Les diplomates musulmans vont à l’école. Chez les jésuites
19 juin, 2007du site:
http://chiesa.espresso.repubblica.it/dettaglio.jsp?id=149561&fr=y
Les diplomates musulmans vont à l’école. Chez les jésuites
Pendant trois semaines, des représentants des états islamiques de la Méditerranée et du Moyen Orient ont étudié l’Eglise catholique et sa politique internationale à l’Université Pontificale Grégorienne de Rome. Et ce cycle sera reconduit l’an prochain
par Sandro Magister
ROMA, le 19 juin 2007 – L’événement est passé presque inaperçu mais, en mai dernier, un cycle d’études sans précédent a été organisé pour les diplomates des pays de la Méditerranée et du Moyen Orient sous le patronage du Saint-Siège, qui souhaitait se présenter aux gouvernements musulmans de cette région.
Le sujet de ce cycle était d’ailleurs: « L’Eglise catholique et la politique internationale du Saint-Siège ».
Le véritable organisateur était la Fondation Grégorienne, en collaboration avec l’Institut International Jacques Maritain et les quatre universités suivantes: l’Université Pontificale Grégorienne, la Georgetown University de Washington, la Libera Università Maria Santissima Assunta de Rome et la Saint Joseph University de Beyrouth. Créée en 2003 et dirigée par le jésuite Franco Imoda, la Fondation Grégorienne soutient et développe par des initiatives propres les activités des trois universités historiques de la Compagnie de Jésus à Rome: l’Université Pontificale Grégorienne, dont Franco Imoda a été le recteur, l’Institut Biblique Pontifical, dont le cardinal Carlo Maria Martini a été le recteur, et l’Institut Oriental Pontifical.
Mais pour ce cycle, le patronage du Saint-Siège était bien visible. Les discours inauguraux du 7 mai ont été prononcés par le cardinal Tarcisio Bertone, secrétaire d’Etat au Vatican, et le cardinal Renato Raffaele Martino, président du conseil pontifical Justice et Paix.
Et le troisième jour, le 9 mai, une session toute entière s’est même déroulée au Vatican, dans la bibliothèque de la secrétairerie d’Etat, avec des interventions de Gabriele Caccia et Piero Parolin, respectivement assesseur de la secrétairerie d’Etat et sous-secrétaire pour les relations avec les états.
Au cours des deux premières semaines, du 7 au 20 mai, le cycle a eu lieu à Rome, à l’Université Pontificale Grégorienne. La troisième semaine, du 21 au 27 mai, s’est déroulée à Turin, capitale de la grande industrie, avec une attention particulière à l’ »œuvre sociale de l’Eglise dans un contexte industriel ».
Vingt diplomates, originaires des seize pays suivants, ont pris part au cycle: Albanie, Algérie, Arabie Saoudite, Bahrein, Egypte, Emirats Arabes Unis, Jordanie, Koweït, Iran, Irak, Liban, Libye, Maroc, Monténégro, Syrie, Turquie. Un représentant de la Ligue des Etats Arabes et deux représentants de la Ligue des Universités Islamiques étaient également présents.
Hormis le diplomate monténégrin, chrétien orthodoxe, tous les autres participants étaient de confession musulmane.
Les enseignants étaient 55 au total. Parmi eux, l’islamologue jésuite Samir Khalil Samir, le spécialiste du judaïsme David-Maria Jaeger, le chercheur sur l’islam et musulman Khaled Fouad Allam, le cardinal Jean-Louis Tauran, ancien ministre des affaires étrangères du Saint-Siège, le président de l’Institut pour les œuvres de religion, Angelo Caloia, le directeur de l’Aspen Institute en Italie, Marta Dassù, l’économiste Mario Deaglio, le politologue Luigi Bonanate, le spécialiste des Eglises orientales et des sociétés islamiques Andrea Pacini.
Les diplomates qui participaient au cycle d’études ont suivi une présentation des institutions de l’Eglise catholique et des objectifs principaux inhérents à sa mission: la promotion de la justice, le respect de la personne et donc des droits de l’homme – en particulier le droit à la vie et à la liberté religieuse – et l’accomplissement du bien commun universel, c’est-à-dire une vie en commun pacifique, basée sur la connaissance et le respect réciproques. Une explication: cette action s’articule autour de l’Eglise universelle et des Eglises particulières, dans les sociétés civiles et dans les rapports avec les états et les organismes internationaux. Elle constitue un facteur important de stabilité “politique“ et d’inspiration éthique dans notre société mondialisée.
Il a notamment été indiqué que, plus qu’à un choc des civilisations, on assiste aujourd’hui à un “affrontement des ignorances“ entre les sociétés chrétiennes et musulmanes. On se bat aussi parce que l’on ne se comprend pas. Pour passer outre cette incompréhension réciproque, les religions ont une mission irremplaçable, qui doit être prise en compte par les diplomaties.
Au terme de ce cycle, les commentaires des participants ont été très positifs, parfois enthousiastes. Un diplomate nord-africain a écrit:
« Cette compréhension d’un idéal religieux voué intrinsèquement à l’amour, à la paix, à la défense des droits de l’homme et à la charité me conforte dans l’idée que la foi dans sa diversité Abrahamique est indispensable pour la sérénité du monde ».
Les actes du cycle d’études seront publiés. Entre-temps, un rapport sur son déroulement a été envoyé aux ambassades et aux ministères des affaires étrangères des pays concernés.
La Fondation Grégorienne prévoit de reconduire ce cycle tous les ans, à Rome ou dans d’autres pays. Un prochain site, très significatif sur le plan symbolique, pourrait être le nouvelle Bibliothèque d’Alexandrie en Egypte.