depuis 26.6.2007, par Sandro Magister : Pourquoi saint François “est un vrai maître“ pour les chrétiens d’aujourd’hui

depuis 26.6.2007, du site:

http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/150081?fr=y

Pourquoi saint François “est un vrai maître“ pour les chrétiens d’aujourd’hui

Et pourquoi saint Augustin lest aussi. Depuis Assise et Pavie, destinations de ses deux derniers voyages en Italie, Benoît XVI propose les deux grands convertis comme modèles. Et il critique leurs mutilations modernespar Sandro Magister


ROMA, le 20 juin 2007

Benoît XVI a consacré ses deux derniers voyages en Italie, à Pavie et à Assise, à deux saints de tout premier rang et dune influence exceptionnelle dans lhistoire de lEglise: Augustin et François.

Dans les deux cas, le pape a concentré son attention sur un moment précis de la vie des deux saints: la conversion.La conversion

a expliqué le pape est le tournant crucial de lexistence de chaque chrétien. La vie de chaque homme y prend une nouvelle forme grâce au Christ auquel il se confie. Dès lors, sa vie se distingue par le fait quelle est marquée par le Christ.

Si François est ainsi « un vrai maître » dans la recherche de la paix, dans la sauvegarde de la nature, dans la promotion du dialogue entre tous les hommes, il lest dune manière unique, qui ne peut pas être mutilée: « il lest à partir du Christ ».L

« esprit dAssise » na donc rien à voir avec lindifférentisme religieux, justement parce que la vie et le message de François « reposent si visiblement sur le Christ »:

« Ne pas réussir à concilier laccueil, le dialogue et les respect pour tous avec cette certitude de foi que chaque chrétien, à limage du saint dAssise, est tenu de cultiver, en annonçant le Christ comme le chemin, la vérité et la vie de lhomme (cf Jean 14,6) et lunique Sauveur du monde, ne pourrait pas être un comportement évangélique, ni franciscain ».D

autres fois, déjà, Benoît XVI avait critiqué les « abus » et les « trahisons » qui selon lui dénaturent la figure exemplaire de François.

Mais, le dimanche 17 juin à Assise, le pape a repris dune manière plus organique sa prédication sur la personne du saint et en particulier sur sa conversion, dont on fête le huitième centenaire en 2007.Il l

a fait en particulier lors de lhomélie de la messe. Comme il lavait déjà fait à Pavie le dimanche 22 avril, évoquant saint Augustin, dont le corps repose dans cette ville.

Dans les autres discours ponctuant la journée passée à Assise, le pape a tout autant insisté sur la présentation du visage authentique du saint, en repoussant les travestissements qui en sont faits. Un exemple, lorsquil a adressé la recommandation suivante aux prêtres, aux diacres et au clergé régulier de la ville:« Les millions de p

èlerins qui empruntent ces rues, attirés par le charisme de François, doivent être aidés à cueillir le noyau essentiel de la vie chrétienne et à parvenir à sa dimension la plus élevée, qui est justement la sainteté. Il ne suffit pas quils admirent François: à travers lui, ils doivent pouvoir rencontrer le Christ, pour l’écouter et laimer avec une foi droite, une espérance ferme et une charité parfaite (Prière de François devant le Crucifix, 1: FF 276). Les chrétiens de notre époque se retrouvent toujours plus souvent à devoir faire face à la tendance daccepter un Christ diminué, c’est-à-dire un Christ admiré par son extraordinaire humanité, mais repoussé dans le mystère profond de sa divinité. François lui-même subit une sorte de mutilation quand on le fait intervenir comme témoin de valeurs certes importantes et appréciées dans la culture daujourdhui, mais en oubliant que le choix profond lon pourrait dire le cœur de sa vie est le choix du Christ. A Assise, une ligne pastorale exigeante est plus que jamais nécessaire. A cette fin, cest à vous, prêtres et diacres, et à vous, qui avez consacré votre vie à Dieu, de sentir avec force le privilège et la responsabilité de vivre en ce territoire de grâce. Certes, nombreux sont ceux qui, en passant par cette ville, reçoivent un message bénéfique simplement par ses pierres et son histoire. Cela ne dispense pas dune proposition spirituelle robuste, qui aide aussi à affronter les nombreuses séductions du relativisme qui caractérise la culture de notre époque ».

Voici donc les deux homélies de Benoît XVI consacrées aux deux grands convertis François et Augustin. Deux homélies qui sont lexpression typique de la prédication de ce pape, toujours étroitement liée à la liturgie du jour:1. La conversion de saint Fran

çois

Assise, le 17 juin 2007Chers fr

ères et sœurs, que nous dit aujourdhui le Seigneur, alors que nous célébrons lEucharistie dans le cadre suggestif de cette place, où se concentrent huit siècles de sainteté, de dévotion, dart et de culture, liés au nom de François dAssise? Aujourdhui, tout parle ici de conversion. [...] Parler de conversion signifie aller au cœur du message chrétien et en même temps aux racines de lexistence de lhomme.

La Parole de Dieu à peine proclamée nous illumine, en mettant devant nos yeux trois figures de convertis.La premi

ère figure est celle de David. Le passage qui le concerne, tiré du deuxième Livre de Samuel, nous présente un des entretiens les plus dramatiques de lAncien Testament. Au centre de ce dialogue, un verdict brûlant, par lequel la Parole de Dieu, proférée par le prophète Nathan, met à nu un roi arrivé au faîte de sa fortune politique, mais tombé jusquau niveau le plus bas de sa vie morale.

Pour ressentir la tension dramatique de ce dialogue, il convient de garder à lesprit lhorizon historique et théologique dans lequel il sintègre. Cest un horizon marqué par lhistoire damour avec laquelle Dieu choisit Israël comme son peuple, et établit avec lui une alliance, en se préoccupant de lui assurer terre et liberté.David est un anneau de cette histoire de l

attention constante de Dieu pour son peuple. Il est choisi à un moment difficile et placé aux côtés du roi Saul, pour devenir par la suite son successeur. Le dessein de Dieu concerne également sa descendance, liée au projet messianique, qui trouvera en Christ, « fils de David », sa pleine réalisation.

La figure de David est ainsi une image de grandeur historique et religieuse à la fois. Tout à lopposé de labjection dans laquelle il tombe quand, aveuglé par sa passion pour Bethsabée, il larrache à son époux, un de ses plus fidèles guerriers, et ordonne ensuite froidement lassassinat de ce dernier.C

est à en avoir des frissons: comment un élu de Dieu peut-il tomber aussi bas? Lhomme est vraiment grandeur et misère: il est grandeur parce quil porte en lui limage de Dieu et parce quil est lobjet de son amour; il est misère parce quil peut faire mauvais usage de la liberté son grand privilège en finissant par sopposer à son Créateur. Le verdict de Dieu, prononcé par Nathan à David, porte la lumière au plus profond de la conscience, là où les armées, le pouvoir, lopinion publique ne comptent pas, mais où lon est seul avec Dieu seulement. « Tu es cet homme »: voilà la parole qui cloue David à ses responsabilités.

Profondément touché par ces mots, le roi développe un repentir sincère et souvre à la miséricorde qui lui est offerte. Cest le chemin de la conversion.Aujourd

hui, saint François nous invite à suivre ce chemin, à côté de David.

Daprès ce que les biographes racontent de ses années de jeunesse, rien ne laisse à penser à des chutes aussi graves que celle qui est reprochée à lancien roi dIsraël. Mais François lui-même, dans le Testament rédigé dans les derniers mois de son existence, revoit ses vingt-cinq premières années comme une période où « il était dans le péché » (cf 2 Text 1: FF 110).Au-del

à des manifestations particulières, son péché était de concevoir et de sorganiser une vie entièrement centrée sur lui, en suivant des rêves vains de gloire terrestre. Lorsquil était le « roi des fêtes », parmi les jeunes dAssise (cf 2 Cel I, 3, 7: FF 588), il possédait une générosité d’âme naturelle. Mais celle-ci était encore bien loin de lamour chrétien que lon donne sans réserve. Comme lui-même le rappelle, il lui était amer de voir les lépreux. Le péché lempêchait de dominer la répugnance physique pour reconnaître en eux dautres frères à aimer.

La conversion la amené à exercer la miséricorde et également à lobtenir. Servir les lépreux, jusqu’à les embrasser, na pas seulement été un geste de philanthropie, une conversion, pour ainsi dire, « sociale », mais une véritable expérience religieuse, guidée par linitiative de la grâce et de lamour de Dieu: « Le Seigneur dit-il ma conduit parmi eux » (2 Text 2: FF 110).C

est alors que lamertume sest transformée en « douceur d’âme et de corps » (2 Text 3: FF 110). Oui, mes chers frères et sœurs, se convertir à lamour cest passer de lamertume à la « douceur », de la tristesse à la vraie joie. Lhomme est vraiment lui-même et se réalise pleinement dans la mesure où il vit avec Dieu et de Dieu, en le reconnaissant et en laimant dans ses frères.

Un autre aspect du chemin de la conversion apparaît dans le passage de la Lettre aux Galates. Cest un autre grand converti, saint Paul, qui nous lexplique.Ses mots ont pour contexte le d

ébat dans lequel la communauté primitive sest trouvée impliquée: de nombreux chrétiens provenant du judaïsme avaient tendance à lier le salut à laccomplissement des œuvres de lancienne Loi, rendant ainsi vaine la nouveauté du Christ et luniversalité de son message.

Paul se dresse comme témoin et comme héraut de la grâce. Sur la route de Damas, le visage radieux et la voix forte du Christ lavaient arraché à son zèle violent de persécuteur et avaient allumé en lui le nouveau zèle du Crucifié, qui réconcilie ceux qui sont proches et ceux qui sont éloignés dans sa croix (cf Ephésiens 2,11-22). Paul avait compris que toute la loi est accomplie dans le Christ et que celui qui adhère au Christ sunit à Lui, accomplit la loi.Porter le Christ, et avec le Christ le Dieu unique,

à toutes les personnes, telle était devenue sa mission. En effet, le Christ « est notre paix, lui qui des deux peuples nen a fait quun: il a renversé le mur de la séparation » (Ephésiens 2,14). Sa confession damour très personnelle exprime en même temps lessence commune de la vie chrétienne: « Ce que je vis maintenant dans la chair, je le vis dans la foi au Fils de Dieu, qui m’a aimé et qui s’est livré lui-même pour moi » (Gal 2, 20b). Et comment peut-on répondre à cet amour, sinon en embrassant le Christ crucifié, jusqu’à vivre de sa vie même? « J’ai été crucifié avec le Christ et si je vis, ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi » (Galates 2, 20a).

En parlant de son être crucifié avec le Christ, saint Paul fait non seulement allusion à sa nouvelle naissance dans le baptême, mais aussi à toute sa vie au service du Christ. Cette connexion avec sa vie apostolique apparaît avec clarté dans les derniers mots de sa défense de la liberté chrétienne à la fin de la Lettre aux Galates: « Au reste, que personne désormais ne me suscite plus d’embarras; car je porte sur mon corps les stigmates de Jésus » (6,17).C

est la première fois dans lhistoire du christianisme quapparaît le terme « stigmate de Jésus ». Dans le débat concernant la juste manière de voir et vivre lEvangile, les arguments de notre pensée ne décident finalement pas; cest la réalité de la vie, la communion vécue et soufferte avec Jésus qui décide, non seulement dans les idées ou dans les mots, mais jusquau plus profond de lexistence, en engageant aussi le corps, la chair.

Les meurtrissures reçues au cours dune longue histoire de passion sont le témoignage de la présence de la croix de Jésus dans le corps de saint Paul, ce sont ses stigmates. Ce nest pas la circoncision qui le sauve: les stigmates sont la conséquence de son baptême, lexpression de sa mort avec Jésus jour après jour, le signe certain de son existence en tant que nouvelle créature (cf Galates 6,15). Du reste, Paul fait référence avec lutilisation du mot « stigmate » à lancien usage dimprimer sur la peau de lesclave le sceau de son propriétaire. Le serviteur était ainsi « stigmatisé » comme propriété de son patron et était sous sa protection. Le signe de la croix, inscrit lors de longues souffrances sur la peau de Paul, est sa fierté: il le légitime comme véritable serviteur de Jésus, protégé par lamour de Dieu.Chers amis, Fran

çois dAssise nous transmet aujourdhui toutes ces paroles de Paul, avec la force de son témoignage.

Depuis que le visage des lépreux, quil a aimés par lamour de Dieu, lui a fait comprendre, d une certaine manière, le mystère de la « kenosi » (cf Philippiens 2,7), labaissement de Dieu dans la chair du Fils de lhomme, et depuis que la voix du Crucifix de Saint-Damien lui a mis le programme de sa vie dans son cœur: « Va, François, répare ma maison » (2 Cel I, 6, 10: FF 593), son chemin na été que leffort quotidien de sidentifier au Christ.Fran

çois est tombé amoureux du Christ. Les plaies du Crucifix ont blessé son cœur, avant de marquer son corps à La Verna. Il pouvait vraiment dire avec Paul « Ce nest plus moi qui vis, le Christ vit en moi ».

Et venons-en au cœur évangélique de la Parole de Dieu daujourdhui. Jésus lui-même, dans le passage de lEvangile de Luc que nous avons à peine lu, nous explique le dynamisme de la conversion authentique, en sappuyant sur le modèle de la femme pécheresse rachetée par lamour.Il faut reconna

ître que cette femme avait beaucoup osé. La façon dont on elle sapproche de Jésus, mouillant ses pieds de ses larmes pour les essuyer ensuite avec ses cheveux, les embrasser et y verser de lhuile parfumée allait sans doute scandaliser ceux qui regardaient avec l’œil impitoyable du juge les femmes de sa condition.

Au contraire, la tendresse avec laquelle Jésus traite cette femme, dont on a si souvent profité et que tout le monde condamne, impressionne. Elle a trouvé enfin en Jésus un regard pur, un cœur capable daimer sans profiter. Dans le regard de Jésus, elle reçoit la révélation de Dieu-Amour!Loin de toute

équivoque, il faut remarquer que la miséricorde de Jésus ne sexprime pas en mettant entre parenthèses la loi morale. Pour Jésus, le bien est le bien, le mal est le mal. La miséricorde ne change pas le contenu du péché, mais il le brûle dans un feu damour. Cet effet purificateur et guérisseur se réalise sil y a dans lhomme une correspondance damour, qui implique la reconnaissance de la loi de Dieu, le repentir sincère, lengagement dune nouvelle vie. Beaucoup est pardonné à la pécheresse de lEvangile, parce quelle a beaucoup aimé. En Jésus, Dieu vient pour nous donner lamour et pour nous demander lamour.

Quest-ce qua été, mes chers frères et sœurs, la vie de saint François converti, sinon un grand acte damour? Ses prières enflammées, riches de contemplation et de louanges, le geste tendre quil a envers lenfant divin à Greccio, sa contemplation de la passion à La Verna, son « mode de vie selon la forme du saint Evangile » (2 Text 14: FF 116), son choix de pauvreté et sa recherche du Christ dans le visage des pauvres le révèlent.Cette conversion au Christ, jusqu

au désir de « se transformer » en Lui, devenant une image accomplie, explique son vécu particulier, qui nous le fait apparaître si actuel, aussi par rapport aux grandes thématiques de notre époque, telles que la recherche de la paix, la sauvegarde de la nature, la promotion du dialogue entre tous les hommes.

François est un vrai maître dans ces domaines. Mais il lest à partir du Christ. En effet, cest le Christ qui est « notre paix » (cf Ephésiens 2,14). Le Christ est le principe même du Cosmos, car cest en lui que tout a été fait (cf Jean 1,3). Le Christ est la vérité divine, le « Logos » éternel dans lequel tout « dia-logos » au cours du temps trouve son fondement ultime. François incarne profondément cette vérité « christologique » qui est à la racine de lexistence humaine, du cosmos, de lhistoire.Je ne peux pas oublier, dans le contexte d

aujourdhui, linitiative de mon prédécesseur de vénérée mémoire, Jean-Paul II, qui a voulu réunir ici, en 1986, les représentants des confessions chrétiennes et des diverses religions du monde en une rencontre de prière pour la paix. Ce fut une intuition prophétique et un moment de grâce, comme je lai rappelé il y a quelques mois dans ma lettre à l’évêque de cette ville à loccasion du vingtième anniversaire de cet événement.

Le choix dorganiser cette rencontre à Assise a été dicté précisément par le témoignage de François comme homme de paix, que beaucoup de gens regardent avec sympathie même si leurs positions culturelles et religieuses sont différentes. En même temps, la lumière que le Poverello jetait sur cette initiative était une garantie dauthenticité chrétienne puisque sa vie et son message reposent si visiblement sur le choix du Christ, quils repoussent a priori toute tentation dindifférentisme religieux, qui naurait rien à voir avec lauthentique dialogue interreligieux.L

« esprit dAssise », qui depuis cet événement continue à se répandre dans le monde, soppose à lesprit de violence, à lutilisation abusive de la religion comme prétexte à la violence. Assise nous dit que la fidélité à ses convictions religieuses, la fidélité surtout au Christ crucifié et ressuscité ne sexpriment pas dans la violence et lintolérance mais dans le respect sincère de lautre, dans le dialogue, dans une annonce qui fait appel à la liberté et à la raison, dans lengagement pour la paix et pour la réconciliation. Ce ne serait une attitude ni évangélique, ni franciscaine que de na pas réussir à associer laccueil, le dialogue et le respect de tous avec la certitude de la foi que tout chrétien, comme le saint dAssise est tenu de pratiquer, en annonçant le Christ comme le chemin, la vérité et la vie de lhomme (cf Jean 14,6), et lunique sauveur du monde.Que François dAssise obtienne à cette Eglise en particulier, aux Eglises dOmbrie, à toute lEglise dItalie, dont il est le patron avec sainte Catherine de Sienne, et à ceux, si nombreux dans le monde, qui se réclament de lui, la grâce dune authentique et complète conversion à lamour du Christ.

2. La conversion de saint Augustin

Pavie, 22 avril 2007

Chers frères et sœurs, [...] au cours du temps pascal, l’Eglise nous présente, dimanche après dimanche, quelques passages de la prédication à travers lesquels les Apôtres, en particulier Pierre, après Pâques, invitaient Israël à la foi en Jésus Christ, le Ressuscité, fondant ainsi l’Eglise. Dans la lecture d’aujourd’hui, les Ap

ôtres se tiennent devant le Sanhédrin – devant l’institution qui, ayant déclaré Jésus coupable de mort, ne pouvait tolérer que ce Jésus, à travers la prédication des Apôtres, commence à présent à agir à nouveau; elle ne pouvait tolérer que sa force de guérison soit à nouveau présente et qu’autour de ce nom se rassemblent des personnes qui croyaient en Lui comme dans le Rédempteur promis.

Les Apôtres sont accusés. Le reproche est le suivant: « Vous voulez faire retomber sur nous le sang de cet homme-là« . A cette accusation, Pierre r

épond par une brève catéchèse sur l’essence de la foi chrétienne: « Non, nous ne voulons pas faire retomber son sang sur vous. L’effet de la mort et de la résurrection de Jésus est totalement différent. Dieu a fait de lui « la tête et le sauveur » pour tous, précisément pour vous également, pour son peuple d’Israël ». Et où conduit cette « tête », qu’apporte ce « sauveur »?

Saint Pierre nous dit qu’il conduit à la conversion – il crée l’espace et la possibilité de reconnaître ses torts, de se repentir, de recommencer. Et Il donne le pardon des péchés – il nous introduit dans une juste relation avec Dieu et ainsi dans une juste relation de chacun avec soi-même et avec les autres. Cette br

ève catéchèse de Pierre ne valait pas seulement pour le Sanhédrin. Elle nous parle à tous. Parce que Jésus, le Ressuscité, vit également aujourd’hui. Et pour toutes les générations, pour tous les hommes, Il est la « tête » qui précède sur le chemin, qui montre la voie et le « sauveur » qui rend notre vie juste.

Les deux paroles « conversion » et « pardon des péchés » correspondent aux deux titres du Christ « tête » archegòs en grec, et « sauveur », il s’agit des deux paroles-clés de la catéchèse de Pierre, paroles qui en cet instant, veulent atteindre également notre cœur. Et que veulent-elles dire? Le chemin que nous devons accomplir – le chemin que J

ésus nous indique, s’appelle « conversion ». Mais quel est-il? Que faut-il faire? Dans chaque vie, la conversion possède sa propre forme, car chaque homme est quelque chose de nouveau et personne n’est uniquement la copie d’un autre.

Mais au cours de l’histoire de la chrétienté, le Seigneur nous a envoyé des modèles de conversion qui, si nous tournons notre regard vers eux, peuvent nous orienter. Nous pourrions pour cela regarder Pierre lui-même, auquel le Seigneur avait dit au Cénacle: « Toi donc, quand tu seras revenu, affermis tes frères » (Lc 22, 32). Nous pourrions nous tourner vers Paul comme vers un grand converti. La ville de Pavie parle de l’un des plus grands convertis de l’histoire de l’Eglise: saint Aur

élien Augustin. Il mourut le 28 août 430 dans la ville portuaire d’Hippone, en Afrique, alors encerclée et assiégée par les Vandales.

Après la grande confusion d’une histoire agitée, le roi des Lombards fit l’acquisition de sa dépouille pour la ville de Pavie, de sorte qu’aujourd’hui, il appartient de façon particulière à cette ville, et en elle et d’elle, il nous parle à tous, à l’humanité, mais en particulier à nous tous, et ici spécialement. Dans son livre « Les Confessions », Augustin a illustr

é de façon touchante le chemin de sa conversion, qui, avec le Baptême qui lui a été administré par l’Evêque Ambroise dans la Cathédrale de Milan, avait atteint son but.

Celui qui lit « Les Confessions », peut partager le chemin qu’Augustin, dans une longue lutte intérieure, dut parcourir pour recevoir finalement sur les fonts baptismaux, dans la nuit de Pâques 387, le Sacrement qui marqua le grand tournant de sa vie. En suivant attentivement le cours de la vie de saint Augustin, on peut voir que la conversion ne fut pas seulement un

événement d’un moment unique, mais précisément un chemin. Et l’on peut voir que ce chemin ne s’est pas arrêté sur les fonts baptismaux.

Comme avant le Baptême, de même après celui-ci, la vie d’Augustin est demeurée, bien que de façon diverse, un chemin de conversion – jusque dans la dernière étape de sa maladie, lorsqu’il fit accrocher sur les murs les Psaumes pénitentiels pour qu’il les ait toujours sous les yeux; lorsqu’il s’exclut lui-même du sacrement de l’Eucharistie pour reparcourir encore une fois la voie de la pénitence et recevoir le salut des mains du Christ comme don des miséricordes de Dieu. Ainsi, nous pouvons

à juste titre parler des « conversions » d’Augustin qui, de fait, ont été une unique grande conversion dans la recherche du Visage du Christ, puis dans le chemin parcouru avec Lui.

Je voudrais parler brièvement de trois grandes étapes dans ce chemin de conversion, de trois « conversions ». La premi

ère conversion fondamentale fut le chemin intérieur vers le christianisme, vers le « oui » de la foi et du Baptême. Quel fut l’aspect essentiel de ce chemin?

Augustin, d’une part, était le fils de son temps, profondément conditionné par les habitudes et par les passions qui dominaient en lui, ainsi que par toutes les questions et les problèmes d’un jeune homme. Il vivait comme tous les autres et toutefois, il y avait quelque chose de différent en lui: il demeura toujours une personne en recherche. Il ne se contenta jamais de la vie telle qu’elle se présentait et comme tous la vivaient. Il

était toujours tourmenté par la question de la vérité. Il voulait trouver la vérité. Il voulait réussir à savoir ce qu’est l’homme; d’où provient le monde; d’où nous venons nous-mêmes, où nous allons et comment nous pouvons trouver la vie véritable.

Il voulait trouver une vie droite et pas seulement vivre aveuglément sans sens, ni but. La passion pour la vérité est la véritable parole-clé de sa vie. La passion pour la vérité l’a véritablement guidé. Et il y a encore une particularit

é. Tout ce qui ne portait pas le nom du Christ ne lui suffisait pas. L’amour pour ce nom – nous dit-il – avait été bu avec le lait même de sa mère (cf. Conf. 3, 4, 8). Et il avait toujours cru, parfois plutôt vaguement, parfois plus clairement – que Dieu existe et qu’il prend soin de nous (cf. Conf. 6, 5, 8).

Mais connaître véritablement ce Dieu, se familiariser véritablement avec Jésus Christ et arriver à Lui dire « oui » avec toutes les conséquences que cela comporte – telle était la grande lutte intérieure de ses années de jeunesse. Il nous raconte qu’

à travers la philosophie platonicienne, il avait appris et reconnu qu’ »au commencement était le Verbe » – le Logos, la raison créatrice. Mais la philosophie, qui lui montrait que le principe de tout est la raison créatrice, cette même philosophie ne lui indiquait aucune voie pour l’atteindre; ce Logos demeurait lointain et intangible.

Ce n’est que dans la foi de l’Eglise qu’il trouva ensuite la seconde vérité essentielle: le Verbe, le Logos, s’est fait chair. Et ainsi, il nous touche, nous le touchons. A l’humilit

é de l’incarnation de Dieu doit correspondre – tel est le grand pas – l’humilité de notre foi, qui abandonne l’orgueil pédant et qui s’incline en entrant dans la communauté du corps du Christ; qui vit avec l’Eglise et seulement ainsi entre dans la communion concrète, et même corporelle, avec le Dieu vivant.

Je n’ai pas besoin de dire combien tout cela nous concerne: demeurer des personnes qui cherchent, ne pas se contenter de ce que tous disent et font. Ne pas détacher son regard de Dieu éternel et de Jésus Christ. Apprendre l’humilité de la foi dans l’Eglise corporelle de Jésus Christ, du Logos incarné. Augustin nous d

écrit sa deuxième conversion à la fin du livre X de ses « Confessions » à travers ces paroles: « Plié sous la crainte de mes péchés et le fardeau de ma misère, j’avais délibéré dans mon cœur et presque résolu de fuir au désert; mais vous m’en avez empêché, me rassurant par cette parole: « Le Christ est mort pour tous, afin que ceux qui vivent ne vivent plus à eux-mêmes, mais à celui qui est mort pour eux »" (2 Co 5, 15; Conf. 10, 43, 70).

Que s’était-il passé? Après son Baptême, Augustin s’était décidé à retourner en Afrique, et là, il avait fondé avec ses amis un petit monastère. A présent, sa vie devait être consacrée entièrement au dialogue avec Dieu, à la réflexion et à la contemplation de la beauté et de la vérité de sa Parole. Ainsi, il v

écut trois années de bonheur, croyant avoir atteint le but de sa vie; à cette époque vit le jour une série de précieuses œuvres philosophiques et théologiques.

En 391, quatre ans après son baptême, il alla rendre visite dans la ville portuaire d’Hippone à un ami, qu’il voulait gagner à son monastère. Mais au cours de la liturgie du dimanche, à laquelle il participait dans la cathédrale, on le reconnut. L’Ev

êque de la ville, un homme d’origine grecque, qui ne parlait pas bien le latin et qui avait des difficultés à prêcher, dit, non par hasard, dans son homélie, qu’il avait l’intention de choisir un prêtre auquel confier la charge de la prédication.

Immédiatement, la foule se saisit d’Augustin et le conduisit de force à l’avant, afin qu’il fût consacré prêtre au service de la ville. Imm

édiatement après sa consécration forcée, Augustin écrivit à l’Evêque Valerio: « Je me sentais comme quelqu’un à qui on a donné la seconde place au gouvernail, à moi qui ne savais pas même tenir un aviron… Voilà pourquoi, au temps de mon ordination, quelques-uns de mes frères me virent, dans la ville, verser des larmes » (cf Lettres 21, 1sq).

Le beau rêve de la vie contemplative avait disparu, la vie d’Augustin s’en trouva fondamentalement transformée. A présent, il ne pouvait plus s’adonner à la méditation dans la solitude. Il devait vivre avec le Christ pour tous. Il devait traduire ses connaissances et ses pensées sublimes dans la pensée et le langage des personnes simples de sa ville. La grande œuvre philosophique de toute une vie, qu’il avait rêvée, demeura non écrite. A sa place, nous fut donn

é quelque chose de plus précieux: l’Evangile traduit dans le langage de la vie quotidienne et de ses souffrances. Il a décrit ainsi ce qui constituait désormais son quotidien: « Réprimer les orgueilleux, consoler les pusillanimes, soutenir les faibles, réfuter les contradicteurs… exciter les paresseux, apaiser le disputeurs, aider les indigents, délivrer les opprimés, encourager les bons, tolérer les méchants, aimer tout le monde » (cf Serm 340, 3). « Prêcher, reprendre, corriger, édifier, s’inquiéter pour chacun, quelle charge, quel poids, quel travail » (Serm 339, 4).

Telle fut la deuxième conversion que cet homme, en luttant et en souffrant, dut continuellement réaliser: être toujours à nouveau là pour tous, non pas pour sa propre perfection; toujours à nouveau, avec le Christ, donner sa vie, afin que les autres puissent le trouver, Lui, la véritable Vie. Il y a encore une troisi

ème étape décisive sur le chemin de conversion de saint Augustin. Après son ordination sacerdotale, il avait demandé une période de congé pour pouvoir étudier plus à fond les Ecritures Saintes.

Son premier cycle d’homélies, après cette pause de réflexions, concerna le Discours de la montagne; il y expliquait la voie menant à une vie droite, « à la vie parfaite » indiquée de façon nouvelle par le Christ – il la présentait comme un pèlerinage sur le mont saint de la Parole de Dieu. Dans ces homélies, on peut encore percevoir tout l’enthousiasme d’une foi venant d’être trouvée et vécue: la ferme conviction selon laquelle le baptisé, vivant totalement selon le message du Christ, peut être, précisément, « parfait » selon le Sermon de la montagne. Une vingtaine d’ann

ées plus tard, Augustin écrivit un livre intitulé Les Rétractations, dans lequel il passait en revue de façon critique ses œuvres rédigées jusqu’alors, apportant des corrections là où, entre temps, il avait appris de nouvelles choses.

En ce qui concerne l’idéal de la perfection dans ses homélies sur le Discours de la montagne, il souligne: « Entre temps, j’ai compris qu’une seule personne est véritablement parfaite et que les paroles du Discours de la montagne ne trouvent leur pleine réalisation qu’en une seule personne: en Jésus Christ lui-même. En revanche, toute l’Eglise – nous tous, y compris les Apôtres – devons prier chaque jour: pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés » (cf Retract. I, 19, 1-3). Augustin avait appris un dernier degr

é d’humilité – non seulement l’humilité d’inscrire sa grande pensée dans l’humble foi de l’Eglise, non seulement l’humilité de traduire ses grandes connaissances dans la simplicité de l’annonce, mais également l’humilité de reconnaître qu’à lui-même et à toute l’Eglise en pèlerinage, était et demeure continuellement nécessaire la bonté miséricordieuse d’un Dieu qui pardonne chaque jour.Et nous – ajoutait-il – nous nous rendons semblables au Christ, l’unique Parfait, dans la plus grande mesure possible, lorsque nous devenons comme Lui des personnes de miséricorde.En cette heure, rendons grâce à Dieu pour la grande lumière qui rayonne de la sagesse et de l’humilité de saint Augustin et prions le Seigneur afin qu’il nous donne à tous, jour après jour, la conversion nécessaire et qu’il nous conduise ainsi vers la véritable vie. Amen.

__________

Sur www.chiesa, les précédentes interventions du pape sur saint François dAssise:

> Benedetto XVI s’è fatto francescano (11.9.2006)

__________

Traduction française par Charles de Pechpeyrou, Paris, France.

Pour les derniers articles visitez la page daccueil de > www.chiesaL

adresse de Sandro Magister: s.magister@espressoedit.it

__________

20.6.2007

Laisser un commentaire