Archive pour le 27 octobre, 2007
San Patrice: L’Evangile en témoignage pour toutes les nations
27 octobre, 2007
du site:
http://www.vatican.va/spirit/documents/spirit_20010316_patrizio_fr.html
San Patrice
L’Evangile en témoignage pour toutes les nations
« Sans relâche, je rends grâce à mon Dieu, qui m’a gardé fidèle au jour de ma tentation, si bien qu’aujourd’hui je peux avec confiance offrir mon âme en sacrifice, comme une hostie vivante, au Christ mon Seigneur, qui m’a gardé dans tous les passages difficiles de ma vie. Et je dis: Qui suis-je, Seigneur, ou quelle est ma vocation, pour que tu m’aies couvert de ta si grande divinité? Aussi, aujourd’hui, parmi les peuples, je ne cesse d’exulter et de magnifier ton nom, où que je puisse me trouver, et pas seulement quand tout va bien, mais aussi dans les difficultés, Quoi qu’il m’arrive, de bien ou de mal, je dois en conséquence l’accepter d’une âme égale, et toujours rendre grâce à Dieu qui m’a montré comment avoir en lui une foi indéfectible et sans limite; il aura aussi écouté ma prière, car mon désir, le voici: bien qu’incapable d’accomplir, dans ces temps qui sont les derniers, une oeuvre si bonne et si admirable, je souhaite parvenir pourtant à imiter ces hommes dont le Seigneur, autrefois, avait prédit qu’ils annonceraient son Evangile en témoignage pour toutes les nations.
D’où me vient cette sagesse, qui n’était pas en moi, car je ne connaissais pas le nombre de mes jours, et je n’avais pas le goût de Dieu? D’où m’est venu par la suite le don si grand et si salutaire de connaître Dieu et de l’aimer, au point de perdre patrie et famille, et de venir parmi les Irlandais prêcher l’Evangile? Oui, d’où vient que j’aie pu supporter les outrages de la part des incroyants, endurer la peine de ma pérégrination, et de nombreuses persécutions, y compris l’emprisonnement, et renoncer à ma libération pour être utile aux autres?
Et si j’en suis digne, me voilà prêt à donnez jusqu’à ma vie, sans hésitation et de très bon coeur, pour son nom ; oui, je souhaite la mettre à son service jusqu’à la mort, si le Seigneur me le permet. Car je suis infiniment débiteur à l’égard de Dieu, lui qui m’a accordé cette grâce exceptionnelle de faire renaître en Dieu de nombreux peuples par mon intermédiaire, puis de les conduire à la plénitude de la foi ; il m’a aussi permis d’ordonner en tout lieu des ministres pour ce peuple venu récemment à la foi, ce peuple que le Seigneur s’est acquis des extrémités de la terre comme il en avait fait autrefois la promesse par ses prophètes: A toi viendront les nations des extrémités de la terre, en disant: Ainsi nos Pères se sont procuré de fausses idoles, qui sont sans utilité. Et ailleurs: Je t’ai placé comme une lumière pour les nations, afin que tu sois leur salut jusqu’au bout de la terre.
C’est là que je veux attendre la réalisation de sa promesse, car jamais il n’y faillit, ainsi qu’il s’engage dans l’Evangile Ils viendront d’Orient et d’Occident pour s’attabler avec Abraham, Isaac et Jacob. Nous le croyons en effet: du monde entier viendront les croyants.
De la Confession de St Patrice, évêque (Chap. 14-16: PL 53, 808-809)
Prière
Pour te faire connaître, Seigneur, aux peuples d’Irlande tu as choisi l’évêque saint Patrice; à sa prière et par ses mérites, accorde à ceux qui ont la joie d’être chrétiens d’annoncer aux hommes les merveilles de ton amour.
Biographie
Patrice était né en Grande-Bretagne vers 385. Il décida de consacrer sa vie à l’évangélisation de l’Irlande. Homme de prière et d’une austérité étonnante, il avait aussi un sens pratique qui lui permit d’adapter son apostolat aux conditions sociales et politiques des Celtes. Ordonné évêque, il réussit à implanter solidement l’Eglise dans l’ensemble de l’île (+ vers 461).
Préparé par l’Institut de Spiritualité:
Université Pontificale Saint Thomas d’Aquin
depuis 26.6.2007, par Sandro Magister : Pourquoi saint François “est un vrai maître“ pour les chrétiens d’aujourd’hui
27 octobre, 2007depuis 26.6.2007, du site:
http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/150081?fr=y
Pourquoi saint François “est un vrai maître“ pour les chrétiens d’aujourd’hui
Et pourquoi saint Augustin l’est aussi. Depuis Assise et Pavie, destinations de ses deux derniers voyages en Italie, Benoît XVI propose les deux grands convertis comme modèles. Et il critique leurs “mutilations“ modernespar Sandro Magister
ROMA, le 20 juin 2007
Benoît XVI a consacré ses deux derniers voyages en Italie, à Pavie et à Assise, à deux saints de tout premier rang et d’une influence exceptionnelle dans l’histoire de l’Eglise: Augustin et François.
Dans les deux cas, le pape a concentré son attention sur un moment précis de la vie des deux saints: la conversion.La conversion
– a expliqué le pape – est le tournant crucial de l’existence de chaque chrétien. La vie de chaque homme y prend une nouvelle forme grâce au Christ auquel il se confie. Dès lors, sa vie se distingue par le fait qu’elle est marquée par le Christ.
Si François est ainsi « un vrai maître » dans la recherche de la paix, dans la sauvegarde de la nature, dans la promotion du dialogue entre tous les hommes, il l’est d’une manière unique, qui ne peut pas être mutilée: « il l’est à partir du Christ ».L
’« esprit d’Assise » n’a donc rien à voir avec l’indifférentisme religieux, justement parce que la vie et le message de François « reposent si visiblement sur le Christ »:
« Ne pas réussir à concilier l’accueil, le dialogue et les respect pour tous avec cette certitude de foi que chaque chrétien, à l’image du saint d’Assise, est tenu de cultiver, en annonçant le Christ comme le chemin, la vérité et la vie de l’homme (cf Jean 14,6) et l’unique Sauveur du monde, ne pourrait pas être un comportement évangélique, ni franciscain ».D
’autres fois, déjà, Benoît XVI avait critiqué les « abus » et les « trahisons » qui selon lui dénaturent la figure exemplaire de François.
Mais, le dimanche 17 juin à Assise, le pape a repris d’une manière plus organique sa prédication sur la personne du saint et en particulier sur sa conversion, dont on fête le huitième centenaire en 2007.Il l
’a fait en particulier lors de l’homélie de la messe. Comme il l’avait déjà fait à Pavie le dimanche 22 avril, évoquant saint Augustin, dont le corps repose dans cette ville.
Dans les autres discours ponctuant la journée passée à Assise, le pape a tout autant insisté sur la présentation du visage authentique du saint, en repoussant les travestissements qui en sont faits. Un exemple, lorsqu’il a adressé la recommandation suivante aux prêtres, aux diacres et au clergé régulier de la ville:« Les millions de p
èlerins qui empruntent ces rues, attirés par le charisme de François, doivent être aidés à cueillir le noyau essentiel de la vie chrétienne et à parvenir à sa ‘dimension la plus élevée, qui est justement la sainteté. Il ne suffit pas qu’ils admirent François: à travers lui, ils doivent pouvoir rencontrer le Christ, pour l’écouter et l’aimer avec ‘une foi droite, une espérance ferme et une charité parfaite’ (Prière de François devant le Crucifix, 1: FF 276). Les chrétiens de notre époque se retrouvent toujours plus souvent à devoir faire face à la tendance d’accepter un Christ diminué, c’est-à-dire un Christ admiré par son extraordinaire humanité, mais repoussé dans le mystère profond de sa divinité. François lui-même subit une sorte de mutilation quand on le fait intervenir comme témoin de valeurs certes importantes et appréciées dans la culture d’aujourd’hui, mais en oubliant que le choix profond – l’on pourrait dire le cœur de sa vie – est le choix du Christ. A Assise, une ligne pastorale exigeante est plus que jamais nécessaire. A cette fin, c’est à vous, prêtres et diacres, et à vous, qui avez consacré votre vie à Dieu, de sentir avec force le privilège et la responsabilité de vivre en ce territoire de grâce. Certes, nombreux sont ceux qui, en passant par cette ville, reçoivent un message bénéfique simplement par ses ‘pierres’ et son histoire. Cela ne dispense pas d’une proposition spirituelle robuste, qui aide aussi à affronter les nombreuses séductions du relativisme qui caractérise la culture de notre époque ».
Voici donc les deux homélies de Benoît XVI consacrées aux deux grands convertis François et Augustin. Deux homélies qui sont l’expression typique de la prédication de ce pape, toujours étroitement liée à la liturgie du jour:1. La conversion de saint Fran
çois
Assise, le 17 juin 2007Chers fr
ères et sœurs, que nous dit aujourd’hui le Seigneur, alors que nous célébrons l’Eucharistie dans le cadre suggestif de cette place, où se concentrent huit siècles de sainteté, de dévotion, d’art et de culture, liés au nom de François d’Assise? Aujourd’hui, tout parle ici de conversion. [...] Parler de conversion signifie aller au cœur du message chrétien et en même temps aux racines de l’existence de l’homme.
La Parole de Dieu à peine proclamée nous illumine, en mettant devant nos yeux trois figures de convertis.La premi
ère figure est celle de David. Le passage qui le concerne, tiré du deuxième Livre de Samuel, nous présente un des entretiens les plus dramatiques de l’Ancien Testament. Au centre de ce dialogue, un verdict brûlant, par lequel la Parole de Dieu, proférée par le prophète Nathan, met à nu un roi arrivé au faîte de sa fortune politique, mais tombé jusqu’au niveau le plus bas de sa vie morale.
Pour ressentir la tension dramatique de ce dialogue, il convient de garder à l’esprit l’horizon historique et théologique dans lequel il s’intègre. C’est un horizon marqué par l’histoire d’amour avec laquelle Dieu choisit Israël comme son peuple, et établit avec lui une alliance, en se préoccupant de lui assurer terre et liberté.David est un anneau de cette histoire de l
’attention constante de Dieu pour son peuple. Il est choisi à un moment difficile et placé aux côtés du roi Saul, pour devenir par la suite son successeur. Le dessein de Dieu concerne également sa descendance, liée au projet messianique, qui trouvera en Christ, « fils de David », sa pleine réalisation.
La figure de David est ainsi une image de grandeur historique et religieuse à la fois. Tout à l’opposé de l’abjection dans laquelle il tombe quand, aveuglé par sa passion pour Bethsabée, il l’arrache à son époux, un de ses plus fidèles guerriers, et ordonne ensuite froidement l’assassinat de ce dernier.C
’est à en avoir des frissons: comment un élu de Dieu peut-il tomber aussi bas? L’homme est vraiment grandeur et misère: il est grandeur parce qu’il porte en lui l’image de Dieu et parce qu’il est l’objet de son amour; il est misère parce qu’il peut faire mauvais usage de la liberté – son grand privilège – en finissant par s’opposer à son Créateur. Le verdict de Dieu, prononcé par Nathan à David, porte la lumière au plus profond de la conscience, là où les armées, le pouvoir, l’opinion publique ne comptent pas, mais où l’on est seul avec Dieu seulement. « Tu es cet homme »: voilà la parole qui cloue David à ses responsabilités.
Profondément touché par ces mots, le roi développe un repentir sincère et s’ouvre à la miséricorde qui lui est offerte. C’est le chemin de la conversion.Aujourd
’hui, saint François nous invite à suivre ce chemin, à côté de David.
D’après ce que les biographes racontent de ses années de jeunesse, rien ne laisse à penser à des chutes aussi graves que celle qui est reprochée à l’ancien roi d’Israël. Mais François lui-même, dans le Testament rédigé dans les derniers mois de son existence, revoit ses vingt-cinq premières années comme une période où « il était dans le péché » (cf 2 Text 1: FF 110).Au-del
à des manifestations particulières, son péché était de concevoir et de s’organiser une vie entièrement centrée sur lui, en suivant des rêves vains de gloire terrestre. Lorsqu’il était le « roi des fêtes », parmi les jeunes d’Assise (cf 2 Cel I, 3, 7: FF 588), il possédait une générosité d’âme naturelle. Mais celle-ci était encore bien loin de l’amour chrétien que l’on donne sans réserve. Comme lui-même le rappelle, il lui était amer de voir les lépreux. Le péché l’empêchait de dominer la répugnance physique pour reconnaître en eux d’autres frères à aimer.
La conversion l’a amené à exercer la miséricorde et également à l’obtenir. Servir les lépreux, jusqu’à les embrasser, n’a pas seulement été un geste de philanthropie, une conversion, pour ainsi dire, « sociale », mais une véritable expérience religieuse, guidée par l’initiative de la grâce et de l’amour de Dieu: « Le Seigneur – dit-il – m’a conduit parmi eux » (2 Text 2: FF 110).C
’est alors que l’amertume s’est transformée en « douceur d’âme et de corps » (2 Text 3: FF 110). Oui, mes chers frères et sœurs, se convertir à l’amour c’est passer de l’amertume à la « douceur », de la tristesse à la vraie joie. L’homme est vraiment lui-même et se réalise pleinement dans la mesure où il vit avec Dieu et de Dieu, en le reconnaissant et en l’aimant dans ses frères.
Un autre aspect du chemin de la conversion apparaît dans le passage de la Lettre aux Galates. C’est un autre grand converti, saint Paul, qui nous l’explique.Ses mots ont pour contexte le d
ébat dans lequel la communauté primitive s’est trouvée impliquée: de nombreux chrétiens provenant du judaïsme avaient tendance à lier le salut à l’accomplissement des œuvres de l’ancienne Loi, rendant ainsi vaine la nouveauté du Christ et l’universalité de son message.
Paul se dresse comme témoin et comme héraut de la grâce. Sur la route de Damas, le visage radieux et la voix forte du Christ l’avaient arraché à son zèle violent de persécuteur et avaient allumé en lui le nouveau zèle du Crucifié, qui réconcilie ceux qui sont proches et ceux qui sont éloignés dans sa croix (cf Ephésiens 2,11-22). Paul avait compris que toute la loi est accomplie dans le Christ et que celui qui adhère au Christ s’unit à Lui, accomplit la loi.Porter le Christ, et avec le Christ le Dieu unique,
à toutes les personnes, telle était devenue sa mission. En effet, le Christ « est notre paix, lui qui des deux peuples n’en a fait qu’un: il a renversé le mur de la séparation… » (Ephésiens 2,14). Sa confession d’amour très personnelle exprime en même temps l’essence commune de la vie chrétienne: « Ce que je vis maintenant dans la chair, je le vis dans la foi au Fils de Dieu, qui m’a aimé et qui s’est livré lui-même pour moi » (Gal 2, 20b). Et comment peut-on répondre à cet amour, sinon en embrassant le Christ crucifié, jusqu’à vivre de sa vie même? « J’ai été crucifié avec le Christ et si je vis, ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi » (Galates 2, 20a).
En parlant de son être crucifié avec le Christ, saint Paul fait non seulement allusion à sa nouvelle naissance dans le baptême, mais aussi à toute sa vie au service du Christ. Cette connexion avec sa vie apostolique apparaît avec clarté dans les derniers mots de sa défense de la liberté chrétienne à la fin de la Lettre aux Galates: « Au reste, que personne désormais ne me suscite plus d’embarras; car je porte sur mon corps les stigmates de Jésus » (6,17).C
’est la première fois dans l’histoire du christianisme qu’apparaît le terme « stigmate de Jésus ». Dans le débat concernant la juste manière de voir et vivre l’Evangile, les arguments de notre pensée ne décident finalement pas; c’est la réalité de la vie, la communion vécue et soufferte avec Jésus qui décide, non seulement dans les idées ou dans les mots, mais jusqu’au plus profond de l’existence, en engageant aussi le corps, la chair.
Les meurtrissures reçues au cours d’une longue histoire de passion sont le témoignage de la présence de la croix de Jésus dans le corps de saint Paul, ce sont ses stigmates. Ce n’est pas la circoncision qui le sauve: les stigmates sont la conséquence de son baptême, l’expression de sa mort avec Jésus jour après jour, le signe certain de son existence en tant que nouvelle créature (cf Galates 6,15). Du reste, Paul fait référence avec l’utilisation du mot « stigmate » à l’ancien usage d’imprimer sur la peau de l’esclave le sceau de son propriétaire. Le serviteur était ainsi « stigmatisé » comme propriété de son patron et était sous sa protection. Le signe de la croix, inscrit lors de longues souffrances sur la peau de Paul, est sa fierté: il le légitime comme véritable serviteur de Jésus, protégé par l’amour de Dieu.Chers amis, Fran
çois d’Assise nous transmet aujourd’hui toutes ces paroles de Paul, avec la force de son témoignage.
Depuis que le visage des lépreux, qu’il a aimés par l’amour de Dieu, lui a fait comprendre, d’ une certaine manière, le mystère de la « kenosi » (cf Philippiens 2,7), l’abaissement de Dieu dans la chair du Fils de l’homme, et depuis que la voix du Crucifix de Saint-Damien lui a mis le programme de sa vie dans son cœur: « Va, François, répare ma maison » (2 Cel I, 6, 10: FF 593), son chemin n’a été que l’effort quotidien de s’identifier au Christ.Fran
çois est tombé amoureux du Christ. Les plaies du Crucifix ont blessé son cœur, avant de marquer son corps à La Verna. Il pouvait vraiment dire avec Paul « Ce n’est plus moi qui vis, le Christ vit en moi ».
Et venons-en au cœur évangélique de la Parole de Dieu d’aujourd’hui. Jésus lui-même, dans le passage de l’Evangile de Luc que nous avons à peine lu, nous explique le dynamisme de la conversion authentique, en s’appuyant sur le modèle de la femme pécheresse rachetée par l’amour.Il faut reconna
ître que cette femme avait beaucoup osé. La façon dont on elle s’approche de Jésus, mouillant ses pieds de ses larmes pour les essuyer ensuite avec ses cheveux, les embrasser et y verser de l’huile parfumée allait sans doute scandaliser ceux qui regardaient avec l’œil impitoyable du juge les femmes de sa condition.
Au contraire, la tendresse avec laquelle Jésus traite cette femme, dont on a si souvent profité et que tout le monde condamne, impressionne. Elle a trouvé enfin en Jésus un regard pur, un cœur capable d’aimer sans profiter. Dans le regard de Jésus, elle reçoit la révélation de Dieu-Amour!Loin de toute
équivoque, il faut remarquer que la miséricorde de Jésus ne s’exprime pas en mettant entre parenthèses la loi morale. Pour Jésus, le bien est le bien, le mal est le mal. La miséricorde ne change pas le contenu du péché, mais il le brûle dans un feu d’amour. Cet effet purificateur et guérisseur se réalise s’il y a dans l’homme une correspondance d’amour, qui implique la reconnaissance de la loi de Dieu, le repentir sincère, l’engagement d’une nouvelle vie. Beaucoup est pardonné à la pécheresse de l’Evangile, parce qu’elle a beaucoup aimé. En Jésus, Dieu vient pour nous donner l’amour et pour nous demander l’amour.
Qu’est-ce qu’a été, mes chers frères et sœurs, la vie de saint François converti, sinon un grand acte d’amour? Ses prières enflammées, riches de contemplation et de louanges, le geste tendre qu’il a envers l’enfant divin à Greccio, sa contemplation de la passion à La Verna, son « mode de vie selon la forme du saint Evangile » (2 Text 14: FF 116), son choix de pauvreté et sa recherche du Christ dans le visage des pauvres le révèlent.Cette conversion au Christ, jusqu
’au désir de « se transformer » en Lui, devenant une image accomplie, explique son vécu particulier, qui nous le fait apparaître si actuel, aussi par rapport aux grandes thématiques de notre époque, telles que la recherche de la paix, la sauvegarde de la nature, la promotion du dialogue entre tous les hommes.
François est un vrai maître dans ces domaines. Mais il l’est à partir du Christ. En effet, c’est le Christ qui est « notre paix » (cf Ephésiens 2,14). Le Christ est le principe même du Cosmos, car c’est en lui que tout a été fait (cf Jean 1,3). Le Christ est la vérité divine, le « Logos » éternel dans lequel tout « dia-logos » au cours du temps trouve son fondement ultime. François incarne profondément cette vérité « christologique » qui est à la racine de l’existence humaine, du cosmos, de l’histoire.Je ne peux pas oublier, dans le contexte d
’aujourd’hui, l’initiative de mon prédécesseur de vénérée mémoire, Jean-Paul II, qui a voulu réunir ici, en 1986, les représentants des confessions chrétiennes et des diverses religions du monde en une rencontre de prière pour la paix. Ce fut une intuition prophétique et un moment de grâce, comme je l’ai rappelé il y a quelques mois dans ma lettre à l’évêque de cette ville à l’occasion du vingtième anniversaire de cet événement.
Le choix d’organiser cette rencontre à Assise a été dicté précisément par le témoignage de François comme homme de paix, que beaucoup de gens regardent avec sympathie même si leurs positions culturelles et religieuses sont différentes. En même temps, la lumière que le Poverello jetait sur cette initiative était une garantie d’authenticité chrétienne puisque sa vie et son message reposent si visiblement sur le choix du Christ, qu’ils repoussent a priori toute tentation d’indifférentisme religieux, qui n’aurait rien à voir avec l’authentique dialogue interreligieux.L
’« esprit d’Assise », qui depuis cet événement continue à se répandre dans le monde, s’oppose à l’esprit de violence, à l’utilisation abusive de la religion comme prétexte à la violence. Assise nous dit que la fidélité à ses convictions religieuses, la fidélité surtout au Christ crucifié et ressuscité ne s’expriment pas dans la violence et l’intolérance mais dans le respect sincère de l’autre, dans le dialogue, dans une annonce qui fait appel à la liberté et à la raison, dans l’engagement pour la paix et pour la réconciliation. Ce ne serait une attitude ni évangélique, ni franciscaine que de na pas réussir à associer l’accueil, le dialogue et le respect de tous avec la certitude de la foi que tout chrétien, comme le saint d’Assise est tenu de pratiquer, en annonçant le Christ comme le chemin, la vérité et la vie de l’homme (cf Jean 14,6), et l’unique sauveur du monde.Que François d’Assise obtienne à cette Eglise en particulier, aux Eglises d’Ombrie, à toute l’Eglise d’Italie, dont il est le patron avec sainte Catherine de Sienne, et à ceux, si nombreux dans le monde, qui se réclament de lui, la grâce d’une authentique et complète conversion à l’amour du Christ.
2. La conversion de saint Augustin
Pavie, 22 avril 2007
Chers frères et sœurs, [...] au cours du temps pascal, l’Eglise nous présente, dimanche après dimanche, quelques passages de la prédication à travers lesquels les Apôtres, en particulier Pierre, après Pâques, invitaient Israël à la foi en Jésus Christ, le Ressuscité, fondant ainsi l’Eglise. Dans la lecture d’aujourd’hui, les Ap
ôtres se tiennent devant le Sanhédrin – devant l’institution qui, ayant déclaré Jésus coupable de mort, ne pouvait tolérer que ce Jésus, à travers la prédication des Apôtres, commence à présent à agir à nouveau; elle ne pouvait tolérer que sa force de guérison soit à nouveau présente et qu’autour de ce nom se rassemblent des personnes qui croyaient en Lui comme dans le Rédempteur promis.
Les Apôtres sont accusés. Le reproche est le suivant: « Vous voulez faire retomber sur nous le sang de cet homme-là« . A cette accusation, Pierre r
épond par une brève catéchèse sur l’essence de la foi chrétienne: « Non, nous ne voulons pas faire retomber son sang sur vous. L’effet de la mort et de la résurrection de Jésus est totalement différent. Dieu a fait de lui « la tête et le sauveur » pour tous, précisément pour vous également, pour son peuple d’Israël ». Et où conduit cette « tête », qu’apporte ce « sauveur »?
Saint Pierre nous dit qu’il conduit à la conversion – il crée l’espace et la possibilité de reconnaître ses torts, de se repentir, de recommencer. Et Il donne le pardon des péchés – il nous introduit dans une juste relation avec Dieu et ainsi dans une juste relation de chacun avec soi-même et avec les autres. Cette br
ève catéchèse de Pierre ne valait pas seulement pour le Sanhédrin. Elle nous parle à tous. Parce que Jésus, le Ressuscité, vit également aujourd’hui. Et pour toutes les générations, pour tous les hommes, Il est la « tête » qui précède sur le chemin, qui montre la voie et le « sauveur » qui rend notre vie juste.
Les deux paroles « conversion » et « pardon des péchés » correspondent aux deux titres du Christ « tête » archegòs en grec, et « sauveur », il s’agit des deux paroles-clés de la catéchèse de Pierre, paroles qui en cet instant, veulent atteindre également notre cœur. Et que veulent-elles dire? Le chemin que nous devons accomplir – le chemin que J
ésus nous indique, s’appelle « conversion ». Mais quel est-il? Que faut-il faire? Dans chaque vie, la conversion possède sa propre forme, car chaque homme est quelque chose de nouveau et personne n’est uniquement la copie d’un autre.
Mais au cours de l’histoire de la chrétienté, le Seigneur nous a envoyé des modèles de conversion qui, si nous tournons notre regard vers eux, peuvent nous orienter. Nous pourrions pour cela regarder Pierre lui-même, auquel le Seigneur avait dit au Cénacle: « Toi donc, quand tu seras revenu, affermis tes frères » (Lc 22, 32). Nous pourrions nous tourner vers Paul comme vers un grand converti. La ville de Pavie parle de l’un des plus grands convertis de l’histoire de l’Eglise: saint Aur
élien Augustin. Il mourut le 28 août 430 dans la ville portuaire d’Hippone, en Afrique, alors encerclée et assiégée par les Vandales.
Après la grande confusion d’une histoire agitée, le roi des Lombards fit l’acquisition de sa dépouille pour la ville de Pavie, de sorte qu’aujourd’hui, il appartient de façon particulière à cette ville, et en elle et d’elle, il nous parle à tous, à l’humanité, mais en particulier à nous tous, et ici spécialement. Dans son livre « Les Confessions », Augustin a illustr
é de façon touchante le chemin de sa conversion, qui, avec le Baptême qui lui a été administré par l’Evêque Ambroise dans la Cathédrale de Milan, avait atteint son but.
Celui qui lit « Les Confessions », peut partager le chemin qu’Augustin, dans une longue lutte intérieure, dut parcourir pour recevoir finalement sur les fonts baptismaux, dans la nuit de Pâques 387, le Sacrement qui marqua le grand tournant de sa vie. En suivant attentivement le cours de la vie de saint Augustin, on peut voir que la conversion ne fut pas seulement un
événement d’un moment unique, mais précisément un chemin. Et l’on peut voir que ce chemin ne s’est pas arrêté sur les fonts baptismaux.
Comme avant le Baptême, de même après celui-ci, la vie d’Augustin est demeurée, bien que de façon diverse, un chemin de conversion – jusque dans la dernière étape de sa maladie, lorsqu’il fit accrocher sur les murs les Psaumes pénitentiels pour qu’il les ait toujours sous les yeux; lorsqu’il s’exclut lui-même du sacrement de l’Eucharistie pour reparcourir encore une fois la voie de la pénitence et recevoir le salut des mains du Christ comme don des miséricordes de Dieu. Ainsi, nous pouvons
à juste titre parler des « conversions » d’Augustin qui, de fait, ont été une unique grande conversion dans la recherche du Visage du Christ, puis dans le chemin parcouru avec Lui.
Je voudrais parler brièvement de trois grandes étapes dans ce chemin de conversion, de trois « conversions ». La premi
ère conversion fondamentale fut le chemin intérieur vers le christianisme, vers le « oui » de la foi et du Baptême. Quel fut l’aspect essentiel de ce chemin?
Augustin, d’une part, était le fils de son temps, profondément conditionné par les habitudes et par les passions qui dominaient en lui, ainsi que par toutes les questions et les problèmes d’un jeune homme. Il vivait comme tous les autres et toutefois, il y avait quelque chose de différent en lui: il demeura toujours une personne en recherche. Il ne se contenta jamais de la vie telle qu’elle se présentait et comme tous la vivaient. Il
était toujours tourmenté par la question de la vérité. Il voulait trouver la vérité. Il voulait réussir à savoir ce qu’est l’homme; d’où provient le monde; d’où nous venons nous-mêmes, où nous allons et comment nous pouvons trouver la vie véritable.
Il voulait trouver une vie droite et pas seulement vivre aveuglément sans sens, ni but. La passion pour la vérité est la véritable parole-clé de sa vie. La passion pour la vérité l’a véritablement guidé. Et il y a encore une particularit
é. Tout ce qui ne portait pas le nom du Christ ne lui suffisait pas. L’amour pour ce nom – nous dit-il – avait été bu avec le lait même de sa mère (cf. Conf. 3, 4, 8). Et il avait toujours cru, parfois plutôt vaguement, parfois plus clairement – que Dieu existe et qu’il prend soin de nous (cf. Conf. 6, 5, 8).
Mais connaître véritablement ce Dieu, se familiariser véritablement avec Jésus Christ et arriver à Lui dire « oui » avec toutes les conséquences que cela comporte – telle était la grande lutte intérieure de ses années de jeunesse. Il nous raconte qu’
à travers la philosophie platonicienne, il avait appris et reconnu qu’ »au commencement était le Verbe » – le Logos, la raison créatrice. Mais la philosophie, qui lui montrait que le principe de tout est la raison créatrice, cette même philosophie ne lui indiquait aucune voie pour l’atteindre; ce Logos demeurait lointain et intangible.
Ce n’est que dans la foi de l’Eglise qu’il trouva ensuite la seconde vérité essentielle: le Verbe, le Logos, s’est fait chair. Et ainsi, il nous touche, nous le touchons. A l’humilit
é de l’incarnation de Dieu doit correspondre – tel est le grand pas – l’humilité de notre foi, qui abandonne l’orgueil pédant et qui s’incline en entrant dans la communauté du corps du Christ; qui vit avec l’Eglise et seulement ainsi entre dans la communion concrète, et même corporelle, avec le Dieu vivant.
Je n’ai pas besoin de dire combien tout cela nous concerne: demeurer des personnes qui cherchent, ne pas se contenter de ce que tous disent et font. Ne pas détacher son regard de Dieu éternel et de Jésus Christ. Apprendre l’humilité de la foi dans l’Eglise corporelle de Jésus Christ, du Logos incarné. Augustin nous d
écrit sa deuxième conversion à la fin du livre X de ses « Confessions » à travers ces paroles: « Plié sous la crainte de mes péchés et le fardeau de ma misère, j’avais délibéré dans mon cœur et presque résolu de fuir au désert; mais vous m’en avez empêché, me rassurant par cette parole: « Le Christ est mort pour tous, afin que ceux qui vivent ne vivent plus à eux-mêmes, mais à celui qui est mort pour eux »" (2 Co 5, 15; Conf. 10, 43, 70).
Que s’était-il passé? Après son Baptême, Augustin s’était décidé à retourner en Afrique, et là, il avait fondé avec ses amis un petit monastère. A présent, sa vie devait être consacrée entièrement au dialogue avec Dieu, à la réflexion et à la contemplation de la beauté et de la vérité de sa Parole. Ainsi, il v
écut trois années de bonheur, croyant avoir atteint le but de sa vie; à cette époque vit le jour une série de précieuses œuvres philosophiques et théologiques.
En 391, quatre ans après son baptême, il alla rendre visite dans la ville portuaire d’Hippone à un ami, qu’il voulait gagner à son monastère. Mais au cours de la liturgie du dimanche, à laquelle il participait dans la cathédrale, on le reconnut. L’Ev
êque de la ville, un homme d’origine grecque, qui ne parlait pas bien le latin et qui avait des difficultés à prêcher, dit, non par hasard, dans son homélie, qu’il avait l’intention de choisir un prêtre auquel confier la charge de la prédication.
Immédiatement, la foule se saisit d’Augustin et le conduisit de force à l’avant, afin qu’il fût consacré prêtre au service de la ville. Imm
édiatement après sa consécration forcée, Augustin écrivit à l’Evêque Valerio: « Je me sentais comme quelqu’un à qui on a donné la seconde place au gouvernail, à moi qui ne savais pas même tenir un aviron… Voilà pourquoi, au temps de mon ordination, quelques-uns de mes frères me virent, dans la ville, verser des larmes » (cf Lettres 21, 1sq).
Le beau rêve de la vie contemplative avait disparu, la vie d’Augustin s’en trouva fondamentalement transformée. A présent, il ne pouvait plus s’adonner à la méditation dans la solitude. Il devait vivre avec le Christ pour tous. Il devait traduire ses connaissances et ses pensées sublimes dans la pensée et le langage des personnes simples de sa ville. La grande œuvre philosophique de toute une vie, qu’il avait rêvée, demeura non écrite. A sa place, nous fut donn
é quelque chose de plus précieux: l’Evangile traduit dans le langage de la vie quotidienne et de ses souffrances. Il a décrit ainsi ce qui constituait désormais son quotidien: « Réprimer les orgueilleux, consoler les pusillanimes, soutenir les faibles, réfuter les contradicteurs… exciter les paresseux, apaiser le disputeurs, aider les indigents, délivrer les opprimés, encourager les bons, tolérer les méchants, aimer tout le monde » (cf Serm 340, 3). « Prêcher, reprendre, corriger, édifier, s’inquiéter pour chacun, quelle charge, quel poids, quel travail » (Serm 339, 4).
Telle fut la deuxième conversion que cet homme, en luttant et en souffrant, dut continuellement réaliser: être toujours à nouveau là pour tous, non pas pour sa propre perfection; toujours à nouveau, avec le Christ, donner sa vie, afin que les autres puissent le trouver, Lui, la véritable Vie. Il y a encore une troisi
ème étape décisive sur le chemin de conversion de saint Augustin. Après son ordination sacerdotale, il avait demandé une période de congé pour pouvoir étudier plus à fond les Ecritures Saintes.
Son premier cycle d’homélies, après cette pause de réflexions, concerna le Discours de la montagne; il y expliquait la voie menant à une vie droite, « à la vie parfaite » indiquée de façon nouvelle par le Christ – il la présentait comme un pèlerinage sur le mont saint de la Parole de Dieu. Dans ces homélies, on peut encore percevoir tout l’enthousiasme d’une foi venant d’être trouvée et vécue: la ferme conviction selon laquelle le baptisé, vivant totalement selon le message du Christ, peut être, précisément, « parfait » selon le Sermon de la montagne. Une vingtaine d’ann
ées plus tard, Augustin écrivit un livre intitulé Les Rétractations, dans lequel il passait en revue de façon critique ses œuvres rédigées jusqu’alors, apportant des corrections là où, entre temps, il avait appris de nouvelles choses.
En ce qui concerne l’idéal de la perfection dans ses homélies sur le Discours de la montagne, il souligne: « Entre temps, j’ai compris qu’une seule personne est véritablement parfaite et que les paroles du Discours de la montagne ne trouvent leur pleine réalisation qu’en une seule personne: en Jésus Christ lui-même. En revanche, toute l’Eglise – nous tous, y compris les Apôtres – devons prier chaque jour: pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés » (cf Retract. I, 19, 1-3). Augustin avait appris un dernier degr
é d’humilité – non seulement l’humilité d’inscrire sa grande pensée dans l’humble foi de l’Eglise, non seulement l’humilité de traduire ses grandes connaissances dans la simplicité de l’annonce, mais également l’humilité de reconnaître qu’à lui-même et à toute l’Eglise en pèlerinage, était et demeure continuellement nécessaire la bonté miséricordieuse d’un Dieu qui pardonne chaque jour.Et nous – ajoutait-il – nous nous rendons semblables au Christ, l’unique Parfait, dans la plus grande mesure possible, lorsque nous devenons comme Lui des personnes de miséricorde.En cette heure, rendons grâce à Dieu pour la grande lumière qui rayonne de la sagesse et de l’humilité de saint Augustin et prions le Seigneur afin qu’il nous donne à tous, jour après jour, la conversion nécessaire et qu’il nous conduise ainsi vers la véritable vie. Amen.
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Sur www.chiesa, les précédentes interventions du pape sur saint François d’Assise:
> Benedetto XVI s’è fatto francescano (11.9.2006)
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Traduction française par Charles de Pechpeyrou, Paris, France.
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’adresse de Sandro Magister: s.magister@espressoedit.it
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20.6.2007
Marz 2007, Un pèlerinage émouvant, par le cardinal Paul Poupard
27 octobre, 2007Marz 2007, du site:
http://www.30giorni.it/fr/articolo.asp?id=13798
Un pèlerinage émouvant
par le cardinal Paul Poupard
président du Conseil pontifical de la Culture
L’anniversaire du père de famille est une occasion pour tous ses enfants de lui exprimer leur amour. C’est pourquoi, au moment où nous célébrons le quatre-vingtième anniversaire du Saint-Père, je ne voudrais pas me limiter à honorer ce rendez-vous d’état-civil. Je désire au contraire m’adresser au Saint-Père en puisant dans la mémoire de mon coeur débordant de gratitude pour les nombreuses preuves d’accueil paternel, de souci de rencontre, d’ouverture au dialogue qu’il a offertes au monde entier. L’un de ces témoignages domine les autres et me touche au plus profond de moi-même, parce que je l’ai vécu directement, dans un voisinage spécial et privilégié: le pèlerinage en Turquie. Maintenant que les projecteurs se sont éteints et que l’effervescence de l’actualité journalistique s’est calmée, reste la sérénité pour méditer sur cette visite qui, avec la grâce de Dieu, a pu se dérouler de façon heureuse. Une visite qui est devenue un don important pour l’Église et pour toute l’humanité.
C’est un voyage pastoral – je me réfère à la vision que le Concile Vatican II présente dans la constitution Lumen gentium aux n. 14-16 – qui, comme la mission de l’Église, se déroule sous la forme de “cercles concentriques”. Dans le cercle central, le successeur de Pierre confirme dans la foi les catholiques, dans celui du milieu, il rencontre les autres chrétiens et dans celui de l’extérieur, il s’adresse aux non-chrétiens et à l’humanité entière. La première journée s’est en effet déroulée dans le cadre de ce troisième cercle, le plus large, pour insister sur le fait qu’il est important que les chrétiens et les musulmans conjuguent leurs efforts en faveur de l’homme, de la vie, de la paix et de la justice. Dans le cadre du dialogue interreligieux, la divine Providence a accordé que s’accomplît, presque à la fin du voyage, un geste qui n’avait pas été prévu au départ et qui s’est révélé de grande signification: la visite à la célèbre Mosquée Bleue d’Istanbul. Saint-Père, je garde jalousement gravés dans ma mémoire les quelques instants de recueillement en ce lieu de prière, durant lesquels – j’en suis convaincu – vous vous êtes adressé à l’unique Seigneur du ciel et de la terre, Père miséricordieux de l’humanité entière, pour invoquer des bénédictions, notamment sur l’entretien avec le grand Mufti de Turquie. À l’horizon de ma mémoire apparaît Éphèse et donc le “cercle” central du voyage, en contact direct avec la communauté catholique. Dans le jardin qui précède le sanctuaire, un pèlerinage émouvant de fidèles venus de la ville voisine d’Izmir, d’autres lieux de Turquie et aussi de pays étrangers pour participer à la messe, a fait résonner dans mon cœur, dans toute leur force et leur vérité, ces mots: «Là où est Pierre, là est l’Église». À la “Maison de Marie” nous nous sommes vraiment sentis “chez nous” et, dans ce climat d’harmonie, s’est élevée la prière pour la paix en Terre Sainte et dans le monde entier. Le “cercle” intermédiaire s’est réalisé à l’occasion de la fête de saint André, le 30 novembre. Sur les traces de Paul VI, qui rencontra le patriarche Athénagoras, et de Jean Paul II, qui fut accueilli par le successeur d’Athénagoras, Dimitrios Ier, je vous ai vu, Saint-Père, renouveler avec Sa Sainteté Bartholomeos Ier ce geste de grande valeur symbolique pour confirmer votre engagement réciproque à poursuivre le chemin vers le rétablissement de la pleine communion entre catholiques et orthodoxes. Le retour au “cercle” central, c’est-à-dire la rencontre avec la communauté catholique présente dans toutes ses composantes dans la cathédrale latine de l’Esprit Saint, à Istanbul, a clos ce pèlerinage. Que Dieu Tout-puissant et miséricordieux nous aide à construire des ponts d’amitié et de collaboration fraternelle entre les peuples et les nations, entre les cultures et les religions, ce dont Votre Sainteté ne cesse de témoigner en toute occasion.
Dans ce climat de souvenir joyeux et reconnaissant, dans le grand choeur des témoignages d’affection et de reconnaissance, de joie et de fidélité, que vous parviennent mes vœux les plus cordiaux en cet heureux jour de votre quatre-vingtième anniversaire, en même temps que mes remerciements, venus du fond de mon cœur, pour votre précieux ministère pastoral pour le bien de toute la Sainte Église de Dieu. Puissiez-vous poursuivre votre œuvre de paix et de réconciliation parmi les peuples, de dialogue et de rencontre entre les cultures et les religions! Que le Seigneur vous accorde de guider sagement l’Église et de continuer à nous communiquer cette force dont nous avons constamment besoin pour rendre compte devant les hommes, avec douceur et respect, de l’espérance qui est en nous ( cf. 1P 3, 15). Saint-Père, c’est avec le cœur débordant de gratitude et de filiale reconnaissance que je vous renouvelle tous mes vœux, lesquels maintenant se font prière: que la Sainte Trinité vous éclaire et vous bénisse; que la Vierge Marie, Mère de l’Église, vous accompagne et vous fasse toujours sentir la douceur de sa consolations maternelle! Ad multos annos, Sainteté!
bonne nuit
27 octobre, 2007Enfin répondre à l’appel de Dieu de se convertir
27 octobre, 2007Saint Augustin (354-430), évêque d’Hippone (Afrique du Nord) et docteur de l’Église
Les Confessions, livre 8
Enfin répondre à l’appel de Dieu de se convertir
Elles me retenaient, mes vieilles idées amies, ces bagatelles de bagatelles, ces vanités de vanités ! A petits coups elles me tiraient par ma robe de chair et murmuraient à mi-voix : « Tu nous congédies ? Fini pour jamais ! A partir du moment qui vient nous ne serons plus avec toi, il ne te sera plus permis de faire ceci, de faire cela. » Oh ! ce qu’elles suggéraient, mon Dieu !… J’hésitais à me débarrasser d’elles, à bondir où j’étais appelé ; l’habitude me disait, tyrannique : « Crois-tu que tu pourras vivre sans elles ? » Mais déjà sa voix était molle, car du côté où je tournais mon visage et où je tremblais de passer, la chaste dignité de la continence m’invitait noblement et gracieusement à venir sans plus balancer, me montrant une foule de bons exemples :…« C’est le Seigneur leur Dieu qui m’a donnée à eux. Pourquoi t’appuyer sur toi-même alors que tu ne te tiens pas debout ? Jette-toi en lui, n’aie pas peur. Il ne va pas se dérober pour que tu tombes. Jette-toi sans crainte ; il te recevra et te guérira »…
Cette dispute dans mon coeur n’était qu’une lutte de moi-même contre moi-même… Quand mon regard avait enfin tiré du fond de mon coeur toutes mes misères, il s’est levé une grosse tempête de larmes. Pour laisser crever l’orage, je me suis levé et suis sorti… Sans trop savoir comment, je me suis étendu sous un figuier, je lâchais complètement mes larmes, elles ont jailli à flots, sacrifice digne de toi, mon Dieu. Et je t’ai dit sans retenue : « Et toi, Seigneur, jusques à quand ? Jusques à quand seras-tu irrité ? Ne garde pas le souvenir de nos vieilles iniquités » (Ps 6,4;78,5)… Je poussais des cris pitoyables : « Dans combien de temps ? Combien de temps ? Demain, toujours demain. Pourquoi pas tout de suite ? »…
Et voici que j’entendais une voix venant d’une maison voisine, voix d’enfant ou de jeune fille, qui chantait et répétait : « Prends et lis ! Prends et lis ! » A l’instant, je me suis repris et cherchais à me rappeler si c’était le refrain habituel d’un jeu d’enfant ; rien de tel ne me venait en mémoire. Refoulant mes larmes, je me suis levé dans l’idée que le ciel m’ordonnait d’ouvrir le livre de l’apôtre Paul et de lire le premier passage sur lequel je tomberais… Je suis rentré en hâte et j’ai pris le livre et j’ai lu ce que j’ai vu en premier : « Non, pas de ripailles et de soûleries, pas de coucheries et d’impudicités, pas de disputes et de jalousies, mais revêtez-vous du Seigneur Jésus Christ. Ne cherchez plus à contenter la chair dans ses convoitises » (Rm 13,13s). Ce n’était pas la peine d’en lire davantage ; je n’en avais plus besoin. Ces lignes à peine achevées, une lumière de sécurité s’est déversée dans mon coeur et toutes les ténèbres de mon incertitude ont été dissipées.