1 R 3, 5…12 – Ps 118 – Rm 8, 28-30 – Mt 13, 44-52
du site:
http://www.esprit-et-vie.com/article.php3?id_article=1215
P. Jacques Bombardier, c.o.
1 R 3, 5…12 – Ps 118 – Rm 8, 28-30 – Mt 13, 44-52
Esprit et Vie n°130 – juin 2005 – 2e quinzaine, p. 33-34.
La première lecture nous conduit à Gabaon dans les premières montagnes de Samarie. Le texte nous fait entrer dans la familiarité du jeune roi Salomon. Il vient de succéder à son père David et cette mission royale l’effraie : le peuple est nombreux, les décisions à prendre sont de grande portée… le jeune homme tremble et s’inquiète.
Dieu vient à son secours, en songe, c’est-à-dire quand les facultés de l’homme sont en paix, disponibles à l’action divine. La visite de Dieu « en songe » est fréquente dans la Bible, saint Joseph, le père adoptif de Jésus, sera conduit par Dieu de cette manière… comme l’avait été plusieurs fois, Joseph, le fils de Jacob, au début de l’histoire sainte.
Salomon demande un cœur attentif pour recevoir la sagesse de Dieu qui saura le guider dans le gouvernement du peuple et dans le discernement des actions à entreprendre dans la fidélité à Dieu.
La recherche de la sagesse est commune à toute l’Antiquité et Salomon qui deviendra, aux yeux de la Bible, le maître de sagesse, se situe bien dans ce courant humain. Il s’agit pour l’homme de se conduire avec prudence et habileté pour réussir dans la vie. Cela implique une réflexion sur le monde, l’élaboration d’une morale et l’éducation de l’homme pour réaliser cette conduite sage.
À notre époque, riche de toutes sorte de techniques et d’informations chaque jour plus abondantes, bien des hommes cherchent une telle sagesse et ne savent pas tellement où la demander.
L’Évangile lu aujourd’hui, nous rappelle que cette recherche de sagesse doit être sérieuse. Elle est tellement fondamentale qu’elle doit être préférée à beaucoup de choses. Elle est comparable à un trésor qui nécessite qu’on vende tout pour l’acquérir ou à une perle fine qu’on cherche avec enthousiasme et qu’on trouve dans la joie. Ce qui plaît à Dieu dans la prière de Salomon, c’est qu’il préfère la sagesse à tout bien. Et Dieu l’en félicite. Beaucoup de gens sont en recherche mais sans y mettre le prix. Pas étonnant qu’ils ne trouvent rien, sinon du toc. Est-ce que je mets le prix qui convient pour être « sage » ?
Mais le songe de Gabaon nous apprend davantage au sujet de cette recherche de la sagesse, de « l’art de vivre » selon Dieu ? Il s’agit d’un dialogue entre Dieu et l’homme, d’une demande sollicitée de l’homme par Dieu, en un mot, d’une prière, pour obtenir la sagesse. En effet, face à la sagesse grecque, conquête de la raison et de la recherche de l’homme, l’homme juif sait que fondamentalement, la sagesse est un don de Dieu. « J’ai prié et l’intelligence m’a été donnée ; j’ai supplié et l’esprit de sagesse est venu en moi », dit le livre de la Sagesse.
Certes, l’homme doit chercher et préférer la sagesse (« je l’ai choisie de préférence »), ce qui est un acte radical de l’homme ; mais l’action première dans la recherche de la sagesse est de la demander à Dieu et de la chercher dans la familiarité avec sa Parole. Dans les décisions à prendre, dans les conduites à tenir, dans l’éducation des enfants, dans la gestion de mon travail, est-ce que je prie pour recevoir intelligence et sagesse ou est-ce que je me fie seulement à ma simple raison ? Est-ce que je considère la Parole de Dieu comme un immense trésor de sagesse pour conduire ma vie ?
Dans l’Évangile, justement, Jésus invite à chercher « le Royaume » avec ardeur et ténacité comme un trésor, comme une perle fine. Quel est donc ce trésor caché dans le champ ou cette perle fine que nous devons rechercher comme un négociant avisé ? Quelle est cette sagesse cachée que Dieu nous donne ?
Dieu, en effet, a donné la sagesse et envoyé d’en haut son Esprit Saint. Il a donné la sagesse, c’est-à-dire, il a donné le Christ « puissance de Dieu et sagesse de Dieu » (1 Co 1, 24). Tout le labeur apostolique de saint Paul sera de « rendre tout homme parfait dans le Christ, le Christ parmi vous, espérance de la gloire » (Col 1, 27-28).
Ce Christ dans l’évangile réclame la première place ! Les hommes doivent renoncer à tous leurs biens pour le seul trésor qu’est la rencontre et la possession du Seigneur. « Celui qui ne renonce pas à tous ses biens ne peut pas être mon disciple. »
C’est le Christ que Salomon priait quand il demandait à Dieu : « Donne-moi, Seigneur, la sagesse […] pour qu’elle me guide prudemment dans mes actions et qu’ainsi je sache ce qui te plaît. » (1 R 9, 4.11.) Mais avec le Christ, la sagesse devenue chair et ayant accompli le sacrifice de la croix, les hommes sauvés – » justifiés », dit saint Paul – peuvent contempler dans le Christ l’image parfaite de ce qu’ils doivent et peuvent être. Pour vivre selon la sagesse de Dieu, il faut maintenant imiter le Christ et ainsi, comme l’écrit saint Paul dans l’épître de ce jour, réaliser le dessein de Dieu qui est « de nous destiner à la ressemblance avec ce Fils qu’il a fait aîné d’une multitude de frères ».
Dieu le Père n’a pas seulement donné le Christ ; il a donné l’Esprit qui fait connaître de l’intérieur le Seigneur, qui conforme les hommes au Christ et les incorpore en lui, qui répand en leurs cœurs tout l’amour de Dieu. Ainsi les hommes « apprennent ce qui plaît à Dieu et, par la sagesse, ils ont été sauvés » (livre de la Sagesse).
Tout cela ne se fait pas sans l’homme et sans sa participation la plus pleine, la plus radicale et la plus consciente possible. C’est sans doute le sens des propos de Jésus dans l’évangile de ce dimanche : quand on s’engage à la suite du Christ, il faut aller jusqu’au bout ! C’est sans doute le sens de la dernière parabole du texte d’aujourd’hui : en évoquant le jugement final par la parabole du filet et du tri entre le bon poisson et le mauvais, Jésus nous avertit de l’importance de nos choix et de notre participation active à l’œuvre divine de notre salut.
En effet, la sagesse n’est pas seulement pour cette terre, comme le pensait Salomon à Gabaon, mais pour la vie éternelle !
Toute la sagesse antique, tant grecque que juive, était souvent bornée à l’horizon de cette terre, même si la recherche religieuse et philosophique tendait à élargir l’horizon sans réellement l’appréhender. Désormais dans le Christ, Sagesse de Dieu, tout est finalisé non plus par la réussite humaine en cette vie mais par l’obtention de la vie éternelle. Autrement dit, la valeur d’une vie se juge au-delà de la mort dans l’obtention ou non de l’héritage de la vie éternelle.
Mes grandes décisions sont-elles prises en fonction de la vie éternelle ? Saint Ignace de Loyola proposait à son retraitant de se demander avant de décider : « Quand je serai devant Jésus, au jugement, face à face avec lui, et qu’il faudra m’expliquer sans fard sur ma vie, qu’est-ce que je voudrai avoir pris comme décision ? »
En admirant la sagesse du cœur du jeune Salomon et en cherchant à imiter son attitude intérieure qui a plu à Dieu, en nous tournant vers le Christ, Sagesse de Dieu et notre justification, nous sommes fidèles à l’avis de Jésus qui concluait : « Tout scribe devenu disciple du Royaume des cieux est comparable à un maître de maison qui tire de son trésor du neuf et de l’ancien. » Saint équilibre ! Le neuf d’abord : la richesse du Christ surpasse tout, de l’ancien ensuite, tout ce que l’Ancien Testament nous donne de vérité, de sainte attitude devant Dieu, de sérieux dans l’accomplissement de nos tâches d’hommes devant Dieu. Que cette sagesse pleine d’équilibre nous évite « les pleurs et les grincements de dents » des infidèles à Dieu.
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.