Archive pour le 14 août, 2007
Marie dans la lumière du Verbe fait homme
14 août, 2007Concile Vatican II
Constitution sur l’Eglise « Lumen gentium », § 63, 65
Marie dans la lumière du Verbe fait homme
La bienheureuse Vierge, par le don et la charge de sa maternité qui l’unissent à son fils le Rédempteur et par les grâces et les fonctions singulières qui sont siennes, est liée intimement à l’Eglise. La Mère de Dieu est le symbole de l’Eglise…dans l’ordre de la foi, de la charité et de l’union parfaite au Christ. En effet, dans le mystère de l’Église, qui reçoit elle aussi à juste titre le nom de Mère et de Vierge, la bienheureuse Vierge Marie occupe la première place, offrant, à un titre éminent et singulier, le modèle de la vierge et de la mère. Car dans sa foi et dans son obéissance elle a engendré sur la terre le Fils du Père, sans connaître d’homme, enveloppée par l’Esprit Saint, comme une nouvelle Ève qui donne, non à l’antique serpent, mais au messager de Dieu, une foi que nul doute n’altère. Elle a enfanté son fils, dont Dieu a fait « le premier-né parmi beaucoup de frères » (Rm 8,29), c’est-à-dire des fidèles. C’est pourquoi dans son amour de mère, elle apporte sa coopération à les enfanter et à les éduquer…
Si l’Église en la personne de la bienheureuse Vierge a déjà atteint à la perfection qui la fait « sans tache ni ride » (Ep 5,27), les fidèles du Christ, eux, sont encore tendus dans leur effort pour croître en sainteté par la victoire sur le péché. C’est pourquoi ils lèvent leurs yeux vers Marie comme modèle des vertus qui rayonne sur toute la communauté des élus. En se recueillant avec piété dans la pensée de Marie, qu’elle contemple dans la lumière du Verbe fait homme, l’Église pénètre avec respect plus avant dans le mystère suprême de l’Incarnation et devient sans cesse plus conforme à son Époux. Intimement présente en effet à l’histoire du salut, Marie rassemble et reflète en elle-même d’une certaine façon les données de la foi et elle appelle les fidèles à son fils et à son sacrifice, ainsi qu’à l’amour du Père, lorsqu’elle est l’objet de la prédication et de la vénération. L’Église, à son tour, recherchant la gloire du Christ, se fait de plus en plus semblable à son grand modèle, en progressant continuellement dans la foi, l’espérance et la charité, en recherchant et accomplissant en tout la volonté de Dieu.
L’Assomption de Marie Vierge
14 août, 2007Prière pour la fête de l’Assomption
14 août, 2007du site:
http://catholique-nanterre.cef.fr/faq/fetes_assomption_sens.htm
Prière pour la fête de l’Assomption
Aujourd’hui,
notre regard doit s’élever
vers le ciel de toutes nos espérances.
Marie, notre soeur Marie,
fille de notre terre,
est élevée dans la gloire
parce qu’elle est aussi
la mère de notre Dieu.
Marie est la première
à pouvoir placer ses pas
dans les pas de son fils…
…jusqu’au bout du voyage.
Nos chemins, eux aussi,
conduisent à la gloire.
Nous ne le voyons pas,
mais Marie nous le dit
par son Assomption.
Toi, Notre-Dame,
consolide en nos coeurs
la foi et l’espérance
et remplis-nous de cet amour
qui vaincra toute mort
le jour de notre propre assomption.
Prière pour l’Assomption http://viechretienne.catholique.org/prieres/a-marie/1797-priere-pour-l-assomption
à la veille de l’Assomption de Marie: HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI – 15.8.06
14 août, 2007à la veille de l’Assomption de Marie, du site Vatican:
SOLENNITÉ DE L’ASSOMPTION DE LA BIENHEUREUSE VIERGE MARIE
HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI Paroisse « San Tommaso da Villanova » à Castelgandolfo
Mardi 15 août 2006
Vénérés frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce,
chers frères et soeurs!
Dans le Magnificat – le grand chant de la Vierge que nous venons d’écouter dans l’Evangile – nous trouvons une parole surprenante. Marie dit: « Désormais, toutes les générations me diront Bienheureuse ». La Mère du Seigneur prophétise les louanges mariales de l’Eglise pour tout l’avenir, la dévotion mariale du Peuple de Dieu jusqu’à la fin des temps. En louant Marie, l’Eglise n’a pas inventé quelque chose « à côté » de l’Ecriture: elle a répondu à cette prophétie faite par Marie en cette heure de grâce.
Et ces paroles de Marie n’étaient pas seulement des paroles personnelles, arbitraires peut-être. Elisabeth avait, comme le dit saint Luc, poussé un grand cri et dit, remplie de l’Esprit Saint: « Bienheureuse celle qui a cru ». Et Marie, elle aussi remplie de l’Esprit Saint, continue et complète ce qu’a dit Elisabeth, en affirmant: « Toutes les générations me diront bienheureuse ». Il s’agit d’une véritable prophétie, inspirée par l’Esprit Saint, et l’Eglise, en vénérant Marie, répond à un commandement de l’Esprit Saint, et fait ce qu’elle doit faire. Nous ne louons pas suffisamment Dieu si nous nous taisons sur ses saints, en particulier sur « la Sainte » qui est devenue sa demeure sur la terre, Marie. La lumière simple et multiforme de Dieu ne nous apparaît de manière juste dans sa variété et dans sa richesse que dans le visage des saints, qui sont le véritable miroir de sa lumière. C’est précisément en voyant le visage de Marie que nous pouvons voir, plus que par d’autres moyens, la beauté de Dieu, sa bonté, sa miséricorde. Nous pouvons réellement percevoir la lumière divine sur ce visage. Toutes les g
énérations me diront Bienheureuse ». Nous pouvons louer Marie, vénérer Marie, parce qu’elle est « bienheureuse », bienheureuse pour toujours. Et tel est le contenu de cette Fête. Bienheureuse parce qu’elle est unie à Dieu, qu’elle vit avec Dieu et en Dieu. Le Seigneur, la veille de sa Passion, en prenant congé des siens, a dit: « Je vais vous préparer, dans la grande maison du Père, une demeure. Et il y a de nombreuses demeures dans la maison du Père ». Marie, en disant: « Je suis la servante du Seigneur, qu’il m’advienne selon ta parole », a préparé ici sur la terre la demeure pour Dieu: corps et âme, elle en est devenue la demeure et elle a ainsi ouvert la terre au ciel.
Saint Luc, dans l’Evangile que nous venons d’entendre, à travers différentes allusions, fait comprendre que Marie est la véritable Arche de l’Alliance, que le mystère du Temple – la venue de Dieu ici sur terre – s’accomplit en Marie. Dieu habite réellement en Marie, il devient présent ici sur la terre. Marie devient sa tente. Ce que désirent toutes les cultures – c’est-à-dire que Dieu vienne habiter parmi nous – se réalise ici. Saint Augustin dit: « Avant de concevoir le Seigneur dans le corps, elle l’avait déjà conçu dans l’âme ». Elle avait donné au Seigneur l’espace de son âme et elle était ainsi devenue réellement le véritable Temple où Dieu s’est incarné, où il est devenu présent sur cette terre. Et ainsi, en étant la demeure de Dieu sur la terre, en elle est déjà préparée sa demeure éternelle, est déjà préparée cette demeure pour toujours. Et cela est tout le contenu du Dogme de l’Assomption de Marie à la gloire du ciel, corps et âme, exprimé ici dans ces paroles. Marie est « bienheureuse » parce qu’elle est devenue – totalement corps et âme, et pour toujours – la demeure du Seigneur. Si cela est vrai, Marie nous invite non seulement à l’admiration, à la vénération, mais elle nous guide, elle nous montre le chemin de la vie, elle nous montre comment nous pouvons devenir bienheureux, trouver le chemin du bonheur. Ecoutons encore une fois la parole d’Elisabeth, qui s’ach
ève dans le Magnificat de Marie: « Bienheureuse celle qui a cru ». L’acte premier et fondamental pour devenir demeure de Dieu et pour trouver ainsi le bonheur définitif, c’est croire, c’est la foi, la foi en Dieu, la foi en ce Dieu qui s’est montré en Jésus Christ et se fait entendre dans la parole divine de l’Ecriture Sainte. Croire, ce n’est pas ajouter une opinion à d’autres. C’est la conviction, la foi que Dieu existe n’est pas une information comme les autres. Il y a de nombreuses informations dont il nous importe peu qu’elles soient vraies ou fausses, elles ne changent pas notre vie. Mais si Dieu n’existe pas, la vie est vide, l’avenir est vide. Et si Dieu existe, tout est transformé, la vie est lumière, notre avenir est lumière et nous avons une orientation pour savoir comment vivre. C’est pourquoi croire constitue l’orientation fondamentale de notre vie. Croire, dire: « Oui, je crois que Tu es Dieu, je crois que dans le Fils incarné Tu es présent parmi nous », oriente ma vie, me pousse à m’attacher à Dieu, à m’unir à Dieu et ainsi à trouver le lieu où vivre, et la manière de vivre. Et croire n’est pas seulement un type de pensée, une idée; c’est, comme je l’ai déjà suggéré, une manière d’agir, c’est une manière de vivre. Croire signifie suivre la trace qui nous est indiquée par la Parole de Dieu. Marie, en plus de cet acte fondamental de la foi, qui est un acte existentiel, une prise de position pour toute la vie, ajoute une autre parole: « Sa miséricorde s’étend sur ceux qui le craignent ». Elle parle, avec toute l’Ecriture, de la « crainte de Dieu ». Il s’agit peut-être là d’une parole que nous connaissons peu et que nous n’aimons pas beaucoup. Mais la « crainte de Dieu » n’est pas l’angoisse, c’est tout autre chose. En tant que fils, nous ne ressentons pas d’angoisse à l’égard du Père, mais nous ressentons la crainte de Dieu, la préoccupation de ne pas détruire l’amour sur lequel est placé notre vie. La crainte de Dieu est ce sens de la responsabilité que nous devons ressentir, la responsabilité de la portion du monde qui nous est confiée dans notre vie. La responsabilité de bien administrer cette part du monde et de l’histoire que nous sommes et de servir ainsi à la juste édification du monde, servir à la victoire du bien et de la paix. « Toutes les générations te diront bienheureuse »: cela veut dire que le futur, l’avenir appartient à Dieu, qu’il est entre les mains de Dieu, que Dieu l’emporte. Et ce n’est pas le dragon, qui est si fort et dont parle aujourd’hui la première Lecture, qui l’emporte, le dragon qui est la représentation de tous les pouvoirs de la violence du monde. Ils semblent invincibles, mais Marie nous dit qu’ils ne sont pas invincibles. La Femme – ainsi que nous montrent la première Lecture et l’Evangile – est plus forte parce que Dieu est plus fort. Certes, comparée au dragon, ainsi armé, cette Femme qui est Marie, qui est l’Eglise, apparaît sans défense, vulnérable. Et véritablement, Dieu est vulnérable dans le monde, parce qu’il est l’Amour et que l’amour est vulnérable. Et toutefois, c’est Lui qui a l’avenir entre ses mains: c’est l’amour qui l’emporte non la haine, à la fin, c’est la paix qui l’emporte.
Telle est la grande consolation contenue dans le Dogme de l’Assomption de Marie corps et âme à la gloire du ciel. Rendons grâce au Seigneur de cette consolation, mais envisageons également cette consolation comme un engagement pour nous à nous ranger du côté du bien, de la paix. Et prions Marie, la Reine de la Paix, pour qu’elle aide à la victoire de la paix, aujourd’hui: « Reine de la Paix, prie pour nous ». Amen!
pour la mèmoire de Maximilien Kolbe: DISCOURS DU PAPE BENOÎT AU CAMP DE CONCENTRATION D’AUSCHWITZ XVI
14 août, 2007pour la mèmoire de Maximilien Kolbe, du site Vatican:
VOYAGE APOSTOLIQUE
DU PAPE BENOÎT XVI
EN POLOGNE
DISCOURS DU PAPE BENOÎT XVI
VISITE AU CAMP DE CONCENTRATION D’AUSCHWITZ Auschwitz-Birkenau 28 mai 2006
Prendre la parole dans ce lieu d’horreur, d’accumulation de crimes contre Dieu et contre l’homme, lieu qui est sans égal au cours de l’histoire, est presque impossible – et particulièrement difficile et opprimant pour un chrétien, pour un Pape qui vient d’Allemagne. Dans un lieu comme celui-ci, les paroles manquent; en réalité, il ne peut y avoir qu’un silence effrayé – un silence qui est un cri intérieur vers Dieu: Pourquoi, Seigneur, es-tu resté silencieux? Pourquoi as-tu pu tolérer tout cela? C’est dans cette attitude de silence que nous nous inclinons au plus profond de notre être, face à l’innombrable foule de tous ceux qui ont souffert et qui ont été mis à mort; toutefois, ce silence devient ensuite une demande de pardon et de réconciliation, formulée à haute voix, un cri au Dieu vivant, afin de ne plus jamais permettre une chose semblable. Il y a vingt-sept ans, le 7 juin 1979, le Pape Jean-Paul II était ici; il disait alors: « Je viens ici aujourd’hui en pèlerin. On sait que je suis venu ici bien des fois… Tant de fois! Et bien des fois, je suis descendu dans la cellule où Maximilien Kolbe est mort, et je me suis arrêté devant le mur de la mort et je suis passé entre les ruines des fours crématoires de Birkenau. Je ne pouvais pas ne pas venir ici comme Pape ». Le Pape Jean-Paul II était ici comme fils du peuple qui, avec le peuple juif, dut souffrir le plus en ce lieu et, en général, au cours de la guerre: « Six millions de Polonais ont perdu la vie au cours de la Seconde Guerre mondiale: le cinquième de la nation », rappela alors le Pape (cf. ibid.). C’est ici qu’il éleva ensuite l’avertissement solennel au respect des droits de l’homme et des nations qu’avaient élevé avant lui ses prédécesseurs Jean XXIII et Paul VI, et il ajouta: « Celui qui prononce ces paroles [...] est le fils de la nation qui a subi de la part des autres, au cours de son histoire, de multiples vicissitudes. Il ne le dit pas pour accuser, mais pour rappeler. Il parle au nom de toutes les nations dont les droits sont violés et oubliés… » (cf. Ibid.). Le Pape Jean-Paul II était venu ici comme un fils du peuple polonais. Aujourd’hui, je suis ici comme fils du peuple allemand, et c’est précisément pourquoi je dois et je peux dire comme lui: je ne pouvais pas ne pas venir ici. Je devais venir. C’était et c’est un devoir face à la vérité et au droit de ceux qui ont souffert, un devoir devant Dieu d’être ici, en tant que Successeur de Jean-Paul II et en tant que fils du peuple allemand – fils du peuple dans lequel un groupe de criminels arriva au pouvoir au moyen de promesses mensongères, au nom de perspectives de grandeur, au nom de l’honneur retrouvé de la nation et de son importance, par des perspectives de bien-être, mais également par la force de la terreur et de l’intimidation, de sorte que notre peuple a pu être utilisé et abusé comme instrument de leur soif de destruction et de domination. Non, je ne pouvais pas ne pas venir ici. Le 7 juin 1979, je me trouvais ici comme Archevêque de Munich-Freising parmi les nombreux Evêques qui accompagnaient le Pape, qui l’écoutaient et qui priaient avec lui. En 1980, je suis ensuite revenu une fois de plus dans ce lieu de l’horreur avec une délégation d’Evêques allemands, bouleversé par tant de mal et plein de reconnaissance parce que sur ces ténèbres avait brillé l’étoile de la réconciliation. Telle est encore la raison pour laquelle je suis ici aujourd’hui: pour implorer la grâce de la réconciliation – avant tout de Dieu, qui seul peut ouvrir et purifier nos coeurs; puis des hommes qui ont souffert, et enfin la grâce de la réconciliation pour tous ceux qui, en cette heure de notre histoire, souffrent à nouveau à cause du pouvoir de la haine et de la violence fomentée par la haine. Combien de questions nous envahissent en ce lieu! La même question revient toujours à nouveau: Où était Dieu en ces jours-là? Pourquoi s’est-il tu? Comment a-t-il pu tolérer cet excès de destruction, ce triomphe du mal? Les paroles du Psaume 44, la lamentation d’Israël qui souffre, nous viennent à l’esprit: « …Tu nous broyas au séjour des chacals, nous couvrant de l’ombre de la mort [...] C’est pour toi qu’on nous massacre tout le jour, qu’on nous traite en moutons d’abattoir. Lève-toi, pourquoi dors-tu, Seigneur? Réveille-toi, ne rejette pas jusqu’à la fin: Pourquoi caches-tu ta face, oublies-tu notre oppression, notre misère? Car notre âme est effondrée en la poussière, notre ventre est collé à la terre. Debout, viens à notre aide, rachète-nous en raison de ton amour! » (Ps 44, 20.23-27). Ce cri d’angoisse que, dans la souffrance, Israël élève à Dieu dans des périodes d’extrême difficulté, est en même temps le cri d’appel à l’aide de tous ceux qui, au cours de l’histoire – hier, aujourd’hui et demain – souffrent pour l’amour de Dieu, pour l’amour de la vérité et du bien; et ils sont nombreux, aujourd’hui encore. Nous ne sommes pas en mesure de scruter le secret de Dieu – nous ne voyons que des fragments, et ce serait une erreur que de vouloir juger Dieu et l’histoire. Nous ne défendrions pas l’homme dans ce cas, mais nous ne contribuerions qu’à sa destruction. Non – en définitive, nous devons continuer à élever vers Dieu ce cri humble mais persistant: Réveille-toi! N’oublie pas ta créature, l’homme! Et notre cri vers Dieu doit être en même temps un cri qui pénètre notre coeur lui-même, afin que s’éveille en nous la présence cachée de Dieu – afin que la force qu’il a déposée dans nos coeurs ne soit pas recouverte et étouffée en nous par la boue de l’égoïsme, de la peur des hommes, de l’indifférence et de l’opportunisme. Elevons ce cri vers Dieu, adressons-le à notre coeur lui-même, précisément en cette heure sur laquelle pèsent de nouveaux dangers, dans laquelle semblent naître à nouveau du coeur des hommes toutes les forces obscures: d’une part, l’abus du nom de Dieu pour justifier la violence aveugle contre des personnes innocentes; de l’autre, le cynisme qui ne connaît pas Dieu et qui bafoue la foi en Lui. Nous élevons un cri vers Dieu, afin qu’il pousse les hommes à se repentir, en sorte qu’ils reconnaissent que la violence n’engendre pas la paix, mais ne fait que susciter une autre violence – une spirale de destructions, dans laquelle tous, en fin de compte, ne peuvent être que perdants. Le Dieu auquel nous croyons est un Dieu de la raison – d’une raison, cependant, qui n’est certainement pas une mathématique neutre de l’univers, mais qui ne fait qu’un avec l’amour, avec le bien. Nous prions Dieu et nous élevons un cri vers les hommes afin que cette raison, la raison de l’amour et de la reconnaissance de la force de la réconciliation et de la paix, prévale sur les menaces qui nous entourent de l’irrationalité ou d’une fausse raison, détachée de Dieu. Le lieu où nous nous trouvons est un lieu de la mémoire, c’est le lieu de la Shoah. Le passé n’est jamais uniquement le passé. Il nous concerne et nous indique les chemins à ne pas suivre et ceux à suivre. Comme Jean-Paul II, j’ai parcouru le chemin le long des stèles qui rappellent, en différentes langues, les victimes de ce lieu: ce sont des stèles en biélorusse, en tchèque, en allemand, en français, en grec, en hébreu, en croate, en italien, en yiddish, en hongrois, en hollandais, en norvégien, en polonais, en russe, en rom, en roumain, en slovaque, en serbe, en ukrainien, en hébreu hispanique et en anglais. Toutes ces stèles commémoratives nous parlent de souffrance humaine, nous laissent entrevoir le cynisme de ce pouvoir qui traitait les hommes comme des objets, ne les reconnaissant pas comme des personnes, dans lesquelles se reflète l’image de Dieu. Certaines stèles invitent à une commémoration particulière. Celle en hébreu par exemple. Les potentats du Troisième Reich voulaient écraser le peuple juif tout entier; l’éliminer du nombre des peuples de la terre. Alors, les paroles du Psaume: « On nous massacre tout le jour, on nous traite en moutons d’abattoir » se vérifièrent de façon terrible. Au fond, ces criminels violents, au moyen de l’anéantissement de ce peuple, entendaient tuer ce Dieu qui appela Abraham, et qui, parlant sur le Sinaï, établit les critères d’orientation de l’humanité, qui demeurent éternellement valables. Si ce peuple, par le seul fait d’exister, témoigne de ce Dieu qui a parlé à l’homme et qui l’a pris en charge, alors ce Dieu devait finalement mourir et son pouvoir n’appartenir qu’à l’homme – à ceux qui se considéraient comme les puissants et qui avaient su devenir les maîtres du monde. Avec la destruction d’Israël, avec la Shoah, ils voulaient, en fin de compte, extirper également la racine sur laquelle se fonde la foi chrétienne, en la remplaçant définitivement par la foi fabriquée par soi-même, la foi dans le pouvoir de l’homme, du plus fort. Il y a ensuite la stèle en polonais: on voulait avant tout, dans un premier temps, effacer l’élite culturelle et éliminer ainsi le peuple comme sujet historique autonome, pour le réduire, dans la mesure où il continuait d’exister, à un peuple d’esclaves. Une autre stèle, qui invite particulièrement à réfléchir est celle qui est écrite dans la langue des Sinti et des Roms. Ici aussi, on voulait faire disparaître un peuple entier qui vit en migrant parmi les autres peuples. Il figurait au nombre des éléments inutiles de l’histoire universelle, dans une idéologie où ne devait compter désormais que ce dont on pouvait mesurer l’utilité; tout le reste, selon leur conception, était catalogué comme lebensunwertes Leben – une vie indigne d’être vécue. Il y a ensuite la stèle en russe, qui évoque le nombre immense de vies sacrifiées parmi les soldats russes dans la lutte contre le régime de la terreur national-socialiste; toutefois, dans le même temps, elle nous fait réfléchir sur la tragique double signification de leur mission: ils ont libéré les peuples d’une dictature mais tout en soumettant ces mêmes peuples à une nouvelle dictature, celle de Staline et de l’idéologie communiste. Toutes les autres stèles dans les nombreuses langues européennes nous parlent elles aussi de la souffrance des hommes du continent tout entier; elles toucheraient profondément notre coeur, si nous ne faisions pas mémoire des victimes de façon globale, mais si nous pouvions au contraire voir le visage de chacune des personnes qui ont terminé leur vie ici dans les ténèbres de la terreur. J’ai ressenti comme un profond devoir de m’arrêter de façon particulière également devant la stèle en langue allemande. De là apparaît devant nous le visage d’Edith Stein, Thérèse Bénédicte de la Croix: juive et allemande, disparue, avec sa soeur, dans l’horreur de la nuit du camp de concentration allemand-nazi; comme chrétienne et juive, elle accepta de mourir avec son peuple et pour son peuple. Les Allemands qui furent alors déportés à Auschwitz-Birkenau et qui sont morts ici étaient considérés comme Abschaum der Nation – déchet de la nation. Mais aujourd’hui, nous les reconnaissons en revanche avec gratitude comme les témoins de la vérité et du bien, qui, même au sein de notre peuple, n’avaient pas disparu. Remercions ces personnes, car elles ne se sont pas soumises au pouvoir du mal, et elles apparaissent à présent devant nous comme des lumières dans une nuit de ténèbres. Avec profond respect et gratitude, nous nous inclinons devant tous ceux qui, comme les trois jeunes face à la menace des fournaises de Babylone, surent répondre: « Seul notre Dieu est capable de nous délivrer. Mais s’il ne le fait pas, sache, ô roi, que nous ne servirons pas ton Dieu ni n’adorerons la statue d’or que tu as élevée » (cf. Dn 3, 17 sq.). Oui, derrière ces stèles se cache le destin d’innombrables êtres humains. Ceux-ci ébranlent notre mémoire, ébranlent notre coeur. Ils ne veulent pas provoquer la haine en nous: ils nous démontrent au contraire combien l’oeuvre de la haine est terrible. Ils veulent conduire la raison à reconnaître le mal comme mal et à le rejeter; ils veulent susciter en nous le courage du bien, de la résistance contre le mal. Ils veulent nous conduire à ces sentiments qui s’expriment dans les paroles que Sophocle fait prononcer à Antigone, face à l’horreur qui l’entoure: « Je ne suis pas ici pour haïr avec toi, mais pour aimer avec toi ». Grâce à Dieu, avec la purification de la mémoire à laquelle nous pousse ce lieu d’horreur, se développent autour de ce lieu même de multiples initiatives qui veulent mettre un terme au mal et conférer une force au bien. Il y a quelques instants, j’ai pu bénir le Centre pour le Dialogue et la Prière. Tout près d’ici se déroule la vie cachée des soeurs carmélites, qui se savent particulièrement unies au mystère de la croix du Christ et qui nous rappellent la foi des chrétiens, qui affirme que Dieu lui-même est descendu dans l’enfer de la souffrance et souffre avec nous. A Oswiecim se trouve le Centre Saint-Maximilien et le Centre international de Formation sur Auschwitz et l’Holocauste. Il y a également la Maison internationale pour les Rencontres de la Jeunesse. Auprès de l’une des anciennes Maisons de Prière se trouve le Centre juif. Enfin, l’Académie pour les Droits de l’Homme est en cours de réalisation. Nous pouvons ainsi espérer que du lieu de l’horreur naisse et croisse une réflexion constructive et que le souvenir aide à résister au mal et à faire triompher l’amour. L’humanité a traversé à Auschwitz-Birkenau un « ravin de la mort ». C’est pourquoi je voudrais, précisément en ce lieu, conclure par une prière de confiance – avec un Psaume d’Israël qui est également une prière de tous les chrétiens: « Le Seigneur est mon berger, je ne manque de rien. Sur des prés d’herbe fraîche il me fait reposer. Il me mène vers les eaux tranquilles et me fait revivre; il me conduit par le juste chemin pour l’honneur de son nom. Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal car tu es avec moi; ton bâton me guide et me rassure [...] J’habiterai la maison du Seigneur pour la durée de mes jours » (Ps 23, 1-4. 6).