Claire d’Assise: une nouvelle façon de gouverner

d’un site franciscan très interessant, autre texte:

http://www.ofm-canada.org/fra/franciscains/figures/claire2.htm

Claire d’Assise: une nouvelle façon de gouverner

Lorsqu’en 1212, Claire âgée de 18 ans, quitte famille et château, pour suivre un jeune d’Assise qui fait beaucoup parler de lui, elle n’a, certes, aucune intention de fonder quoi que ce soit! Simplement, elle veut répondre à un appel, que l’aventure de François et son message festif semblent concrétiser au mieux. Comme lui, elle ne peut s’empêcher d’aimer l’Amour. « Je veux, dit-elle, suivre la vie et la pauvreté de notre Très-Haut Seigneur Jésus-Christ et de sa très sainte mère. » (Règle 6)

Cette façon de vivre l’Évangile est si convaincante que, très vite, des jeunes femmes viennent frapper à la porte de Saint-Damien. Quelques billets de François, son exemple et celui de Claire suffiront, au début, pour maintenir la cohésion du petit groupe, dans l’enthousiasme des commencements. Mais les sœurs se multiplient rapidement, une structure – si souple soit-elle – s’avère indispensable pour le développement harmonieux du vivre-ensemble et pour que les engagements pris ne restent pas des mots en l’air.

Aussi Claire va-t-elle déployer ses dons humains et son esprit de foi, pour organiser d’une manière radicalement neuve la vie commune. Les grandes abbayes féodales, en effet, reproduisent à l’intérieur du cloître la vie seigneuriale des châteaux, avec ses hiérarchies, ses usages… Claire préfère l’Évangile.

Une nouvelle forme de vie

Première femme dans l’Église à écrire une Règle religieuse, elle nous donne là comme un condensé de la vie fraternelle à Saint-Damien, car elle l’a écrit après quarante ans de vie avec ses sœurs. Et c’est une forme de vie où n’existe plus de dominante/dominées, ni même de préséances. Une forme de vie qui fait éclater droits et devoirs.

Sa référence n’est plus le monde féodal, mais la personne du Seigneur Jésus, à genoux devant ses disciples et leur lavant les pieds. Tout se construit pour elle, à partir de son regard posé sur ce modèle. Si elle est Abbesse, ce n’est pas comme une grande Dame au pouvoir absolu, mais comme une servante, au sens strict du terme. L’autorité n’est plus un privilège mais un service.L’Abbesse doit donc se soumettre à toutes les exigences de la vie commune tant « au chœur, qu’au dortoir, au réfectoire, à l’infirmerie et pour les vêtements » (Règle 4,10). De même au Chapitre, elle doit avouer humblement, comme les autres sœurs « ses fautes et négligences publiques contre la vie commune » (Règle 4,10). Cette vision paradoxale de l’autorité est proprement révolutionnaire. Pour Claire, elle est fidélité à l’Évangile : le Verbe de Dieu est venu sur terre comme un homme ordinaire, dans l’expérience commune. Serviteur, servante, ce n’est pas un titre, c’est

une relation.L’amour fraternel : l’âme de la communauté

Elle remplace la domination du pouvoir par un amour et un respect qu’elle laisse déborder sur chacune, qui est pour elle un cadeau de Dieu. L’un des traits les plus constants de la Règle, c’est la compassion de Claire pour ses sœurs. Elle tient compte des personnes, des forces de chacune. Très réaliste, elle veut qu’on adapte les exigences au climat et aux tempéraments.

Le problème de Claire n’est pas de bien organiser la vie collective pour qu’elle fonctionne avec ordre, c’est de faire de la charité fraternelle l’âme de la vie commune. Claire est un être profondément relationnel. Elle met donc l’accent, de façon nouvelle, sur les relations humaines transfigurées par la foi. Pour Claire, l’obéissance n’est jamais aliénation, mais obéissance filiale, aimante, théologale, de femmes libres et responsables, pour qui la soumission n’est pas un refuge ni une démission, mais un engagement à faire advenir une Communauté vraiment fraternelle. « Les Sœurs obéissent alors plus par amour que par crainte … c’est pour Dieu qu’elles ont renoncé à leur volonté propre. » (Règle 10,2)

Une approche moderne

Faire vœu d’obéissance, c’est faire vœu de relation. Fille de son époque, celle des Communes libres où, en principe, tous sont égaux, Claire va s’en inspirer pour instaurer dans son monastère une structure démocratique qui annonce notre monde moderne. Égalité entre les sœurs : on n’est reçu à Saint-Damien que si on vient les mains vides, sans biens, sans dot. Et qu’elles soient nobles ou non, riches ou pauvres, cultivées ou non, toutes ont voix au Chapitre. Toutes les décisions, les plus courantes comme les plus importantes, sont prises « du commun consentement de toutes » (Règle 4).

D’où co-responsabilité active de chaque sœur, même la plus jeune, où la dernière arrivée est responsable de l’aventure communautaire. Enfin partage du pouvoir : l’Abbesse est aidée d’une Vicaire et d’un Conseil dont elle est tenue de suivre les avis. Voilà qui est une façon radicalement nouvelle de gouverner.

Soeur Marie-Dominique est clarisse du monastère de Jongny (Suisse). Nous avons profité de son passage parmi nous, au Canada, pour lui demander cet article.

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