Dernier appel: sauvez les chrétiens d’Irak – C’est le seul pays où l’on célèbre encore les liturgies en araméen
du site italien:
http://chiesa.espresso.repubblica.it/dettaglio.jsp?id=143981&fr=y
Dernier appel: sauvez les chrétiens d’Irak
C’est le seul pays où l’on célèbre encore les liturgies en araméen, la langue de Jésus. Mais la chrétienté risque d’y mourir. Des meurtres, des agressions, des enlèvements. Et maintenant la « jizah », l’impôt historiquement imposé par les musulmans aux « infidèles », ceux qui n’ont pas encore fui vers l’étranger
par Sandro Magister
ROMA, le 28 mai 2007 – Dans la guerre qui ensanglante l’Irak, menée principalement par des groupes musulmans contre d’autres musulmans et contre les « infidèles », les chrétiens irakiens sont les seuls à n’utiliser ni armes ni bombes, même pas pour se défendre. Il n’existe pas en Irak de milices chrétiennes armées. De fait, ils forment le groupe le plus vulnérable et persécuté. Ils étaient plus d’un million et demi en 2000, soit 3% de la population. Aujourd’hui, on estime qu’il en reste moins de 500 000.
Dans un communiqué officiel diffusé le 24 mai, le gouvernement irakien a promis de protéger les familles chrétiennes menacées et chassées par des groupes terroristes islamiques. Des représentants musulmans ont également exprimé leur solidarité. Ce pas du gouvernement – non suivi d’initiatives concrètes – fait suite à l’appel dramatique lancé le dimanche 6 mai par Emmanuel III Delly, patriarche des chaldéens, la plus importante communauté catholique irakienne, dans son homélie lors de la messe célébrée en l’église de Mar Qardagh, à Erbil, au Kurdistan.
La région kurde, au nord de Bagdad, est la seule en Irak où les chrétiens vivent aujourd’hui en relative sécurité. Le Babel College, le séminaire chaldéen de Bagdad, et sa bibliothèque ont été transférés à Erbil. Leurs locaux, dans la capitale, servent aujourd’hui de place forte aux troupes américaines, en dépit des protestations du patriarcat.
Les réfugiés chrétiens du centre et du sud du pays affluent en direction des villes kurdes d’Erbil, Zahu, Dahuk, Sulaymaniya, Ahmadiya et dans les villages chrétiens des environs.
Un peu plus au nord, cependant, dans la région de Mossoul et dans la plaine de Ninive, le danger est à nouveau palpable. Dans ce berceau du christianisme en Irak, on trouve des églises et des monastères qui remontent aux tout premiers siècles. Dans certains villages, on parle encore un dialecte araméen appelé sureth et l’araméen, qui était la langue de Jésus, est utilisé lors des liturgies. Des communautés de différents rites et doctrines sont présentes : chaldéens, syro-catholiques, syro-orthodoxes, assyriens d’Orient, arméniens catholiques et orthodoxes, gréco-melkites.
Les villages chrétiens sont cependant entourés de populations musulmanes hostiles et la vie des chrétiens est encore plus dangereuse dans la capitale de la région, Mossoul. Les séquestrations sont monnaie courante, la libération des victimes ayant lieu lorsque leurs proches ont versé une rançon de 10 000 à 20 000 dollars ou s’ils acceptent de céder leur maison et de quitter la ville. Mais la séquestration peut aussi finir dans le sang. En septembre 2006, à la suite du discours de Benoît XVI à Ratisbonne, un groupe dénommé « Lions de l’Islam » a séquestré le père Paulos Iskandar, un syro-orthodoxe. Les ravisseurs avaient exigé que trente affiches présentant des excuses pour les offenses contre l’islam soient collées sur les églises de Mossoul. Puis ils l’ont décapité. Le même jour, un autre prêtre, le père Joseph Petros, était tué à Bagdad. Une religieuses avait alors déclaré à l’agence vaticane Fides: « Dans les mosquées, les imams expliquent dans leur prêche que tuer un chrétien n’est pas un crime. C’est une chasse à l’homme ».
Pascale Warda, chrétienne assyrienne, ministre de l’immigration de l’avant-dernier gouvernement irakien, juge nécessaire de créer une province autonome dans la plaine de Ninive, une sorte de zone protégée non seulement pour les chrétiens mais aussi pour d’autres minorités religieuses comme les yazides, qui pratiquent une très ancienne religion pré-zoroastrienne. Mais l’intensification des agressions de la part des musulmans qui vivent dans cette région rend l’idée inapplicable. En avril dernier, 22 yazides ont dû descendre d’un bus pour être tués sur une route proche de Mossoul. En 2005, quatre assyriens qui escortaient le ministre Warda ont été massacrés lors d’une attaque terroriste.
A Mossoul, des groupes islamistes ont commencé à exiger des chrétiens qu’ils paient un impôt, la jizah, que les musulmans faisaient traditionnellement payer à leurs sujets chrétiens, juifs et sabéens qui acceptaient de vivre sous un régime de soumission, en tant que « dhimmis ».
C’est surtout à Bagdad que la jizah est imposée aux chrétiens de manière toujours plus généralisée. Dans le quartier de Dora, à 10 kilomètres au sud-ouest de la capitale, où se trouve une forte concentration de chrétiens, des groupes liés à al Qaïda ont instauré un prétendu « Etat islamique en Irak ». Ils encaissent systématiquement cet impôt, fixé entre 150 et 200 dollars par an, l’équivalent du coût de la vie pendant un mois pour une famille de six personnes. La perception de ce tribut est en train de s’étendre à d’autres quartiers de Bagdad, vers al-Baya’a et al-Thurat.
A Dora, certaines familles chrétiennes ont été averties: elles ne pourront rester que si elles donnent une de leurs filles en mariage à un musulman, en vue d’une conversion progressive à l’islam de la famille toute entière. Une fatwa interdit de porter la croix au cou. Quant aux églises, c’est à coups de grenades qu’elles ont été contraintes d’ôter les croix de leurs coupoles et de leurs façades. A la mi-mai, l’église assyrienne de Saint-Georges a été incendiée. Jusqu’à présent, sept prêtres ont été séquestrés dans la capitale. Le dernier à avoir été enlevé – c’était dans la seconde moitié de mai – est le père Nawzat Hanna, un catholique chaldéen.
Selon une estimation du gouvernement irakien, la moitié des chrétiens sont partis de Bagdad et les trois-quarts ont quitté Bassora et le sud. Ceux qui ne s’arrêtent pas au Kurdistan partent pour l’étranger. On évalue à 700 000 le nombre de chrétiens venus d’Irak en Syrie, autant en Jordanie, 80 000 en Egypte, 40 000 au Liban. La plupart y restent bloqués, sans assistance et sans droits, dans l’attente d’un hypothétique visa pour l’Europe, l’Australie, les Amériques.
En Irak, les chrétiens sont traditionnellement représentés dans les professions libérales. Beaucoup sont médecins ou ingénieurs. Dans les écoles, ils constituent – constituaient – 20% du corps enseignant. Ils sont présents dans l’informatique, le bâtiment, l’hôtellerie, l’agriculture spécialisée. Ils sont à la tête de chaînes de radios et de télévisions. Ils sont traducteurs ou interprètes, une profession particulièrement vulnérable qui compte déjà quelque 300 victimes.
La constitution irakienne établit une parité des droits entre toutes les religions, qui n’a d’équivalent dans la législation d’aucun autre pays arabe et musulman. Mais la réalité est toute autre. Dans un article de son dernier numéro, le troisième depuis début 2007, la revue de géopolitique « Limes » indique:
« L’anéantissement du peuple chrétien d’Irak, grand même s’il est peu nombreux et héritier de l’espérance des prophètes, mettrait fin à la possibilité que l’Irak nouveau devienne une nation libre et démocratique ».
Ce serait aussi une défaite dramatique pour l’Eglise.
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