Qui sont les catholiques chaldéens, et ce qui leur arrive – Les persécutions du monde
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Qui sont les catholiques chaldéens, et ce qui leur arrive
Les persécutions du monde
par Giovanni Cubeddu
Combien d’églises reste-t-il à Bagdad? Et combien de chrétiens reste-t-il en Irak? Avant la funeste guerre qui s’est abattue sur le pays en 2003, la capitale irakienne était connue comme “la capitale des cinquante églises”, ce qui voulait dire que chacun des rites chrétiens avait une ou plusieurs églises où il lui était possible de célébrer. Aujourd’hui, de ces cinquante églises, il n’en reste que trente en activité. Mais tout a changé. On vit dans la peur.
Même dans les périodes de troubles qui sont survenues dans l’histoire du pays, les mosquées et les églises ont toujours observé un respect réciproque, parce que les musulmans eux mêmes savent bien – à la différence de nombreux analystes occidentaux de géopolitique et de stratégie militaire, qui ont poussés comme de champignons auxquels la guerre a fourni un humus fort lucratif – que les chrétiens irakiens ne représentent pas une minorité de néo-immigrés, mais qu’ils sont, tout simplement, l’Irak lui-même, parce qu’ils habitent la Mésopotamie depuis les toutes premières manifestations du christianisme, six cents ans avant la naissance de l’islam.
Pour les chrétiens de cette Église d’Orient, le passage de l’apôtre Thomas et la prédication de l’apôtre Thaddée sur leur terre est un motif d’orgueil national. En outre, les juifs irakiens eux-mêmes rappellent que le recueil local d’écrits rabbiniques, connu sous le nom de Talmud babylonien et commencé en 70 après Jésus Christ, comprend entre autre une des premières citations non chrétiennes de la crucifixion de Jésus.
En dépit de toutes les dramatiques tensions de l’histoire récente de l’Irak, et bien qu’il y ait une majorité chiite à côté d’un fort groupe sunnite qui a gouverné jusqu’à la chute de Saddam, la minorité chrétienne a toujours été fière de se savoir et de se déclarer avant tout irakienne.
Du million de chrétiens recensés avant la guerre, il en reste peut-être aujourd’hui 600.000 selon des sources qualifiées du patriarcat chaldéen, et ceux-ci sont subdivisés entre Église chaldéenne, assyrienne, syriaque, arménienne, melchite, latine, copte et communautés protestantes. Les chaldéens sont catholiques et ils représentent un bon 80% de tous les chrétiens irakiens, qui suivent en proportion le triste choix de leurs concitoyens musulmans de devenir des réfugiés: il y en a deux millions à l’intérieur du pays, et autant en dehors, selon les données officielles. Chaque mois, entre 40 et 50.000 personnes quittent l’Irak devant ce Moloch de guerre et de litiges sectaires qui n’est jamais rassasié de vies humaines.
Dans son interview, le patriarche Delly explique que depuis plusieurs mois, les chrétiens sont entrés comme victimes innocentes dans le vertigineux règlement de comptes entre chiites et sunnites. Par rapport aux attentats contre les églises chrétiennes qui avaient déjà commencé en été 2004, il s’agit de quelque chose qui est à la fois – plus férocement – dans la même ligne et différent. Ceci arrive aujourd’hui en particulier à Bagdad, dans le quartier d’al-Dora, et à Mossoul, dans le nord du pays, mais aussi ailleurs. Le paiement d’une “al-jezia”, une taxe, est ce que ces bandes criminelles exigent des familles chrétiennes si elles n’acceptent pas la conversion à l’islam, à moins qu’elles ne leur donnent “en gage” une jeune fille de la famille. Autrement, la seule alternative à la mort est la fuite, avec les seuls vêtements qu’on porte sur soi: il faut abandonner la maison sur le champ. Il existe à Bagdad le phénomène des “réfugiés de quartier”, des gens qui cherchent un refuge près de leur ancienne habitation et le trouvent éventuellement dans la salle paroissiale qu’on a arrangée comme abri: au moment où nous écrivons, c’est le cas de centaines de familles à al-Dora. Ces gens continuent à aller à la messe, dans des églises souvent endommagées, et à s’adresser aux prêtres, en risquant souvent de nouvelles rétorsions de la part des bandes qui ont parfois arraché les crucifix des coupoles des églises et menacé les prêtres. Certaines paroisses ont dû être fermées et cela n’a fait qu’augmenter le découragement des fidèles qui ne trouvaient un peu de soulagement que là. Les amis du père Ragheed Ganni, par exemple, affirment qu’il a payé de sa vie le fait de ne pas avoir voulu céder à ces règles du désespoir, en se prodiguant au contraire publiquement pour arriver à aider le plus grand nombre de personnes possible. Mais un pasteur protestant et un prêtre syro-orthodoxe avaient déjà connu le même sort, le même martyre en Irak.
Et puis il y a le phénomène des extorsions. Des enlèvements de membres d’une famille: des rançons payées par exemple par des familles qui sont dans la gêne et qui apprennent ensuite que leur parent a déjà été exécuté. Des enlèvements de prêtres: des requêtes exorbitantes à l’Église chaldéenne, auxquelles succèdent des tractations pendant lesquelles on espère que les bandits comprendront qu’ils ne pourront jamais obtenir le million de dollars qu’ils demandent d’habitude, mais peut-être seulement quelques milliers ou quelques centaines de dollars. Dernièrement sept prêtres chaldéens – avec quelques-uns de leurs collaborateurs – s’en sont tirés de cette façon. C’est l’argent, pas l’islam, qui semble le mobile de ces groupes, et ce n’est pas par hasard qu’on retrouve dans leurs rangs les criminels que Saddam Hussein avait fait sortir en masse des prisons quand le conflit a éclaté.
Et les libérateurs? Racontons, à titre d’exemple, un épisode qui montre l’éclatante et dangereuse insensibilité des forces militaires américaines. Il y avait un séminaire à Bagdad. Plus maintenant, car il a été transféré au nord pour des raisons de sécurité objectives. Il y avait la Faculté Pontificale “Babel”, de Philosophie et de Théologie. Elle n’y est plus, elle a été transférée au nord, parce qu’une caserne américaine s’est installée dans ses locaux – sans le consentement du patriarcat –. Il n’a servi à rien d’envoyer dans la “zone verte” de Bagdad l’auxiliaire du patriarche pour négocier avec les autorités américaine; et le fait d’avoir demandé l’intercession du gouvernement irakien n’a eu jusqu’ici aucun effet: les militaires sont restés, au mépris du dommage causé à une Église déjà si pauvre et surtout, du danger supplémentaire que ce geste si symbolique crée pour les chrétiens (encore plus coupables aux yeux des bandes de fanatiques pour avoir hébergé l’occupant). En mai, après un long silence, le patriarche s’était adressé aux autorités militaires américaines en exprimant un jugement global (à partir de son site qui s’appelle “st-Adday.com”, c’est-à-dire saint Thaddée, l’apôtre qui est considéré comme le père de l’Église chaldéenne): «Vous êtes entrés sans notre consentement en Irak, qui n’a jamais connu une période aussi sombre. Dieu n’apprécie pas ce que vous avez fait et ce que vous faites à notre pays».
En définitive, il n’y a jamais eu de période aussi sombre pour les chrétiens dans l’histoire récente de l’Irak (entre autre, la Charte constitutionnelle du “nouvel” Irak les expose désormais au risque de la sharia, ce qui n’était pas le cas sous Saddam). Le vieux patriarche Delly comprend. Il a tout vu de près. Sa vie de pasteur a coïncidé avec l’exode de ses fidèles – commencé autour des années Soixante – qui quittaient ce berceau de la foi. Avant d’être élu en décembre 2003 à la fin d’un Synode tourmenté – qui ne fut pas le seul, il est vrai, dans l’Église chaldéenne –, Emmanuel Delly avait été depuis 1962 – et donc pendant 41 ans – auxiliaire puis auxiliaire émérite du patriarche chaldéen, d’abord Paulus II Cheikho puis Raphaël Bidawid. Delly a toujours été un point de référence pour les chaldéens, il les a suivis dans ces décennies de tourments, de guerre, d’embargo et encore de guerre, et maintenant de persécution. Il a été placé à la tête de cette Église d’Orient comme défenseur de la tradition, de la “chaldéité”. Et aussitôt élu, il a dit: «Mon programme est de témoigner de Jésus-Christ devant le monde et d’apporter à tous le message d’espérance de l’Évangile». Les fidèles n’ont pas de difficultés à l’aimer.
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55, est ton nom? pseudo, numero simpatique?