Père Cantalamessa sur la charité (28 janvier 2007)

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 « Si je n’ai pas la charité… » : Méditation du père Cantalamessa 

Homélie sur la deuxième lecture du dimanche 28 janvier

 

 

ROME, Vendredi 26 janvier 2007 (ZENIT.org) Nous publions ci-dessous le commentaire de la deuxième lecture de ce dimanche proposé par le père Raniero Cantalamessa OFM Cap, prédicateur de la Maison pontificale.

Première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens 12,31.13,1-13

Parmi les dons de Dieu, vous cherchez à obtenir ce qu’il y a de meilleur. Eh bien, je vais vous indiquer une voie supérieure à toutes les autres.
Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas la charité, je ne suis plus qu’airain qui sonne ou cymbale qui retentit.
Quand j’aurais le don de prophétie et que je connaîtrais tous les mystères et toute la science, quand j’aurais la plénitude de la foi, une foi à transporter des montagnes, si je n’ai pas la charité, je ne suis rien.
Quand je distribuerais tous mes biens en aumônes, quand je livrerais mon corps aux flammes, si je n’ai pas la charité, cela ne me sert de rien.
La charité est longanime ; la charité est serviable ; elle n’est pas envieuse ; la charité ne fanfaronne pas, ne se gonfle pas ;
elle ne fait rien d’inconvenant, ne cherche pas son intérêt, ne s’irrite pas, ne tient pas compte du mal ;
elle ne se réjouit pas de l’injustice, mais elle met sa joie dans la vérité.
Elle excuse tout, croit tout, espère tout, supporte tout.
La charité ne passe jamais. Les prophéties ? elles disparaîtront. Les langues ? elles se tairont. La science ? elle disparaîtra.
Car partielle est notre science, partielle aussi notre prophétie.
Mais quand viendra ce qui est parfait, ce qui est partiel disparaîtra.
Lorsque j’étais enfant, je parlais en enfant, je pensais en enfant, je raisonnais en enfant ; une fois devenu homme, j’ai fait disparaître ce qui était de l’enfant.
Car nous voyons, à présent, dans un miroir, en énigme, mais alors ce sera face à face. A présent, je connais d’une manière partielle ; mais alors je connaîtrai comme je suis connu.
Maintenant donc demeurent foi, espérance, charité, ces trois choses, mais la plus grande d’entre elles, c’est la charité.

© AELF

« Si je n’ai pas la charité »

Nous consacrons notre r
éflexion à la deuxième lecture qui contient un message très important. Il sagit du célèbre hymne de saint Paul à la charité. « Charité » est le terme religieux signifiant « amour ». Il sagit donc dun hymne à lamour, peut-être le plus célèbre et le plus sublime ayant jamais été écrit.

Lorsque le christianisme apparut sur la scène du monde, divers auteurs avaient déjà chanté lamour. Le plus célèbre était Platon qui avait écrit un traité entier sur ce thème. Le nom commun de lamour était alors eros (doù viennent nos termes « érotique » et « érotisme »). Le christianisme sentit que cet amour passionnel de recherche et de désir ne suffisait pas pour exprimer la nouveauté du concept biblique. Il évita donc complètement le terme eros et le remplaça par celui de agape, qui devrait se traduire par « amour spirituel » ou par « charité », si ce terme navait pas désormais acquis un sens trop restreint (faire la charité, œuvre de charité).

La principale différence entre les deux amours est la suivante : lamour de désir, ou érotique, est exclusif ; il se consume entre deux personnes ; lingérence dune troisième personne signifierait sa fin, la trahison. Parfois larrivée même dun enfant parvient à mettre en crise ce type damour. Lamour de don, ou agape embrasse en revanche toute personne, il nen exclut aucune, pas même lennemi. La formule classique du premier amour est celle que nous entendons sur les lèvres de Violetta dans la Traviata de Verdi : « Aime-moi Alfredo, aime-moi autant que je taime ». La formule classique de la charité est celle de Jésus qui dit : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ». Il sagit dun amour fait pour circuler, pour se diffuser.

Il existe une autre différence : lamour érotique, dans sa forme la plus typique qui est l’état amoureux, ne dure pas, de par sa nature, ou ne dure quen changeant dobjet, cest-à-dire en tombant successivement amoureux de différentes personnes. Saint Paul dit en revanche que la charité « demeure », que cest même la seule chose qui demeure éternellement, et qui demeurera même lorsque la foi et lespérance auront disparu.

Entre ces deux amours celui de recherche et de don il nexiste toutefois pas de séparation nette et dopposition, mais plutôt un développement, une croissance. Le premier, leros est pour nous le point de départ, le deuxième, la charité est le point darrivée. Entre les deux existe tout un espace pour une éducation à lamour et pour grandir dans lamour. Prenons le cas le plus commun qui est lamour du couple. Dans lamour entre deux époux, au début dominera leros, lattrait, le désir réciproque, la conquête de lautre, et donc un certain égoïsme. Si, chemin faisant, cet amour ne sefforce pas de senrichir dune dimension nouvelle, faite de gratuité, de tendresse réciproque, de capacité à soublier pour lautre et se projeter dans les enfants, nous savons tous comment il se terminera.

Le message de Paul est dune grande actualité. Lensemble du monde du spectacle et de la publicité semble s’être aujourdhui engagé à enseigner aux jeunes que lamour se réduit à leros et leros au sexe ; que la vie est une idylle permanente, dans un monde où tout est beau, jeune, sain, où la vieillesse et la maladie nexistent pas, et où tous peuvent dépenser autant quils le désirent. Mais ceci est un mensonge colossal qui génère des attentes disproportionnées qui, déçues, provoquent des frustrations, des rébellions contre la famille et la société et ouvrent souvent la voie au crime. La parole de Dieu nous aide à faire en sorte que le sens critique ne s’éteigne pas complètement chez les personnes, face à ce qui leur est servi quotidiennement.

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