LES JUIFS CACHÉS DANS LES MONASTÈRES – Le Saint-Père ordonne…
je vais souvent dans cette Basilique pour la célébration de la messe et les prières liturgiques, on vraiment une atmosphère de simplicité divine et savoir et il se rencontre Sant’Agostino, du site:
http://www.30giorni.it/fr/articolo.asp?id=11131
LES JUIFS CACHÉS DANS LES MONASTÈRES
Le Saint-Père ordonne…
Nous publions le Mémorial inédit du monastère des Quatre Saints Couronnés qui concerne les années de l’occupation nazie à Rome: l’ordre de Pie XII d’ouvrir le monastère aux persécutés, le nom des juifs cachés, la vie du couvent pendant ces terribles annéespar Pina Baglioni
«Ce texte ne veut être qu’un humble témoignage sur le pape Pie XII, et n’a, croyez-le bien, aucune prétention. Toutefois, il est indéniable que toutes ces publications sur la soi-disant indifférence du Souverain Pontife et ses “silences” à propos des juifs pendant les années du nazifascisme nous font profondément souffrir; il nous a donc semblé utile de faire savoir ce qui s’est passé chez nous, ici, il y plus de soixante ans».
“Chez nous, ici”, c’est le monastère de clôture des religieuses augustines qui flanque la basilique millénaire des Quatre Saint Couronnés, sur les pentes de la colline du Cœlius à Rome. C’est la sœur Rita Mancini, la mère supérieure qui dirige la communauté monastique augustinienne depuis 1977, qui prend la parole.
Sollicitées et encouragées par le colloque international “Pie XII. Témoignages, études et nouvelles acquisitions” organisé par 30Jours le 27 avril dernier à l’Université Pontificale du Latran, les religieuses cloîtrées des Quatre Saints Couronnés se sont mises en contact avec notre revue pour offrir leur contribution: de très précieuses pages du Memoriale delle religiose agostiniane del venerabile monastero dei Santi Quattro Coronati [Mémorial des religieuses augustines du vénérable monastère des Quatre Saints Couronnés ndr], à savoir une partie du journal officiel tenu dans la communauté et qui recueille, depuis 1548 – année où les Augustines se sont installées aux Quatre Saints Couronnés – la chronique de leur vie monastique.
Grâce aux Augustines des Quatre Saints, nous avons la possibilité d’ouvrir une fenêtre sur ce microcosme séparé du monde, appelé à l’improviste par Pie XII à ouvrir ses portes, à lever ses grilles et à se laisser prendre, en courant des risques graves, par le destin de tant de gens en danger de mort.
«Quand je suis arrivée ici, en 1977, j’ai fait la connaissance de sœur Emilia Umeblo», raconte la mère supérieure des Quatre Saints. À l’époque de l’occupation, elle était la sœur “externe”, c’est-à-dire la personne autorisée, pour des raisons pratiques, à sortir de la clôture. Elle m’a longuement parlé des ces mois sous l’occupation, des aspects logistiques et de l’organisation nécessaires pour faciliter l’hospitalité offerte aux réfugiés juifs et à de nombreux antifascistes. Sœur Emilia était constamment en contact, entre autre, avec Antonello Trombadori, dirigeant du Parti communiste et chef des Groupes armés partisans de Rome et avec beaucoup d’autres opposants au nazifascisme. Je l’ai priée plusieurs fois d’écrire tout ce qu’elle me racontait. Malheureusement, elle n’a jamais voulu le faire et maintenant qu’elle n’est plus, elle a emporté ses souvenirs avec elle».
Heureusement, il reste les pages que sœur Rita Mancini a mises à la disposition de 30Jours. Celles-ci concernent un laps de temps qui va de la fin de 1942 au 6 juin 1944 et qui comprend la période de l’occupation nazie à Rome, jusqu’à la libération de la ville, le 4 juin 1944.
«Arrivées à ce mois de novembre, nous devons nous tenir prêtes à exercer la charité de manière tout à fait inattendue», écrit la chroniqueuse anonyme à la fin de 1943. «Le Saint Père veut sauver ses enfants, y compris les juifs, il ordonne que l’hospitalité soit donnée à ces persécutés et les monastères de clôture doivent adhérer, eux aussi, au désir du Souverain Pontife». Suivent les noms des hôtes signalés dans la liste du Mémorial: Viterbo, Sermoneta, Ravenna, De Benedetti, Caracciolo, Talarico… «À toutes les personnes indiquées ci-dessus, on donnait non seulement le gîte, mais aussi le couvert, et c’était un miracle, vu l’époque que nous traversions»; nous lisons qu’«il fallait des cartes pour tout. La Providence est toujours intervenue… Pendant le carême, même les juifs venaient suivre les prêches, et monsieur Alberto Sermoneta aidait à l’église. La mère prieure lui faisait faire beaucoup de choses pour la préparation de l’autel du Très Saint Sacrement, le Jeudi Saint».
Au beau milieu de la tempête, tandis que le cloître du XIIIe siècle se remplit de paille et de foin pour pouvoir faire dormir tous ces pauvres gens, rien ne s’interrompt: le travail et les célébrations liturgiques se poursuivent, sous la paternelle vigilance de monseigneur Carlo Respighi qui était alors recteur de la basilique des Quatre Saints et préfet des cérémonies apostoliques, mort en 1957. Dans un grand local qui jouxte le potager, les religieuses cachent rien moins que onze automobiles, y compris celle du maréchal Pietro Badoglio, le chef du gouvernement militaire italien qui avait fui Rome le lendemain du 8 septembre. Et puis sept juments, quatre vaches…
Mais d’après ce que nous apprend le Mémorial, l’hospitalité des Quatre Saints s’est poursuivie même après la Libération: «La Secrétairerie d’État nous ordonne d’accueillir avec les précautions les plus scrupuleuses le général Carloni, recherché pour être condamné à mort». Il s’agissait de Mario Carloni, général des Bersaglieri, qui avait été le chef de la IVe division alpine Monte Rosa de la République de Salò.
On savait que le monastère romain faisait partie du dense réseau des instituts catholiques qui ont abrité des juifs et des persécutés politiques pendant l’occupation fasciste: on trouve en effet cette indication dans l’Elenco delle case religiose in Roma che ospitarono ebrei [Liste des instituts religieux de Rome qui ont abrité des juifs ndr], publié dans la section des documents de la Storia degli ebrei italiani sotto il fascismo [Histoire des juifs italiens sous le fascisme ndr] de Renzo De Felice, publiée pour la première fois en 1961 (Einaudi, Turin 2-1993, pp. 628-632), où l’on peut lire que «Les sœurs augustines des Quatre Saints Couronnés» avaient accueilli 17 juifs. Cette liste, qui reprend un article de la Civiltà Cattolica de 1961 signé par le père Robert Leiber, reste encore aujourd’hui un des documents de référence pour toutes les recherches successives, y compris les plus récentes, comme celle qu’a entrepris en 2003 le Comité des historiens religieux sur les juifs accueillis dans les structures catholiques à Rome entre l’automne 1943 et le 4 juin 1944. En janvier 2005, sœur Grazia Loparco, professeur d’Histoire de l’Église à la Faculté pontificale Auxilium et membre du Comité, a fait connaître à l’agence internationale Zenit les premiers résultats de cette enquête: les juifs sauvés à Rome dans des instituts religieux ont été au moins 4300, une évaluation par défaut.
Les livres d’Antonio Gasparri, Nascosti in convento [Cachés au couvent ndr] (Ancora, Milan 1999) et d’Alessia Falifigli, Salvàti dai conventi. L’aiuto della chiesa agli ebrei di Roma durante l’occupazione nazista [Sauvés par les couvents. L’aide de l’Église aux Juifs de Rome pendant l’occupation nazie ndr] (San Paolo, Cinisello Balsamo 2005) ont fait connaître d’autres témoignages inédits fournis par des personnes sauvées grâce à l’accueil des instituts religieux. Que ce soit dans ces dernières recherches, ou dans celles qui se poursuivent depuis au moins quarante ans sur le rôle joué par les catholiques dans le sauvetage des juifs persécutés par les nazifascistes, on trouve la question de savoir si cet accueil a simplement eu un caractère spontané, ou s’il y a eu à ce sujet des ordres provenant de la hiérarchie ecclésiastique. La réponse a toujours été pratiquement la même, à savoir que l’hospitalité donnée par l’Église de Rome aux personnes persécutées – surtout des juifs – a été spontanée, qu’elle n’a pas été décidée à l’avance par la hiérarchie, mais que l’Église l’a soutenue et aidée moralement et matériellement. En outre, dans sa présentation du livre d’Alessia Falifigli, Andrea Riccardi, historien du christianisme à l’université de Roma Tre et fondateur de la communauté de Sant’Egidio, donne cette précision: «Pour enfreindre les règles de la clôture – qu’il s’agisse de celles des monastères ou de celles des couvents, moins rigide –, il fallait une directive supérieure». Et il ajoute «Ceci n’empêche que l’idée qu’il puisse y avoir eu un document quelconque du Vatican à ce propos fait sourire tout le monde. Qui aurait fabriqué une preuve contre soi-même pour une activité interdite et clandestine? Et pourtant, tous les responsables étaient convaincus qu’il s’agissait de la volonté du Pape, d’ouvrir les portes de leurs maisons aux juifs et aux persécutés». Ce même jugement avait déjà été exprimé par Enzo Forcella, écrivain et journaliste d’origine juive, dans un livre publié en 1999: «Il est clair que le ce consentement à l’accueil était uniquement verbal. Pendant toute la durée de l’occupation, les autorités religieuses s’en tiendront à leur vieille règle: il vaut toujours mieux faire comprendre que dire, si quelque chose doit être dit, il est bon de ne pas en laisser de trace écrite et, en tout cas, il faudra répondre aux éventuelles contestations qu’il s’était agi d’initiatives personnelles de certains prêtres, prises à l’insu des autorités supérieures» (La Resistenza in convento [La Résistance au couvent ndr], Einaudi, Turin, 1999, p. 61).
Qu’ajoutent alors les pages du Mémorial des Augustines publiées par 30Jours? «Il suffit de les lire, il n’y a guère autre chose à dire: nos sœurs n’ont pas reçu une vague invitation du Saint-Siège à ouvrir leur couvent à ceux qui en avaient besoin, mais un ordre», répète sœur Rita Mancini. «L’ordre péremptoire du souverain Pontife d’accueillir les juifs et quiconque risquait sa vie à cause des persécutions des nazifascistes, en partageant tout avec eux, en les faisant sentir chez eux, avec joie, en dépit du danger. Si on appelle cela de l’indifférence…».
Le Mémorial est rédigé dans un style sec, sobre, et pourtant émouvant, capable de faire revivre le climat de ces mois vécus dangereusement à l’intérieur des murs sacrés et inviolables du monastère où parvient l’écho d’une ville souffrante et terrorisée. Rome avait dû subir, en une terrible succession, le bombardement du quartier San Lorenzo, le 19 juillet 1943, avec 1400 morts, 7000 blessés et la destruction de l’antique basilique Saint-Laurent; six jours après, l’arrestation de Mussolini sur ordre de Victor Emmanuel III de Savoie et la nomination du maréchal Pietro Badoglio à la tête du gouvernement militaire; le 13 août, un second bombardement des Alliés «encore plus désastreux que le premier», ont écrit les journaux romains, qui frappa les quartiers Tiburtino, Appio et Tuscolano; l’acquisition du statut de “ville ouverte”, c’est-à-dire zone démilitarisée; l’armistice du 8 septembre entre le gouvernement italien et les Forces alliées; la fuite de Badoglio et des souverains de Savoie vers Brindisi; le désarroi des soldats italiens abandonnés à eux-mêmes; l’attente des Alliés, qui avaient déjà débarqué en Sicile le 10 juillet, alors que les chars allemands étaient arrivés et occupaient le cœur de la ville après avoir écrasé la dernière résistance de civils et de militaires qui défendaient Rome, près de la Porte Saint-Paul. Et puis il y avait eu ce samedi du 16 octobre au Ghetto, lorsqu’à cinq heures du matin, les nazis avaient arraché 1.023 Juifs de leurs maisons pour les envoyer au camp d’extermination d’Auchwitz.
Mais «même pendant la période de l’occupation allemande, l’Église resplendit sur Rome», dira aux étudiants de la Sorbonne un grand laïc, l’historien Federico Chabod. Elle resplendit, poursuit Chabod «de manière guère différente de ce qui était arrivé au Ve siècle. D’un jour à l’autre, la ville se trouve sans gouvernement; la monarchie a fui, le gouvernement aussi, et la population tourne son regard vers Saint-Pierre. Une autorité vient à manquer mais à Rome – ville unique sous cet aspect –, il en existe une autre: et quelle autorité! Ceci signifie qu’en dépit de la présence à Rome du Comité National de Libération et de son organisation militaire, l’action de la papauté est de loin plus importante pour la population et elle acquiert tous les jours plus de poids». (Federico Chabod, L’Italia contemporanea 1918-1948 [L’Italie contemporaine 1918-1948 ndr], Einaudi, Turin 1993, pp. 125-126).
Nous publions ici le Mémorial concernant la période de l’occupation nazifasciste à Rome, qui comprend aussi un passage d’un article de l’Osservatore Romano.
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