27 JANVIER JOUR DE LA MEMOIRE: JEAN MARIE LUSTIGER PARLE DE LA SHOAH

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Le cardinal Lustiger parle de la Shoah 

Jan 28, 2005 


L’archevêque de Paris représentera Jean-Paul II aux commémorations de la libération du camp d’Auschwitz. Il s’est expliqué sur le sens de cette «mission»

Le cardinal Lustiger ne voulait plus retourner à Auschwitz. Lui qui s’y était rendu en 1983, en compagnie de Mgr Albert Decourtray, ancien archevêque de Lyon, ne souhaitait plus revenir sur «ce lieu de mort». Là même où sa mère, et plus d’une trentaine de membres de sa famille paternelle, ont été assassinés.

À Auschwitz pourtant, l’archevêque de Paris sera bien présent, jeudi 27 janvier. Parce que «le Pape le lui a demandé». Parce qu’il doit le représenter aux commémorations du 60e anniversaire de la libération du camp d’extermination. C’est ainsi que Jean-Marie Lustiger situe le cadre de ce qu’il appelle sa «mission».

Il ne se rendra pas à Auschwitz à titre personnel – «je ne suis pas un ancien déporté», glisse-t-il avec pudeur, «même si je fais partie de ceux qui auraient dû, auraient pu être embarqués» – mais comme responsable, avec d’autres, des hommes croyants et des hommes incroyants. Par devoir. Pour «qu’on ne se trompe pas sur l’importance de cet anniversaire».

Mgr Lustiger veut souligner la portée universelle de la Shoah
Dès vendredi 21 janvier, devant quelques journalistes, il s’est attelé à ce travail d’explicitation et de mémoire. L’archevêque de Paris a déjà plus d’une fois évoqué la singularité de la Shoah, mais cette fois-ci, c’est sa portée universelle qu’il a tenu à souligner.

Face à «au moins trois entreprises de falsification de la réalité de l’extermination» – la première par les nazis eux-mêmes, la seconde par le régime stalinien, et la troisième par les révisionnistes occidentaux –, il lui paraît urgent de bien prendre la mesure de l’événement, pour l’humanité tout entière. La Shoah est certes d’abord l’affaire du peuple juif, estime-t-il. Mais elle est aussi celle des bourreaux. Et au-delà encore, elle concerne «l’ensemble de l’humanité».

La Shoah, c’est «l’extermination technique, moderne, délibérée d’un peuple, souligne le cardinal. Elle est le symptôme décisif, singulier, unique en son genre, de ce qu’est capable de faire l’humanité, quand elle déraisonne et met au service de la folie sa puissance.» La Shoah montre jusqu’où peut aller la folie humaine, et il faut que les générations à venir soient éduquées à cette responsabilité. Non comme une culpabilité, mais comme une «mise en garde».

À son ton devenu brusquement plus grave, on sent combien la question préoccupe le cardinal : «Comment graver dans les consciences des générations à venir qu’ils ont à gérer leur liberté pour qu’elle ne soit pas folle ?», s’interroge-t-il.

Universelle, la Shoah l’est aussi par ceux qu’elle a voulu exterminer, poursuit Mgr Lustiger : il n’y a aucune explication sociale, économique, démographique, culturelle à une telle volonté de supprimer le peuple juif. Si ce peuple a été tué, développe Mgr Lustiger reprenant là une idée qui lui est chère, c’est parce qu’il est porteur de cette loi morale fondamentale que sont les dix commandements (les droits de l’homme). C’est en ce qu’il est porteur de l’idée d’une transcendance que l’athéisme peut nier «mais dont toute personne humaine de la civilisation occidentale porte la trace, ne serait-ce que dans son histoire».

On a voulu «tuer le messager pour supprimer le message»
La loi nazie était une loi de prétention divine, analyse l’archevêque de Paris. Avec le peuple juif, il «s’agissait de tuer le témoin». De «tuer le messager pour supprimer le message». En cela aussi, la portée d’Auschwitz est universelle, conclut le cardinal : « Auschwitz dévoile ce que nous refusons de voir dans tous les malheurs, toutes les tragédies humaines, les massacres et les guerres : tous relèvent du même mépris de l’homme. Cet homme qui est, pour les croyants, l’image de la représentation de Dieu.»

Et ici, la Shoah peut servir de clé de lecture pour lire les autres événements qui touchent l’homme, souligne Jean-Marie Lustiger. Elle reste, par sa dimension religieuse et technique, à la cime des destructions humaines, l’événement qui permet de voir le défi posé à l’humanité. Avec la disparition progressive des derniers témoins, observe encore le responsable du diocèse de Paris, «nous allons passer du souvenir à l’histoire».

Il y a urgence à comprendre cette histoire, estime le cardinal. D’où l’utilité de tous ces témoignages de rescapés dont sont emplis les journaux depuis une semaine. D’où l’importance, aux yeux du cardinal, de la commémoration du 60e anniversaire de la libération d’Auschwitz. 

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