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Jésus Visage de la miséricorde du Père. Au fil de l’évangile selon St Luc. » par Benoît Nouvel
17-05-2007 JESUS VISAGE DE LA MISERICORDE DU PERE
Au fil des pages de l’évangile selon St Luc
Conférence donnée le lundi 4 mai 2007 à Ste Thérèse de Pau
par Benoît Nouvel
« Des épaules voûtées par l’inquiétude, mais courbées aussi en un geste de tendresse. Un visage grave, des mains qui se posent avec douceur sur un fils perdu et retrouvé ». Paul Baudiquey, en contemplant le tableau de Rembrandt sur le retour du Prodigue, dit que « C’est le premier portrait « grandeur nature » pour lequel Dieu lui-même ait jamais pris la pose (…) C’est en contemplant ce tableau que j’entends le mieux la parabole, que j’entre plus avant dans les chemins de la miséricorde. ».
Entrer dans les chemins de la miséricorde, nous donner à voir le Visage du Père qui se révèle dans celui du Fils, telle est la Bonne Nouvelle offerte par Saint-Luc. Au fil des pages de son évangile, vous qui l’avez parcouru tout au long de cette année, certaines scènes restent gravées dans nos mémoires : ce fils perdu et retrouvé, bien sûr ; ce bon samaritain, ému de compassion pour l’homme tombé aux mains des brigands, le Christ touché par les larmes d’une veuve ou attablé avec les pauvres et les pécheurs.
A l’arrière-plan de ces scènes de lumière, on peut distinguer d’autres personnages aux regards soupçonneux, fermés à la misère de leurs frères. De l’annonce joyeuse de la miséricorde attendue par Israël au pardon donné par le Christ en croix, l’évangile de Luc déploie un chemin de pâque. La miséricorde de Dieu se manifeste dans une histoire faite d’ombres et de lumières, notre histoire de pécheurs. Jusqu’à ses dernières paroles, remplies de confiance et de bonté, sur la croix. Le sommet de la révélation de l’amour miséricordieux.
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Avec vous, au fil des pages de l’Evangile de Luc, je voudrais parcourir ce chemin de Miséricorde, contempler ce Visage de tendresse. J’ai retenu sept passages :
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le Christ enfant, éclat de la miséricorde du Père, chanté par Zacharie et Marie
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Jésus touché par la veuve de Naïn et qui rend la vie à son fils
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Jésus invité chez Simon, accueillant la pécheresse pardonnée et aimante (c’était votre troisième texte pour une réunion de groupe)
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puis Jésus qui raconte à un légiste la Parabole du Bon Samaritain
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aux pharisiens et aux scribes, la ou les trois Paraboles de la Miséricorde (le récit du Fils perdu et retrouvé était votre cinquième texte pour une réunion de groupe)
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la rencontre entre Jésus et Zachée
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les trois dernières paroles de Jésus sur la croix
1. « Il a fait éclater sa Miséricorde » : Benedictus et Magnificat (1,46-55 ; 67-79) Le Seigneur a « fait éclater sa miséricorde » (1,58). Voilà la bonne nouvelle qui se propage dès les premières pages de l’Evangile, et fait naître la joie. Le mot « miséricorde » revient avec insistance, et le plus souvent, ce sont les témoins de l’incarnation qui la chantent.
C’est l’accomplissement d’une longue histoire, « l’alliance sainte » dont parle Zacharie, où Dieu n’a cessé de manifester sa miséricorde. Le fameux « hésed », mot hébreu qui parcourt toute la Bible.
Psaume 118,1 : « Rendez grâce au seigneur car il est bon, car éternel est son amour ! »
Psaume 136,1 : « Eternel est son amour ! » « Sa fidélité est pour toujours ! ».
L’autre mot hébreu, « rahamîm », suggère le sentiment d’amour bienveillant qui provient des entrailles mêmes de Dieu : un Dieu qui porte l’humanité en ses entrailles comme une mère, ou comme le père de la parabole accueille le fils prodigue en son sein. Un amour infini, viscéral, déployé tout au long de l’histoire biblique et qui s’incarne, à la plénitude des temps, dans les entrailles de deux femmes : Elizabeth la stérile ; et surtout Marie, qui va concevoir et enfanter « le Seigneur sauve ». Des entrailles de miséricorde de notre Dieu advient pour le monde une nouveauté absolue : un enfant nous est né, un sauveur nous est donné. Il sera le visage de la miséricorde infinie du Père. Du Dieu qui n’est qu’Amour, ce Dieu dont Thérèse de l’enfant Jésus disait : «Je ne puis craindre un Dieu qui s’est fait pour moi si petit… je l’aime!… car Il n’est qu’amour et miséricorde!» ; ce « Dieu fondu en charité » comme aimait à le dire Saint-Michel Garicoïts que nous fêterons demain.
Ecoutons des extraits de ces deux chants, que la liturgie nous propose matin et soir, celui d’un homme Zacharie, le père de Jean-Baptiste, celui d’une femme, Marie, mère de Jésus. Nous le ferons en faisant résonner différentes traductions.
Le Bénédictus, Lc 1, 68-79:
Zacharie chante l’action de Dieu dans l’histoire ; évoquant la visite de Jésus Sauveur, lumière d’en haut, et Jean-Baptiste, précurseur et prophète, venu préparer ses chemins.
Ecoutons d’abord la traduction littérale de l’ensemble :
Béni soit le Seigneur, le Dieu d’Israël, parce qu’il visité son peuple, accompli sa libération (68) (…)
Il a manifesté sa miséricorde envers nos pères et s’est rappelé de son alliance sainte (72) (…)
Pour donner à son peuple la connaissance du Salut dans le pardon des péchés (77)
Grâce aux entrailles de miséricorde de notre Dieu (78)
par lesquelles nous visitera l’astre levant venu d’en haut (78) (…)
Pour guider nos pas sur le chemin de la Paix » (79)
Arrêtons-nous sur les différentes traductions où se trouvent le mot miséricorde : – au v.72 :
FBJ « Ainsi fait-il miséricorde à nos pères, ainsi se souvient-il de son alliance sainte »
TOB « Il a montré sa bonté envers nos pères et s’est rappelé son alliance sainte »
BLit « amour qu’il montre envers nos pères, mémoire de son alliance sainte »
- au v.78 :
FBJ « grâce aux sentiments de miséricorde de notre Dieu, dans lesquels nous a visités l’Astre d’en haut »
TOB « C’est l’effet de la bonté profonde de notre Dieu: grâce à elle nous a visités l’astre levant venu d’en haut ».
BLit « grâce à la tendresse, à l’amour de notre Dieu, quand nous visite l’astre d’en haut »
Le Magnificat, Lc 1,50.54 :
Dans ce chant qui est « pour ainsi dire le portrait de son âme, entièrement brodé des fils de l’Ecriture Sainte », Marie chante le Seigneur qui est le sujet de tous les verbes. Il est désigné comme Sauveur (v.47), Puissant, Saint (v.49) et Miséricordieux (v.50.54)
Ecoutons le dans son entier, dans la traduction liturgique :Mon âme exalte le Seigneur,
exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur !
Il s’est penché sur son humble servante ;
désormais, tous les âges me diront bienheureuse.
Le Puissant fit pour moi des merveilles ;
Saint est son nom !
Son amour s’étend d’âge en âge
sur ceux qui le craignent.
Déployant la force de son bras, il disperse les superbes.
Il renverse les puissants de leur trônes, il élève les humbles.
Il comble de biens les affamés,
renvoie les riches les mains vides.
Il relève Israël son serviteur, il se souvient de son amour,
de la promesse faite à nos pères, en faveur d’Abraham et de sa race, à jamais.
Ecoutons maintenant les versets où se trouvent le mot miséricorde : – v.50 :
FBJ « sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent. »
TOB « Sa bonté s’étend de génération en génération sur ceux qui le craignent. »
BLit « Son amour s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent. »
- v.54 :
FBJ « Il est venu en aide à Israël, son serviteur, se souvenant de sa miséricorde »
TOB « Il est venu en aide à Israël son serviteur en souvenir de sa bonté »
BLit « Il relève Israël son serviteur, il se souvient de son amour »
C’était la nouvelle que se transmettait déjà l’entourage d’Elizabeth après l’annonce de la naissance inespérée de Jean-Baptiste : Lc 1,58
FBJ Ses voisins et ses proches apprirent que le Seigneur avait fait éclater sa miséricorde à son égard, et ils s’en réjouissaient avec elle.
TOB Ses voisins et ses parents apprirent que le Seigneur l’avait comblée de sa bonté et ils se réjouissaient avec elle.
Une invitation pour nous aussi à chanter la miséricorde de Dieu matin et soir. « Misericordias Domini, in aeternum cantabo », dit le psaume 88 ou le refrain de Taizé, que Jean-Paul II aimait aussi à reprendre.