Archive pour le 3 avril, 2007

le mercredi saint – 4.4.07

3 avril, 2007

Saint Grégoire de Nazianze (330-390), évêque, docteur de l’Église
Sermon 45, 23-24 ; PG 36, 654 C – 655 D (trad. Orval)

« Où veux-tu que nous fassions les préparatifs de ton repas pascal ? »

Nous allons participer à la fête de Pâques. Nous le ferons maintenant encore de manière symbolique, mais plus clairement déjà que sous l’ancienne Loi, car cette Pâque-là était, si j’ose dire, une image obscure du symbole lui-même…
Prenons part à cette fête rituelle de manière évangélique et non littérale, de façon parfaite et non inachevée, pour l’éternité et non pour un instant. Prenons comme capitale, non pas la Jérusalem terrestre, mais la cité céleste, non celle qui est maintenant foulée aux pieds par les armées, mais celle qui est magnifiée par les anges. Sacrifions, non pas de jeunes taureaux ni des béliers portant cornes et sabots (Ps 68,32), plus morts que vivants et dépourvus d’intelligence, mais offrons à Dieu un sacrifice de louange (Ps 49,14) sur l’autel céleste en union avec les choeurs du ciel. Écartons le premier voile, avançons-nous jusqu’au second et portons nos regards vers le Saint des saints. Je dirai davantage : immolons-nous nous-mêmes à Dieu ; mieux, offrons-lui chaque jour chacun de nos mouvements. Acceptons tout à cause du Verbe. Montons avec empressement sur la croix : ses clous sont doux, même s’ils sont extrêmement douloureux. Mieux vaut souffrir avec le Christ et pour le Christ que de vivre dans les délices avec d’autres.

Si tu es Simon de Cyrène, prends la croix et suis le Christ. Si tu es crucifié avec lui comme un larron, fais comme le bon larron : reconnais Dieu… Si tu es Joseph d’Arimathie, réclame le corps à celui qui l’a fait crucifier ; fais tienne la purification du monde. Et si tu es Nicodème, ce serviteur nocturne de Dieu, viens ensevelir ce corps et le parfumer avec de la myrrhe. Si tu es l’une ou l’autre Marie ou Salomé ou Jeanne, pleure dès le point du jour. Sois le premier à voir la pierre du tombeau enlevée, peut-être même les anges ou Jésus en personne.

PAQUE JUIVE ET PAQUE CHRETIENNE

3 avril, 2007

texte du 2005 mais vraiment interessant, du site:

http://198.62.75.1/www1/ofm/sbf/dialogue/paque.html

texte du 2005

PAQUE JUIVE ET PAQUE CHRETIENNE

Frédéric Manns

Le calendrier de 2005 a distancé la Pâque chrétienne de la Pâque juive, ce qui rendra difficile pour certains chrétiens de saisir les racines juives de la Pâque de Jésus. LEglise qui oriente sa réflexion sur leucharistie durant cette année a tout intérêt à relire le récit du dernier repas de Jésus dans le contexte biblique du repas dalliance au Sinaï.

Des communautés chrétiennes de plus en plus nombreuses veulent célébrer la Pâque de Jésus en la resituant dans le texte liturgique de la haggadah juive. Or le récit actuel utilisé par les communautés juives pour célébrer la sortie dEgypte est tardif et, en partie, polémique. Le véritable milieu du dernier repas de Jésus est probablement celui des repas dadieu des Patriarches, ce qui lui donne une dimension universaliste bien plus garnde. Bien plus les paroles de Jésus prononcées sur la coupe de vin renvoient à l’événement fondateur du Sinaï : « Ceci est la coupe de mon sang, le sang de lalliance nouvelle et éternelle ».J

ésus renvoie au texte dExode 24,3-8 quand il célèbre le mémorial nouveau quil transmet aux siens. Sous forme de signe il se rattache au sacrifice et au repas qui après la sortie dEgypte ont scellé lalliance de Dieu avec son peuple. Au cours de ce sacrifice qui était un sacrifice de communion les associés du pacte partageaient rituellement le sang versé pour sceller les liens entre eux et Dieu. Moïse avait pris la moitié du sang pour en asperger lautel. Avec lautre moitié il avait aspergé le peuple.

Avec lalliance un ordre nouveau est instauré : les représentants du peuple montent sur la montagne qui est lhabitation de Dieu sans perdre la vie. Depuis quil avait péché lhomme ne pouvait plus voir Dieu et rester en vie. Au Sinaï Moïse et les anciens entrent dans la familiarité divine. Il sont invités à la table de Dieu. Cette convivialité est la forme la plus achevée de lintimité entre Dieu et lhomme (Is 25,6).C

est à cette page biblique que Jésus se réfère pour instaurer par sa passion un ordre nouveau dont leucharistie est le signe.

Comme les Patriarches de la première alliance, Jésus avant de mourir a rassemblé ses disciples autour dun repas dadieu. Il va leur léguer leucharistie qui est lalliance dans son sang et leur demande de la célébrer jusqu’à ce que le Royaume de Dieu soit instauré (Lc 22,18). Jésus introduit ses disciples dans la familiarité de Dieu et fait des douze le reste dIsraël et, à travers eux, la multitude des croyants, le nouveau peuple de lalliance. Jésus les invite à le reconnaître dans le pain partagé. Il met ainsi en place la communauté des croyants qui en partageant ce pain constitue la famille des invités quil appelle son Eglise.Mieux que le repas du seder pascal, le repas d

alliance inaugure un nouveau mode de présence aux disciples. Alors quil retourne vers le Père Jésus reste présent dans le pain partagé en son nom. La fraction du pain signifie la communion dans le partage et lunité.

Nourris au corps du Ressuscité qui donne lEsprit, les chrétiens vivent de lattente de la venue de Jésus. La marche de lEglise est ainsi nourrie de la manne nouvelle qui soutient le peuple durant sa route jusquau retour du Maître. Alors Dieu convoquera les nations au festin messianique lors de la manifestation plénière du Règne.Un monde ancien sachève avec la mort du Christ. Un monde nouveau qui naît dans la douleur commence avec sa Résurrection. Une nouvelle histoire commence. Elle est transfigurée par la présence réelle de Jésus. Les chrétiens de terre sainte, ce petit reste négligeable, en sont les témoins.

Dimanche des Rameaux : Homélie de Benoît XVI

3 avril, 2007

du site Zenith:

Dimanche des Rameaux : Homélie de Benoît XVI

Le pape encourage les jeunes à ne pas se contenter de ce que dit le monde, mais à chercher Dieu

ROME, Lundi 2 avril 2007 (ZENIT.org) Nous publions ci-dessous le texte intégral de lhomélie que le pape Benoît XVI a prononcée au cours de la messe du Dimanche des Rameaux qui coïncidait avec la XXIIe Journée mondiale de la Jeunesse célébrée au niveau des diocèses sur le thème : « Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres ».

Chers frères et soeurs,

Dans la procession du Dimanche des Rameaux nous nous associons à la foule des disciples qui, dans une joyeuse fête, accompagnent le Seigneur lors de son entrée à Jérusalem. Comme eux, nous louons le Seigneur à pleine voix pour tous les prodiges que nous avons vus. Oui, nous aussi nous avons vu et nous voyons encore les prodiges du Christ : comment Il conduit des hommes et des femmes à renoncer aux commodités de leur vie et à se mettre totalement au service des personnes souffrantes ; comment Il donne le courage à des hommes et des femmes de sopposer à la violence et au mensonge, pour laisser la place à la vérité dans le monde ; comment, dans le secret, Il conduit des hommes et des femmes à faire du bien aux autres, à susciter la réconciliation là où régnait la haine, à bâtir la paix là où régnait linimitié.

La procession est avant tout un joyeux témoignage que nous rendons à Jésus Christ, à travers lequel le Visage de Dieu nous a été rendu visible et grâce auquel le cœur de Dieu est ouvert pour chacun de nous. Dans lEvangile de Luc, le récit du début du cortège près de Jérusalem est composé en partie exactement sur le modèle du rite du couronnement par lequel, selon le Premier Livre des Rois, Salomon fut institué comme héritier de la royauté de David (cf. 1R 1, 33-35). Ainsi, la procession des Rameaux est également une procession du Christ Roi : nous professions la royauté de Jésus Christ, nous reconnaissons Jésus comme le Fils de David, le vrai Salomon le Roi de la paix et de la justice. Le reconnaître comme Roi signifie : laccepter comme Celui qui nous indique le chemin, à qui nous faisons confiance et que nous suivons. Cela signifie accepter jour après jour sa parole comme critère valable pour notre vie. Cela signifie voir en Lui lautorité à laquelle nous nous soumettons. Nous nous soumettons à lui parce que son autorité est lautorité de la vérité.

La procession des Rameaux est comme ce jour-là pour les disciples avant tout une expression de joie parce que nous pouvons connaître Jésus, parce quIl nous accorde d’être ses amis et parce quil nous a donné la clé de la vie. Cette joie, qui existe au début, est cependant aussi lexpression de notre « oui » à Jésus et de notre disponibilité à aller avec Lui où il nous conduit. Lexhortation qui était aujourdhui au début de notre liturgie interprète par conséquent à juste titre la procession également comme représentation symbolique de ce que nous appelons « la suite du Christ » : « nous demandons la grâce de le suivre », avons-nous dit. Lexpression « suite du Christ » est une description de la vie chrétienne tout entière en général. En quoi consiste-t-elle ? Que signifie concrètement « suivre le Christ » ?

Au départ, avec les premiers disciples, le sens était beaucoup plus simple et immédiat : cela signifiait que ces personnes avaient décidé de laisser leur profession, leurs affaires, leur vie tout entière pour partir avec Jésus. Cela signifiait entreprendre une nouvelle profession : celle de disciple. Le contenu fondamental de cette profession était daller avec le maître, se placer totalement sous sa conduite. Ainsi, la suite du Christ était une chose extérieure et dans le même temps, très intérieure. Laspect extérieur était le fait de marcher derrière Jésus lors de ses pèlerinages à travers la Palestine ; laspect intérieur était la nouvelle orientation de la vie, qui navait plus comme points de référence les affaires, le métier qui procurait de quoi vivre, la volonté personnelle, mais qui sabandonnait totalement à la volonté dun Autre. Etre à sa disposition était désormais devenu une raison de vivre. Quelques scènes de lEvangile nous donnent une idée très claire du renoncement au bien propre et du détachement par rapport à soi-même, que cela comportait.

Mais cela révèle aussi ce que signifie la suite du Christ pour nous et quelle est sa véritable essence pour nous : il sagit dun changement intérieur de lexistence. Cela exige que je ne sois plus enfermé dans mon moi, considérant mon propre épanouissement comme ma principale raison de vivre. Cela exige que je me donne librement à un Autre pour la vérité, pour lamour, pour Dieu qui, en Jésus Christ me précède et mindique le chemin. Il sagit de la décision fondamentale de ne plus considérer lutilité et le gain, la carrière et le succès comme but ultime de ma vie, mais de reconnaître en revanche la vérité et lamour comme critères authentiques. Il sagit du choix entre vivre uniquement pour moi-même ou me donner pour la chose la plus grande. Et il faut bien considérer que la vérité et lamour ne sont pas des valeurs abstraites ; en Jésus Christ elles sont devenues personne. En Le suivant, jentre au service de la vérité et de lamour. En me perdant je me retrouve.

Revenons à la liturgie et à la procession des Rameaux dans laquelle la liturgie prévoit comme chant le Psaume 23 (24) qui était également en Israël un chant de procession utilisé lors de la montée sur le mont du temple. Le Psaume interprète la montée intérieure dont la montée extérieure est limage et nous explique ainsi une fois encore ce que signifie monter avec le Christ : « Qui peut gravir la montagne du Seigneur ? » demande le Psaume qui indique deux conditions essentielles. Ceux qui montent et veulent véritablement atteindre les hauteurs, arriver jusqu’à la vraie hauteur, doivent être des personnes qui sinterrogent sur Dieu ; des personnes qui scrutent autour delles pour chercher Dieu, pour chercher son Visage. Chers jeunes amis combien cela est important précisément aujourdhui : ne pas se laisser entraîner ici et là dans la vie ; ne pas se contenter de ce que tout le monde pense, dit et fait. Scruter Dieu et chercher Dieu. Ne pas laisser la question sur Dieu se dissoudre dans nos âmes. Le désir de ce qui est plus grand. Le désir de Le connaître son Visage

Lautre condition très concrète pour la montée est la suivante : celui qui a « les mains innocentes et le cœur pur » peut se tenir dans le lieu saint. Des mains innocentes, ce sont des mains qui ne sont pas utilisées pour des actes de violence. Ce sont des mains qui ne sont pas salies par la corruption, par des pots de vins. Un cœur pur – quand le coeur est-il pur ? Un cœur est pur lorsquil ne fait pas semblant, ne se tache pas de mensonge ou dhypocrisie. Cest un cœur qui demeure transparent comme leau vive, parce quil ne connaît pas la duplicité. Un cœur est pur lorsquil ne s’égare pas dans livresse du plaisir ; cest un cœur dont lamour est vrai et pas seulement la passion dun moment. Des mains innocentes et un cœur pur : si nous marchons avec Jésus, nous montons et nous trouvons les purifications qui nous conduisent vraiment à cette hauteur à laquelle lhomme est destiné : lamitié avec Dieu lui-même.

Le psaume 23 (24) qui parle de la montée, se termine par une liturgie dentrée devant la porte dentrée du temple : « Portes, levez vos frontons, élevez-vous, portes éternelles : qu’il entre, le roi de gloire ! ». Dans lancienne liturgie du Dimanche des Rameaux, lorsque le prêtre était arrivé devant l’église, il frappait vigoureusement avec un bras de la croix de la procession à la porte encore fermée qui souvrait alors. C’était une belle image du mystère de Jésus Christ lui-même qui, avec le bois de sa croix, par la force de son amour qui se donne, a frappé du côté du monde à la porte de Dieu ; du côté dun monde qui ne réussissait pas à trouver un accès à Dieu. Par sa croix Jésus a ouvert toute grande la porte de Dieu, la porte entre Dieu et les hommes. A présent, celle-ci est ouverte. Mais de lautre côté également, le Seigneur frappe avec sa croix : il frappe aux portes du monde, aux portes de nos coeurs, qui si souvent et en si grand nombre sont fermées pour Dieu. Et il nous parle plus ou moins ainsi : si les preuves que Dieu te donne de son existence dans la création ne réussissent pas à touvrir à Lui ; si la parole de lEcriture et le message de lEglise te laissent indiffèrent alors regarde-moi, regarde le Dieu qui a souffert pour toi, qui souffre personnellement avec toi vois que je souffre par amour pour toi, ouvre-toi à moi, ton Seigneur et ton Dieu.

Tel est lappel quen cette heure nous laissons pénétrer dans notre cœur. Que le Seigneur nous aide à ouvrir la porte de notre cœur, la porte du monde, afin que Lui, le Dieu vivant, puisse à travers son Fils arriver dans notre temps, atteindre notre vie. Amen.

© Copyright du texte original en italien : Librairie Editrice Vaticane
Traduction réalisée par Zenit

Selon le P. Heyndrickx, « l’Eglise de Chine a besoin d’une nouvelle Pentecôte

3 avril, 2007

du site Zenith: 

2007-04-02

Selon le P. Heyndrickx, « l’Eglise de Chine a besoin d’une nouvelle Pentecôte »

ROME, Lundi 2 avril 2007 (ZENIT.org) Selon le P. Jeroom Heyndrickx, « lEglise de Chine a besoin dune nouvelle Pentecôte », indique « Eglises dAsie », lagence de missions étrangères de Paris (EDA 460, eglasie.mepasie.org).

A quelques semaines de la publication de la lettre que le pape Benoît XVI a rédigée à lintention des catholiques de Chine, le P. Jeroom Heyndrickx sest rendu en Chine populaire où il a, notamment, rencontré Mgr Francis An Shuxin, l’évêque auxiliaire du diocèse de Baoding, dans la province du Hebei, qui a accepté, après onze années de détention, dexercer son ministère au grand jour (1). Selon le P. Heyndrickx, directeur du Centre Ferdinand Verbiest à luniversité de Louvain, en Belgique, et observateur attentif des réalités de lEglise de Chine, les catholiques chinois attendent avec impatience de prendre connaissance de la lettre du pape. Cet événement devrait ouvrir une nouvelle page de lhistoire de leur Eglise et seule « une nouvelle Pentecôte » permettra aux « officiels » comme aux « clandestins » de dépasser les blessures nées du passé et de parvenir à lunité. Cest par une lettre du 22 mars dernier, diffusée en chinois et en anglais, que le P. Heyndrickx a fait connaître son point de vue.

A lissue de la rencontre à haut niveau qui a eu lieu au Saint-Siège en janvier dernier, le pape a annoncé quil rédigeait une lettre à ladresse de lEglise de Chine. Ce texte, qui sera rendu public en chinois, en anglais et en italien, devrait paraître quelque temps après Pâques. Le P. Heyndrickx rappelle lenjeu de cette lettre. Il nest pas tant diplomatique quecclésial. Lenjeu diplomatique est connu : labsence de relations diplomatiques rend problématique la nomination des évêques, à lheure où près de la moitié des sièges épiscopaux en Chine sont vacants. Lenjeu ecclésial, souligne le P. Heyndrickx, est sans doute aussi, sinon plus important : il consiste à apporter des réponses à des questions que les catholiques chinois se posent et, par les réponses que le pape apportera dans sa lettre pastorale, cest « une nouvelle phase de lEglise de Chine » qui souvrira.

Sil est question dunité dans lEglise de Chine, le P. Heyndrickx met en avant le fait que la question la plus urgente à résoudre est celle de la participation des catholiques « officiels » et des catholiques « clandestins » à la même table eucharistique. Le débat est ancien, rappelle le prêtre belge, et, depuis les années 1980, des avis divergents existent sur le fait de savoir si des catholiques chinois peuvent ou non prendre part à une célébration eucharistique présidée par un membre « officiel » du clergé. Des anathèmes ont été échangés au sein des communautés catholiques de Chine et, aujourdhui encore, des prêtres « clandestins » interdisent à leurs fidèles de recevoir les sacrements des mains du clergé « officiel ». Ils justifient leur position en citant la « Directive en huit points » publiée en 1988 par le cardinal Josef Tomko, texte où il est écrit que « la communion sacramentelle » (communicatio in sacris) avec les évêques (ou le clergé) membres de lAssociation patriotique des catholiques chinois doit être évitée (2). Ce texte nayant jamais été contredit par les autorités de lEglise, « relativement peu de catholiques clandestins ont répondu positivement aux appels répétés du pape Jean-Paul II à la réconciliation ». Le P. Heyndrickx fait part du désarroi de Mgr Francis An, qui lui a expliqué avoir accepté de « faire surface » par fidélité aux appels à la réconciliation de Jean-Paul II mais qui se trouve aujourdhui vigoureusement critiqué par une partie de ses prêtres. « Après des décennies de dispute à lintérieur de lEglise de Chine au sujet des célébrations eucharistiques communes, seul le pape a lautorité nécessaire pour apporter une réponse libératoire » aux questions posées par ces divisions, écrit le P. Heyndrickx.

La lettre du pape portera un appel à lunité, mais dans quelle mesure lEglise de Chine est-elle capable dentendre cet appel et dy apporter une réponse positive, sinterroge le P. Heyndrickx. Aujourdhui, chacun attend du pape une confirmation de lattitude quil a choisie. Les « officiels » pour s’être engagés sur la voie de la collaboration avec les autorités et les « clandestins » pour être demeurés fidèles envers et contre tout. Au sein de chacun de ces groupes, « nombreux sont ceux qui sont prêts pour la réconciliation, mais dautres ne le sont pas », écrit le P. Heyndrickx.

Au sein de nombreuses familles et communautés, les blessures du passé sont encore à vif. Les souffrances et les humiliations des années de persécution remontent aujourdhui à la surface et les sites Internet de catholiques de Chine sont pleins de documents et de témoignages à ce sujet. Le P. Heyndrickx cite des « clandestins » qui entendent les appels à la réconciliation, mais qui se sentent proches des ouvriers de la première heure qui ont souffert le feu des persécutions alors que, désormais, lEglise préférerait les ouvriers de la onzième heure (Matthieu 20). La réconciliation est lattitude à laquelle les appelle lEvangile, mais ils ressentent comme une injustice terrible le fait que leurs souffrances pourraient passer aux « poubelles de lhistoire ».

Dans les communautés « officielles », poursuit le P. Heyndrickx, les catholiques peuvent être enclins à percevoir les appels à la réconciliation comme un appel adressé aux « clandestins » pour les rejoindre « au grand jour ». Ils perçoivent les « clandestins » comme le fils prodigue qui retourne vers la maison du père, sans voir que ces mêmes « clandestins » considèrent que ce sont les « officiels » qui sont comme le fil prodigue qui doit faire le pas de revenir vers le père. Pourtant, estime le P. Heyndrickx, ce nest pas la parabole du fils prodigue qui est adaptée à la situation présente. LEglise de Chine est plutôt comparable à la communauté des apôtres après la Résurrection. « Chaque apôtre a réagi à sa manière lorsque Jésus a été arrêté, condamné, puis crucifié. Certains ont sans doute continué à croire dans le secret de leur cœur. Dautres ont douté et n’étaient pas fiers davoir fui. Beaucoup ne disaient rien, réunis au Cénacle, et je suppose que Pierre ne disait rien du tout », écrit le missionnaire belge.

Sachant le Christ ressuscité, les apôtres prient avec Marie au Cénacle, dans lattente de lEsprit-Saint, le souffle qui leur permettra d’être unis et de dépasser leurs faiblesses passées. Les communautés chrétiennes en Chine sont aujourdhui dans le même état desprit ; la lettre pastorale que le pape finit de mettre au point leur rappellera la présence du Christ ressuscité dans leur Eglise, conclut le P. Heyndrickx. « Une nouvelle Pentecôte unira ceux qui sont divisés et guérira ceux qui sont blessés. » Quant aux autorités chinoises, leur responsabilité est grande. Elles ont autant sinon plus dintérêts que les catholiques à voir les divisions perdurer, écrit en substance le P. Heyndrickx, mais il est possible de les prendre au mot, elles qui promeuvent sans cesse « une société harmonieuse ».

Il semble que ces mêmes autorités chinoises attendent avec une certaine nervosité la publication de la lettre du pape. Si Rome insiste sur la dimension pastorale de cette lettre, le gouvernement chinois ne lenvisage pas du même angle. Des informations concordantes indiquent que des ordinations épiscopales qui devaient avoir lieu au début de cette année ont été reportées à une date ultérieure, le gouvernement chinois attendant la publication de cette lettre pour décider de sa réaction.

(1) Voir EDA 447, 453
(2) Voir EDA 56. Le 3 octobre 1988, à l’issue d’un travail de deux années, le cardinal Tomko, préfet de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, a rédigé un document confidentiel destiné à tous les évêques et supérieurs du monde entier. Comportant huit points, ce texte, tout en conseillant d’entretenir avec l’Eglise de Chine des relations de charité fraternelle, précisait que le Saint-Siège ne reconnaissait pas l’Association patriotique. Les directives demandaient clarté et charité dans les relations avec l’Eglise de Chine. Clarté : il ne peut y avoir d’Eglise catholique sans le pape, successeur de saint Pierre. Charité : les personnes adoptant des positions erronées sont souvent victimes de pressions insurmontables et demandent à être comprises. Tout en étant fermes doctrinalement, ces directives tenaient compte pour la première fois d’un groupe intermédiaire de chrétiens fidèles qui acceptent une certaine collaboration avec l’Association patriotique. Elles précisaient ainsi qu’il était autorisé d’envoyer des candidats dans les séminaires « officiels » en l’absence d’autre moyen satisfaisant de les préparer au sacerdoce. Les responsables de l’Association patriotique réagirent à ce texte en signifiant à leurs visiteurs que Rome devait l’annuler. Les « clandestins » y trouvèrent un réconfort moral (voir le Dossier publié en avril 1990 en supplément d’EDA 85).