par Sandro Magister : Comment illustrer une homélie avec le pinceau de Luc, évangéliste et peintre

un autre intéressant un article de Sandro Magister qu’il nous aide à réfléchir sur la prédication et la compréhension de la foi, comme les autres fois sous ce texte il y a toutes les références utiles et une bibliographie (du livre italien), du site:

http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/177321?fr=y

Comment illustrer une homélie avec le pinceau de Luc, évangéliste et peintre

Un livre de Timothy Verdon commente les lectures de la messe par des chefs-d’œuvre de l’art chrétien. C’est une « prédication par l’image » qui a prospéré pendant des siècles dans l’Eglise. Et à laquelle l’actuel pontificat veut redonner vie

par Sandro Magister

ROMA, le 20 novembre 2007 Cest dimanche prochain, fête du Christ-Roi, que se terminera lannée liturgique. Le dimanche suivant, le premier de lAvent selon le rite romain, marquera le début de la nouvelle année, la première du cycle triennal des lectures de lAncien et du Nouveau Testament, qui met à lhonneur lEvangile selon saint Mathieu.

Beaucoup de prêtres ont lhabitude de préparer leurs homélies à laide de livres commentant les lectures de la messe du jour. On trouve beaucoup de ces manuels dans le commerce, mais jadis, cela ne se passait pas comme cela.

Les évangéliaires et les épistolaires qui, à partir du VIe siècle, rassemblaient les lectures de la messe navaient pas besoin dun commentaire supplémentaire, à part. Ils constituaient eux-mêmes des illustrations des pages des Ecritures Saintes, une aide visuelle permettant de mieux les comprendre.

Ces lectionnaires expliquaient les Ecritures par des images intercalées entre les textes, comme par exemple les splendides miniatures qui figuraient sur les manuscrits du Moyen Age. C’étaient les images qui servaient de guide et de commentaire à un clergé et des fidèles déjà habitués à voir les épisodes et les personnages des Ecritures Saintes représentés sur les murs des églises.

Et voilà quen Italie, à la veille de ce premier dimanche de lAvent, sort un livre qui renoue justement avec cette tradition. Il sagit dun commentaire du lectionnaire des messes pour les fêtes de lannée A les volumes pour les années B et C suivront à partir dimages de ce que lart chrétien a produit de plus beau. Des images plus éloquentes que de longues explications.

Son auteur est Timothy Verdon, historien de lart, prêtre, professeur à luniversité de Stanford et directeur du service diocésain pour la catéchèse par lart, à Florence. Il a aussi écrit des livres importants sur lart chrétien et sur le rôle de lart dans la vie de lEglise.

Il a eu lidée de ce livre à loccasion du synode des évêques de 2005 sur leucharistie, auquel il participait comme expert à la demande de Benoît XVI.

Le pape a consacré le paragraphe 41 de son exhortation post-synodale « Sacramentum Caritatis » à liconographie religieuse. Celle-ci écrit Benoît XVI « doit être orientée vers la mystagogie sacramentelle », vers linitiation au mystère chrétien par la liturgie.

Dans son livre, Verdon applique précisément cette consigne. Pour chaque dimanche et chaque fête de lannée liturgique, il choisit un chef-d’œuvre de lart chrétien lié à lEvangile du jour. Cest lart qui aide à entrer dans le mystère proclamé et célébré.

Pour présenter son livre au public c’était à Florence, il y a quelques jours Verdon a fait appel à un prêtre qui est en harmonie totale avec cette orientation: Massimo Naro, théologien, recteur du séminaire du diocèse de Caltanissetta et frère cadet de Cataldo Naro, l’évêque de Monreale, en Sicile, mort il y a un an à l’âge de 55 ans seulement.

La cathédrale de Monreale, dont lintérieur est entièrement recouvert de mosaïques du XIIe siècle, est un chef-d‘œuvre absolu de lart chrétien. Le Christ Pantocrator reproduit ci-dessus en domine labside.

Mais lart chrétien vit dans et pour la liturgie. Et son langage est celui du regard, de la contemplation. Cest ce quavait compris le théologien italo-allemand Romano Guardini, qui a été un grand maître pour Benoît XVI, lorsquil avait visité la cathédrale de Monreale au cours de la semaine sainte de 1929.

Guardini a raconté sa visite. Ayant observé les hommes et les femmes qui emplissaient la cathédrale de Monreale et qui participaient à la liturgie pascale, il a écrit:

« Ils vivaient tous dans le regard [dans le texte original en allemand: Alle lebten im Blick], ils étaient tous tendus vers la contemplation ».

Mgr Cataldo Naro avait reproduit intégralement la page de Guardini dans sa dernière lettre pastorale aux fidèles, pour les guider dans la contemplation et lamour de lEglise.

Son frère Massimo a lui aussi cité cette page dans sa présentation du livre de Verdon au public. Et il a continué ainsi:

« On doit croire, confesser, professer, mais on doit aussi regarder la foi. Jésus est celui qui a vu et entendu son Père. En lui sunissent la parole et limage, il est le Logos et lEikon (cf. Colossiens 1,15). Ce nest pas par hasard que sest répandue dans lEglise antique, dès les IVe et Ve siècles, la légende selon laquelle l’évangéliste Luc était aussi un peintre. On peut rattacher à cette légende lanathème du second concile de Nicée, selon lequel si quelquun nadmet pas les récits des Evangiles faits à la manière dun peintre, quil soit excommunié’. Peindre le visage du Christ, de Marie et des saints est une autre façon d’écrire lEvangile, et par conséquent de le transmettre, de le proclamer, den permettre la lecture et donc la méditation et la connaissance de la part des fidèles. A Nicée, en 787, le dogme incorpore la légende et lui donne sa dignité doctrinale. Il inclut dans le dépôt de la tradition non seulement la tradition écrite et orale, mais aussi la tradition illustrée, non seulement les écrits de lAncien et du Nouveau Testament et les livres des Pères de lEglise mais aussi les images qui traduisent en couleurs lencre des auteurs sacrés ».

Les œuvres dart que Verdon a choisies pour illustrer les lectures de la messe pour lannée A sont présentes dans des églises et des musées du monde entier. Une bonne partie se trouve en Italie, dont certaines à Florence. Un curé florentin pourra donc très facilement utiliser ce commentaire.

Mais limportant, cest la méthode, qui vaut pour tous. Le livre de Verdon forme à la lecture « artistique » des textes bibliques de la liturgie. Il restitue aux prêtres et aux fidèles les fruits dune « prédication par les images » qui sest développée dans lEglise pendant un millénaire et demi et qui risque aujourdhui de dépérir.

Lart chrétien, la théologie et la liturgie sont en effet indissociables. De même que la résurrection et la croix sont à lorigine de la composition des Evangiles et du Nouveau Testament et que Pâques est à lorigine de toute lannée liturgique, de même Jésus ressuscité et crucifié est à lorigine de lart chrétien.

Lors de sa présentation du livre de Verdon, Massimo Naro a affirmé que cest en observant les mosaïques de la cathédrale de Monreale dont son frère a été l’évêque quil avait compris « que la résurrection constituait le point de départ de lart chrétien ». Il sest expliqué en ces termes:

« Jen suis convaincu depuis que jai vu, au sommet de larc qui fait face à la grande demi-coupole de labside où lon peut admirer le Christ Pantocrator, la représentation en mosaïque du Mandylion, placée en symétrie avec le visage du Pantocrator. On dirait que le splendide et glorieux Christ Pantocrator est le développement dun négatif du visage du Crucifié.

« Le Mandylion, selon danciennes légendes qui remontent aux VIIIe et IXe siècles, est un linge sur lequel sest imprimé le visage de Jésus, ensanglanté par les coups qui lui étaient infligés pendant sa passion.

« Pour certains, le Mandylion est le linge que Véronique a passé sur le visage de Jésus alors quil marchait vers le Calvaire (cf. Luc 23, 27-28).

« Pour dautres, il sagit du suaire remarqué par Pierre au matin de Pâques dans le tombeau désormais vide (cf. Jean 20,7).

« Dans ce cas, il sagirait dune image de Jésus non peinte de main dhomme mais due à lintervention divine: lempreinte, sur le suaire, du visage du Crucifié qui, dans la lumière pascale, se relève en tant que Ressuscité.

« Cette image de lumière est donc, selon la légende du Mandylion, la véritable icône du Christ, larchétype de toute image et de toute production artistique chrétienne.

« Dans cette perspective, cest la lumière de la résurrection qui permet de représenter le Crucifié du Golgotha et, en Lui, Dieu Lui-même. Cest seulement à la lumière de la résurrection que Celui qui a été violemment privé de toute apparence humaine reste pour toujours la vraie et unique image de Dieu.

« En ce sens, la résurrection est à lorigine de liconographie et de lart chrétiens. Toute production iconographique spécifiquement chrétienne ne peut donc être dissociée de l’événement capital qui a transformé la création et racheté lhistoire ».

2 Réponses à “par Sandro Magister : Comment illustrer une homélie avec le pinceau de Luc, évangéliste et peintre”

  1. potassium dit :

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