du site:
http://missel.free.fr/Sanctoral/10/09.php
9 octobre
Saint Denis et ses compagnons martyrs
Historique
Les Parisiens faisaient autrefois un pèlerinage à saint Denis qui fut leur premier évêque, à travers la ville. La première station était la crypte de Notre-Dame-des-Champs, où l’on disait que saint Denis avait enseigné le culte de la Sainte Vierge. Il existe encore, à l’emplacement de l’ancien prieuré, une crypte, rétablie et ornée par les Carmélites du siècle dernier, mais l’accès n’en est plus public. La seconde station était à l’église Saint-Etienne-des-Grés, qui exposait la crosse de saint Denis. Puis on allait à Saint-Benoît-le-Rétourné, dans la crypte où saint Denis aurait dit la messe et prêché le mystère de la Trinité. A Saint-Denis-du-Pas, il aurait subi un premier supplice. Saint-Denis-de-la-Chartre était la prison où il avait reçu la communion miraculeusement. On visitait ensuite à Montmartre la chapelle du Martyrium
, pour terminer par la station au tombeau de Saint-Denis.Saint Denis et ses compagnons furent supplici
és à deux lieues de Paris et, selon l’usage du temps, on les enterra à l’endroit même où ils étaient morts. Au V° siècle, sainte Geneviève et les clercs de Paris font bâtir une église sur ce tombeau, qui devint la célèbre abbaye que Dagobert restaura. Le premier nom d’abbé qui nous soit parvenu est celui de Dodon. Les religieux pratiquaient la psalmodie perpétuelle, comme à Saint-Maurice d’Agaune ou à Saint-Martin de Tours. Pépin le Bref et Charlemagne, puis Suger restaurent le monument. Saint Odilon au IX° siècle, Suger au XI° réforment les moines. Saint Denis fut très particulièrement le protecteur du royaume des premiers capétiens ; l’oriflamme était confiée à sa garde et le cri de guerre des Français l’invoquait. Les Valois, ensuite, se confièrent aussi à saint Michel archange, mais l’apôtre de Paris ne fut pas délaissé. Une coutume symbolique voulait que ce fût devant l’autel de saint Denis, à Notre-Dame de Paris, à gauche, en avant du chœur, que les nouveaux docteurs de Sorbonne fissent serment sur les Evangiles de défendre la religion catholique jusqu’à effusion du sang. Cette coutume fut respectée jusqu’à la fin de l’ancien régime. Elle explique la vénération pour saint Denis d’un grand nombre de clercs parisiens de M. Bourdoise à Bossuet.
Après une longue décadence, la réforme de Saint-Maur est introduite au monastère en 1633. La Révolution ravage la nécropole royale et il s’en faut de peu que la basilique soit abattue. Napoléon I° affecte les bâtiments de l’abbaye aux jeunes filles de la Légion d’honneur et fonde pour l’église un chapitre qui ne survivra guè
re au second Empire.
Avant la Révolution, l’abbatiale possédait beaucoup de reliques. Celles de saint Denis et de ses compagnons étaient élevées au fond du sanctuaire, derrière l’autel, dans trois châsses d’argent si ancien qu’il ressemblait à du plomb, et qui dataient du XI° siècle. Tous les sept ans, le 1° mai, le chef de saint Denis était porté solennellement au Martyrium de Montmartre. Au XVIII° siècle le prieur de Saint-Denis demande à l’abbesse d’y renoncer parce qu’il pleut et que ses moines seront mouillés. Mme de la Rochefoucauld répond : « Ils auront sept ans pour se sécher. »
C’était une tradition tardive, mais communément admise, qui avait fixé la place du supplice. L’abbaye de filles avait été fondée en 1133 par la reine Adélaïde, épouse de Louis VI. Innocent III avait dédié le grand autel en l’honneur des saints martyrs Denis, Rustique et Eleuthère (1° juin 1147). Le tombeau de la reine Adélaïde était devant cet autel. La chapelle du Martyrium, à mi-côte de la butte, avait appartenu aux Benédictins de Saint-Martin-des-Champs ; Louis VI le Gros la donna aux dames de Montmartre, qui la firent desservir par des chapelains. Vers 1600, elle tombait en ruines. La grande abbesse réformatrice, Marie de Beauvilliers, qui gouverna l’abbaye près de soixante ans, entreprit de la restaurer.
En 1611, creusant des fondations, les terrassiers remirent à jour un escalier qui conduisait à une crypte ancienne : celle même, dit-on, où saint Denis avait souffert. Un grand mouvement de curiosité et de piété se fit autour de cette découverte. On décida que le Martyrium
serait agrandi et enfermé dans la clôture du monastére : on y bâtit une église surmontée d’un dôme, et un prieuré. Il y eut dès lors deux communautés de religieuses à Montmartre, celle d’en haut et celle d’en bas ; une galerie longue de près de quatre cents mètres, tout entière couverte et voûtée, les relia. En 1686, toutes les religieuses s’installèrent en bas, abandonnant les vieux bâtiments du sommet de la butte au personnel de service. Le chœur de l’église d’en haut fut cédé à la paroisse de Montmartre, qui en occupait déjà la nef. L’abbaye et l’église d’en-bas ont été entièrement démolies par les révolutionnaires. La dernière abbesse de Montmartre, Marie-Louise de Montmorency-Laval, âgée de soixante-et-douze ans, fut condamnée à mort et guillotinée le 23 juillet 1794 (5 thermidor an II), à la barrière du Trône. Sourde et paralysée de tous ses rnembres, après avoir été expulsée de son abbaye, elle passa quelque temps à Saint-Denis et trouva un asile momentané au château de Bondy chez la marquise de Crussol d’Amboise. Sans égard pour son âge et pour ses infirmités, elle fut arrêtée et emprisonnée à Saint-Lazare. C’était une sanglante ironie que de condamner à mort cette vieille femme impotente comme ayant voulu s’échapper de Saint-Lazare sur une planche jetée d’une fenêtre de la prison à une terrasse, par dessus la cour où était la sentinelle pour aller égorger ensuite les membres des deux comités. « J’ai vu, dit Sirey, en parlant de Madame de Meursin (jeune femme paralysée des jambes) et de l’abbesse de Montmartre, j’ai vu ces deux victimes descendre du tribunal pour aller à léchafaud ; on portait l’une, on traînait l’autre. » Avec elle étaient exécutés quatre prêtres : François de Maillé, grand vicaire de l’évêque du Puy, Pierre Champigny, curé de Villepinte, Pierre de Laboulbène de Montesquiou, grand vicaire de l’évêque d’Aire, et François Gigot de Boisbernier, grand vicaire de l’archevêque de Sens.
La colline de Montmartre fut-elle dès l’origine, pour tous ses visiteurs, un pèlerinage de saint Denis, patron de la France ? Saint Thomas Becket vient à Montmartre sans doute parce que l’abbaye a été choisie pour la rencontre du roi Louis VII et d’Henri II d’Angleterre. Cependant, par la suite, le Martyrium bénéficie de la dévotion à saint Denis qui est de tradition dans la famille royale. Charles VI y vient entre deux accès de folie ; Francois I° y demande la santé pour le dauphin, et le peuple de Paris, après la défaite de Pavie, y vient prier pour sa délivrance ; Henri IV y rend grâces le jour même de son abjuration ; on allume ensuite un grand feu de joie sur la butte, auquel tous les villages de la vallée de Montmorency répondent par d’autres feux ; Louis XIII et Louis XIV s’inscrivent à la confrérie de Saint-Denis ; les reines sont liées d’amitié avec l’abbesse Marie de Beauvilliers ; et mieux encore les religieuses réformatrices et ferventes viennent y faire retraite et s’y inspirer. Ainsi c’est à Montmartre que Mlle. de Blosset trouve l’idée de fonder sa Société des Filles de Sainte-Geneviève. Du XV° au XVIII° siècle un grand nombre de paroisses y montent en processions à dates fixes. Pendant la guerre de Cent ans, le 6 juin 1412, une immense procession d’hommes et d’enfants pieds nus, portant des cierges, va en chantant au Martyrium pour « crier merci à monseigneur saint Denis et demander par ses mérites la paix au Dieu tout-puissant. »
A Saint-Denis de la Chartre, la prison, disait-on, où saint Denis avait été incarcéré, ses chaînes y étaient exposées. L’église était fort ancienne, voûtée lourdement et en contrebas de la rue ; on y descendait par des marches. Elle était voisine des prisons de la Cité dès le VII° siècle. Selon la vie de sainte Geneviève, il y avait dans la Cité un sanctuaire consacré à saint Denis, où elle passait avec ses compagnes les vigiles du samedi au dimanche. Des clercs séculiers desservent cette église au XI° siècle. Plus tard, le roi Louis VII la donne aux moines de Saint-Martin-des-Champs en échange du prieuré de Montmartre, qui est attribué à des religieuses. Longtemps, il y eut dans un des côtés de la nef une petite paroisse à la nomination du prieur de Saint-Martin-des-Champs. De nombreux fripiers faisaient commerce devant cette église. Elle fut transférée en 1618 à l’église voisine de Saint-Symphorien. Son emplacement est occupé par l’Hôtel-Dieu.
Au chevet de Notre-Dame se trouvait Saint-Denis-du-Pas, sans doute du passage, ainsi nommée pour la distinguer de l’église précédente. On disait que saint Denis y avait souffert le supplice du gril. Un acte de 1148 la mentionne. Lors de la suppression de l’église Saint-Jean-le-Rond, au XVIII° siècle, elle avait recueilli le titre paroissial et le chapitre de celle-ci. Elle fut désaffectée en 1790 et dé
molie en 1813.
L’église Saint-Denis-de-la-Chapelle est elle aussi fort ancienne ; on suppose qu’elle a pris la place de cet oratoire à mi-chemin entre la Cité et le tombeau de saint Denis, où sainte Geneviève et ses compagnes s’arrêtaient pour passer la nuit. La paroisse date du XIII° siècle et Jeanne d’Arc s’y arrêta en 1429 ; la nef détruite par les Anglais a été reconstruite au XV° siècle par les Abbés de Saint-Denis, qui ont dédié l’église à leur patron.
Saint-Denis-du-Saint-Sacrement, à l’angle de la rue de Turenne et de la rue Saint-Claude, est plus récente. Sur l’emplacement de l’hôtel du comte de Turenne, vers 1684, on avait construit un couvent pour les Bénédictines du Saint-Sacrement qui fut supprimé en 1790. L’église fut rendue au culte en 1802. Rachetés par la ville, les bâtiments furent rasés (1823) et l’architecte Godde fut chargé de reconstruire une église qui fut consacrée le 19 avril 1835.
A Notre-Dame, saint Denis portant son chef figure entre deux anges, parmi les statues du portail occidental ; l’image est du siècle dernier, mais elle en remplace une autre du moyen âge, détruite par la Révolution. Au transept, contre le pilier gauche du chœur est un saint Denis en marbre blanc de Nicolas Coustou : un peu d’emphase dans le geste, mais il y a de la force, de la pureté, de la vie, l’image n’est pas indigne du héros. Le saint Denis agenouillé au chœur de l’église Saint-Jean-Saint-Francois vient de l’abbaye de Montmartre, il a été sculpté par Gaspard et Balthazar Marsy ; c’est peut-être en prières devant lui que Mlle. de Blosset, fondatrice, en 1636, de la communauté des Filles de Sainte-Geneviève, conçut qu’elle pouvait servir Dieu efficacement ailleurs que dans un cloître. Enfin, il existe à l’église Saint-Germain-l’Auxerrois un retable de la même époque où sont représentés les trois saints Denis, Rustique, Eleuthère, avec une vue du Martyrium
de Montmartre ; la légende indique : « Ici est le lieu où saint Denis fut inhumé après son martyre en CCLXXII. »
Outre le célèbre saint Denys, fondateur de l’Eglise de Paris que saint Grégoire de Tours dit avoir été envoyé en Gaule sous l’empereur Dèce, et saint Denys d’Alexandrie dont on a parlé dimanche dernier, le sanctoral honore plusieurs autres personnages qui portent ce prénom orthographié avec un y
ou avec un i : l’Aréopagite (fêté le 9 octobre) dont parlent les Actes des Apôtres et qui fut le premier évêque d’Athènes comme l’affirme Eusèbe de Césarée en rapportant saint Denys, évêque de Corinthe sous Marc-Aurèle ; un pape fêté au 26 décembre (258 + 268) ; un ancien martyr de Synnada en Phrygie fêté le 31 juillet ; un martyr d’Héraclée, en Thrace, dont la fête est célébrée le 20 novembre ; un martyr percé de coups de lances à Pergé au II° siècle, fêté le 19 avril ; l’oncle de saint Pancrace, martyr à Rome en 304, fêté le 12 mai ; un martyr d’Alexandrie pendant la persécution de Dèce que l’on fête au 3 octobre ; un autre martyr décapité à Alexandrie que l’on fête au 14 février ; un martyr, né à Tripoli et décapité à Césarée de Palestine pendant la persécution de Dioclétien (24 mars 305) ; un martyr à Corinthe pendant la persécution de Dèce et de Valérien, fêté au 10 mars ; le premier évêque d’Augsbourg, martyrisé au IV° siècle, que l’on fête le 26 février ; un martyr dans la Petite Arménie que l’on fête le 8 février ; un évêque de Milan, exilé par les Ariens et mort en Cappadoce vers 361, fêté au 25 mai ; le sixième évêque de Vienne, fêté le 8 mai ; le bienheureux Denis Aïcon Foudgichima, serviteur du bienheureux jésuite Paul Navarro et martyrisé avec lui le jour de la Toussaint 1622, à Arima (Japon) ; le bienheureux carme Denys de la Nativité, martyrisé à Sumatra avec son confrère le bienheureux Thomas Rodriguez (29 novembre 1638) ; Denis-Claude Duval, prêtre de la paroisse parisienne de Saint-Etienne du Mont et bienheureux martyr de Septembre 1792 au séminaire Saint-Firmin.