méditation sur le Saint Esprit
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Sur le Saint Esprit
A.-D. Sertilanges, o.p. (1863-1948)
Grâce à l’Esprit, l’Eglise universelle, si variée qu’elle soit dans ses tendances locales et superficielles, est toujours l’Eglise ; elle réalise cet idéal de la » permanence du type » qui dans les espèces vivantes peut toujours fléchir. Son idée directrice essentielle est immuable, et elle l’est dans toutes les lignes où l’Eglise s’avance, comme une troupe de toutes armes et d’un seul élan. Son dogme, sa morale, sa discipline, sa liturgie sacramentelle, sa constitution hiérarchique sont essentiellement au XX° siècle ce qu’ils furent sous saint Paul, ce qu’ils sont au Cénacle.Il y a eu des fléchissements individuels, et nombreux ; il y a eu même des maladies collectives ; mais c’était la vivante Église, qui était malade, ou bien tel membre, ou bien telle fonction, et l’Eglise n’était pas réduite pour cela à l’état de cadavre. Cette maladie, comme celle de Lazare, n’était pas la mort. L’Eglise ne meurt pas ; l’Esprit palpite en elle, et ses époques de fléchissement sont précisément celles qui incitent cet Esprit à de violentes et merveilleuses réactions.
Toutes les époques troublées sont des époques de sainteté et d’héroïsme. Dans les siècles déshérités socialement des personnalités puissantes semblent destinées à concentrer et à tenir en réserve l’activité spirituelle commune ; elles sont le ferment de l’avenir. Tel est le travail de l’Esprit, flamme intime, flamme pareille à celle qui soutient nos corps, anime nos foyers et nos cités, ses tributaires.
Enfin du moment qu’il conquiert et qu’il organise, il serait oiseux de dire de l’Esprit divin qu’il rassemble. Il faut noter cependant le caractère universel de ce rassemblement. L’Esprit de Jésus est un Esprit de la race ; c’est de plus un Esprit transcendant à toutes les différences créées ou créables, Esprit des esprits, et, plus loin, Esprit des êtres. Tout dépend de lui, et quand il s’agite, on doit s’attendre à un branle universel.
C’est ici l’âme du monde, pénétrant sa matière multiple et en formant un tout qui est le Royaume de Dieu évangélique, ce Tout que Jésus voyait et qu’il voit plus encore au moment de lui donner son sang.
Jusque-là, le monde était chaotique, ou s’il était en partie organisé, comme la Synagogue, c’était en vertu d’une anticipation, d’un emprunt ; le Cénacle rayonnait en arrière. Mais en avant le rayonnement unifiant révèle plus de puissance ; l’Esprit polarise le monde ; il polarise les âges ; il met en un tous les fils de Dieu dispersés! (Jean, XI, 52) Ceux qui croient lui échapper réalisent d’une autre manière ses desseins et le servent dans ses élus.
Le monde était inanimé, un cadavre, un Lazare dans ses bandelettes et qui sentait la corruption, c’est-à-dire la dissémination des éléments et des forces.
L’Esprit du Christ rattache 1a chaîne de vie. Le vivant univers tient désormais debout ; l’œuvre créatrice est d’une seule venue, dans le temps et dans l’immensité de l’être.
Le langage chrétien manifeste cette unité, en faisant voir identique en tout temps et partout la doctrine qui codifie la vie et la contient pour ainsi dire tout entière. Le langage chrétien si nuancé ici ou là, aujourd’hui ou hier, ne sera jamais qu’une seule voix à travers les âges, les civilisations et les groupes. Il y aura beaucoup de témoins, il n’y aura qu’un seul témoignage. Le don des langues accordé à la doctrine comme à ses premiers prédicateurs ne sera que le don de faire retentir en divers idiomes spirituels une parole identique, d’épanouir dans le prisme humain la lumière blanche du ciel ; et le ciel même, en son silence de multitude et en son mystère, a-t-il un autre langage ?
C’est grâce à l’Esprit que le message de Jésus exprime un autre monde, et que cet autre monde et le monde du pèlerinage ne font qu’un. Le Royaume de Dieu est partout : l’Esprit en est la lumière. Et ce que je dis de l’unité lumineuse se répéterait de l’unité de tendance, de l’unité d’orientation, de l’unité d’action, de l’unité du résultat qui est – invisiblement ici et clairement là-haut – la vie éternelle.
L’Esprit divin est un Esprit d’éternité ; l’eau vive que donne Jésus doit remonter à son niveau ; partie du ciel elle y rejaillit spontanément et elle y demeure. Sa surface d’équilibre est là, et si le Christ ressuscité ne meurt plus, si là où Il est, Il veut et Il fait que nous y soyons aussi, la raison en est que son Esprit souffle entre le Père et le Verbe auquel sa chair est jointe, auquel son âme s’unit, en lequel nous aussi, par Lui, nous ne faisons qu’un seul tout spirituel, que la vie divine traverse. [...] Esprit du Christ, que vous êtes puissant, et que la petite demeure visitée par vous a de vastes horizons au creux de ses arcades ! La Croix maintenant saigne et le Sauveur gémit ; mais le Sauveur gémissant n’est que l’ouvrier qui ahane au cours de sa tâche. La tâche finie, on verra que les moyens et la fin se proportionnent, et que l’éternel Témoin ne mentait pas : » Mon Père, je remets mon Esprit entre tes mains. «
Extrait de Ce que Jésus voyait du haut de la Croix, Paris, Revue des Jeunes, 1924.
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