Archive pour le 5 juin, 2008

Saint Boniface

5 juin, 2008

Saint Boniface dans images sacrée

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5 juin – Saint Boniface – Evêque et martyr

5 juin, 2008

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5 juin – Saint Boniface – Evêque et martyr

Biographie

Winfrid, qui prendra plus tard le nom de Boniface, naquit vers 680, dans le royaume anglo-saxon de Wessex, récemment conquis au christianisme, où sa famille brillait par sa foi et par son rang. À l’âge de quatre ou cinq ans, il suppliait son père de lui laisser embrasser la vie monastique ; à sept ans quand il entra comme oblat à l’abbaye d’Exeter[1] où il commença ses études qu’il poursuit à l’abbaye de Nursling (diocèse de Winchester). Le souvenir de ses anciens maîtres, restera comme un parfum qui embaumera toute sa vie, singulièrement Aldheln qui, à Nursling, lui apprit les disciplines littéraires. Devenu professeur, il composa une grammaire latine. Outre la science profane, il fut initié aux sciences sacrées, surtout à l’Écriture sainte dont il ne fit pas l’objet d’une vaine érudition mais de la prédication qu’il exerça sans aucun détriment pour sa vie monastique car il était assidu aux offices comme au travail manuel. Cependant, Winfrid ne songeait qu’à porter aux païens déshérités la lumière de la foi.

En 716, avec trois compagnons, il quitta Nursling pour la Frise, située en face de l’estuaire de la Tamise, qui était la terre la plus réfractaire à l’Évangile. À peine effleurée par saint Amand et saint Éloi, la Frise était devenue le partage de saint Willibrord qui, après la mort de Pépin d’Héristal (714), se sentant peu en sécurité s’était retiré à l’abbaye d’Echternach. Winfrid ne put davantage s’y établir et regagna bientôt Nursling d’où il faillit ne plus revenir, car il fut élu pour succéder au vieil abbé Winbrecht, mort peu après son retour. Ses instances et celles de l’évêque de Winchester ayant fait élire un autre candidat, Winfrid, de nouveau libre, partit pour Rome à l’automne 718.

Au printemps de 719, Grégoire II[2] lui remit une lettre d’investiture pour prêcher la foi aux idolâtres de Germanie. Il lui recommandait de suivre dans l’administration des sacrements les règles de la liturgie romaine et, dans les cas difficiles, d’en référer au Saint-Siège. Le pape changea aussi le nom de Winfrid en celui de Boniface.

La situation de la Germanie étant confuse, le pape n’avait désigné au zèle de Boniface aucune province bien déterminée. Après avoir visité la Bavière et la Thuringe, Boniface jeta son dévolu sur la Frise que les Francs venaient de reconquérir et où saint Willibrord était retourné. Celui-ci, déjà âgé, voulut bientôt faire de Boniface son coadjuteur et successeur, mais il résolut, après trois ans de labeurs et d’expériences fécondes, d’aller porter la foi à des contrées plus déshéritées, à l’intérieur de l’Allemagne. En route il s’adjoint Grégoire, un adolescent, neveu de l’abbesse de Pfalzel, près de Trèves.

Il s’établi en Hesse qui relevait des Francs et qui, malgré les missionnaires irlandais, demeurait foncièrement païen. Fort des conseils et des prières de ses amis d’Angleterre, Boniface en entreprit l’évangélisation méthodique et pour cela établit à Amoenburg sa première fondation monastique. Il voulut sans tarder porter à la connaissance du pape ses premiers résultats et ses difficultés. Grégoire II l’invita à le venir voir à Rome.

Le pape, après lui avoir fait écrire une profession de foi, lui conféra la consacration épiscopale (30 novembre 722) sans lui attribuer un diocèse particulier mais en le rattachant directement au Saint-Siège, et lui remit, avec un recueil des conciles, des lettres de recommandation, notamment pour Charles Martel qui lui fit bon accueil et lui délivra un sauf-conduit. La protection du prince, la mission de Rome et le caractère épiscopal conféraient à Boniface un nouveau prestige aux yeux des Germains qui lui permit de faire un coup d’éclat en abattant le chêne sacré de Thor, sur la montagne de Gudenberg (Geismar, près de Fritzlar) que les populations de la Hesse vénéraient à l’égal d’un dieu. À peine entamé, l’arbre s’abattit, comme renversé par un vent impétueux ; les païens y virent une sorte de jugement de Dieu et, devant l’impuissance des idoles à se défendre, passèrent en grand nombre à la foi chrétienne. Le bois du chêne servit pour édifier une chapelle en l’honneur de saint Pierre.

Au bout d’un an, Boniface, jugeant que l’évangélisation de la Hesse était suffisamment avancée, passa en Thuringe (724) où il resta jusqu’en 731. En Thuringe, effleurée par la prédication chrétienne, la vie religieuse, aux mains d’un clergé ignorant ou relâché, était extrêmement languissante. Boniface fonda le monastère de Saint-Michel d’Ohrdruff, près de Gotha, qu’il peupla de missionnaires anglo-saxons qui se distinguaient par leur attachement au Saint-Siège et aux coutumes romaines.

Boniface recherche tout d’abord l’appui des rois et des grands, sans jamais s’inféoder à eux. Puis, pour appuyer son apostolat et en maintenir les résultats, il fait appel aux monastères tels ceux qu’il établit en Hesse (Amoenburg et Fritzlar) ou en Thuringe (Ohrdruff, pour les hommes, Kitzigen, pour les femmes, Ochsenfurt et Bischoffsheim, sur la Tauber) qui étaient des foyers de civilisation, enseignant l’agriculture et les arts en même temps que la foi.

Ayant reçu du successeur de Grégoire II (mort le 11 février 731), Grégoire III, le titre d’archevêque et le pallium (732), Boniface passa en Bavière, vaste territoire évangélisé depuis plusieurs générations, notamment par saint Rupert et saint Corbinien, mais qui n’avait pas encore reçu d’organisation hiérarchique. Saint Boniface y resta de 732 à 741, exception faite d’un séjour qu’il fit à Rome (738-739) d’où il revint consolé, encouragé, éclairé et chargé de reliques pour les jeunes églises qu’il avait fondées. Ce pèlerinage lui valut de recruter son compatriote Wunnibald, pèlerin devenu moine dans la Ville éternelle, et son frère Willibad qui avait, après un pèlerinage à Jérusalem vint les rejoindre en Germanie.

De retour en Bavière, Boniface établit les évêchés de Salzbourg, Freysing, Ratisbonne et Passau, puis regagna la Hesse où il établit l’évêché de Buraburg (remplacé sous Charlemagne par Paderborn), et la Thuringe où il établit les évêchés d’Erfurt (remplacé sous Charlemagne par Halberstadt) et de Würzburg. Pour joindre ces terres neuves aux anciennes cités de Bavière, aux confins de la Franconie et de la Bavière, saint Boniface créa le siège épiscopal d’Eichstadt pour Willibad dont le frère Wunnibad et la sœur Walburge fondèrent un monastère double à Heidenheim, alors que leur compatriote Sola bâtissait Solnhofen.

Ainsi, en une vingtaine d’années, Boniface avait édifié sur les territoires soumis aux Francs une vaste et solide chrétienté. Chacun de ses diocèses possédait un ou plusieurs monastères, mais, depuis longtemps déjà, voulait en établir un au centre de l’Allemagne, qui lui fût à la fois un lieu de repos et un quartier général. Il chargea un jeune moine, Sturmi, de lui découvrir, dans les forêts de Hesse et de Thuringe, un emplacement assez large, assez riche et abrité tout à la fois, pour recevoir une nombreuse population de moines et de missionnaires. Le roi Carloman fit la cession de ce terrain, et les défrichements commencèrent sans tarder. Le 12 janvier 744, Sturmi en prit possession avec sept autres moines. Chaque année Boniface viendra s’y reposer et se recueillir auprès d’eux dans la solitude, prenant plaisir à initier ses frères plus jeunes aux traditions monastiques. La fondation qui comptera quatre cents moines à sa mort, allait être la base solide pour l’évangélisation de l’Allemagne. « Les quatre peuples auxquels, par la grâce de Dieu, j’ai porté la parole évangélique, sont à portée, écrivait-il au pape ; je puis encore leur être utile tant que je vivrai. »

Après la mort de Charles Martel (741), ses deux fils, Pépin et Carloman, s’étaient partagés son royaume, et Boniface relevait du dernier qui avait obtenu l’Austrasie. Tant Boniface que Carloman (qui devait finir ses jours au Mont-Cassin sous l’habit monastique) gémissaient de voir des soldats et des séculiers détenir les bénéfices et les honneurs dans l’Église que Charles Martel avait cédés en récompense à ses fidèles. Carloman résolut de mettre fin à ces abus et de placer à la tête des églises des hommes qui en fussent dignes. La chose était d’autant plus nécessaire que d’autres abus venaient se greffer sur celui-là et l’aggraver. Le relâchement de la discipline permettait à beaucoup d’aventuriers de tromper un peuple naïf et crédule. Parmi eux, beaucoup de moines celtes, pour qui les pèlerinages et les missions lointaines avaient toujours eu le plus grand attrait. Malheureusement leurs usages nationaux, auxquels ils tenaient farouchement, notamment leur façon de calculer la date de Pâques, et surtout leur indépendance à l’égard de la hiérarchie ecclésiastique, en faisaient des éléments de perturbation. De plus, dans leurs rangs se glissaient inévitablement des hommes d’une vertu moins que certaine.

Avec l’assentiment du pape Zacharie, Boniface convoqua des conciles pour rappeler et préciser les prescriptions de la discipline ecclésiastique. Bientôt d’ailleurs, piqué d’émulation, Pépin voulut aussi qu’on en convoquât un pour ses états à Soissons (743), et en 744 on put réunir un concile général des évêques francs. On ne saurait énumérer ici toutes les mesures prises. Notons que son grand souci fut de resserrer les liens des prêtres avec leurs évêques et de ceux-ci avec leurs métropolitains. Les prélats indignes furent destitués et remplacés par de saints évêques, parmi lesquels il faut nommer saint Chrodegang, évêque de Metz, qui travailla si efficacement à la réforme du clergé et à l’institution des chanoines réguliers. Les biens ecclésiastiques accaparés par les nobles furent aussi rendus en partie. Enfin, en 747, l’œuvre était virtuellement achevée et un concile général la sanctionna. Tous les évêques présents signèrent une profession de foi qui fut portée à Rome sur la confession de Saint-Pierre, avant d’être remise au pape, pour marquer l’union de l’église franque et sa soumission au vicaire de Jésus-Christ.

Comme Boniface n’avait point encore de siège fixe, il choisit Cologne d’où il pourrait commander à la fois la Germanie, la Gaule et même la Frise, dont il rêvait de reprendre la conquête. Carloman et Pépin donnèrent leur assentiment, le pape le félicita ; or il demeurait dans le clergé franc, et sans doute à Cologne, bien des éléments irréductibles. Toujours est il qu’il ne prit pas possession de Cologne et accepta plus tard le siège de Mayence (747). Carloman ayant abdiqué pour se retirer au Cassin (747), Pépin reçut la couronne du pape Zacharie et Boniface le consacra à Soissons (751).

Septuagénaire, Boniface se retourne vers la Frise, son premier champ d’apostolat. À cet effet il fait choix d’un coadjuteur pour Mayence, son disciple et compatriote Lull, et retourna en Frise. Il avait préparé le plus minutieusement possible son expédition. Néanmoins l’âge, et peut-être un secret avertissement du ciel, le prévenaient de sa fin prochaine. Il fit donc ses adieux à ses amis les plus chers et leur demanda de rapporter, après sa mort, son corps à Fulda où il voulait reposer. Au printemps de 753, il s’embarqua sur le Rhin et aborda à Utrecht où il passa l’hiver.

Aux beaux jours il reprit ses courses apostoliques ; mais le fanatisme des païens s’était réveillé et une armée d’infidèles le massacra avec sa petite troupe, le 5 juin 754, tandis qu’il attendait à Dokkum, tout au nord du pays, des néophytes qu’il devait confirmer. Le saint conjura ses compagnons de renoncer à la lutte, mais sa douceur ne désarma pas les assaillants. Tandis qu’il se protégeait la tête d’un livre, un coup d’épée trancha le manuscrit et lui fendit le crâne. Avec lui périrent cinquante-deux compagnons. Les chrétiens de Frise ne tardèrent pas à recueillir les ossements des martyrs. Ceux de saint Boniface furent portés d’abord à Mayence, puis, selon sa volonté, à Fulda, où ils sont l’objet de la vénération de toute l’Allemagne catholique.

[1] L’abbaye bénédictine Saint-Pierre d’Exeter, très probablement fondée en 678. A l’époque où y étudia saint Boniface, l’abbé était Wulfard. Ethelred, roi des Saxons occidentaux, restaura ce monastère vers 858.

[2] Saint Grégoire II qui règna du 19 mai 715 au 11 février 731, fut le plus éminent pontife du VIII° siècle. Né en 669 à Rome dans une famille riche, il fut élevé au Latran. Intellectuellement doué, diplomate et résolu, il fut sous-diacre sous Sergius II qui lui confia la garde de la bourse ; il fut ensuite bibliothécaire, puis, diacre, il remplit plusieurs missions diplomatiques à Constantinople. A la mort du pape Constantin (708-715), il fut le premier romain à être élu après sept papes d’origine grecque ou syrienne. La pape Grégoire fit preuve de capacités diplomatiques dans la situation confuse où l’Italie sombrait à mesure que le pouvoir byzantin déclinait. En 716 il persuada le roi lombard Liutprand (7l2-744) de restituer les propriétés pontificales qu’il conservait encore dans le massif du Viso ; il obtint plus tard le retour à l’Empire des forteresses des Cumes et de Sutri. Entre 717 et 726, tout loyal sujet de l’Empire qu’il fût, il prit la tête de la résistance aux exigences fiscales de l’empereur Leon III l’Isaurien (7l7-741). Aussi les autorités voulèrent-elles le faire déposer ou assassiner, mais sa popularité les arrêta. Il s’efforça de contenir les visées expansionnistes des Lombards, mais en 729 Rome fut menacée par Liutprand, qui avait conclu avec l’exarque Eutychius une alliance aussi inattendue qu’éphémère. Grégoire fit une irruption spectaculaire dans le camp lombard ; le catholique Liutprand en fut si impressionné qu’il leva le siège et déposa ses insignes royaux sur le tombeau de saint Pierre en signe de soumission. Eutychius s’installa à Rome ; le Pape fit un accord avec lui et l’aida à écraser la rébellion de Tibère Petase.

Pape Grégoire le Grand, Audience générale du mercredi 4 juin

5 juin, 2008

du site: 

http://www.zenit.org/article-18137?l=french

Audience générale du mercredi 4 juin

Texte intégral

ROME, Mercredi 4 juin 2008 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral de la catéchèse que le pape Benoît XVI a donnée au cours de l’audience générale, ce mercredi, place Saint-Pierre.

Chers frères et sœurs,Je reviendrai aujourd’hui,

à l’occasion de notre rencontre du mercredi, sur la figure extraordinaire du Pape Grégoire le Grand, pour tirer quelques lumières supplémentaires de la richesse de son enseignement. Malgré les multiples engagements liés à sa fonction d’évêque de Rome, il nous a laissé de nombreuses œuvres, dans lesquelles l’Eglise a puisé à pleines mains au cours des siècles suivants. Outre ses nombreuses lettres – le Registre que j’ai mentionné dans la dernière catéchèse contient plus de 800 lettres – il nous a surtout laissé des écrits de caractère exégétique, parmi lesquels se distinguent le « Commentaire moral à Job » – célèbre sous son titre latin de Moralia in Iob -, les « Homélies sur Ezéchiel » et les « Homélies sur les Evangiles ». Il y a aussi une importante œuvre de caractère hagiographique, les « Dialogues », écrite par Grégoire pour l’édification de la reine lombarde Théodelinde. L’œuvre principale et la plus célèbre est sans aucun doute la « Règle pastorale », que la Pape rédigea au début de son pontificat dans le but précis de présenter un programme.

En passant rapidement ces œuvres en revue, nous devons tout d’abord noter que, dans ses écrits, Grégoire ne se montre jamais préoccupé de tracer une doctrine qui soit « la sienne », qui soit originale. Il entend plutôt se faire l’écho de l’enseignement traditionnel de l’Eglise, il veut simplement être la bouche du Christ et de son Eglise, sur le chemin qu’il faut parcourir pour arriver à Dieu. Ses commentaires exégétiques sont exemplaires à ce propos. Il fut un lecteur passionné de la Bible qu’il aborda avec des intentions qui n’étaient pas simplement spéculatives : il pensait que le chrétien ne devait pas tellement tirer des connaissances théoriques de l’Ecriture Sainte, mais plutôt la nourriture quotidienne pour son âme, sa vie d’homme dans ce monde. Dans ses « Homélies sur Ezéchiel », par exemple, il insiste fortement sur cette fonction du texte sacré : aborder l’Ecriture uniquement pour satisfaire son propre désir de connaissance signifie céder à la tentation de l’orgueil et s’exposer ainsi au risque de glisser dans l’hérésie. L’humilité intellectuelle est la première règle pour celui qui cherche à pénétrer les réalités surnaturelles en partant du livre sacré. L’humilité n’exclut pas du tout, bien sûr, l’étude sérieuse ; mais si l’on veut que celle-ci soit bénéfique sur le plan spirituel, en permettant d’entrer réellement dans la profondeur du texte, l’humilité demeure indispensable. Ce n’est qu’avec cette attitude intérieure que l’on écoute réellement et que l’on perçoit enfin la voix de Dieu. D’autre part, lorsqu’il s’agit de la Parole de Dieu, comprendre n’est rien, si la compréhension ne conduit pas à l’action. Dans ces « Homélies sur Ezéchiel » on trouve également cette belle expression selon laquelle « le prédicateur doit tremper sa plume dans le sang de son cœur ; il pourra ainsi arriver également jusqu’à l’oreille de son prochain ». En lisant ses homélies on voit que Grégoire a réellement écrit avec le sang de son cœur et c’est pourquoi il nous parle encore aujourd’hui.Gr

égoire développe également ce discours dans le « Commentaire moral à Job ». En suivant la tradition patristique, il examine le texte sacré dans les trois dimensions de son sens : la dimension littérale, la dimension allégorique et la dimension morale, qui sont des dimensions du sens unique de l’Ecriture Sainte. Grégoire attribue toutefois une nette priorité au sens moral. Dans cette perspective, il propose sa pensée à travers plusieurs binômes significatifs – savoir-faire, parler-vivre, connaître-agir – dans lesquels il évoque deux aspects de la vie humaine qui devraient être complémentaires, mais qui finissent souvent par être antithétiques. L’idéal moral, commente-t-il, consiste toujours à réaliser une intégration harmonieuse entre la parole et l’action, la pensée et l’engagement, la prière et le dévouement aux devoirs de son propre état : telle est la route pour réaliser cette synthèse grâce à laquelle le divin descend dans l’homme et l’homme s’élève jusqu’à l’identification avec Dieu. Le grand Pape trace ainsi pour le croyant authentique un projet complet de vie ; c’est pourquoi le « Commentaire moral à Job » constituera au cours du Moyen-âge une sorte de Summa de la morale chrétienne.

Les « Homélies sur les Evangiles » sont également d’une grande importance et d’une grande beauté. La première d’entre elles fut tenue dans la basilique Saint-Pierre au cours du temps de l’Avent de 590 et donc quelques mois après son élection au pontificat ; la dernière fut prononcée dans la basilique Saint-Laurent, lors du deuxième dimanche de Pentecôte de 593. Le Pape prêchait au peuple dans les églises où l’on célébrait les « stations » – des cérémonies de prière particulières pendant les temps forts de l’année liturgique – ou les fêtes des martyrs titulaires. Le principe inspirateur, qui lie les diverses interventions, peut être synthétisé par le terme praedicator : non seulement le ministre de Dieu, mais également chaque chrétien, a la tâche de devenir le « prédicateur » de ce dont il a fait l’expérience en lui-même, à l’exemple du Christ qui s’est fait homme pour apporter à tous l’annonce du salut. L’horizon de cet engagement est l’horizon eschatologique : l’attente de l’accomplissement en Christ de toutes les choses est une pensée constante du grand Pontife et finit par devenir un motif inspirateur de chacune de ses pensées et de ses activités. C’est de là que naissent ses rappels incessants à la vigilance et à l’engagement dans les bonnes œuvres.Le texte peut-

être le plus organique de Grégoire le Grand est la Règle pastorale, écrite au cours des premières années de pontificat. Dans celle-ci, Grégoire se propose de tracer la figure de l’évêque idéal, maître et guide de son troupeau. Dans ce but, il illustre la gravité de la charge de pasteur de l’Eglise et les devoirs qu’elle comporte : c’est pourquoi, ceux qui n’ont pas été appelés à cette tâche ne doivent pas la rechercher avec superficialité, et ceux qui en revanche l’ont assumée sans la réflexion nécessaire doivent sentir naître dans leur âme une juste inquiétude. Reprenant un thème privilégié, il affirme que l’évêque est tout d’abord le « prédicateur » par excellence ; comme tel il doit être, en premier lieu, un exemple pour les autres, de manière à ce que son comportement puisse constituer un point de référence pour tous. Une action pastorale efficace demande ensuite qu’il connaisse ses destinataires et qu’il adapte ses interventions à la situation de chacun : Grégoire s’arrête pour illustrer les différentes catégories de fidèles avec des annotations judicieuses et précises, qui peuvent justifier l’évaluation de ceux qui ont également vu dans cette œuvre un traité de psychologie. On comprend à partir de cela qu’il connaissait réellement son troupeau et parlait de tout avec les personnes de son temps et de sa ville.

Ce grand Pape insiste cependant sur le devoir que le pasteur a de reconnaître chaque jour sa propre misère, de manière à ce que l’orgueil ne rende pas vain, devant les yeux du Juge suprême, le bien accompli. C’est pourquoi le chapitre final de la Règle est consacré à l’humilité : « lorsqu’on se complaît d’avoir atteint de nombreuses vertus, il est bon de réfléchir sur ses propres manquements et de s’humilier : au lieu de considérer le bien accompli, il faut considérer celui qu’on a négligé d’accomplir ». Toutes ces précieuses indications démontrent le très haut concept que saint Grégoire a du soin des âmes, qu’il définit ars artium, l’art des arts. La Règle connut un grand succès, au point que, chose plutôt rare, elle fut rapidement traduite en grec et en anglo-saxon.Son autre

œuvre, les « Dialogues », est également significative. Dans celle-ci, s’adressant à son ami et diacre Pierre, qui était convaincu que les mœurs étaient désormais tellement corrompues que la naissance de saints n’était plus possible comme par les époques passées, Grégoire démontre le contraire : la sainteté est toujours possible, même dans les temps difficiles. Il le prouve en racontant la vie de personnes contemporaines ou disparues depuis peu, que l’on pouvait tout à fait qualifier de saintes, même si elles n’avaient pas été canonisées. Le récit est accompagné par des réflexions théologiques et mystiques qui font du livre un texte hagiographique particulier, capable de fasciner des générations entières de lecteurs. La matière est tirée des traditions vivantes du peuple et a pour but d’édifier et de former, en attirant l’attention de celui qui lit sur une série de questions telles que le sens du miracle, l’interprétation de l’Ecriture, l’immortalité de l’âme, l’existence de l’enfer, la représentation de l’au-delà, des thèmes qui avaient besoin d’éclaircissements opportuns. Le livre II est entièrement consacré à la figure de Benoît de Nursie et est l’unique témoignage antique sur la vie du saint moine, dont la beauté spirituelle paraît dans ce texte avec une grande évidence.

Dans le dessein théologique que Grégoire développe dans ses œuvres, passé, présent et avenir sont relativisés. Ce qui compte le plus pour lui est le cours tout entier de l’histoire salvifique, qui continue à se dérouler dans les obscures méandres du temps. Dans cette perspective, il est significatif qu’il insère l’annonce de la conversion des Angles au beau milieu du « Commentaire moral à Job » : à ses yeux, l’événement constituait une avancée du royaume de Dieu dont parle l’Ecriture ; il pouvait donc à juste titre être mentionné dans le commentaire d’un livre sacré. Selon lui, les guides des communautés chrétiennes doivent sans cesse s’engager à relire les événements à la lumière de la parole de Dieu : c’est dans ce sens que le grand Pape ressent le devoir d’orienter les pasteurs et les fidèles sur l’itinéraire spirituel d’une lectio divina éclairée et concrète, inscrite dans le contexte de sa propre vie.

Avant de conclure, il est juste de dire un mot sur les relations que le Pape Grégoire entretint avec les patriarches d’Antioche, d’Alexandrie et de Constantinople elle-même. Il se soucia toujours d’en reconnaître et d’en respecter les droits, en se gardant de toute interférence qui en limitât l’autonomie légitime. Si toutefois saint Grégoire, dans le contexte de sa situation historique, s’opposa au titre d’« œcuménique » que voulait le Patriarche de Constantinople, il ne le fit pas pour limiter ou nier cette autorité légitime, mais parce qu’il était préoccupé par l’unité fraternelle de l’Eglise universelle. Il le fit surtout en raison de sa profonde conviction que l’humilité devrait être la vertu fondamentale de tout évêque, et plus encore d’un Patriarche. Grégoire était resté un simple moine dans son cœur, et c’est pourquoi il était absolument contraire aux grands titres. Il voulait être – telle est son expression – servus servorum Dei. Ce terme forgé par lui n’était pas dans sa bouche une formule pieuse, mais la manifestation véritable de son mode de vivre et d’agir. Il était intimement frappé par l’humilité de Dieu, qui en Christ s’est fait notre serviteur, qui a lavé et lave nos pieds sales. Par conséquent, il était convaincu que notamment un évêque devrait imiter cette humilité de Dieu et suivre ainsi le Christ. Son désir fut véritablement de vivre en moine, dans un entretien permanent avec la Parole de Dieu, mais par amour de Dieu il sut se faire le serviteur de tous à une époque pleine de troubles et de souffrances, se faire « serviteur des serviteurs ». C’est précisément parce qu’il le fut qu’il est grand et qu’il nous montre également la mesure de la vraie grandeur.

bonne nuit

5 juin, 2008

bonne nuit dans Pape Benoit cydonia_oblonga_329
Cydonia oblonga

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Amour des hommes, amour de Dieu

5 juin, 2008

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Youssef Bousnaya (vers 869-979), moine syrien
Vie et doctrine de Rabban Youssef Bousnaya par Jean Bar Kaldoum (trad. Chabot in Deseille, Evangile au désert, Cerf 1999, p. 326)

Amour des hommes, amour de Dieu

Mon fils, applique-toi de toute ton âme à acquérir l’amour des hommes, dans lequel et par lequel tu t’élèveras à l’amour de Dieu qui est la fin de toutes les fins. Vains sont tous tes labeurs qui ne sont pas accomplis dans la charité. Toutes les bonnes oeuvres et tous les labeurs conduisent l’homme jusqu’à la porte du palais royal ; mais c’est l’amour qui nous y fait demeurer et nous fait reposer sur le sein du Christ (Jn 13,25).

Mon fils, que ton amour ne soit pas partagé, divisé, intéressé, mais répandu partout en vue de Dieu, désintéressé. Le Christ te donnera la connaissance pour comprendre le mystère de cette parole. Aime tous les hommes comme toi-même ; bien mieux, aime ton frère plus que toi-même ; ne recherche pas seulement ce qui te convient, toi, mais ce qui est utile à ton frère. Méprise-toi toi-même pour l’amour de ton prochain, afin que le Christ soit miséricordieux et fasse de toi un cohéritier de son amour. Prends bien garde de mépriser cela. Car Dieu nous a aimés le premier, et il a livré son Fils à la mort pour nous. « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a livré pour lui son Fils unique », dit l’apôtre Jean, témoin de la vérité (Jn 3,16). Celui qui marche dans ce sentier de l’amour, grâce à son labeur, arrivera promptement à la demeure qui est le but de ses efforts. Ne pense donc pas, mon fils, que l’homme puisse acquérir l’amour de Dieu, qui nous est donné par sa grâce, avant d’aimer ses frères en humanité.