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Le pape à l’ONU: « La personne humaine est le point central du dessein créateur de Dieu pour le monde et pour l’histoire »

19 avril, 2008

du site: 

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Le pape à l’ONU: « La personne humaine est le point central du dessein créateur de Dieu pour le monde et pour l’histoire »

Discours à lAssemblée générale de l’Organisation des Nations Unies, New York, 18 avril 2008 par Benoît XVI

Monsieur le Pr
ésident, Mesdames et Messieurs,

En madressant à cette Assemblée, jaimerais avant tout vous exprimer, Monsieur le Président, ma vive reconnaissance pour vos aimables paroles. Ma gratitude va aussi au Secrétaire général, Monsieur Ban Ki-moon, qui ma invité à venir visiter le Siège central de lOrganisation, et pour laccueil quil ma réservé. Je salue les Ambassadeurs et les diplomates des Pays membres et toutes les personnes présentes. À travers vous, je salue les peuples que vous représentez ici. Ils attendent de cette institution quelle mette en œuvre son inspiration fondatrice, à savoir constituer un « centre pour la coordination de lactivité des Nations unies en vue de parvenir à la réalisation des fins communes » de paix et de développement (cf. Charte des Nations unies, art. 1.2-1.4). Comme le Pape Jean-Paul II lexprimait en 1995, lOrganisation devrait être un « centre moral, où toutes les nations du monde se sentent chez elles, développant la conscience commune d’être, pour ainsi dire, une famille de nations » (Message à lAssemblée générale des Nations unies pour le 50e anniversaire de la fondation, New York, 5 octobre 1995).

À travers les Nations unies, les États ont établi des objectifs universels qui, même sils ne coïncident pas avec la totalité du bien commun de la famille humaine, nen représentent pas moins une part fondamentale. Les principes fondateurs de lOrganisation le désir de paix, le sens de la justice, le respect de la dignité de la personne, la coopération et lassistance humanitaires sont lexpression des justes aspirations de lesprit humain et constituent les idéaux qui devraient sous-tendre les relations internationales. Comme mes prédécesseurs Paul VI et Jean-Paul II lont affirmé depuis cette même tribune, tout cela fait partie de réalités que l’Église catholique et le Saint-Siège considèrent avec attention et intérêt, voyant dans votre activité un exemple de la manière dont les problèmes et les conflits qui concernent la communauté mondiale peuvent bénéficier dune régulation commune. Les Nations unies concrétisent laspiration à « un degré supérieur dorganisation à l’échelle internationale » (Jean-Paul II, Encycl. Sollicitudo rei socialis, n. 43), qui doit être inspiré et guidé par le principe de subsidiarité et donc être capable de répondre aux exigences de la famille humaine, grâce à des règles internationales efficaces et à la mise en place de structures aptes à assurer le déroulement harmonieux de la vie quotidienne des peuples. Cela est dautant plus nécessaire dans le contexte actuel où lon fait lexpérience du paradoxe évident dun consensus multilatéral qui continue à être en crise parce quil est encore subordonné aux décisions dun petit nombre, alors que les problèmes du monde exigent, de la part de la communauté internationale, des interventions sous forme dactions communes. En effet, les questions de sécurité, les objectifs de développement, la réduction des inégalités au niveau local et mondial, la protection de lenvironnement, des ressources et du climat, requièrent que tous les responsables de la vie internationale agissent de concert et soient prêts à travailler en toute bonne foi, dans le respect du droit, pour promouvoir la solidarité dans les zones les plus fragiles de la planète. Je pense en particulier à certains pays dAfrique et dautres continents qui restent encore en marge dun authentique développement intégral, et qui risquent ainsi de ne faire lexpérience que des effets négatifs de la mondialisation. Dans le contexte des relations internationales, il faut reconnaître le rôle primordial des règles et des structures qui, par nature, sont ordonnées à la promotion du bien commun et donc à la sauvegarde de la liberté humaine. Ces régulations ne limitent pas la liberté. Au contraire, elles la promeuvent quand elles interdisent des comportements et des actions qui vont à lencontre du bien commun, qui entravent son exercice effectif et qui compromettent donc la dignité de toute personne humaine. Au nom de la liberté, il doit y avoir une corrélation entre droits et devoirs, en fonction desquels toute personne est appelée à prendre ses responsabilités dans les choix quelle opère, en tenant compte des relations tissées avec les autres. Nous pensons ici à la manière dont les résultats de la recherche scientifique et des avancées technologiques ont parfois été utilisés. Tout en reconnaissant les immenses bénéfices que lhumanité peut en tirer, certaines de leurs applications représentent une violation évidente de lordre de la création, au point non seulement d’être en contradiction avec le caractère sacré de la vie, mais darriver à priver la personne humaine et la famille de leur identité naturelle. De la même manière, laction internationale visant à préserver lenvironnement et à protéger les différentes formes de vie sur la terre doit non seulement garantir un usage rationnel de la technologie et de la science, mais doit aussi redécouvrir lauthentique image de la création. Il ne sagira jamais de devoir choisir entre science et éthique, mais bien plutôt dadopter une méthode scientifique qui soit véritablement respectueuse des impératifs éthiques.La reconnaissance de l

unité de la famille humaine et lattention portée à la dignité innée de toute femme et de tout homme reçoivent aujourdhui un nouvel élan dans le principe de la responsabilité de protéger. Il na été défini que récemment, mais il était déjà implicitement présent dès les origines des Nations unies et, actuellement, il caractérise toujours davantage son activité. Tout État a le devoir primordial de protéger sa population contre les violations graves et répétées des droits de lhomme, de même que des conséquences de crises humanitaires liées à des causes naturelles ou provoquées par laction de lhomme. Sil arrive que les États ne soient pas en mesure dassurer une telle protection, il revient à la communauté internationale dintervenir avec les moyens juridiques prévus par la Charte des Nations unies et par dautres instruments internationaux. Laction de la communauté internationale et de ses institutions, dans la mesure où elle est respectueuse des principes qui fondent lordre international, ne devrait jamais être interprétée comme une coercition injustifiée ou comme une limitation de la souveraineté. À linverse, cest lindifférence ou la non-intervention qui causent de réels dommages. Il faut réaliser une étude approfondie des modalités pour prévenir et gérer les conflits, en utilisant tous les moyens dont dispose laction diplomatique et en accordant attention et soutien même au plus léger signe de dialogue et de volonté de réconciliation.

Le principe de la « responsabilité de protéger » était considéré par lantique ius gentium comme le fondement de toute action entreprise par lautorité envers ceux qui sont gouvernés par elle: à l’époque où le concept d’État national souverain commençait à se développer, le religieux dominicain Francisco De Vitoria, considéré à juste titre comme un précurseur de lidée des Nations unies, décrivait cette responsabilité comme un aspect de la raison naturelle partagé par toutes les nations, et le fruit dun droit international dont la tâche était de réguler les relations entre les peuples. Aujourdhui comme alors, un tel principe doit faire apparaître lidée de personne comme image du Créateur, ainsi que le désir dabsolu et lessence de la liberté. Le fondement des Nations unies, nous le savons bien, a coïncidé avec les profonds bouleversements dont a souffert lhumanité lorsque la référence au sens de la transcendance et à la raison naturelle a été abandonnée et que par conséquent la liberté et la dignité humaine furent massivement violées. Dans de telles circonstances, cela menace les fondements objectifs des valeurs qui inspirent et régulent lordre international et cela mine les principes intangibles et coercitifs formulés et consolidés par les Nations unies. Face à des défis nouveaux répétés, cest une erreur de se retrancher derrière une approche pragmatique, limitée à mettre en place des « bases communes », dont le contenu est minimal et dont lefficacité est faible.La r

éférence à la dignité humaine, fondement et fin de la responsabilité de protéger, nous introduit dans la note spécifique de cette année, qui marque le soixantième anniversaire de la Déclaration universelle des Droits de lhomme. Ce document était le fruit dune convergence de différentes traditions culturelles et religieuses, toutes motivées par le désir commun de mettre la personne humaine au centre des institutions, des lois et de laction des sociétés, et de la considérer comme essentielle pour le monde de la culture, de la religion et de la science. Les droits de lhomme sont toujours plus présentés comme le langage commun et le substrat éthique des relations internationales. Tout comme leur universalité, leur indivisibilité et leur interdépendance sont autant de garanties de protection de la dignité humaine. Mais il est évident que les droits reconnus et exposés dans la Déclaration sappliquent à tout homme, cela en vertu de lorigine commune des personnes, qui demeure le point central du dessein créateur de Dieu pour le monde et pour lhistoire. Ces droits trouvent leur fondement dans la loi naturelle inscrite au cœur de lhomme et présente dans les diverses cultures et civilisations. Détacher les droits humains de ce contexte signifierait restreindre leur portée et céder à une conception relativiste, pour laquelle le sens et linterprétation des droits pourraient varier et leur universalité pourrait être niée au nom des différentes conceptions culturelles, politiques, sociales et même religieuses. La grande variété des points de vue ne peut pas être un motif pour oublier que ce ne sont pas les droits seulement qui sont universels, mais également la personne humaine, sujet de ces droits.

À la fois nationale et internationale, la vie de la communauté met clairement en évidence que le respect pour les droits et pour les garanties qui leur sont attachées sont la mesure du bien commun, utilisée pour apprécier le rapport entre justice et injustice, développement et pauvreté, sécurité et conflits. La promotion des droits de lhomme demeure la stratégie la plus efficace quand il sagit de combler les inégalités entre des pays et des groupes sociaux, quand il sagit aussi de renforcer la sécurité. En effet les victimes de la misère et du désespoir dont la dignité humaine est impunément violée, deviennent des proies faciles pour les tenants du recours à la violence et deviennent à leur tour des destructeurs de paix. Pourtant le bien commun que les droits de lhomme aident à réaliser ne peut pas être atteint en se contentant dappliquer des procédures correctes ni même en pondérant des droits en opposition. Le mérite de la Déclaration universelle a été douvrir à des cultures, à des expressions juridiques et à des modèles institutionnels divers la possibilité de converger autour dun noyau fondamental de valeurs et donc de droits: mais cest un effort qui, de nos jours, doit être encore plus soutenu face à des instances qui cherchent à réinterpréter les fondements de la Déclaration et à compromettre son unité interne pour favoriser le passage de la protection de la dignité humaine à la satisfaction de simples intérêts, souvent particuliers. La Déclaration a été adoptée comme « un idéal commun qui est à atteindre » (Préambule) et elle ne peut pas être utilisée de manière partielle, en suivant des tendances ou en opérant des choix sélectifs qui risquent de contredire lunité de la personne humaine et donc lindivisibilité de ses droits.Nous constatons souvent dans les faits une pr

édominance de la légalité par rapport à la justice quand se manifeste une attention à la revendication des droits qui va jusqu’à les faire apparaître comme le résultat exclusif de dispositions législatives ou de décisions normatives prises par les diverses instances des autorités en charge. Quand ils sont présentés sous une forme de pure légalité, les droits risquent de devenir des propositions de faible portée, séparés de la dimension éthique et rationnelle qui constitue leur fondement et leur fin. La Déclaration universelle a en effet réaffirmé avec force la conviction que le respect des droits de lhomme senracine avant tout sur une justice immuable, sur laquelle la force contraignante des proclamations internationales est aussi fondée. Cest un aspect qui est souvent négligé quand on prétend priver les droits de leur vraie fonction au nom dune perspective utilitariste étroite. Parce que les droits et les devoirs qui leur sont liés découlent naturellement de linteraction entre les hommes, il est facile doublier quils sont le fruit du sens commun de la justice, fondé avant tout sur la solidarité entre les membres du corps social et donc valable dans tous les temps et pour tous les peuples. C’était une intuition exprimée, dès le Ve siècle après Jésus Christ, par lun des maîtres de notre héritage intellectuel, Augustin dHippone. Il enseignait que « le précepte: Ce que tu ne veux pas quon te fasse, ne le fais pas à autrui ne peut en aucune façon varier en fonction de la diversité des peuples » (De Doctrina Christiana III, 14). Les droits de lhomme exigent alors d’être respectés parce quils sont lexpression de la justice et non simplement en raison de la force coercitive liée à la volonté des législateurs.

Mesdames et Messieurs,

À mesure que lon avance dans lhistoire, de nouvelles situations surgissent et lon cherche à y attacher de nouveaux droits. Le discernement, cest-à-dire la capacité de distinguer le bien du mal, est encore plus nécessaire quand sont en jeu des exigences qui appartiennent à la vie et à laction de personnes, de communautés et de peuples. Quand on affronte le thème des droits, qui mettent en jeu des situations importantes et des réalités profondes, le discernement est une vertu à la fois indispensable et féconde.

Le discernement nous amène alors à souligner que laisser aux seuls États, avec leurs lois et leurs institutions, la responsabilité ultime de répondre aux aspirations des personnes, des communautés et de peuples tout entier peut parfois entraîner des conséquences rendant impossible un ordre social respectueux de la dignité de la personne et de ses droits. Par ailleurs, une vision de la vie solidement ancrée dans la dimension religieuse peut permettre dy parvenir, car la reconnaissance de la valeur transcendante de tout homme et de toute femme favorise la conversion du cœur, ce qui conduit alors à un engagement contre la violence, le terrorisme ou la guerre, et à la promotion de la justice et de la paix. Cela favorise aussi un milieu propice au dialogue interreligieux que les Nations unies sont appelées à soutenir comme elles soutiennent le dialogue dans dautres domaines de lactivité humaine. Le dialogue doit être reconnu comme le moyen par lequel les diverses composantes de la société peuvent confronter leurs points de vue et réaliser un consensus autour de la vérité concernant des valeurs ou des fins particulières. Il est de la nature des religions librement pratiquées de pouvoir mener de manière autonome un dialogue de la pensée et de la vie. Si, à ce niveau là aussi, la sphère religieuse est séparée de laction politique, il en ressort également de grands bénéfices pour les personnes individuelles et pour les communautés. Dautre part, les Nations unies peuvent compter sur les fruits du dialogue entre les religions et tirer des bénéfices de la volonté des croyants de mettre leur expérience au service du bien commun. Leur tâche est de proposer une vision de la foi non pas en termes dintolérance, de discrimination ou de conflit, mais en terme de respect absolu de la vérité, de la coexistence, des droits et de la réconciliation.Les droits de l

homme doivent évidemment inclure le droit à la liberté religieuse, comprise comme lexpression dune dimension à la fois individuelle et communautaire, perspective qui fait ressortir lunité de la personne tout en distinguant clairement entre la dimension du citoyen et celle du croyant. Au cours des dernières années, laction des Nations unies a permis que le débat public offre des points de vue inspirés par une vision religieuse dans toutes ses dimensions y compris le rite, le culte, l’éducation, la diffusion dinformation et la liberté de professer et de choisir sa religion. Il nest donc pas imaginable que des croyants doivent se priver dune partie deux-mêmes de leur foi afin d’être des citoyens actifs. Il ne devrait jamais être nécessaire de nier Dieu pour jouir de ses droits. Il est dautant plus nécessaire de protéger les droits liés à la religion sils sont considérés comme opposés à une idéologie séculière dominante ou à des positions religieuses majoritaires, de nature exclusive. La pleine garantie de la liberté religieuse ne peut pas être limitée au libre exercice du culte, mais doit prendre en considération la dimension publique de la religion et donc la possibilité pour les croyants de participer à la construction de lordre social. Ils le font effectivement à lheure actuelle par exemple à travers leur engagement efficace et généreux dans un vaste réseau dinitiatives qui va des Universités, des Instituts scientifiques et des écoles, jusquaux structures qui promeuvent la santé et aux organisations caritatives au service des plus pauvres et des laissés-pour-compte. Refuser de reconnaître lapport à la société qui senracine dans la dimension religieuse et dans la recherche de lAbsolu qui par nature exprime une communion entre les personnes reviendrait à privilégier dans les faits une approche individualiste et, ce faisant, à fragmenter lunité de la personne.

Ma présence au sein de cette Assemblée est le signe de mon estime pour les Nations unies et elle veut aussi manifester le souhait que lOrganisation puisse être toujours davantage un signe dunité entre les États et un instrument au service de toute la famille humaine. Elle manifeste aussi la volonté de l’Église catholique dapporter sa contribution aux relations internationales dune manière qui permette à toute personne et à tout peuple de sentir quils ont leur importance. Dune manière qui est en harmonie avec sa contribution au domaine éthique et moral et à la libre activité de sa foi, l’Église travaille aussi à la réalisation de ces objectifs à travers lactivité internationale du Saint-Siège. Le Saint-Siège a en effet toujours eu sa place dans les assemblées des Nations tout en manifestant son caractère spécifique comme sujet dans le domaine international. Comme les Nations unies lont récemment confirmé, le Saint-Siège apporte aussi sa contribution selon les dispositions du droit international, aidant à la définition de ce droit et y recourant.Les Nations unies demeurent un lieu privil

égié où l’Église sefforce de partager son expérience « en humanité« , qui a mûri tout au long des siècles parmi les peuples de toute race et de toute culture, et de la mettre à la disposition de tous les membres de la Communauté internationale. Cette expérience et cette activité, qui visent à obtenir la liberté pour tout croyant, cherchent aussi à assurer une protection plus grande aux droits de la personne. Ces droits trouvent leur fondement et leur forme dans la nature transcendante de la personne, qui permet aux hommes et aux femmes davancer sur le chemin de la foi et de la recherche de Dieu dans ce monde. Il faut renforcer la reconnaissance de cette dimension si nous voulons soutenir lespérance de lhumanité en un monde meilleur et si nous voulons créer les conditions pour la paix, le développement, la coopération et la garantie des droits pour les générations à venir.

Dans ma récente encyclique « Spe salvi », je rappelais que « la recherche pénible et toujours nouvelle dordonnancements droits pour les choses humaines est le devoir de chaque génération » (n. 25). Pour les chrétiens, cette tâche trouve sa justification dans lespérance qui jaillit de l’œuvre salvifique de Jésus Christ. Cest pourquoi l’Église est heureuse d’être associée aux activités de cette honorable Organisation qui a la responsabilité de promouvoir la paix et la bonne volonté sur toute la terre. Chers Amis, je vous remercie de mavoir permis de madresser à vous aujourdhui et je vous promets le soutien de mes prières pour que vous poursuiviez votre noble tâche.Avant de prendre cong

é de cette illustre Assemblée, je voudrais adresser mes souhaits dans les langues officielles à toutes les nations qui y sont représentées. en anglais, en français, en espagnol, en arabe, en chinois, en russe:

Paix et prospérité, avec laide de Dieu!

du Sandro Magister: Premier jour du pape aux Etats-Unis. Contre les abus sexuels et pour l’Amérique « modèle de laïcité positive »

19 avril, 2008

du site:

http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/197841?fr=y

Premier jour du pape aux Etats-Unis. Contre les abus sexuels et pour l’Amérique « modèle de laïcité positive »

Benoît XVI dit ce qu’il faut faire pour que le « scandale » ne se produise plus. Et il présente le rapport entre religion et politique en vigueur aux Etats-Unis comme un modèle pour l’Europe

par Sandro Magister

ROMA, le 17 avril 2008 Répondant aux questions des journalistes présents dans lavion qui lamenait aux Etats-Unis, Benoît XVI a immédiatement abordé de front la question qui enflamme le plus lopinion publique américaine: celles des abus sexuels commis par des prêtres catholiques sur des mineurs.

Le pape, sexprimant en anglais, a dit textuellement ceci:

« It is a great suffering for the Church in the United States and for the Church in general, for me personally, that this could happen. If I read the history of these events, it is difficult for me to understand how it was possible for priests to fail in this way the mission to give healing, to give God’s love to these children. I am ashamed and we will do everything possible to ensure that this does not happen in future. I think we have to act on three levels: the first is at the level of justice and the political level. I will not speak at this moment about homosexuality: this is another thing. We will absolutely exclude paedophiles from the sacred ministry; it is absolutely incompatible and who is really guilty of being a paedophile cannot be a priest. So at this first level we can do justice and help the victims, because they are deeply affected; these are the two sides of justice: one, that paedophiles cannot be priests and the other, to help in any possible way the victims. Then, there is a pastoral level. The victims will need healing and help and assistance and reconciliation: this is a big pastoral engagement and I know that the Bishops and the priests and all Catholic people in the United States will do whatever possible to help, to assist, to heal. We have made a visitation of the seminaries and we will do all that is possible in the education of seminarians for a deep spiritual, human and intellectual formation for the students. Only sound persons can be admitted to the priesthood and only persons with a deep personal life in Christ and who have a deep sacramental life. So, I know that the Bishops and directors of seminarians will do all possible to have a strong, strong discernment because it is more important to have good priests than to have many priests. This is also our third level, and we hope that we can do and we have done and we will do in the future all that is possible to heal these wounds ».

[« Cest une grande souffrance pour lEglise aux Etats-Unis, pour lEglise en général, et pour moi personnellement que cela ait pu arriver. Quand je lis les histoires de ces victimes, jai du mal à comprendre comment des prêtres ont pu trahir de cette façon leur mission qui est dapporter du réconfort à ces enfants et de leur transmettre lamour de Dieu. Nous avons profondément honte et nous ferons tout ce qui est possible pour que cela ne puisse plus arriver à lavenir. Je pense que nous devons agir à trois niveaux. Le premier niveau est celui de la justice, le niveau juridique. Maintenant nous avons aussi des lois qui nous permettent de réagir de manière adaptée. Je ne veux pas parler, pour le moment, dhomosexualité, mais de pédophilie, ce qui est autre chose. Nous exclurons totalement les pédophiles du ministère sacré, il y a entre eux une incompatibilité absolue. Et celui qui est réellement coupable de pédophilie ne peut pas être prêtre. Donc le premier niveau est que nous pouvons faire justice et aider vraiment les victimes, parce quelles sont profondément meurtries. Il y a donc deux aspects de la justice: dune part les pédophiles ne peuvent pas être prêtres; dautre part, il faut aider les victimes par tous les moyens. Le deuxième niveau est pastoral, cest celui du réconfort, de laide, du soutien et de la réconciliation. Cest un grand engagement pastoral et je sais que les évêques, les prêtres et tout le peuple Catholique des Etats-Unis feront tout leur possible pour aider, soutenir et réconforter, et pour faire en sorte que ces choses ne puissent plus se reproduire à lavenir. Le troisième niveau est que nous avons visité les séminaires pour définir ce quil est possible de faire, pendant leurs études, pour assurer aux séminaristes une formation approfondie, du point de vue spirituel, humain et intellectuel en faisant preuve de discernement, pour que ne puissent être admis à la prêtrise que des hommes sains, ayant un profond amour personnel pour le Christ et un profond amour sacramentel, pour empêcher que cela se reproduise. Je sais que les évêques et les recteurs des séminaires feront tout leur possible pour agir avec beaucoup de discernement, parce quil est plus important davoir de bons prêtres que den avoir beaucoup. Cest aussi cela, notre troisième niveau, et nous espérons que nous pourrons faire, et que nous avons fait, et que nous ferons à lavenir, tout ce qui est possible pour soigner cette blessure ».]

* * *

En réponse à une autre question, Benoît XVI a ensuite abordé un sujet qui lui est cher, le modèle américain de rapport entre religion et politique:

Il y a une chose que je trouve fascinante aux Etats-Unis: cest que ce pays est né avec une conception positive de la laïcité. Ce nouveau peuple était constitué de communautés et de personnes ayant fui des Eglises d’état. Elles voulaient un état laïc pour permettre aux gens de toutes les confessions de pratiquer leur propre religion. [] Ils étaient laïcs justement par amour de la religion, de lauthenticité de la religion, qui ne peut être vécue que dans la liberté. [] Je pense que cest quelque chose de fondamental et de positif, à prendre en considération, y compris en Europe.

Joseph Ratzinger a déjà formulé ces idées plusieurs fois, avant et après son élection en tant que pape. La dernière fois, c’était le 29 février dernier, quand il a reçu au Vatican le nouvel ambassadeur des Etats-Unis près le Saint-Siège, la catholique Mary Ann Glendon.

Et Benoît XVI a repris ces idées dans le discours quil a adressé à George W. Bush, au matin du mercredi 16 avril, à la Maison Blanche.

Mais pour mieux comprendre pourquoi Benoît XVI considère les Etats-Unis comme un exemple pour le monde entier et surtout pour lEurope de rapport positif entre religion et politique, un éclairage est donné par cette page du livre quil a écrit et publié en 2004, étant cardinal, sous le titre Sans racines. Europe, relativisme, christianisme, islam:

Laïcs par amour de la religion

par Joseph Ratzinger

Lidée dune religion civile chrétienne me fait penser à l’œuvre dAlexis de Tocqueville, La démocratie en Amérique. Pendant ses recherches aux Etats-Unis, lhistorien français avait constaté pour faire bref que le système de règles intrinsèquement instable et fragmentaire sur lequel cette démocratie semblait reposer fonctionnait uniquement parce que la société américaine partageait tout un ensemble de convictions religieuses et morales dinspiration christiano-protestante. Personne ne les avait prescrites ou définies, mais tout le monde les considérait simplement comme une base spirituelle évidente. La reconnaissance de ces orientations religieuses et morales fondamentales qui dépassaient chacune des confessions mais qui déterminaient la société de lintérieur, a renforcé lensemble des lois et défini les limites de la liberté individuelle depuis lintérieur, en offrant justement pour cette raison les conditions dune liberté partagée et participative.

A ce propos, je voudrais citer une formule significative de Tocqueville: Le despotisme peut se passer de la foi, pas la liberté“. John Adams allait dans le même sens lorsquil a affirmé que la constitution américaine est faite uniquement pour un peuple moral et religieux. Bien que la sécularisation progresse aussi aux Etats-Unis à un rythme accéléré et que la rencontre de nombreuses cultures différentes bouleverse le consensus chrétien fondamental, on y perçoit, bien plus clairement quen Europe, la reconnaissance implicite des bases religieuses et morales issues du christianisme et qui dépassent les confessions. LEurope contrairement aux Etats-Unis est en conflit avec son histoire et elle se fait souvent le porte-parole dun refus quasi viscéral de quelque dimension publique des valeurs chrétiennes que ce soit.

Pourquoi? Comment se fait-il que lEurope, pourtant riche dune très ancienne tradition chrétienne, ne connaisse plus un consensus du même genre? Un consensus qui, indépendamment de lappartenance à une communauté de foi déterminée, attribue une valeur publique et porteuse aux concepts fondamentaux du christianisme? Etant donné que les bases historiques de cette différence sont connues, un rapide aperçu suffira.

La société américaine a été bâtie en grande partie par des groupes ayant fui le système des Eglises d’état alors en vigueur en Europe. Ils avaient trouvé leur positionnement religieux dans les libres communautés de foi, hors de lEglise d’état. La société américaine est donc fondée sur les Eglises libres. De par leur approche religieuse, elles ne doivent pas avoir une structure dEglise d’état mais se fonder sur une libre union des individus. En ce sens, on peut affirmer que la société américaine est basée sur une séparation entre l’état et lEglise déterminée et même voulue par la religion. Par conséquent, cette séparation est bien différente, dans ses causes et ses structures, de celle qui a été imposée de manière conflictuelle par la Révolution française et les systèmes qui lont imitée. En Amérique, l’état nest rien dautre que lespace libre pour différentes communautés religieuses. Il reconnaît par nature ces communautés dans leurs particularités et dans leur non-appartenance à l’état et il les laisse vivre. Une séparation qui veut laisser à la religion sa nature, qui respecte et protège son espace vital hors de l’état et de ses systèmes, est une séparation conçue de manière positive.

Cela a conduit à un rapport particulier entre sphère d’état et sphère privée totalement différent de celui que nous connaissons en Europe. La sphère privée a un caractère absolument public. Ce qui nest pas étatique nest pas pour autant exclu de la dimension publique de la vie sociale. La plus grande partie des institutions culturelles nappartient pas à l’état. Cest le cas par exemple des universités ou des organismes en charge des disciplines artistiques. Tout le système juridique et fiscal favorise et rend possible ce type de culture non gouvernée par l’état. En Europe, en revanche, les universités privées constituent, par exemple, un phénomène récent et, de fait, marginal. Très certainement, les Eglises libres ont pu se juger en termes plutôt relatifs, mais elles se savaient unies par une cause commune qui allait au-delà des institutions et qui était la base de tout.

Bien sûr il y a aussi, dans ce contexte, des dangers qui se cachent. Aujourdhui, certains cercles semblent remettre à lhonneur l’idéologie du WASP: le vrai américain est blanc, dorigine anglo-saxonne et protestant. Cette idéologie est née quand larrivée de groupes dimmigrés catholiques, surtout des Italiens, des Polonais et des gens de couleur, a paru menacer l’identité désormais consolidée de l’Amérique. Celle-ci est restée en vigueur jusquau XXe siècle, en ce sens que, pour pouvoir prétendre à une position importante dans la vie publique américaine, il fallait être un WASP. Mais en réalité la communauté catholique s’était déjà intégrée dans l’identité américaine.

Les catholiques ont eux aussi reconnu le caractère positif de la séparation de lEtat et de lEglise liée à des motifs religieux, ainsi que l’importance de la liberté religieuse quelle garantit. Cest aussi grâce à leur contribution significative quune conscience chrétienne sest maintenue dans la société; cette contribution agit encore, alors que des changements radicaux et profonds ont lieu au sein du protestantisme. Parce quelles se conforment de plus en plus à la société sécularisée, les communautés protestantes traditionnelles sont en train de perdre leur cohésion interne et leur capacité à convaincre. Non seulement les « evangelical », jusqu’à présent les ennemis les plus aguerris du catholicisme, gagnent de plus en plus de terrain par rapport aux communautés traditionnelles, mais ils découvrent aussi une nouvelle proximité avec le catholicisme, dans lequel ils reconnaissent un défenseur, contre la pression quexerce la sécularisation, des grandes valeurs éthiques queux-mêmes soutiennent; valeurs quils voient disparaître chez leurs frères protestants.

A partir de la structure du christianisme en Amérique, les évêques catholiques américains ont apporté une contribution spécifique au Concile Vatican II. Elle a largement influencé la déclaration « Dignitatis Humanae » sur la liberté religieuse, qui a fait entrer dans la tradition catholique en matière de liberté de la foi, l’expérience du « non étatisme » de lEglise (on a vu que c’était une condition pour garder une valeur publique aux principes chrétiens fondamentaux) comme une forme chrétienne issue de la nature même de lEglise. Aujourdhui la société américaine doit affronter de nouvelles et graves épreuves, en partie à cause du fort afflux dhispaniques, en partie à cause de la pression croissante de la sécularisation. En tout cas on peut dire cest du moins mon avis quil y a encore en Amérique une religion chrétienne civile, même si elle est sérieusement menacée et si son contenu est devenu incertain.

bonne nuit

19 avril, 2008

bonne nuit dans image bon nuit, jour, dimanche etc. embothrium_coccineum3

Embothrium coccineum

http://www.ubcbotanicalgarden.org/potd/2006/08/

« Tout ce que vous demanderez en invoquant mon nom, je le ferai, afin que le Père soit glorifié dans le Fils »

19 avril, 2008

du site: 

http://www.levangileauquotidien.org/www/main.php?language=FR&localTime=04/19/2008#

Origène (v.185-253), prêtre et théologien
La Prière, 31 (trad. DDB 1977, p. 117)

« Tout ce que vous demanderez en invoquant mon nom, je le ferai, afin que le Père soit glorifié dans le Fils »

Il me semble que celui qui se dispose à prier doit se recueillir et se préparer quelque peu, pour être plus prompt, plus attentif à l’ensemble de sa prière. Il doit de même chasser toutes les anxiétés et tous les troubles de sa pensée, et s’efforcer de se souvenir de la grandeur du Dieu qu’il approche, songer qu’il est impie de se présenter à lui sans attention, sans effort, avec une sorte de sans-gêne, rejeter enfin toutes les pensées étrangères.

En venant à la prière, il faut présenter pour ainsi dire l’âme avant les mains, élever l’esprit vers Dieu avant les yeux, dégager l’esprit de la terre avant de se lever pour l’offrir au Seigneur de l’univers, enfin déposer tout ressentiment des offenses qu’on croit avoir reçues si on désire que Dieu oublie le mal commis contre lui-même, contre nos proches, ou contre la droite raison.

Comme les attitudes du corps sont innombrables, celle où nous étendons les mains et où nous levons les yeux au ciel doit être sûrement préférée à toutes les autres, pour exprimer dans le corps l’image des dispositions de l’âme pendant la prière…, mais les circonstances peuvent amener parfois à prier assis…ou même couché… Pour la prière à genoux, elle est nécessaire lorsque quelqu’un s’accuse devant Dieu de ses propres péchés, en le suppliant de le guérir et de l’absoudre. Elle est le symbole de ce prosternement et de cette soumission dont parle Paul lorsqu’il écrit : « C’est pourquoi je fléchis les genoux devant le Père, de qui vient toute paternité dans le ciel et sur la terre » (Ep 3,14-15). C’est là l’agenouillement spirituel, ainsi appelé parce que toute créature adore Dieu au nom de Jésus et se soumet humblement à lui. L’apôtre Paul semble y faire allusion quand il dit : « Qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse au ciel, sur la terre, et dans l’abîme » (Ph 2,10).