par Sandro Magister: En Inde, alliance fructueuse entre chrétiens et musulmans
du site:
http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/174609?fr=y
En Inde, alliance fructueuse entre chrétiens et musulmans
Ils s’unissent pour venir à bout des discriminations de caste. Mais aussi pour se défendre contre les agressions d’hindouistes fanatiques. Pendant ce temps, le pape reçoit le roi d’Arabie Saoudite, un pays où en revanche…
par Sandro Magister
ROMA, 7 novembre 2007 – Hier, pour la première fois, un roi d’Arabie Saoudite a rendu visite au pape. A la fin de son entrevue avec Benoît XVI, le roi Abdallah bin Abdulaziz al-Saud a rencontré le secrétaire d’état, le cardinal Tarcisio Bertone, et le ministre des affaires étrangères du Saint-Siège, Mgr Dominique Mamberti.
A l’heure actuelle, de nombreux chrétiens vivent en Arabie Saoudite et dans les émirats du Golfe persique. Une population croissante qui provient principalement des Philippines et de l’Inde. En plus des désagréments liés à leur condition de travailleurs immigrés, ils subissent de lourdes restrictions de leur liberté religieuse. Ce sont les « dhimmi » des temps modernes: des sujets non-musulmans d’un pays dominé par l’islam, privés de leurs droits fondamentaux.
L’Arabie Saoudite n’est pas un cas isolé. Fréquemment, dans le monde entier, les libertés des minorités chrétiennes sont bafouées. C’est presque la norme dans les pays musulmans.
Mais l’on rencontre aussi d’autres cas de figure. Il existe des pays où les chrétiens comme les musulmans sont soumis à des restrictions de leur liberté. Ce qui les incite à collaborer plutôt qu’à s’affronter.
La Birmanie, par exemple, est l’un de ces pays. Là-bas, selon les chiffres officiels, les chrétiens représentent 6% de la population et les musulmans 4%. En réalité, les uns et les autres sont deux fois plus nombreux. Ils appartiennent en général à des minorités ethniques. La répression du régime les frappe plus durement que les bouddhistes, qui constituent la grande majorité de la population. Durant ces derniers mois, chrétiens et musulmans se sont ainsi unis pour soutenir la révolte pacifique des moines bouddhistes contre les militaires communistes au pouvoir.
Mais l’exemple le plus manifeste de la collaboration entre chrétiens et musulmans est celui de l’Inde.
* * *
La sociéte indienne est encore dominée par un système hiérarchique de castes, qui pénalise ceux qui sont en bas de l’échelle, les dalits ou « intouchables ». Bien qu’interdite par la Constitution, la discrimination existe toujours.
Les castes font partie intégrante de la tradition hindouiste, la religion dominante en Inde. Celui qui n’appartient pas à cette religion n’est donc pas soumis au système des castes.
Mais cela reste théorique. Le poids de la tradition est tel que la division en castes subsiste toujours plus ou moins au sein même des communautés chrétiennes et musulmanes en Inde. Le christianisme est présent en Inde depuis l’âge apostolique – là-bas, l’apôtre Thomas est vénéré comme le premier évangélisateur – mais il faut attendre la fin du XXe siècle pour trouver les premiers évêques dalits. Les Eglises indiennes les plus anciennes, de rite syriaque, présentes sur la côte sud-ouest de l’Inde, sont presque exclusivement composées de brahmanes et de membres des autres castes supérieures.
Depuis les années 50, afin d’affaiblir la discrimination de caste, la loi prévoit qu’une partie des emplois et des admissions aux universités doit être réservée aux dalits. Le quota s’élève à 15% en ce qui concerne les employés fédéraux.
Cependant, si des dalits se convertissent au christianisme ou à l’islam – sortant ainsi, en théorie, du système des castes – ils perdent aussi la protection des emplois que la loi leur réserve. Au final, ils subissent plus de discriminations qu’auparavant.
Par conséquent, une grande partie des dalits qui embrassent le christianisme ou l’islam cachent leur nouvelle appartenance religieuse. Au cours des messes catholiques ou des célébrations protestantes, on voit plus facilement des femmes et des enfants que des hommes. En public, ces derniers continuent à se présenter comme des hindouistes pour ne pas perdre leur emploi.
Parmi les 24 millions de chrétiens en Inde – catholiques ou non – on compte environ 10 millions de dalits. Il faudrait toutefois y ajouter les convertis clandestins, qui se comptent aussi en millions.
Les chrétiens sont bien peu de chose au regard d’une population totale de 1,1 milliard d’Indiens. Mais leur force de pression est multipliée si elle s’ajoute à celle des musulmans, beaucoup plus nombreux, avec environ 150 millions d‘individus.
C’est justement ce qui est en train de se produire. Depuis des années, chrétiens et musulmans font pression pour que le gouvernement garantisse les mêmes protections légales à tous les dalits, quelle que soit leur religion.
Entre 1996 et 2004, quand le principal parti au pouvoir était le Bharatiya Janata Party, qui défend l’hindouisme comme religion d’état, les pressions des chrétiens et des musulmans n’ont donné aucun résultat.
Mais depuis que le Parti du Congrès – plus laïque – est revenu au pouvoir, les chances de succès se sont accrues. A tel point que le BJP s’est senti obligé de prendre des contre-mesures. Le 5 novembre 2007, il a organisé une grande marche hindouiste sur New Delhi contre l’égalité des droits pour les chrétiens et les musulmans.
La collaboration entre chrétiens et musulmans ne se limite pas aux pressions politiques. Dans certaines localités habitées par des dalits, les leaders des deux religions organisent ensemble des repas festifs où tout le monde se sert dans le même plat géant de riz et de légumes. Le but est de faire tomber les barrières entre les « intouchables » et les castes supérieures.
Au cours de ces dernières années, chrétiens et musulmans se sont aussi unis pour se défendre contre d’autres actes – plus graves – de persécution. En 2002, lorsque des groupes extrémistes hindouistes ont lancé des pogroms contre les musulmans dans l’état du Gujarat, les chrétiens sont venus à leur secours et ont hébergé les musulmans qui fuyaient.
De même, les chrétiens font en Inde l’objet d’agressions, de violences, de meurtres, non pas de la main des musulmans – comme cela arrive malheureusement dans d’autres pays du monde – mais d’hindouistes fanatiques.
* * *
A l’occasion de la fête hindouiste du Diwali, qui tombe cette année le 9 novembre, le conseil pontifical pour le dialogue interreligieux a adressé aux hindouistes un message signé par son président, le cardinal Jean-Louis Tauran.
Il y est dit:
« La croyance religieuse et la liberté vont toujours de pair. Aucune contrainte n’est possible en matière religieuse : personne ne peut être obligé de croire, et personne, non plus, ne peut être empêché de croire si telle est sa volonté. Permettez-moi de répéter encore l’enseignement du Concile Vatican II car il est tout à fait clair sur ce point : ‘C’est un des points principaux de la doctrine catholique […] que la réponse de foi donnée par l’homme à Dieu doit être volontaire; en conséquence, personne ne doit être contraint à embrasser la foi malgré soi’ (Déclaration sur la liberté religieuse, Dignitatis humanæ, n. 10). Comme l’a rappelé le pape Benoît XVI, il y a peu, aux ambassadeurs de l’Inde et d’autres pays accrédités près le Saint-Siège, l’Eglise catholique est restée fidèle à cet enseignement: ‘De même, la paix s’enracine dans le respect de la liberté religieuse, qui est un aspect fondamental et primordial de la liberté de conscience des personnes et de la liberté des peuples’ ».
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.