« Voici que tu devras garder le silence »

Jean Tauler (vers 1300-1361), dominicain à Strasbourg
Sermon pour la fête de Noël (trad. Cerf 1991, p.15s)

« Voici que tu devras garder le silence »

A Noël nous fêtons une triple naissance… La première et la plus sublime naissance est celle du Fils unique engendré par le Père céleste dans l’essence divine, dans la distinction des personnes. La seconde naissance est celle qui s’accomplit par une mère qui dans sa fécondité a gardé la pureté absolue de sa chasteté virginale. La troisième est celle par laquelle Dieu, tous les jours et à toute heure, naît en vérité, spirituellement, par la grâce et l’amour, dans une bonne âme…

Pour cette troisième naissance, il ne doit rester en nous qu’une recherche simple et pure de Dieu sans plus aucun désir d’avoir rien qui nous soit propre…, avec la seule volonté d’être à lui, de lui faire place de la façon la plus élevée, la plus intime avec lui, pour qu’il puisse accomplir son oeuvre et naître en nous sans que nous y mettions obstacle… C’est pourquoi saint Augustin nous dit : « Vide-toi pour que tu puisses être rempli ; sors afin de pouvoir entrer », et ailleurs : « Ô toi, âme noble, noble créature, pourquoi cherches-tu en dehors de toi ce qui est en toi, tout entier, de la façon la plus vraie et la plus manifeste ? Et puisque tu participes à la nature divine, que t’importent les choses créées et qu’as-tu donc à faire avec elles ? » Si l’homme préparait ainsi la place au fond de lui-même, Dieu, sans aucun doute, serait obligé de le remplir et complètement ; sinon le ciel se romprait plutôt pour remplir le vide. Dieu ne peut pas laisser les choses vides ; ce serait contraire à sa nature, à sa justice.

C’est pourquoi tu dois te taire ; alors le Verbe de cette naissance pourra être prononcé en toi et tu pourras l’entendre. Mais sois bien sûr que si tu veux parler, lui doit se taire. On ne peut mieux servir le Verbe qu’en se taisant et en écoutant. Si donc tu sors complètement de toi-même, Dieu entrera tout entier ; autant tu sors, autant il entre, ni plus ni moins.

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