commente à l’évangile de Jean 15.1-8 de demain, de Saint’Augustin
8 mai, 2007commente à l’évangile de Jean 15.1-8 de demain, de Saint’Augustin, le teste, comme vous verrez, est divisé en deux part: 1-3 ; 4-7 ; du site:
http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/augustin/jean/tr81-90/tr81.htm
« QUATRE-VINGTIÈME TRAITÉ.
DEPUIS CES PAROLES : « JE SUIS LA VRAIE VIGNE ET MON PERE EST LE VIGNERON », JUSQU’À CES AUTRES : « DÉJÀ VOUS ÊTES PURS A CAUSE DE LA PAROLE QUE JE VOUS AI DITE ». (Chap. XV, 1-3.)
JÉSUS-CHRIST, VIGNE ET VIGNERON.
Le Sauveur est, comme homme, la vigne, c’est-à-dire le cher de l’Eglise, tandis que nous en sommes les branches ou les membres : comme Dieu, il est, aussi bien que le Père, le vigneron qui retranche les bourgeons improductifs et émonde par la parole de la foi ceux qui rapportent du fruit.
1. Cet endroit de l’Evangile, mes frères, où Notre-Seigneur dit à ses disciples qu’il est la vigne et qu’ils en sont les branches, doit s’entendre en ce sens que Jésus-Christ homme, médiateur entre Dieu et les hommes (1), est le chef de l’Eglise et que nous sommes ses membres. La vigne et ses branches sont de même nature; c’est pourquoi, comme il était Dieu et que nous n’avons pas la nature divine, il s’est fait homme, afin que la nature humaine fût en lui comme une vigne, dont nous autres hommes nous pourrions être les branches. Mais que veut dire : « Je suis la vraie vigne? » En ajoutant le mot « vraie », a-t-il voulu dire qu’il se rapporte à cette vigne d’où la comparaison est tirée ? Il est en effet appelé vigne par comparaison, et non par appropriation, comme il est appelé brebis, agneau, lion, rocher, pierre angulaire et autres choses qui sont vraiment ce que leur nom signifie; mais qui, dans le cas présent, servent à établir une comparaison et non à indiquer l’existence de propriétés réelles. Aussi, quand Jésus dit : « Je suis la vraie vigne », c’est pour se distinguer de celle à qui il est dit : « Comment as-tu dégénéré jusqu’à devenir une fausse vigne (2) ? » Car peut-on dire qu’elle était une vraie vigne,
1. I Tim. II, 5. — 2. Jérém. II, 21.celle dont on attendait du raisin et qui a produit des
épines (1) ?
2. « Je suis la vraie vigne », dit Jésus-Christ, « et mon Père est le vigneron. Il retranchera toutes les branches qui ne portent point de fruit en moi, et il émondera toutes celles qui portent du fruit, afin qu’elles en portent davantage ». Le vigneron et la vigne sont-ils donc la même chose ? Jésus-Christ est la vigne selon la nature qui lui permet de dire : « Le Père est plus grand que moi (2) ». Mais selon la nature qui lui permet de dire : « Le Père et moi nous sommes un (3) », il est lui-même le vigneron ; non pas un vigneron comme ceux qui en travaillant ne peuvent donner que des soins extérieurs, mais un vigneron capable de donner l’accroissement intérieur. « Car ce n’est pas celui qui plante ni celui qui arrose qui « est quelque chose, mais c’est Dieu qui donne l’accroissement ». Or, Jésus-Christ est vraiment Dieu; car « le Verbe était Dieu », ce qui fait que le Père et lui ne sont qu’un; et si « le Verbe s’est fait chair (4) », ce qu’il n’était pas, il est cependant resté ce qu’il était. Enfin, après avoir dit du Père, en parlant de lui comme d’un vigneron, qu’il retranchera les branches stériles et qu’il émondera celles qui 1. Isa. V, 4.
— 2. Jean, XIV, 28. — 3. Id. X, 30. — 4. Id. I, 1, 14.
30
porteront du fruit, afin de leur en faire porter davantage, il montre qu’il émondera lui-même aussi les branches, et il ajoute aussitôt : « Déjà vous êtes purs, à cause de la « parole que je vous ai dite ». Voilà que lui-même il émonde les branches; c’est l’office du vigneron, et non celui de la vigne. Il fait même de quelques branches ses coopérateurs. Car bien qu’ils ne donnent pas l’accroissement, ils contribuent néanmoins en quelque chose à le produire, sans toutefois le faire par leur propre puissance. « Parce que sans moi », dit Jésus-Christ, « vous ne pouvez rien faire ». Écoute-les, ils en font eux-mêmes l’aveu. « Qu’est-ce qu’Apollo? Qu’est-ce que Paul? Des ministres par qui, siwn, vous avez cru et chacun selon le don du Seigneur. Moi, j’ai planté, Apollo a arrosé; c’est donc selon le don que le Seigneur a fait à chacun, et non de leur propre fonds ». Voyez ce qui suit : Mais « Dieu a donné l’accroissement (1) »; ce n’est donc point par eux, mais par lui-même, que Dieu l’a fait. Cela, en effet, surpasse la faiblesse humaine, la grandeur même des anges, et n’appartient qu’à la Trinité qui seule est le vigneron. « Déjà vous êtes purs». Emondés sans doute, mais ayant besoin de l’être encore. S’ils n’avaient pas été taillés, ils n’auraient pu porter de fruit, et cependant quiconque porte du fruit, le vigneron l’émonde pour lui en faire porter davantage. Il porte du fruit parce qu’il est taillé, et pour qu’il en porte davantage, on l’émonde encore. En effet, quel est celui qui en cette vie est assez émondé, pour n’avoir pas besoin de l’être de plus en plus en cette vie, en laquelle, « si nous disons que nous n’avons « pas de péché, nous nous trompons nous-mêmes et la vérité n’est point en nous; mais si nous confessons nos péchés, il est quelqu’un de fidèle et de juste qui nous remettra nos péchés et nous purifiera de toute iniquité, (2) ? » Qu’il émonde donc ceux qui sont déjà émondés, c’est-à-dire qui portent des fruits, afin qu’ils portent d’autant plus de fruits qu’ils seront plus émondés.
3. « Déjà vous êtes purs à cause de la parole que je vous ai dite ». Pourquoi ne dit-il pas: Vous êtes purs à cause du baptême dont vous avez été lavés, mais bien a à cause 1. I Cor. III, 5-7.
— 2. I Jean, I, 8, 9.
de la parole que je vous ai dite ? » Parce que dans l’eau c’est encore la parole qui purifie? Retranche la parole, et l’eau, que sera-t-elle? De l’eau. La parole se joint à l’élément, et aussitôt se fait le sacrement qui est comme une parole visible. C’est ce qu’il avait dit en lavant les pieds de ses disciples: « Celui qui est lavé n’a besoin que de se laver les pieds ; car il est pur tout entier (1) ». D’où vient à l’eau cette vertu si grande, qu’en touchant le corps elle purifie le coeur? Elle lui vient uniquement de la parole; non parce que l’on prononce cette parole, mais parce que l’on y croit. Car en ce qui concerne la parole elle-même, autre chose est le son qui passe, autre chose est la vertu qui reste. « C’est la parole de la foi que nous vous prêchons», dit l’Apôtre, « parce que si vous confessez de bouche que Jésus est le Seigneur, et si vous croyez de coeur que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, vous serez sauvés. Il faut croire de coeur pour obtenir la justice, et confesser de bouche pour obtenir le salut (2)» . Aussi est-il dit dans les Actes des Apôtres : « Purifiant leurs coeurs par la foi (3) ». Pierre dit aussi dans son Epître : « Le baptême vous sauve, non par la purification des souillures de la chair, mais par le témoignage d’une bonne conscience (4). C’est la parole de la foi que nous vous prêchons », parole qui sanctifie le baptême et lui donne la vertu de purifier; car Jésus-Christ qui est avec nous la vigne, et avec le Père le vigneron, « a aimé l’Église et s’est livré pour elle». Lis l’Apôtre et vois ce qu’il ajoute : « Afin de la sanctifier en la purifiant dans le baptême de l’eau par la parole (5) La purification ne serait donc pas l’effet de cet élément fluide et coulant, si on n’y ajoutait « la parole ». Cette parole de foi a tant de force dans l’Église de Dieu, qu’elle purifie même un petit enfant par l’intermédiaire de celui qui croit, qui l’offre, le bénit et le lave dans ces eaux salutaires ; et néanmoins cet enfant ne peut encore ni croire de coeur pour obtenir la justice, ni confesser de bouche pour obtenir le salut. Tout cela se fait par cette parole dont Notre-Seigneur a dit : « Déjà vous êtes purs, à cause de la parole que je vous ai dite ».
1. Jean, XIII, 10. — 2. Rom. X, 8-10. — 3. Act. XV, 9. — 4. I Pierre, III, 21. — 5. Ephés. V, 25, 26.
QUATRE-VINGT-UNIÈME TRAITÉ
DEPUIS CES PAROLES : « DEMEUREZ EN MOI, ET MOI EN VOUS », JUSQU’A CES AUTRES : « TOUT CE QUE VOUS VOUDREZ, VOUS LE DEMANDEREZ ET IL VOUS SERA ACCORDÉ ».(Ch. XV, 4-7.)
LA VIGNE ET LES BRANCHES.
De même que les branches de la vigne ne peuvent avoir de sève et porter de fruit qu’autant qu’elles adhèrent au cep, de même nous ne pouvons rien faire dans l’ordre du salut sans l’union avec Jésus-Christ ; mais, dès lors que nous sommes unis à lui par la grâce et la fidélité à ses commandements, nous pouvons demander tout ce qui est vraiment utile à notre âme, et nous l’obtiendrons.
1. Jésus dit qu’il est la vigne, ses disciples les branches, et son Père le vigneron ; nous l’avons déjà expliqué de notre mieux. Dans la leçon d’aujourd’hui, il continue à dire qu’il est la vigne, et que ses disciples sont les branches ; voici ses paroles: « Demeurez en moi, et moi en vous ». Ils ne sont pas en lui de la même manière qu’il est lui-même en eux. Mais ces deux sortes de demeure sont utiles, non pas à lui, mais à eux. Les branches, en effet, sont dans la vigne de telle manière qu’elles ne lui donnent pas, mais qu’elles en reçoivent la sève qui les fait vivre ; et la vigne est dans les branches, de telle sorte qu’elle leur fournit l’aliment dont elles vivent, sans le recevoir d’elles. De la même manière, Jésus-Christ demeure en ses disciples, et eux demeurent en lui : c’est pour eux un avantage, et non pour lui. Qu’une branche, en effet, soit séparée d’une racine vivante, il peut en pousser une autre ; mais la branche coupée ne peut vivre sans la racine.2. Enfin il ajoute ces paroles : « De même a que la branche ne peut porter de fruit par elle-même, si elle ne demeure unie à la a vigne ; ainsi en sera-t-il de vous, si vous ne restez pas en moi ». Grande recommandation de la grâce, mes frères,.qui instruit le coeur des humbles et ferme la bouche des superbes. Voilà ce à quoi doivent répondre, s’ils l’osent, ceux qui, ignorant la justice de Dieu et voulant établir leur propre justice, ne sont pas soumis à celle de Dieu (1).Voilà ce à quoi doivent répondre ceux qui se plaisent à eux-mêmes et qui pensent pouvoir faire le bien sans le secours de Dieu. Ne résistent-ils
1. Rom, X, 3.
pas à une pareille vérité, ces hommes à l’esprit corrompu, réprouvés dans leur foi (1), qui parlent et réprouvent d’après leur iniquité, et qui disent : C’est Dieu qui a fait de nous des hommes; mais c’est à nous-mêmes que nous devons d’être justes? Que dites-vous, vous qui vous trompez vous-mêmes ? vous n’affirmez pas le libre arbitre, mais vous le précipitez du faîte où veut l’élever votre vaine présomption, jusqu’au fond de l’abîme. Votre parole est que l’homme fait le bien par lui-même : voilà la montagne au sommet de laquelle vous porte votre orgueil. Mais la vérité vous contredit en ces termes : « La branche a ne peut porter de fruit par elle-même, si elle ne demeure unie à la vigne ». Allez maintenant par vos sentiers raboteux, et, sans vous laisser arrêter par rien, laissez-vous emporter par votre vain bavardage. Voilà le vide de votre présomption. Mais voyez ce qui vous attend, et s’il vous reste encore un peu de sens, vous en serez saisis d’horreur. Celui qui pense porter du fruit de lui-même, n’est pas uni à la vigne. Celui qui n’est pas uni à la vigne, n’est pas uni à Jésus-Christ ; celui qui n’est pas uni à Jésus-Christ n’est pas chrétien. Voilà la profondeur de l’abîme où vous tombez.3. Mais consid
érez encore ce que la vérité ajoute ensuite : « Je suis la vigne, vous êtes les branches. Celui qui demeure en moi, et en qui je demeure, porte beaucoup de fruits, parce que sans moi vous ne pouvez rien faire ». Il veut nous empêcher de croire que, d’elle-même, la branche peut au moins porter quelque petit fruit ; aussi, après avoir dit
1 II Tim. III, 8.
32
« Celui-là porte beaucoup de fruit », il n’ajoute pas: sans moi vous ne pouvez faire que peu de chose, mais il dit : « Vous ne pouvez rien faire». Donc on ne peut faire ni peu ni beaucoup sans celui sans lequel on ne peut rien faire. Bien que la branche n’ait porté que peu de fruit, le vigneron l’émonde afin qu’elle en porte davantage ; mais si elle ne demeure pas unie à la vigne, et si elle ne tire pas sa vie de la racine, elle ne pourra jamais porter de fruit, si petit qu’il soit. Jésus-Christ n’eût pu être la vigne, s’il n’eût été homme; et, cependant, il ne pourrait communiquer la grâce aux branches, s’il n’était aussi Dieu ; sans cette grâce on ne peut donc vivre, mais la mort reste néanmoins au pouvoir du libre arbitre. Aussi le Christ dit-il : « Si quelqu’un ne demeure pas en moi, il sera jeté dehors comme une branche coupée ; et il séchera, et on le ramassera, et on le jettera au feu, et il sera brûlé ». Les branches de la vigne sont d’autant plus méprisables, si elles ne restent pas unies à la vigne, qu’elles sont plus glorieuses si elles y restent. Enfin, ainsi que le Seigneur le dit en parlant d’elles par le prophète Ezéchiel, lorsqu’elles sont coupées, elles ne sont d’aucune utilité pour l’usage du vigneron; elles ne peuvent être employées par le charpentier (1). Il n’y a que deux choses qui conviennent à ces branches : ou la vigne ou le feu; si elles sont unies à la vigne, elles ne seront pas jetées au feu; afin de n’être pas jetées au feu, qu’elles restent donc unies à la vigne.
4. « Si vous restez en moi », dit Notre-Seigneur, « et que mes paroles restent en vous, tout ce que vous voudrez vous le demanderez, et il vous sera accordé ». En demeurant en Jésus-Christ, que peuvent-ils vouloir que ce qui convient à Jésus-Christ ? Que peuvent-ils vouloir, en restant dans le Sauveur, que ce qui n’est pas étranger au salut? En effet, autre chose est ce que nous voulons en tant que nous sommes en Jésus-Christ, autre chose est ce que nous voulons en tant que nous sommes encore dans ce monde. Par suite de 1. Ez
éch. XV, 5.
notre demeure en ce monde, il nous arrive parfois de demander ce qui, à notre insu, ne nous est pas avantageux. Mais ne croyons pas que nous serons exaucés à cet égard, si nous restons en Jésus-Christ ; car, lorsque nous le prions, il ne nous accorde que ce qui nous est utile. Mais si nous demeurons en lui, et sises paroles demeurent en nous, nous pouvons lui demander tout ce que nous voudrons, et il nous l’accordera. Car si nous demandons quelque chose et qu’il ne nous l’accorde pas, c’est que nous ne demandons point ce que comporte sa demeure en nous, ni ce que comportent ses paroles qui demeurent en nous ; mais nous demandons ce que nous inspirent la faiblesse et la cupidité de la chair, qui ne demeurent point en lui et en qui ne demeurent point ses paroles. Assurément à ses paroles appartient cette prière qu’il nous a enseignée, et dans laquelle nous disons : « Notre Père qui êtes dans les cieux (1) ». Dans nos demandes ne nous écartons point des paroles et du sens de cette prière, et tout ce que nous demanderons nous sera accordé. Quand nous faisons ce qu’il commande, et que nous aimons ce qu’il promet, on peut dire alors que ses paroles demeurent en nous. Mais quand ses paroles demeurent dans notre mémoire, sans se refléter dans notre conduite, alors la branche n’est plus unie à la vigne, parce qu’elle ne tire pas sa sève de la racine. C’est pour marquer cette différence, qu’il est écrit: « Ils retenaient dans leur mémoire ses commandements, afin de les pratiquer (2) ». Plusieurs, en effet, les gardent dans leur mémoire, mais pour les mépriser, ou bien même pour s’en moquer et les combattre. En ceux-là ne demeurent point les paroles de Jésus-Christ ; ils les touchent, mais ils n’y sont pas attachés; c’est pourquoi, au lieu de tourner à leur avantage, elles rendront témoignage contre eux, et comme elles sont en eux sans y faire leur demeure, ils ne les possèdent que pour être jugés par elles.
1. Matth. VI, 9. — 2. Ps. CII, 18.