un interessant article sur la Pâques au Vietnam, du site:
http://chiesa.espresso.repubblica.it/dettaglio.jsp?id=131463&fr=y
Pâques au Vietnam: un compte-rendu exceptionnel
Le numéro deux des affaires étrangères du Vatican raconte sa récente visite dans ce pays, où l’Eglise catholique est florissante malgré l’absence de liberté, comme aux premiers siècles chrétiens
par Sandro Magister
ROMA, le 5 avril 2007 – Lorsque Benoît XVI adressera au monde ses vœux de Pâques en plusieurs dizaines de langues, à l’issue de son message Urbi et Orbi du dimanche de la résurrection, il s’exprimera également en vietnamien: « Mù’ng lé phuc sinh »!Le Vietnam est l’un des pays d’Asie où l’Eglise est la plus florissante. Il y a plus de six millions de catholiques et ce nombre connaît un accroissement notable. La pratique religieuse est élevée (sur la photo, une église d’Hanoi). Les séminaires sont pleins, plus particulièrement depuis que le régime communiste en a rendu l’accè
s plus facile.
En effet, vivre en chrétien dans un pays comme le Vietnam exige beaucoup de foi et un grand courage. Début avril, un prêtre catholique, Nguyen Van Ly, a été condamné à huit ans de prison pour propagande contre le parti communiste; avec lui, deux hommes et deux femmes se sont vu infliger des peines.Le P. Van Ly, 60 ans, a fondé un mouvement pour la liberté religieuse et la démocratie: Bloc 8406. Dans le passé, il a déjà fait 20 ans de prison. Il a été arrêté le 19 février par la police qui a fait irruption dans les locaux de l’évêché de Hué, où
il habitait.
Bien que le Vietnam fasse depuis peu partie de l’Organisation mondiale du commerce, WTO, il est toujours caractérisé par ce que Human Rights Watch appelle « l’une des pires répressions de dissidents pacifiques des vingt dernières années ». Les chrétiens sont particulièrement dans le collimateur.Cependant, on peut également percevoir des signes de dégel de la part des autorités communistes. Le 25 janvier 2007, pour la première fois, le premier ministre vietnamien, Nguyên Tân Dung, s’est rendu en visite au Vatican, où il a rencontré le pape et les dirigeants de la secrétairerie d’état. Au cours de la première moitié du mois de mars, une délégation officielle du Saint-Siège s’est rendue au Vietnam conduite par le sous-secrétaire pour les relations avec les états, c’est-à-dire le numéro deux des affaires étrangè
res du Vatican, Pietro Parolin.
En matière de liberté religieuse, de nomination des évêques et de relations diplomatiques, la situation du Vietnam rappelle celle de Chine. La différence est que l’évolution en cours est plus prometteuse. La liberté religieuse bénéficie de petites concessions, dont la dernière est l’autorisation accordée à l’archevêché de Hô Chi Minh-Ville d’ouvrir un centre d’aide aux malades du Sida. Sur l’établissement de rapports diplomatiques, les préliminaires de la négociation ont été lancés. En ce qui concerne les évêques, ils sont actuellement nommés par Rome, qui choisit entre trois candidats, les autorités communistes pouvant opposer leur veto à chacun d’eux.Les signes les plus encourageants viennent toutefois de la communauté chrétienne vietnamienne. On le comprend à la lecture du compte rendu – par moments plein d’émotion – qu’à rédigé le chef de la délégation vaticane, Mgr Pietro Parolin, au retour de sa récente visite dans ce pays. Ce qui suit n’est pas le rapport officiel qu’il a remis à Benoî
t XVI. Mais il en reprend les grandes lignes.Mgr Parolin l’a écrit pour le mensuel international « 30 giorni », dirigé par Giulio Andreotti, qui le publie dans son numéro d’avril:
« On voyait dans leurs yeux la joie de la foi… »
par Pietro Parolin
Du 5 au 11 mars 2007, une délégation du Saint-Siège s’est rendue au Vietnam pour la 14e fois. Cette série de visites a été commencée en 1989 par le cardinal Roger Etchegaray. Par la suite, la délégation du Saint-Siège a toujours été conduite par le sous-secrétaire pour les relations avec les états, Claudio M. Celli puis Celestino Migliore. C’était ma seconde visite après celle de 2004. En 2005, c’est une délégation vietnamienne qui est venue à Rome et, en 2006, je n’ai pu me rendre au Vietnam en raison des changements intervenus à la section pour les relations avec les états. J’étais accompagné par Luis Mariano Montemayor, conseillé de nonciature à la Secrétairerie d’Etat et par Barnabé Nguyên Van Phuong, Vietnamien, chef de la congrégation pour l’évangélisation des peuples. Notre programme, très riche, était divisé en une partie que j’appellerais « politique » et une partie « ecclésiale », correspondant aux deux objectifs de ces visites, c’est-à-dire poursuivre les contacts avec les autorités vietnamiennes et rencontrer l’
Eglise locale.
En pratique, la délégation du Saint-Siège accomplit, pendant une semaine, les tâches qui, dans les autres pays, sont confiés aux envoyés pontificaux, dans la mesure où il n’y a pas encore au Vietnam de représentant du pape. Nous avons reçu le même accueil cordial qu’en 2004, avec l’avantage, par rapport à cette précédente visite, de connaître déjà beaucoup de nos interlocuteurs. Nous avons donc cherché à renforcer avec eux ces liens de respect, d’estime et de confiance qui sont très appréciés par la société vietnamienne et qui facilitent le dialogue, surtout en ce qui concerne les questions é
pineuses.
Notre visite faisait suite à la venue au Vatican, en janvier dernier, du premier ministre Nguyên Tân Dung, qui avait rencontré à cette occasion le pape Benoît XVI et les hauts responsables de la secrétairerie d’état. Il est possible que cette circonstance ait contribué à rendre encore plus attentif et constructif l’accueil qui nous a été réservé. Nous l’avons remarqué à beaucoup de détails et à la manière dont nous avons été traités, jusqu’à la couverture médiatique à laquelle notre présence a donné lieu. Le programme très dense d’entretiens avec les autorités vietnamiennes a connu son sommet opérationnel lors des trois séances de travail avec le comité pour les affaires religieuses, présidé par intérim par Nguyê
n The Doanh.
Puis, il y a eu les visites de courtoisie au premier ministre-adjoint des affaires étrangères Le Cong Phung, au vice-président de la commission pour les affaires étrangères du comité central du parti communiste du Vietnam Pham Xuan Son, et au président du comité pour les affaires étrangères de l’assemblée nationale, Vu Mao. Au cours de nos visites aux provinces de Binh Dinh, Kontum et Gia Lai, nous avons également rencontré les présidents des comité
s populaires locaux: les organismes qui gouvernent les provinces qui composent le pays.
Au cours des réunions de travail, nous avons abordé des questions concernant la vie et l’activité de l’Eglise catholique au Vietnam – comme, par exemple, la nomination des évêques et la construction ou la reconstruction des lieux de culte – et les rapports entre l’Eglise et l’état. On sait que la politique religieuse du gouvernement vietnamien est exprimée dans l’ordonnance sur les croyances et religions du 18 juin 2004. Elle tourne autour de deux principes selon lesquels les croyants – et donc aussi les catholiques – sont partie intégrante de la nation et l’état s’engage à répondre à leurs légitimes exigences. La délégation a reçu des informations sur cette loi et sur la nécessité d’en assurer une application de plus en plus uniforme dans tout le pays mais aussi sur la volonté de l’améliorer lorsque c’est nécessaire, en tenant compte des suggestions des communautés religieuses qui naissent de l’expérience, afin que la liberté religieuse, qui est un droit fondamental des individus et des communautés, puisse être de plus en plus respectée et traduite concrè
tement.
Les entretiens ont aussi abordé les relations diplomatiques entre le Saint-Siège et le Vietnam. Bien que, pour le moment, aucune échéance n’ait été fixée, je crois qu’un grand pas en avant à été franchi: du côté vietnamien, il nous a été indiqué que le premier ministre a donné des instructions aux autorités compétentes pour qu’elles étudient la question et il nous a été proposé de créer, dans les prochains mois, un groupe d’experts chargé d’étudier les délais et les modalités concrètes du lancement du processus d’établissement des relations diplomatiques. Nous avons consacré les jeudi 8 et vendredi 9 mars aux deux derniers diocèses qui n’avaient pas encore reçu la visite de la délégation du Saint-Siège, Quy Nhon et Kontum, au centre du pays, dans la province ecclésiastique de Hué. Ces journées ont été intenses et, je dois le dire, plutôt fatigantes en raison des horaires et des déplacements en voiture ou en avion (une pluie torrentielle nous a fait trembler au moment de l’atterrissage à l’aéroport de Quy Nhon) mais l’expérience ecclésiale que nous avons vécue a compensé au centuple les éventuels désagré
ments.
A Quy Nhon, nous avons été accueillis par le vicaire général et par la quasi-totalité du clergé du diocèse, ainsi que par les très nombreux fidèles qui s’étaient massés sur le parvis pavoisé de la cathédrale (l’évêque, Mgr Pierre Nguyên Soan, hospitalisé, était absent). Nous y avons célébré la sainte messe en priant pour le pape et pour l’Eglise du Vietnam. De la ville, qui donne sur la mer, nous nous sommes rendus à l’intérieur des terres, jusqu’à la paroisse de Goi Thi, qui a été le point de départ de la diffusion de la foi chrétienne dans la région et qui conserve le souvenir du grand évêque martyr Etienne-Théodore Cuénot [1802-1861], français, vicaire apostolique de la Cochinchine orientale. Nous nous sommes également rendus à son sanctuaire, but de pèlerinages continuels, après un moment de prière dans la vaste et belle église paroissiale, pleine à craquer, principalement de jeunes et d’enfants et après un bref arrêt chez les sœurs de la congré
gation des amantes de la croix de Quy Nhon.
Il est difficile d’exprimer les émotions, les sentiments, la reconnaissance envers le Seigneur, la joie spirituelle que l’on éprouve dans de telles situations. Dans les réunions publiques, je répétais sans cesse que ce que nous recevions valait beaucoup plus que ce que nous avions apporté. Dans le compte-rendu que nous allions remettre au Saint Père à la fin de ce voyage, j’ai évoqué la difficulté de raconter de tels phénomènes par écrit. C’est aussi pour cette raison que j’ai émis le souhait que le pape lui-même puisse prochainement s’en rendre compte personnellement. Nous avons vécu des expériences semblables dans le diocèse de Kontum, une circonscription ecclésiastique située dans les hauts plateaux centraux et habités majoritairement par les ethnies minoritaires des Montagnards. L’eucharistie, concélébrée par la délégation avec l’évêque Michel Hoâng Dúc Oanh et de nombreux prêtres, a rassemblé sur la place de la cathédrale plus de 5000 fidèles, en une soirée tiède du point de vue climatique mais brûlante de foi, de dévotion, d’amour pour le pape et de témoignage chré
tien.
Le lendemain matin, nous avons célébré la sainte messe dans l’église Pleichuet, construite sur le modèle des maisons communes des Montagnards avec un toit de paille très élevé. La plupart des paroissiens sont des néophytes. On voyait dans leurs yeux la joie de la foi et de l’appartenance à l’Eglise catholique, qu’ils exprimaient avec leurs costumes traditionnels très colorés, le son de leurs instruments, les mouvements de danse qui accompagnaient les différents moments liturgiques. Nous avons terminé cette rencontre dans un climat de fête, en goûtant les mets typiques des Montagnards et sans refuser, même s’il était très tôt, de siroter la liqueur très forte qu’ils tirent du riz. Le reste de la matinée s’est passé à visiter différentes institutions de l’Eglise à Pleiku, écoles maternelles, internats, centres pour handicapés, etc, qui expriment l’attention et l’engagement de l’Eglise catholique envers ces populations qui ont dû et doivent affronter encore des difficultés de toutes sortes et des situations désavantageuses. Je ne peux pas non plus oublier les rencontres avec les élèves du grand séminaire et les sœurs de la congrégation des amantes de la croix à Hanoi, les saintes messes célébrées dans la cathédrale de la capitale, en présence de l’archevêque Joseph Ngô Quang Kiêt – que nous avions déjà rencontré en même temps que le président de la conférence épiscopale du Vietnam, Paul Nguyên Van Hóa, évêque de Nha Trang, et l’éminentissime cardinal Jean-Baptiste Pham Minh Mân, archevêque de Hô Chi Minh-Ville, venus tout exprès à Hanoi – et dans la paroisse de Ha Long (dans le diocèse de Hai Phòng, tout près de la Chine), avant l’excursion touristique dans la baie du même nom, inscrite par l’Unesco parmi les sites déclarés patrimoine mondial de l’humanité
.
En toutes ces occasions, j’ai été profondément impressionné par la façon de prier des gens, pleine de compréhension, de recueillement et de piété et en même temps très active du point de vue communautaire: enfants et adultes, jeunes et vieux, hommes et femmes chantent et répondent ensemble. J’ai été frappé par l’amour, l’attachement et la fidélité envers l’évêque de Rome, sentiment dont nous avons eu continuellement des preuves. C’est une Eglise courageuse, dynamique, pleine de vitalité, comme en témoignent, entres autres, les très nombreux candidats au sacerdoce et à
la vie religieuse.
C’est une Eglise qui s’engage en faveur de la société et qui prend soin de ceux qui sont dans le besoin, tout en souhaitant pouvoir faire plus dans le domaine éducatif et social, pour apporter une contribution de plus en plus qualifiée et efficace au pays et à tous ses habitants, sans s’occuper de savoir s’ils sont croyants ou non ou à quel groupe religieux il appartiennent.
Enfin, c’est une Eglise qui est consciente des problèmes liés à la rapide industrialisation du pays et à son tumultueux développement économique (le Vietnam, avec un taux de croissance de 8,4% prévu pour 2007, est la deuxième économie du monde pour la rapidité du développement) et qui entend se préparer à répondre à cette nouvelle situation, afin de continuer à être sel et levain et illuminer tout le monde par la joyeuse annonce de l’Evangile.