Frédéric Manns, ofm: Comment lire la Bible ? Lecture critique de la Bible

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SBF La parole de Dieu : Comment lire la Bible ? Lecture critique de la Bible

Frédéric Manns, ofm

Mis en ligne le lundi 1er septembre 2008 à 14h47
Par
Eugenio

La littérature mondiale abonde de chefs d’oeuvre supérieurs à certains livres de la Bible, voire plus édifiants au plan moral. De plus, il arrive que des archéologues contestent telle ou telle donnée historique relue dans la Bible à partir des documents extra-bibliques, d’Assyrie ou d’Ebla en particulier. Pourquoi perdre son temps à lire des récits dépassés ? Ces contestations font venir à l’esprit le récit biblique de Naaman le syrien.

Quand le prophète Elisée dit à Naaman, qui était venu le voir pour être guéri de la lèpre, de se laver sept fois dans le Jourdain, celui-ci répondit, indigné : « Est-ce que les fleuves de Damas, l’Abana et le Parpar, ne valent pas mieux que toutes les eaux d’Israël ? Ne pourrais-je pas m’y baigner pour être purifié ? » (2 R 5, 12). Naaman avait raison : les fleuves de Syrie étaient meilleurs et plus riches en eau que le Jourdain ; et pourtant, il fut guéri en se baignant dans ce fleuve et sa peau devint comme celle d’un jeune homme, ce qui ne se serait jamais produit s’il s’était baigné dans les grands fleuves de la Syrie.

De même aucun des livres classiques de la littérature mondiale ne produit les mêmes effets que le plus modeste des livres inspirés. Dans la parole des Ecritures, il y a quelque chose qui agit au-delà de toute explication humaine ; la disproportion évidente entre le signe et la réalité qu’il produit, fait penser à l’action des sacrements.

Les « eaux d’Israël », qui symbolisent les Ecritures inspirées par Dieu, continuent aujourd’hui de guérir de la lèpre du péché. Au cours de l’eucharistie, après la proclamation de l’Evangile le célébrant récite cette prière : « Que cet Evangile efface nos péchés ». Les Ecritures elles-mêmes attestent du pouvoir de guérison de la parole de Dieu. L’auteur du livre de la Sagesse, relisant le livre de l’Exode, affirme : « Et de fait, ce n’est ni herbe ni émollient qui leur rendit la santé, mais ta parole, Seigneur qui guérit tout ! » (Sg 16, 12).

Il n’en reste pas moins qu’il y a deux manières d’aborder la Bible – la lecture scientifique et celle de la foi. Elles ne s’excluent pas, au contraire, elles se complètent. Il est nécessaire d’étudier la Bible de façon critique pour éviter le fondamentalisme qui consiste à prendre un verset de la Bible, tel qu’il est, et l’appliquer aux situations concrètes, sans tenir compte des différences de culture, de temps, et en oubliant les genres littéraires de la Bible. On n’insistera jamais assez sur l’importance d’une étude scientifique de la Bible. Cependant, la Bible n’est pas un livre de science, mais elle relate l’histoire du salut. Dieu a adapté son langage pour que les hommes puissent le comprendre ; il n’a pas écrit pour les hommes de l’ère scientifique. La première page de la Bible est un hymne au Dieu créateur et n’a aucune prétention critique. Par contre, réduire la Bible à un objet d’érudition, en restant indifférent à son message, c’est s’exposer à un grand danger, car « la lettre tue et l’esprit donne la vie ». L’image du fiancé qui lit une lettre d’amour de sa fiancée est souvent reprise. Si le fiancé se contente d’examiner la lettre en scrutant la grammaire et la syntaxe, et s’arrête là, sans y reconnaître le message d’amour qu’elle contient à travers la pauvreté des mots, il passe à côté de l’essentiel. Lire la Bible sans la foi, c’est oublier l’intention de l’auteur. Lire l’Ecriture à la lumière de la foi signifie faire référence au Christ et à son Eglise, en relevant, dans chaque page, ce qui se rapporte à lui. Certains fondamentalistes veulent absolument que la Bible dise le vrai. La Bible dit vrai quand elle enseigne le vrai visage de Dieu et le sens de la destinée humaine. Mais elle le fait avec son langage, même avec divers langages. De même que Jésus est venu prendre chair en un pays déterminé, adoptant sa langue, ses coutumes, les écrivains sacrés se sont tous insérés dans un temps, une culture. Ils en partagent les vues et les limites. L’Esprit Saint a accepté de passer par leur médiation. Il y a une manière d’écrire qui est poétique, une autre qui relève de la sagesse populaire ou royale, une autre encore de la célébration épique et solennelle de la libération ou de l’identité d’un peuple. La Bible dit le vrai, mais que dit-elle de vrai ? et surtout comment le dit-elle ? Pour répondre à ces questions, il est nécessaire de situer le texte de l’Ancien Testament dans son contexte historique et sa culture.

Le chrétien lit toute la Bible en partant du mystère pascal. Jésus lui-même y invitait les disciples d’Emmaüs : « Commençant par Moïse et parcourant tous les Prophètes, il leur interpréta dans toutes les Écritures ce qui le concernait » (Lc 24,27). C’est ainsi que, revenant avec le Christ et sous sa conduite, vers les textes de l’Ancien Testament, il y découvre le monde comme création, l’homme et la femme comme créatures aimées de Dieu, la vocation du peuple de Dieu à être ferment de communion et de justice au cśur du monde. Il y découvre également l’annonce du Messie et la préparation de sa venue : toutes les Ecritures sont orientés vers cette venue. Saint Augustin disait : « Le lièvre et l’âne boivent à la fontaine. L’âne boit davantage, mais chacun boit selon ses capacités ». Que nous soyons des lièvres ou des ânes, nous avons tous besoin de boire l’eau. Ayant étanché notre soif, il nous faudra revenir chaque jour nous approcher à la source d’eau vive.

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