Archive pour le 26 février, 2008
pour une méditation de Carême : Ambroise de Milan
26 février, 2008du site:
http://peresdeleglise.free.fr/textesvaries/careme2007.htm
Quelques textes pour une méditation de Carême
Ambroise de Milan
N’ayons pas peur si nous avons gaspillé en plaisirs terrestres le patrimoine de dignité spirituelle que nous avons reçu. Le Père a remis au Fils le trésor qu’il avait. la fortune de la foi ne s’épuise jamais. Aurait-on tout donné, on possède tout, n’ayant pas perdu ce que l’on a donné. Ne redoute pas que le Père refuse de t’accueillir : car « Dieu ne prend pas plaisir à la perte des vivants » (Sag., I, 13). Il viendra en courant au-devant de toi, il se penchera sur toi — car « le Seigneur redresse ceux qui sont brisés » (Ps. 145, 8) — il te donnera le baiser, qui est gage de tendresse et d’amour, il te fera donner robe, anneau, chaussures. Tu en es encore à craindre un affront, il te rend ta dignité. Tu as peur du châtiment, il te donne un baiser. Tu as peur des reproches, il te prépare un festin.
Mais il est temps d’expliquer la parabole même.
Un homme avait deux fils ; et le plus jeune lui dit : donne-moi ma part de fortune. Vous voyez que le patrimoine divin se donne à ceux qui demandent. Et ne croyez pas que le père soit en faute pour avoir donné au plus jeune : il n’y a pas de bas-âge pour le Royaume de Dieu, et la foi ne sent pas le poids des ans. En tout cas celui qui a demandé s’est jugé capable ; et plût à Dieu qu’il ne se fût pas éloigné de son père ! il n’aurait pas éprouvé les inconvénients de son âge. Mais une fois parti à l’étranger — c’est donc justice que l’on gaspille son patrimoine quand on s’est éloigné de l’Eglise — après, dit-il, qu’ayant quitté la maison paternelle il fut parti à l’étranger, dans un pays lointain… . Qu’y a-t-il de plus éloigné que de se quitter soi-même, que d’être séparé non par les espaces, mais par les mœurs, de différer par les goûts, non par les pays, et les excès du monde interposant leurs flots, d’être distant par la conduite ? Car quiconque se sépare du Christ s’exile de la patrie, est citoyen du monde. Mais nous autres « nous ne sommes pas étrangers et de passage, mais nous sommes citoyens du sanctuaire, et de la maison de Dieu » (Éphés., II, 19) ; car « éloignés que nous étions, nous avons été rapprochés dans le sang du Christ » (Ib., 13). Ne soyons pas malveillants envers ceux qui reviennent du pays lointain, puisque nous avons été, nous aussi, en pays lointain, comme l’enseigne Isaïe : « Pour ceux qui résidaient au pays de l’ombre mortelle, la lumière s’est levée » (Is., IX, 2). Le pays lointain est donc celui de l’ombre mortelle ; mais nous, qui avons pour souffle de notre visage le Seigneur Christ (Lam., IV, 20), nous vivons à l’ombre du Christ ; et c’est pourquoi l’Eglise dit : « J’ai désiré son ombre, et je m’y suis assise » (Cant., II, 3). — Donc celui-là, vivant dans la débauche, a gaspillé tous les ornements de sa nature : alors vous qui avez reçu l’image de Dieu, qui portez sa ressemblance, gardez-vous de la détruire par une difformité déraisonnable. Vous êtes l’ouvrage de Dieu ; ne dites pas au bois : « Mon père, c’est toi » (Jér., II, 27) ; ne prenez pas la ressemblance du bois, puisqu’il est écrit : « Que ceux qui font les (idoles) leur deviennent semblables » (Ps. 113, 2, 8) !
Il survint une famine en cette contrée : famine non des aliments, mais des bonnes œuvres et des vertus. Est-il jeûnes plus lamentables ? En effet, qui s’écarte de la parole de Dieu est affamé, puisque « l’on ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole de Dieu » (Lc, IV,4). S’écartant de la source on a soif, s’écartant du trésor on est pauvre, s’écartant de la sagesse on est stupide, s’écartant de la vertu on se détruit. Il était donc juste que le fils vînt à manquer, ayant délaissé les trésors de la sagesse et de la science de Dieu (Col., II, 3) et la profondeur des richesses célestes. Il en vint donc à manquer et à sentir la faim, parce que rien ne suffit à la volupté prodigue. On éprouve toujours la faim quand on ne sait se combler des aliments éternels. Il alla donc s’attacher à un des citoyens : celui qui s’attache est pris au filet, et il semble que ce citoyen soit le prince de ce monde. Bref il est envoyé à sa ferme — celle dont l’acheteur s’excuse du Royaume (Lc, XIV, 18 et ci-dessus) — et il fait paître les porcs : ceux-là sans doute dans lesquels le diable demande à entrer, ceux qu’il précipite dans la mer de ce monde (Matth., VIII, 32), ceux qui vivent dans l’ordure et la puanteur. Et il souhaitait, est-il dit, se garnir le ventre de glands : car les débauchés n’ont d’autre souci que de se garnir le ventre, leur ventre étant leur dieu (Phil., III, 19). Et quelle nourriture convient mieux à de tels hommes que celle qui est, comme le gland, creuse au-dedans, molle au-dehors, faite non pour alimenter, mais pour gaver le corps, plus pesante qu’utile ? Il en est qui voient dans les porcs les troupes des démons, dans les glands la chétive vertu des hommes vains et le verbiage de leurs discours qui ne peuvent être d’aucun profit : par une vaine séduction de philosophie et par le tintamarre sonore de leur faconde ils font montre de plus de brillant que d’utilité quelconque.
Mais de tels agréments ne sauraient durer : aussi « personne ne les lui donnait » : c’est qu’il était dans la région où il n’y a personne, parce qu’elle ne contient pas ceux qui sont. Car « toutes les nations sont comptées pour rien » (Is., XL, 17) ; mais il n’y a que Dieu pour « rendre la vie aux morts et appeler ce qui n’est pas comme ce qui est » (Rom., IV, 17). Et revenant à lui, il dit : que de pains ont en abondance les mercenaires de mon père ! Il est bien vrai qu’il revient à lui, s’étant quitté : car revenir au Seigneur, c’est se retrouver, et qui s’éloigne du Christ se renie. Quant aux mercenaires, qui sont-ils ? N’est-ce pas ceux qui servent pour le salaire, ceux d’Israël ? Ils ne poursuivent pas ce qui est bien par zèle pour la droiture ; ils sont attirés non par le charme de la vertu, mais par la recherche de leur profit. Mais le fils, qui a dans le cœur le gage du Saint-Esprit (II Cor., I, 22), ne recherche pas les profits mesquins d’un salaire de ce monde, possédant son droit d’héritier. Il existe aussi des mercenaires qui sont engagés pour la vigne. C’est un bon mercenaire que Pierre — Jean, Jacques — à qui on dit : « Venez, je ferai de vous des pêcheurs d’hommes » (Matth., IV, 19). Ceux-là ont en abondance non les glands, mais les pains : aussi bien ont-ils rempli douze corbeilles de morceaux. O Seigneur Jésus, si vous nous ôtiez les glands et nous donniez les pains ! car vous êtes l’économe dans la maison du Père ; oh ! si vous daigniez nous engager comme mercenaires, même si nous venons sur le tard ! car vous engagez même à la onzième heure, et vous daignez payer le même salaire : même salaire de vie, non de gloire ; car ce n’est pas à tous qu’est réservée la couronne de justice, mais à celui qui peut dire : « J’ai combattu le bon combat » (II Tim., IV, 7 ssq.). Je n’ai pas cru devoir me taire sur ce point, parce que certains, je le sais, disent qu’ils réservent jusqu’à leur mort la grâce du baptême ou la pénitence. D’abord comment savez-vous si c’est la nuit prochaine qu’on vous demandera votre âme (Lc, XII, 20) ? Et puis, pourquoi penser que n’ayant rien fait tout vous sera donné ? Admettons qu’il y ait une seule grâce, un seul salaire : autre chose est le prix de la victoire, celui auquel tendait, non sans raison, Paul qui, après le salaire de la grâce, poursuivait encore le prix pour le gagner (Phil., III, 14), sachant que si le salaire de grâce est égal, la palme n’appartient qu’au petit nombre.
(Traité sur l’Evangile de St Luc, PL 15, col. 1755 sq)
CÉLÉBRATION PÉNITENTIELLE DANS LA BASILIQUE SAINTE-SABINE
26 février, 2008du site:
CÉLÉBRATION PÉNITENTIELLE PRÉSIDÉE PAR LE SAINT-PÈRE
DANS LA BASILIQUE SAINTE-SABINE SUR L’AVENTINMESSE, BÉNÉDICTION ET IMPOSITION DES CENDRES
HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI
Basilique Sainte-Sabine sur l’Aventin
Mercredi des Cendres, 6 février 2008
Chers frères et sœurs,
Si l’Avent est, par excellence, le temps qui nous invite à espérer dans le Dieu-qui-vient, le Carême nous renouvelle dans l’espérance en Celui-qui-nous-a-fait-passer-de-la-mort-à-la-vie. Il s’agit de deux temps de purification – leur couleur liturgique commune nous le dit également – mais le Carême, entièrement orienté vers le mystère de la Rédemption, est de manière particulière défini comme le « chemin de conversion véritable » (Prière de la collecte). Au début de cet itinéraire pénitentiel, je voudrais m’arrêter brièvement pour réfléchir sur la prière et sur la souffrance comme aspects caractéristiques du temps liturgique quadragésimal, alors que j’ai consacré à la pratique de l’aumône le Message pour le Carême, publié la semaine dernière. Dans l’Encyclique Spe salvi, j’ai indiqué la prière et la souffrance, ainsi que l’action et le jugement, comme des « lieux d’apprentissage et d’exercice de l’espérance ». Nous pourrions donc affirmer que le temps du Carême, précisément parce qu’il invite à la prière, à la pénitence et au jeûne, constitue une occasion providentielle pour rendre notre espérance plus vivante et solide.
La prière nourrit l’espérance, car rien n’exprime davantage la réalité de Dieu dans notre vie que de prier avec foi. Même dans la solitude de l’épreuve la plus dure, rien ni personne ne peut m’empêcher de m’adresser au Père, « dans le secret » de mon cœur, où Lui seul « voit », comme le dit Jésus dans l’Evangile (cf. Mt 6, 4.6.18). Deux moments de l’existence terrestre de Jésus viennent à l’esprit; l’un se plaçant au début et l’autre presque à la fin de sa vie publique: les quarante jours dans le désert, dont s’inspire le temps du Carême, et l’agonie au Gethsémani – tous deux sont essentiellement des moments de prière. Une prière solitaire avec le Père, en tête à tête, dans le désert, une prière pleine d’ »angoisse mortelle » dans le Jardin des Oliviers. Mais que ce soit dans l’une ou l’autre circonstance, c’est en priant que le Christ démasque les tromperies du tentateur et l’emporte sur lui. La prière démontre être ainsi la première et principale « arme » pour « affronter de manière victorieuse le combat contre l’esprit du mal » (Prière de la collecte). La pri
ère du Christ atteint son sommet sur la croix, en s’exprimant à travers les dernières paroles que les évangélistes ont recueillies. Là où il semble lancer un cri de désespoir: « Mon Dieu, mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné? » (Mt 27, 46; Mc 15, 34; cf. Ps 21, 1), le Christ reprend en réalité l’invocation de celui qui, assiégé sans issue par ses ennemis, n’a plus que Dieu vers qui se tourner et, au-delà de toute attente humaine, fait l’expérience de sa grâce et de son salut. Avec ces paroles du psaume, d’abord d’un homme qui souffre puis du peuple de Dieu qui souffre pour l’absence apparente de Dieu, Jésus a fait sien ce cri de l’humanité qui souffre de l’apparente absence de Dieu et porte ce cri au cœur du Père. En priant ainsi dans cette ultime solitude avec toute l’humanité, Il nous ouvre le cœur de Dieu. Il n’y a donc pas de contradiction entre ces paroles du Psaume 21 et les paroles pleines de confiance filiale: « Père, entre tes mains je remets mon esprit » (Lc 23, 46; cf. Ps 30, 6). Elles sont également tirées d’un psaume, le trentième, imploration dramatique d’une personne qui, abandonnée de tous, se remet avec confiance à Dieu. La prière de supplication pleine d’espérance est donc le leitmotiv du Carême, et elle nous permet de reconnaître Dieu comme l’unique ancre de salut. Même quand elle est collective, la prière du peuple de Dieu est la voix d’un seul cœur et d’une seule âme, un dialogue « en tête à tête », comme l’émouvante imploration de la Reine Esther lorsque son peuple va être exterminé: « O mon Seigneur, notre Roi, tu es l’Unique! Viens à mon secours, car je suis seule et n’ai d’autre recours que toi, et je vais jouer ma vie » (Est 4, 17l). Face à un « grand danger » une plus grande espérance est nécessaire, et celle-ci n’est que l’espérance qui peut compter sur Dieu.
La prière est un creuset dans lequel nos attentes et nos aspirations sont exposées à la lumière de la Parole de Dieu, sont plongées dans le dialogue avec Celui qui est la vérité, et ressortent libérées des mensonges cachés et des compromis avec diverses formes d’égoïsme (cf. Spe salvi, n. 33). Sans la dimension de la prière, le « moi » humain finit par se fermer sur lui-même, et la conscience, qui devrait être l’écho de cette voix de Dieu, risque de se réduire au reflet du moi, si bien que le dialogue intérieur devient un monologue en donnant lieu à mille auto-justifications. La prière est donc la garantie d’ouverture aux autres: celui qui se fait libre pour Dieu et ses exigences, s’ouvre en même temps à l’autre, à son frère qui frappe à la porte de son cœur et demande l’écoute, l’attention, le pardon, parfois la correction mais toujours dans la charité fraternelle. La véritable prière n’est jamais égocentrique, mais toujours centrée sur l’autre. Comme telle, elle exerce l’orant à l’ »extase » de la charité, à la capacité de sortir de lui-même pour devenir le prochain de l’autre dans un service humble et désintéressé. La véritable prière est le moteur du monde, car elle le garde ouvert à Dieu. C’est pourquoi sans prière il n’y a pas d’espérance, mais seulement l’illusion. Ce n’est pas en effet la présence de Dieu qui aliène l’homme, mais son absence: sans le Dieu véritable, Père du Seigneur Jésus Christ, les espérances deviennent des illusions qui poussent à fuir la réalité. Parler avec Dieu, demeurer en sa présence, se laisser éclairer et purifier par sa Parole, nous introduit en revanche au cœur de la réalité, dans le Moteur profond du devenir cosmique, nous introduit pour ainsi dire dans le cœur battant de l’univers. En liaison harmonieuse avec la pri
ère, le jeûne et l’aumône peuvent aussi être considérés comme des lieux d’apprentissage et d’exercice de l’espérance chrétienne. Les Pères et les écrivains antiques aiment souligner que ces trois dimensions de la vie évangélique sont inséparables, se fécondent réciproquement et portent d’autant plus de fruits qu’elles se corroborent mutuellement. Grâce à l’action conjointe de la prière, du jeûne et de l’aumône, le Carême dans son ensemble forme les chrétiens à être des hommes et des femmes d’espérance sur l’exemple des saints.
Je voudrais à présent brièvement m’arrêter également sur la souffrance car, comme je l’ai écrit dans l’Encyclique Spe salvi: « la mesure de l’humanité se détermine essentiellement dans son rapport à la souffrance et à celui qui souffre. Cela vaut pour chacun comme pour la société » (Spe salvi, n. 38). La Pâque, vers laquelle le Carême est tendu, est le mystère qui donne un sens à la souffrance humaine, à partir de la surabondance de la compassion de Dieu, réalisée en Jésus Christ. Le chemin quadragésimal, étant entièrement irradié par la lumière pascale, nous fait donc revivre ce qui eut lieu dans le coeur divin-humain du Christ alors qu’il montait à Jérusalem pour la dernière fois, pour s’offrir lui-même en expiation (cf. Is 53, 10). La souffrance et la mort sont tombées comme les ténèbres à mesure qu’Il s’approchait de la croix, mais la flamme de l’amour est aussi devenue vivante. La souffrance du Christ est, en effet, entièrement imprégnée par la lumière de l’amour (cf. Spe salvi, n. 38): l’amour du Père qui permet au Fils d’aller avec confiance vers son dernier « baptême », comme Lui-même définit le sommet de sa mission (cf. Lc 12, 50). Ce baptême de douleur et d’amour, Jésus l’a reçu pour nous, pour toute l’humanité. Il a souffert pour la vérité et la justice, apportant dans l’histoire des hommes l’Evangile de la souffrance, qui est l’autre face de l’Evangile de l’amour. Dieu ne peut pas pâtir, mais il peut et il veut compatir. A partir de la passion du Christ, la consolatio peut entrer dans chaque souffrance humaine, « la consolation de l’amour participe de Dieu et ainsi surgit l’étoile de l’espérance » (Spe salvi, n. 39).
Comme pour la prière, pour la souffrance aussi l’histoire de l’Eglise est très riche de témoins qui se sont prodigués pour les autres sans s’épargner, au prix de dures souffrances. Plus l’espérance qui nous anime est grande, plus grande est aussi en nous la capacité de souffrir par amour de la vérité et du bien, en offrant avec joie les petites et les grandes peines de chaque jour et en les insérant dans le grand compatir du Christ (cf. ibid., n. 40). Que Marie nous aide sur ce chemin de perfection évangélique, Elle qui, avec celui de son Fils, eut son Cœur immaculé transpercé par l’épée de la douleur. Précisément au cours de ces journées, en rappelant le 150 anniversaire des apparitions de la Vierge à Lourdes, nous sommes conduits à méditer sur le mystère du partage de Marie des douleurs de l’humanité; dans le même temps, nous sommes encouragés à puiser le réconfort au « trésor de compassion » (ibid.) de l’Eglise, auquel Elle a contribué plus que toute autre créature. Nous commençons donc le Carême en union spirituelle avec Marie, qui « a avancé sur le chemin de la foi » derrière son Fils (cf. Lumen gentium, n. 58) et qui précède toujours les disciples dans l’itinéraire vers la lumière pascale. Amen!
Bruno Forte (article 2004) : «Dans le chemin vers l’unité, le rôle de Pierre et de ses successeurs a été d’une importance décisive pour l’Église»
26 février, 2008du site:
http://www.30giorni.it/fr/articolo_stampa.asp?id=3000
L’évêque de Rome et l’unité des chrétiens
Le théologien Bruno Forte intervient sur les sujets abordés par le patriarche œcuménique Bartholomeos Ier dans le dernier numéro de 30Jours:
«Dans le chemin vers l’unité, le rôle de Pierre et de ses successeurs a été d’une importance décisive pour l’Église»
par Gianni Valente
L’année 2004 est une année qui abonde en rendez-vous importants pour les rapports entre l’Église de Rome et les Églises orthodoxes. Après la rencontre du 22 février, à Moscou, entre le patriarche Alexis II et le cardinal Walter Kasper, le patriarche œcuménique de Constantinople Bartholomeos Ier,
acceptant l’invitation qui lui a été expressément et personnellement adressée pour cette date par Jean Paul II par une lettre datée du 16 janvier dernier (voir l’encadré), pourrait venir à Rome le 29 juin prochain, à l’occasion de la fête des apôtres saint Pierre et saint Paul, patrons de Rome.
Les rencontres qui ont déjà eu lieu et celles qui sont prévues se mêlent aux nombreux anniversaires qui ponctuent l’année en cours. Au milieu de juillet prochain tombera le neuf cent cinquantième anniversaire de l’excommunication réciproque du légat du Pape, Umberto di Silvacandida, et du patriarche de Constantinople, Michel Cérulaire. Un événement qui s’est produit en 1054 et que la vulgate historiographique présente comme le point de départ du schisme entre les Églises d’Orient et l’Église de Rome. Ce sera aussi cette année le huit centième anniversaire de la croisade de 1204, durant laquelle les milices chrétiennes d’Occident saccagèrent la ville schismatique de Byzance. Mais seront célébrés aussi en 2004 des anniversaires d’une tout autre nature qui rappelleront les moments importants où a commencé à luire l’espoir du dialogue œcuménique. Jean Paul II a évoqué dans son premier Angélus de l’année l’accolade entre son prédécesseur Paul VI et le patriarche œcuménique Athênagoras, le 5 janvier 1964. Et en novembre prochain sera organisé à Frascati par le Conseil pontifical pour l’Unité des Chrétiens un grand colloque qui célébrera les quarante ans de l’Unitas redintegratio, le décret sur l’œcuménisme promulgué par le dernier Concile œcuménique.
Dans ce contexte plein de rappels suggestifs, la longue interview du patriarche œcuménique Bartholomeos Ier, publiée sur le dernier numéro de 30Jours, représente seulement la première publication d’une série d’interventions et d’articles que notre revue entend consacrer pendant toute l’année aux raisons théologiques et historiques de la séparation entre la plus grande partie des Églises d’Orient et l’Église de Rome, et aux incompréhensions présentes qui perpétuent la division. La fonction de l’évêque de Rome en tant que successeur de Pierre est dans cette question la principale pierre d’achoppement. Il s’agit d’un problème sur lequel Jean Paul II, avec l’encyclique Ut unum sint de 1995, a encouragé une discussion ecclésiale paisible mais libre. Il a en effet déclaré «significatif et encourageant le fait que la question de la primauté de l’Évêque de Rome soit actuellement devenue un objet d’étude» (n. 89) et a montré qu’il prenait au sérieux «la requête qui [lui] est adressée de trouver une forme d’exercice de la primauté ouverte à une situation nouvelle, mais sans renoncement aucun à l’essentiel de sa mission» (n. 95).
Dans cette perspective, les passages les plus provocateurs de l’interview citée peuvent susciter des interrogations positives. Comme, par exemple, la question de savoir s’il est possible et providentiel de séparer la primauté de l’évêque de Rome, telle qu’elle a été définie par l’Église, de projets d’hégémonie spirituelle, culturelle et politique.
30Jours a demandé à l’un des théologiens catholiques les plus connus et universellement appréciés son avis sur les jugements exprimés par le patriarche Bartholomeos Ier dans son interview. Il s’agit de Bruno Forte, qui a été appelé cette année à prêcher les exercices spirituels de début de Carême au Pape et à la Curie romaine. Né en 1949, à Naples, ordonné prêtre en 1973, Bruno Forte est professeur de Théologie dogmatique à la Faculté de Théologie de l’Italie méridionale. Il a poursuivi ses activités de recherche pendant de longues périodes à Tubingue et à Paris. Il est connu et apprécié du monde entier pour les leçons et les conférences qu’il a tenues dans de nombreuses universités européennes et américaines et pour ses cours de mise à jour et d’exercices spirituels dans les différents continents. Il est membre de la Commission théologique internationale et il a, à l’intérieur de cette Commission, présidé un groupe de travail qui a rédigé le document Mémoire et réconciliation: l’Église et les fautes du passé (février 2000). Parmi ses œuvres (dont beaucoup sont traduites dans les principales langues européennes et dans beaucoup d’autres), les principales sont la Simbolica ecclesiale (Éditions San Paolo, Milan), en huit volumes, et la Dialogica (Morcelliana, Brescia), en quatre volumes.
L’interview du patriarche Bartholmeos, publiée sur le dernier numéro de 30Jours a suscité des discussions. Avez-vous eu l’occasion de la lire?
BRUNO FORTE: Oui, elle m’a été signalée et je l’ai lue avec intérêt. J’ai une profonde estime pour sa Sainteté Bartholomeos Ier, une estime née il y a des années lorsque, jeune prêtre et délégué de l’Église de Naples pour l’œcuménisme, je l’ai invité à venir faire une conférence sur le dialogue entre Orient et Occident, bien avant qu’il n’ait été élu successeur du patriarche Dimitrios. Ce qui m’a frappé dès cette époque, c’est sa foi profonde, sa passion pour l’unité et sa grande connaissance du monde catholique, le tout accompagné d’une maîtrise singulière des langues (il parle, entre autres, très bien l’italien). J’ai eu ensuite l’occasion de lui rendre visite à Constantinople, au Phanar, alors que je guidais un groupe de pèlerins sur les traces de l’apôtre Paul: nous avons tous été conquis par son accueil et par son désir d’unité, un désir que ses paroles ont ravivé en nous aussi. Je crois que ses déclarations récentes doivent être lues elles aussi à la lumière de son engagement ancien et constant en faveur du dialogue œcuménique: isoler de leur contexte quelques-unes de ses déclarations ne rendraient pas compte de l’envergure théologique et spirituelle de l’actuel patriarche de Constantinople.
Qu’est-ce qui vous a particulièrement frappé dans la présentation que fait Bartholomeos des raisons qui ont alimenté la division tout au long du second millénaire?
FORTE: Dans tout ce qu’a dit le patriarche dans son interview, il y a un point sur lequel je suis parfaitement d’accord: la cause profonde de la division et du scandale qu’elle comporte, c’est l’esprit de mondanité qui s’est insinué sous différentes formes et à des époques diverses dans la conscience des disciples du Christ. Lorsque la recherche du pouvoir de ce monde prend la place du seul titre de gloire des croyants, qui est le fait de suivre Jésus crucifié pour le salut du monde, toute déviation devient possible. La grande arme de l’Adversaire pour éloigner les hommes de l’Évangile du Christ est celle de diviser les chrétiens. Si le Seigneur lui-même a dit: «À ceci tous vous reconnaîtront pour mes disciples: à cet amour que vous aurez les uns pour les autres» (Jn 13,35), il est évident que le manque d’amour réciproque, la division, cachera au monde le Visage du Rédempteur. Et rien ne favorise autant la division qu’une logique de pouvoir et de succès dans ce monde, logique qui prend la place de la charité vécue dans le don de soi jusqu’à la fin. Sur ce point, Sa Sainteté Bartholomeos Ier dit une grande vérité.
Y a-t-il d’autres passages de l’interview qui vous ont paru moins convaincants?
FORTE: Le point sur lequel je me permets d’émettre un réserve, c’est l’insistance avec laquelle le patriarche attribue à l’Église d’Occident la responsabilité exclusive de ce péché de mondanité: l’Église d’Occident aurait «fondé son espoir dans sa force mondaine», à la différence de l’homme orthodoxe qui «met son espoir principalement en Dieu». Même si l’on admet que des fautes ont été commises par les fils de l’Église catholique – et Jean Paul II l’a fait avec décision durant le Jubilé de l’an 2000 en donnant un exemple extraordinaire de confiance dans la force de la Vérité qui libère et sauve –, il me semble impossible de penser que l’emprise de Satan ne se soit exercée facilement que sur les chrétiens d’Occident. En réalité, la tentation du pouvoir et de la mondanité s’est manifestée au cours de l’histoire dans toute la chrétienté, en Occident comme en Orient: si l’on voulait chercher des exemples historiques, il ne serait pas, me semble-t-il, difficile d’en trouver parmi les chrétiens orthodoxes, comme il n’a pas été difficile d’en repérer parmi les chrétiens catholiques. Bref, le Malin est en embuscade de tous les côtés et malheureusement personne ne peut attribuer à une partie de l’Église l’innocence de l’Éden ou la fidélité parfaite à la Croix et à l’autre toutes les fautes et les abandons à la logique de la mondanité. Sur ce point – qui me semble évident – l’interview de Sa Sainteté Bartholomeos me semble pour le moins incomplète, à moins qu’il n’y ait eu une méprise involontaire dans la transposition journalistique de ses propos. Je voudrais surtout dire clairement que pour l’Église catholique, comme pour l’Église orthodoxe, l’espoir ne se trouve pas dans ce monde, mais dans le Christ, mort et ressuscité pour nous. S’il n’en était pas ainsi, non seulement on ne s’expliquerait pas l’extraordinaire floraison de saints que l’Occident a connue tout comme l’Orient, mais encore la permanence de l’Église à travers les siècles, par-delà l’apogée et le déclin des pouvoirs de ce monde qui se sont succédé pendant les deux mille ans de christianisme, deviendrait totalement incompréhensible.
Dans son interview, Bartholomeos relativise l’importance de l’épisode qui, selon la vulgate, aurait provoqué le schisme. Quoiqu’il en soit, dans le cours du second millénaire, la division a plusieurs fois dégénéré en conflits. Des conflits qui ont l’implacable irréversibilité des faits historiques.
FORTE: Sa Sainteté le Patriarche de Constantinople a raison lorsqu’il voit dans l’événement de division de 1054 la pointe d’un iceberg, c’est-à-dire d’un processus plus vaste et enraciné dans les consciences: je voudrais même préciser que c’est exactement là, à ce qu’il me semble, la position du cardinal Walter Kasper, que j’ai aussi le privilège de connaître depuis des années à travers ses importants textes de théologie mais aussi directement. Il n’a jamais, quant à lui, réduit le schisme à une simple opposition de caractères entre deux personnages de premier plan, le légat du Pape, Umberto di Silvacandida, et le patriarche, Michel Cérulaire, même s’il est évident que le poids des personnalités en jeu ne peut avoir été étranger à la façon dont se sont déroulés les événements. La division s’est ensuite renforcée en raison d’erreurs humaines dont nous devons tous être conscients et pour lesquelles l’Église demande pardon, faisant justement sienne la voix des victimes, par obéissance à la vérité: je pense aux victimes des atrocités – auxquelles fait référence Bartholomeos – accomplies lors du sac de Constantinople en 1204, mais je pense aussi aux très nombreuses victimes de la barbarie stalinienne qui voulait tout simplement effacer l’Église gréco-catholique dans les territoires de l’empire soviétique, en l’unissant de force à Moscou. Dans un cas comme dans l’autre il est bon de demander pardon pour les connivences qu’ont pu avoir avec ce qui s’est produit, aussi bien chez les catholiques que chez les orthodoxes, certains responsables ecclésiastiques qui n’ont pas fait to\t ce qu’ils pouvaient ou devaient faire pour arrêter la barbarie et défendre les opprimés.
On trouve aussi dans l’interview de Bartholomeos l’idée que, pour la pleine communion, l’accord sur le rôle de l’évêque de Rome est décisif. Le patriarche œcuménique écrit, entre autres, que «c’est pour justifier la primauté de pouvoir de Pierre que l’on souligne sa supériorité par rapport aux autres apôtres». Qu’est-ce qui peut, selon vous, favoriser un dialogue sur ce point?
FORTE: Je voudrais souligner les raisons d’espérer que Sa Sainteté Bartholomeos rappelle à plusieurs reprises, lorsque, par exemple, il déclare que «le dialogue est toujours utile et [qu’il espère] qu’il portera ses fruits, même si ceux-ci mûrissent lentement», ou lorsqu’il invite à compter «sur l’illumination de l’Esprit Saint, sur la grâce divine qui guérit les maladies et supplée ce qui manque». Dans ce chemin vers l’unité, le rôle de Pierre et de ses successeurs a été et est d’une importance décisive pour l’Église aussi bien en Orient qu’en Occident: il suffit de lire le Nouveau Testament pour le comprendre. Pierre est – après Jésus – le personnage le plus connu et cité dans le texte: il est mentionné cent cinquante-quatre fois avec son surnom de Pétros, “pierre”, “roche”, associé dans vingt-sept cas au nom juif de Siméon, forme grécisée de Simon, tandis que le nom araméen Kefa, qui signifie “roche”, revient neuf fois et est préféré par Paul. Cette simple donnée quantitative ne s’expliquerait pas sans une importance spécifique du rôle du ministère de Pierre pour toute l’Église, selon la volonté de Jésus, laquelle s’exprime dans des déclarations décisives comme, par exemple, celle-ci: «Tu es Pierre et sur cette Pierre je bâtirai mon Église» (Mt 16,18), ou dans le mandat d’“affermir” ses frères (cf. Lc 22,32). Certes, l’exercice du ministère de Pierre a été accompli de façons diverses dans l’histoire et Jean Paul II lui-même – dans la lettre encyclique Ut unum sint (n. 88 et suiv.) – s’est dit prêt à écouter la demande qui lui a été adressée par de nombreux chrétiens qui ne sont pas en pleine communion avec Rome de «trouver une forme d’exercice de la primauté ouverte à une situation nouvelle, mais sans renoncement aucun à l’essentiel de sa mission» (n. 95). Dans un monde qui devient de plus en plus un “village global”, le ministère universel du successeur de Pierre apparaît plus nécessaire que jamais à toute l’oikouménè chrétiennne, comme l’a montré, par exemple, le rôle prophétique qu’a eu le Pape en ce qui concerne les récents événements de la guerre d’Irak. Il est souhaitable ici que les Églises orthodoxes ne s’abstiennent pas d’apporter leur précieuse contribution au développement d’un exercice de ce ministère qui serve l’unité de tous les disciples de Jésus dans leur témoignage au monde et puisse être accepté par tous, dans l’obéissance au dessein divin relatif à l’unité de l’Église. C’est une aide que, selon moi, l’Évêque de Rome peut attendre d’Églises aussi liées sur le plan de la doctrine de la foi et des sacrements à l’Église catholique, et en particulier du patriarche œcuménique de Constantinople qui, à l’exemple de ses prédécesseurs, à commencer par le grand Athênagoras, a tant fait et pourra tant faire pour le développement du dialogue entre Orient et Occident et pour la croissance dans l’unité voulue par le Seigneur. C’est une aide nécessaire pour que la totalité du peuple chrétien respire pleinement, avec ses deux poumons, et que les disciples du Christ soient visiblement un “comme” Jésus et le Père sont un (cf. Jn 17,21).
Dans son interview, Bartholomeos fait allusion à une idée qui est celle d’une grande partie de l’historiographie catholique, à savoir que la réforme grégorienne aurait fait apparaître une forme de structure ecclésiastique en Occident qui aurait contribué à creuser le fossé avec l’Orient. Partagez-vous cette vue de l’historiographie?
FORTE: La vie et le message de Grégoire VII sont résumés dans l’inscription que l’on peut lire sur sa tombe: «Dilexi iustitiam, odivi iniquitatem, propterea morior in exilio» – «J’ai aimé la justice, j’ai haï l’iniquité, c’est pourquoi je meurs en exil». Ces mots expriment le sens authentique de sa réforme, laquelle visait précisément à libérer l’Église de cet esprit de mondanité dans lequel Sa Sainteté Bartholomeos voit à juste titre la cause de tous les maux de l’existence chrétienne. Revendiquer la libertas ecclesiae contre un pouvoir politique envahissant et avide voulait dire combattre la simonie et l’immoralité parmi les disciples du Christ, des maux que favorisaient l’investiture laïque des ministres sacrés. Cette lutte a anticipé la distinction moderne entre Église et État, laquelle manque souvent dans l’expérience historique des Églises orthodoxes. Et ce manque s’est souvent révélé être pour elles et pour de nombreux chrétiens, même non orthodoxes, une source de souffrances et de maux. C’est pourquoi il est étrange que le patriarche œcuménique juge de façon si négative une réforme qui s’inspire de l’esprit anti-mondain qu’il considère comme si nécessaire au bien de l’Église et à la cause de l’unité. Mais il se peut que la transcription journalistique de ses paroles ait rendu tranchants des jugements historiques qui méritaient une grande attention et qui – s’ils sont fondés et présentés comme ils le doivent – ouvrent la voie à des résultats intéressants pour l’œcuménisme lui-même, comme le montrent, par exemple, les contributions fondamentales du père Yves Congar à l’histoire de l’ecclésiologie.
buona notte
26 février, 2008Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés » (Mt 6,12)
26 février, 2008du site
http://levangileauquotidien.org/
Saint Jean Chrysostome (vers 345-407), évêque d’Antioche puis de Constantinople, docteur de l’Église
Homélies sur saint Matthieu, n° 61 (trad. Véricel, L’Evangile commenté, p.214)
Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés » (Mt 6,12)
Le Christ nous demande donc deux choses : condamner nos péchés, pardonner ceux des autres, faire la première chose à cause de la seconde, qui sera alors plus facile, car celui qui pense à ses péchés sera moins sévère pour son compagnon de misère. Et pardonner non seulement de bouche, mais « du fond du coeur », pour ne pas tourner contre nous-mêmes le fer dont nous croyons percer les autres. Quel mal peut te faire ton ennemi, qui soit comparable à celui que tu te fais toi-même ?… Si tu te laisses aller à l’indignation et à la colère, tu seras blessé non par l’injure qu’il t’a faite, mais par le ressentiment que tu en as.
Ne dis donc pas : « Il m’a outragé, il m’a calomnié, il m’a fait quantité de misères. » Plus tu dis qu’il t’a fait du mal, plus tu montres qu’il t’a fait du bien, puisqu’il t’a donné occasion de te purifier de tes péchés. Ainsi, plus il t’offense, plus il te met en état d’obtenir de Dieu le pardon de tes fautes. Car si nous le voulons, personne ne pourra nous nuire ; même nos ennemis nous rendent ainsi un grand service… Considère donc combien tu retires d’avantages d’une injure soufferte humblement et avec douceur.