Le psaume 91. Mon Dieu en qui je me fie!

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Le psaume 91. Mon Dieu en qui je me fie!

Michel Gourgues

Voici un psaume où il ny a pas de prière proprement dite adressée à Dieu, mais qui se présente plutôt comme un enseignement de sagesse.

1 Qui demeure à l’abri du Très-Haut
et loge
à
l’ombre du Puissant.
2 dit au Seigneur : mon rempart, mon refuge,
mon Dieu en qui je me fie!
3 Et lui te d

érobe au filet
de l’oiseleur qui cherche
à dé
truire;
4 lui te couvre de ses ailes,
tu trouveras sous son pennage un refuge.
(Sa fid
élité
est une armure, un bouclier.)

5 Tu ne craindras ni les terreurs de la nuit,
ni la fl
èche qui vole de jour,
6 ni la peste qui marche en la t
énè
bre,
ni le fl
éau qui dévaste à
midi. 7 Qu

il en tombe mille à tes côtés,
qu
il en tombe dix mille à
ta droite,
toi, tu restes hors d
atteinte.
(Sa fid
élité
est une armure, un bouclier)

8 Il suffit que tes yeux regardent,
tu verras le salaire des impies;
9 toi qui dis : Seigneur, mon refuge!
Et qui fais du Tr
è
s-Haut ton asile.

10 Le malheur ne peut fondre sur toi,
ni la plaie approcher de ta tente.
11 Il a pour toi donn
é ordre à ses anges
De te garder en toutes tes voies.;
12 Eux sur leurs mains te porteront
pour qu

’à la pierre ton pied ne heurte;
13 sur le lion et le serpent tu marcheras,
Tu fouleras le lionceau et le dragon.

14 Sil sattache à moi, je laffranchis,
Je l
exalte sil connaî
t mon nom.
15 Il m’appelle et moi je lui r
é
ponds,
dans la d
é
tresse je suis avec lui. Je veux le d

élivrer, le glorifier,
16 de longs jours je veux le rassasier
et je ferai qu
il voie mon salut.
(Traduction de la Bible de J
é
rusalem)

Comme on le voit, la plus grande partie du psaume (versets 3 à 13) est à la deuxième personne et elle sadresse à un croyant : « Toi qui dis…» , «tu ne craindras pas », « tu restes hors datteinte », « tu fouleras le lionceau et le dragon ». Et tout dans ce psaume se rapporte à une conviction de base qui habite ce croyant. Cest elle qui sexprime dès le début : « Mon Dieu en qui je me fie! » (verset 2). Elle sera reprise une autre fois au milieu du psaume : « toi qui dis : Seigneur, mon refuge » (verset 9).

Dans tout le reste, quelquun dautre, un sage, un prêtre peut-être, un autre croyant en tout cas, cherche à soutenir lassurance et la motivation de ce fidèle et lui répète de toutes les façons quil peut compter sur la fidélité de Dieu : « Toi qui mets ta confiance en Dieu, toi qui ten remets à lui entièrement, tu as raison! ». À la fin, dans les trois derniers versets (v. 14-16), cest Dieu lui-même qui intervient pour confirmer ce qui vient d’être dit et pour assurer le croyant de sa protection et de son soutien.

Quoi qu’il arrive

Le message fondamental, s
il était exprimé en termes abstraits, tiendrait facilement en une phrase : « Garde ta confiance en Dieu, il te protégera en tout temps et en tout lieu, quelle que soit lexpérience que tu as à vivre, les dangers qui te menacent, les difficultés que tu as à affronter ». Au lieu de cela, le psaume a choisi de sexprimer en images. Et cest ainsi que, dun verset à lautre, on voit se dessiner comme sept petits tableaux, inspirés tantôt de la vie quotidienne, tantôt de la vie animale, tantôt du monde même de Dieu. Lun après lautre, ces tableaux évoquent symboliquement aussi bien la protection de ce dernier et la sécurité quelle procure que les différents types de dangers et d’épreuves qui menacent les humains.

Comme un alignement de sept « video clips »

Tantôt, limage sexprime en un mot ou deux, tantôt en un demi-verset, tantôt en un verset complet, tantôt en une strophe entière. Si lon prête attention, on voit ces évocations symboliques défiler lune après lautre. Toutes, elles suggèrent la même idée de sécurité, de protection, dobstacles surmontés.

1) Dieu est dabord comparé à une maison que lon habite : « Qui demeure à labri du Très Haut et loge à lombre du puissant » (v. 1). À cette image fera écho plus loin celle de la tente (v. 10). La demeure, quelle quen soit la forme, procure une double protection. En tant quabri, elle préserve des pluies, du froid, des intempéries. En dautres temps, cest là quon trouve lombre bienfaisante, préservé de lardeur du soleil et de la chaleur. Lombre et labri : autant dire en tout temps, en toute saison. Le croyant sait que la protection de son Dieu est permanente et durable. 2) Apr

ès la maison, voici le rempart (v. 2). Non plus le lieu de lhabitation individuelle, donc, mais celui de lhabitation collective : la ville, entourée dun mur protecteur, où une population entière trouve la sécurité et où il est possible de trouver refuge en cas dattaque de lextérieur.

3) Vient ensuite, dans un souffle de poésie, limage tendre du nid (v. 3-4). Voilà donc Dieu comparé à une mère oiseau, sous les ailes de laquelle les petits se réfugient pour échapper au filet du chasseur.

4) Lexpérience évoquée ensuite est moins facile à identifier. Dans la flèche qui vole de jour et dans les terreurs que lon redoute la nuit (v. 5), faut-il voir les menaces en provenance dautrui, la difficulté pour les humains de vivre dans la paix et lharmonie? Dans la peste et le fléau mentionnés ensuite (v. 6), faut-il voir lallusion à ce qui met en péril la santé et le bien-être physique : dune part la maladie mortelle et incurable, dautre part la maladie contagieuse? Ou bien faut-il y voir, comme dans lApocalypse par exemple, la désignation symbolique des puissances du mal? On comprend en tout cas que la double alternance jour / nuit, ténèbre / midi exprime lidée de totalité et de permanence et que, par contraste, elle proclame, comme tout à lheure les images de labri et de lombre, le caractère durable de la protection divine. 5)

À travers limage du champ de bataille, lieu par excellence de laffrontement et de la vie menacée, la strophe suivante (v. 7) nous ramène au monde des humains dans ce quil a de plus dur et de plus violent. Même là, en plein cœur de la mêlée, alors que de tous côtés succombent les victimes, le croyant na rien à craindre : « toi, tu restes hors datteinte ». Aussi bien certains, avec la Bible de Jérusalem, proposent-ils de lire à la fin du v. 7 ce qui dans le texte du psaume se présente à la fin du v. 4 : « sa fidélité est une armure, un bouclier ».

6) Après l’évocation des plus grands dangers, menaçant la vie elle-même, voilà que le psaume, après une parenthèse sur le sort des impies (v. 8) et la réaffirmation de la confiance à toute épreuve du croyant (v. 9), considère le risque de lincident le plus minime en comparaison, celui du pied qui, en marchant, bute sur une pierre (v. 12). Eh bien, même là, pour prévenir un modeste faux pas, Dieu, assure le sage peut-être avec un sourire en coin , nhésitera pas, sil le faut, à prendre les grands moyens, dût-il pour cela mobiliser une cohorte danges protecteurs (v. 11).

7) En évoquant finalement (v. 13) lattaque du lion et du serpent, les animaux considérés de tout temps comme les plus redoutables, on en revient aux dangers plus sérieux. La bête la plus menaçante quon puisse imaginer, le dragon lui-même, nest pas à craindre.

« Il m’appelle et moi je lui réponds »

Quelque épreuve que tu puisses traverser, quelque menace que tu puisses imaginer, garde cette certitude : ton Dieu est avec toi, il ne tabandonne jamais. Comme si, proclamée par une parole humaine, cette assurance ne suffisait pas, le psaume fait entendre en finale la parole de Dieu lui-même (v. 14-16). Un peu comme au livre de Job, Yahvé vient confirmer en finale les propos de ce dernier : « Job, mon serviteur, a bien parlé de moi ». Mais, dans notre psaume, les propos divins, à la différence des affirmations de sagesse qui ont précédé, ne font pas intervenir un langage imagé. Plus question de maison, de rempart, de bouclier ni danges, mais un langage «réaliste» : je laffranchis, je lexalte, je lui réponds, je suis avec lui, je veux le délivrer, le glorifier, le rassasier de longs jours, lui faire voir mon salut. Sans doute, ces mots sont-ils d

abord à entendre au sens premier, dans la perspective dune délivrance, dune protection et dun « salut » visant la vie présente. Mais pour des croyants, certains de ces mots sont chargés de résonances : « Voici que mon Serviteur sera exalté et glorifié à lextrême » (Isaïe 52,13); « Le Dieu de nos pères a glorifié son serviteur Jésus » (Actes 3,13). En entendant la finale du psaume, des croyants comprennent quavec Dieu loffre dépasse toujours la demande, que ces mots projettent le regard vers « ce que l’œil na pas vu, ce que loreille na pas entendu, ce qui nest pas monté au cœur humain, ce que Dieu prépare pour ceux qui laiment » (1 Corinthiens 2,9). fr. Michel Gourgues, o.p.

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