’étaient des vases sacrés pour la liturgie (Regula 31, 10).

Cest une façon de voir sacramentelle, dans laquelle la surface des choses devient transparente pour révéler une perspective infinie et donne de lefficacité aux images. Une représentation de la Dernière Cène dans le réfectoire dun couvent, comme celle que Léonard de Vinci a peinte à Santa Maria delle Grazie, à Milan, nest pas seulement décorative, cest aussi un objet fonctionnel qui communique et nourrit la foi dont elle est née. Les choix opérationnels dans la genèse formelle de l’œuvre, qui relèvent normalement du domaine de lhistoire de l’art, sont ici associés à dautres choix qui ne sont pas esthétiques, mais existentiels.

bonne nuit (J’ai un rhume allergique, j’espère dormir ce nuit)

9 novembre, 2008

bonne nuit (J'ai un rhume allergique, j'espère dormir ce nuit) dans image bon nuit, jour, dimanche etc. crested-crane-nichols-642758-ga

Crested Crane, Zaire, 1995Photograph by Michael Nichols

Backlit by the setting sun, a crested crane forages in the African savanna. Also called grey-crowned cranes, these ostentatiously adorned birds are known for their equally flamboyant courtship dances, which involve, among other flourishes, head-bobbing, jumping, wing-flapping, and stick-tossing.

(Photo shot on assignment for, but not published in, « Return to Rwanda, » October 1995, National Geographic magazine)

http://photography.nationalgeographic.com/photography/photo-of-the-day/crested-crane-nichols.html

Cardinal John Henry Newman: « Détruisez ce Temple, et en trois jours je le relèverai »

9 novembre, 2008

du site: 

http://www.levangileauquotidien.org/www/main.php?language=FR&localTime=11/09/2008#

Cardinal John Henry Newman (1801-1890), prêtre, fondateur de communauté religieuse, théologien
PPS, vol. 4, n° 12 : « The Church a Home for the Lonely » (trad. Brémond rev.)

« Détruisez ce Temple, et en trois jours je le relèverai »

Le Temple juif, visible et matériel, était confiné à un seul endroit. Le monde entier ne pouvait pas y demeurer, même pas toute une nation, mais seulement quelques-uns de la multitude. Mais le temple chrétien est invisible et spirituel, et peut donc être partout… Jésus dit à la Samaritaine : « Le temps viendra où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité » (Jn 4,23). « En esprit et en vérité » car, à moins d’être invisible, sa présence ne peut pas être réelle. Ce qui est visible n’est pas le réel ; ce qui est matériel se désagrégera ; ce qui dans un endroit n’est qu’un fragment.

Le temple de Dieu, en régime chrétien, est partout où se trouvent des chrétiens au nom du Christ ; il est aussi complètement présent en chaque endroit que s’il n’était nulle part ailleurs. Et nous pouvons y entrer et nous joindre aux saints qui l’habitent, à la famille céleste de Dieu, aussi réellement que l’adorateur juif entrait dans les parvis visibles du Temple. Nous ne voyons rien de notre temple spirituel, mais c’est la condition requise pour qu’il soit partout. Il ne serait pas partout si nous le voyions quelque part ; nous ne voyons rien, mais nous jouissons de tout.

Ainsi nous le présentent déjà les prophètes de l’Ancien Testament. Isaïe écrit : « Il arrivera dans l’avenir que la montagne du Temple du Seigneur sera placée sur la tête des montagnes et dominera les collines. Toutes les nations afflueront vers elles » (2,2). Le temple chrétien a été dévoilé à Jacob…lorsqu’il a vu en songe « une échelle dressée sur la terre et dont le sommet touchait le ciel ; des anges de Dieu y montaient et descendaient » (Gn 28,12), et aussi au serviteur d’Élisée : « Le Seigneur ouvrit les yeux du serviteur, et voici que la montagne était remplie de chevaux et de chars de feu » (2R 6,17). C’étaient là des anticipations de ce qui allait s’établir lorsque Christ est venu et « a ouvert le Royaume de Dieu à tous les croyants ». Ce qui fait dire à Saint Paul : « Vous vous êtes approchés de la montagne de Sion, de la cité du Dieu vivant, la Jérusalem céleste, de milliers d’anges en fête, de l’assemblé des premiers-nés dont les noms sont inscrits dans les cieux » (He 12,22).