Archive pour le 2 avril, 2007

commentaire à l’évangile du jour – 3.4.07

2 avril, 2007

du site EAQ:

Saint Léon le Grand (? – vers 461), pape et docteur de l’Église
Sermon 3 sur la Passion, 4-5 ; PL 54, 320-321 (trad. cf Orval et SC 74 bis p. 59)

C’étaient nos souffrances qu’il portait » (Is 53,4)

Le Seigneur s’est revêtu de notre faiblesse pour recouvrir notre inconstance de la fermeté de sa force. Il était venu du ciel en ce monde comme un marchand riche et bienfaisant, et, par un admirable échange avait conclu un marché : prenant ce qui était à nous, il nous accordait ce qui était à lui ; pour ce qui faisait notre honte il donnait l’honneur, pour les douleurs la guérison, pour la mort la vie…

Le saint apôtre Pierre a fait le premier l’expérience de combien cette humilité a été profitable à tous les croyants. Ébranlé par la tempête violente de son trouble, il est revenu à lui par ce brusque changement, et a retrouvé sa force. Il avait trouvé le remède dans l’exemple du Seigneur… Le serviteur en effet « ne pouvait pas être plus grand que son seigneur ni le disciple que son maître » (Mt 10,24), et il n’aurait pas pu vaincre le tremblement de la fragilité humaine si le vainqueur de la mort n’avait d’abord tremblé. Le Seigneur donc a regardé Pierre (Lc 22,61) ; au milieu des calomnies des prêtres, des mensonges des témoins, des injures de ceux qui le frappaient et le bafouaient, il a rencontré son disciple ébranlé avec ces yeux qui avaient vu son trouble d’avance. La Vérité l’a pénétré de son regard là où son coeur avait besoin de guérison. C’était comme si la voix du Seigneur s’y était fait entendre pour lui dire : « Où vas-tu, Pierre ? Pourquoi te retirer en toi-même ? Reviens à moi, fais-moi confiance et suis-moi. Ce temps-ci est celui de ma Passion, l’heure de ton supplice n’est pas encore venue. Pourquoi craindre maintenant ? Toi aussi tu surmonteras. Ne te laisse pas déconcerté par la faiblesse que j’ai prise. C’est à cause de ce que j’ai pris de toi que j’ai tremblé, mais toi, sois sans crainte à cause de ce que tu tiens de moi. »

La Résurrection de Lazare

2 avril, 2007

La Résurrection de Lazare dans Pape Benoit lazare1a

La Résurrection de Lazare
Crète, milieu du XVIe siècle, du site:

http://www.pagesorthodoxes.net/guerison/pardon1.htm

S’opposer à la violence, au mensonge, à la corruption Messe des Rameaux

2 avril, 2007

du site Zenith: 

2007-04-01 Benoît XVI aux jeunes : 

S’opposer à la violence, au mensonge, à la corruption Messe des Rameaux

ROME, Dimanche 1er avril 2007 (ZENIT.org)

Benoît XVI invite les jeunes au courage pour s’opposer à la violence, au mensonge, à la corruption, à ne pas se contenter du conformisme mais à « s’ouvrir à Dieu » qui « frappe à la porte » des coeurs. Le pape s’est adressé aux quelque 50.000 jeunes du monde et de son diocèse venus célébrer à Rome la Journée mondiale de la Jeunesse, en ce dimanche des Rameaux. Après la célébration, le pape a créé la surprise en saluant à nouveau les jeunes depuis la fenêtre de son bureau. Le thème choisi par le pape pour cette journée 2007 était : « Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres ». Benoît XVI a commenté les lectures de la litugie qui prévoit ce dimanche la lecture du récit de la Passion du Christ. Le pape s’est notamment arrêté au verset du psaume qui invite à avoir « le cœur pur et les mains innocentes ». « Des mains innocentes, commentait le pape, ce sont des mains qui ne sont pas utilisées pour des actes de violence. Ce sont des mains qui ne sont pas salies par la corruption, par des pots de vins. Un cœur pur. Quand le coeur est-il pur ? Un cœur est pur lorsqu’il ne fait pas semblant, ne se tache pas de mensonge ou d’hypocrisie. Qui demeure transparent avec l’eau vive, parce qu’il n’est pas double. Un cœur est pur lorsqu’il ne s’égare pas dans l’ivresse du plaisir ; un cœur dont l’amour est vrai et pas seulement la passion d’un moment. Des mains innocentes et un cœur pur : si nous marchons avec Jésus, nous montons et nous trouvons les purifications qui nous conduisent vraiment à cette hauteur à laquelle l’homme est destiné : l’amitié avec Dieu lui-même ». Le recueillement était sensible au début de la célébration, sous le printemps romain, rendu présent par le jardin de Pâques déjà commencé sur le parvis de la basilique. Benoît XVI a guidé la procession de l’obélisque jusqu’au parvis où il a béni les palmes et les rameaux d’olivier. Cette proccession, a fait observer le pape, s’associe à la foule des disciples qui ont accompagné joyeusement le Christ lors de son entrée à Jérusalem, selon le récit évangélique. Come eux, invitait le pape, dans son homélie, « louons le Seigneur d’une voix forte pour tous les prodiges que nous avons vus ». « Oui, insistait le pape, nous avons vu et nous voyons encore les prodiges du Christ : comment il conduit des hommes et des femmes à renoncer au confort de leur vie pour se mettre totalement au service de ceux qui souffrent, comment il donne le courage à des hommes et des femmes de s’opposer à la violence et au mensonge, pour donner un espace à la vérité dans le monde, susciter la réconciliation, là où il y avait la haine, créer la paix là où régnait l’inimitié ». Par la procession des rameaux, rappelait en substance le pape, nous professons la royauté du Christ, c’est-à-dire que nous reconnaissons Jésus comme le « Roi de la paix et de la justice ». « Le reconnaître comme roi signifie, précisait le pape, l’accepter comme celui qui nous indique le chemin, celui auquel nous nous fions et que nous suivons. Cela signifie accepter jour après jour sa Parole comme le critère valide pour notre vie. Cela signifie voir en lui l’autorité à laquelle nous nous soumettons. Nous nous soumettons à Lui parce que son autorité est l’autorité de la vérité ». Mais que signifie concrètement « suivre le Christ » ?, interrogeait Benoît XVI. Il s’agit, répondait-il, d’un « changement intérieur de l’existence » qui demande que « je ne sois plus fermé sur mon moi, en considérant mon auto-réalisation comme la raison principale de ma vie ; que je me donne librement à un Autre – pour la vérité, pour l’amour, pour Dieu qui, en Jésus Christ, me précède et m’indique le chemin ». « Il s’agit, précisait le pape, de la décision fondamentale de ne plus considérer l’utilité et le profit, la carrière et le succès comme le but ultime de ma vie, mais de reconnapître au contraire comme critères authentiques la vérité et l’amour. Il s’agit du choix entre le vivre seulement pour moi-même ou me donner pour la chose la plus grande. Et comprenons bien que la vérité et l’amour ne sont pas des valeurs abstraites. En Jésus Christ, elles sont devenues une personne. En le suivant, j’entre au service de la vérité et de l’amour. En me perdant, je me retrouve ». « Chers jeunes, disait encore le pape en commentant le psaume des montées, combien c’est important aujourd’hui de ne pas se laisser simplement porter ici et là par la vie, de ne pas se contenter de ce que tous pensent, disent et font. Scruter autour de soi, à la recherche de Dieu. Ne pas laisser la question de Dieu se dissoudre dans nos âmes. Le désir de ce qui est le plus grand. Le désir de le connaître lui, son visage ». Benoît XVI rappelait un ancien usage : « Dans l’ancienne liturgie du dimanche des Rameaux, le prêtre, arrivé devant l’église, frappait fortement avec la croix de procession au portail clos qui s’ouvrait alors… une belle image du mystère de Jésus Christ qui, du bois de sa croix, avec la force que son amour nous donne, a frappé, étant du côté du monde, à la porte de Dieu. Du côté du monde, qui ne réussissait pas à accéder à Dieu ». « Par sa croix, insistait le pape, Jésus a ouvert tout grand la porte de Dieu, la porte entre Dieu et les hommes. Elle est maintenant ouverte. Mais de l’autre côté aussi le Seigneur frappe de sa croix : il frappe aux portes du monde, aux portes de nos cœurs, qui si souvent sont fermées à Dieu. Il nous parle plus ou moins ainsi : si les preuves que Dieu te donne de son existence dans la création ne réussissent pas à t’ouvrir à lui, si la Parole de Dieu et le message de l’Eglise te laissent indifférent, alors, regarde-moi, Dieu qui pour toi s’est fait souffrant, qui souffre personnellement avec toi : vois que je souffre par amour pour toi, et ouvre-toi à moi et au Père ». « Que le Seigneur, concluait le pape, nous aide à ouvrir la porte de notre cœur afin que Lui, le Dieu vivant, puisse en son Fils arriver jusqu’à notre temps, rejoindre notre vie ». Au terme de la célébration, le pape a salué les pèlerins présents en différentes langues, spécialement les jeunes, sous les applaudissements. Il recommandait spécialement « d’apprendre » de Marie, en cette grande semaine sainte, le « silence intérieur, le regard du cœur, la foi amoureuse, pour suivre Jésus sur le chemin de la croix, qui conduit à la lumière joyeuse de la résurrection ».

S’opposer à la violence, au mensonge, à la corruption Messe des Rameaux  dans Pape Benoit

Pope Benedict XVI, top right, walks with Italian Cardinal Camillo Ruini, left, and another unidentified cardinal, as he arrives for an open-air Palm Sunday Mass in St. Peter’s Square at the Vatican, Sunday, April 1, 2007. Palm Sunday commemorates Jesus Christ’s triumphant entry into Jerusalem, and is the start of the church’s Holy Week. Benedict XVI opened the Roman Catholic Church’s most solemn week by urging young people during his Palm Sunday Mass to live pure, innocent lives. (AP Photo/Alessandra Tarantino)

En mémoire de Jean-Paul II

2 avril, 2007

du site: 

http://www.catho-theo.net/En-memoire-de-Jean-Paul-II

En mémoire de Jean-Paul II

Philippe Capelle
Doyen de la Facult
é de Philosophie (Institut Catholique de Paris)
Site web :
Page sur le site de l’Institut Catholique de Paris

Homélie prononcée lors de la messe célébrée en l’église Saint Joseph des Carmes le 8 avril 2005

Voici exactement 25 ans – à quelques semaines près -, soit le 1er juin 1980, le jeune Pape Jean-Paul II traversait cette église, sy agenouillait pour prier puis entrait par la sacristie où quelques séminaristes des Carmes dont j’étais, avaient été délégués pour le saluer. Il était Pape depuis à peine deux ans mais déjà, nous avions la conscience claire de saluer en chair et en os, une figure de lhistoire. Pendant ces mêmes jours, il allait prononcer à lUnesco, lun des plus grands discours de lAprès-guerre dans lequel sannonçait leffritement, aussi considérable quil fut pacifique, de lautre grand totalitarisme du 20 siècle.

Depuis une semaine, les commentaires produits dans les chancelleries, dans les ambassades, dans les églises, dans les médias et du monde entier ne sont pas avares de superlatifs, de bon ou de mauvais goût, tantôt militants tantôt compassés, parfois les deux. Ils essaient à vrai dire de se hisser à la hauteur de l’émotion profonde et planétaire suscitée par un événement dont lampleur dépasse la factualité de la mort naturelle annoncée dune figure internationale. Cest que pour la première fois dans lhistoire du christianisme, l’évêque de Rome, garant de la communion dans la foi, de l’Église historique et en charge de lapostolat universel, a pu rencontrer pendant deux décennies et demi, la quasi-totalité des acteurs géographiques, sociologiques, politiques, culturels, et ecclésiaux qui font, dans la pleine lumière ou dans lombre, la marche du siècle.Mais se d

évoile un peu plus chaque jour combien cette marche est en dette à l’égard de son rythme à lui, de sa détermination propre et de sa patience jamais en fuite. Le fait que lon puisse enregistrer en ce moment même à Rome le chiffre inédit de quatre millions de fidèles des cinq continents aux obsèques dun Pape, ne sexplique pas seulement par la facilitation accrue des déplacements à grande vitesse ; il exprime, dans un juste retour des choses et en tout premier lieu ce que fut la rencontre de foi entre la puissance spirituelle de lEglise post-conciliaire et ce qui dans le monde, souvre, à des degrés différents et à des titres divers, au visage de Celui que en dépit de tout, cette Eglise, notre Eglise rend sacramentellement présent. Que certains y voient le « Pape des Juifs » ou le « Pape des jeunes », dautres « le Pape des musulmans » ou « le Pape du Tiers-monde », le propos mérite respect à proportion des espoirs qu’à travers sa personne et, assurément en vertu de son charisme propre, le mystère de lEglise aura fait jaillir auprès des diversités ainsi visitées et valorisées. Si en effet « Dieu ne fait pas de différence entre les hommes », comme le rappelle le texte de Actes 10, lEglise reste ici sa toute première obligée si tant est quelle se souvienne combien elle-même ne sest jamais constituée ailleurs que dans luniversalité messianique de son unique maître. Aussi, que lon nous demande didentifier dans le Babel des messages, le point dunité dune œuvre et dune action aussi immenses que celle de Jean-Paul II, den indiquer le nœud, nous ne serons pas vraiment démunis car nous avons entendu la parole qui avant nous le désigne et parce que nous avons, par grâce, compétence pour en porter témoignage. Ce point dunité appartient dabord au dialogue de vérité structuré par la question insistante de Jésus et la réponse, finalement habitée, de Pierre : « Maimes-tu ? Maimes-tu ? Maimes-tu ? » (Jean 21, 16-17). Avec tous les appuis de lenquête exégétique, on sera fondé à lire dans la réponse ecclésiale du tout dernier successeur de Pierre, le contrepoids du péché de trahison qui nous a fait entendre le coq chanter à chaque siècle de notre histoire. En écho : « Mais tu sais bien que je taime » : Jean-Paul II et nous avec lui, avons pu ainsi aller jusqu’à former un jour la réponse de la troisième fois, qui ne laisse devant elle que le silence de la décision.

En quoi, il ne faisait lui, que son travail de Pape. Lorsque sur les chantiers navals de Gdansk en 1979, lancien ouvrier dusine réitère son fameux : « Nayez pas peur », parole de Pape, tout à coup la formule cynique de Staline demandant : « Le Vatican : combien de divisions ? », ne devient pas seulement ridicule, elle exprime, dans une symbolique infernale, nos infirmités cruelles à l’égard des directions que prend lHistoire. Nul ne saura dès lors refuser le débat sur lefficience des forces de lesprit, sur l’énergie du pacifié qui brise les murs à Berlin et en même temps promeut à Assise le droit universel à la reconnaissance de la différence religieuse. Cest sans doute dans cet esprit quil faut entendre le mot que le cardinal Wychinski chuchota à Jean-Paul II au lendemain de son élection : « Tu es là aussi parce que tu as cru. »

Ce premier point dunité spirituelle fut corrélé dans la personne de Jean-Paul II à celui qui concerne sa présence intellectuelle. Sa formation, sa carrière denseignement, le labeur intellectuel acharné, philosophique, théologique et littéraire de lancien professeur de lUniversité de Lublin, toutes choses qui nous le rendent si proches ici, lInstitut Catholique de Paris, ne sont pas dissociables de sa capacité danalyse des situations, de sa clairvoyance quant aux chemins à emprunter, plus encore de sa détermination à l’écoute et au respect. Sans doute continuera-t-on, en certains lieux, à mettre en délibéré certaines de ses positions prises dans les domaines politique, moral, voire métaphysique ; mais il sera impossible de contester lirrigation incessante dans sa pensée, des exigences du rationnel et du sapientiel tout ensemble.

Jai pour ma part éprouvé intensément cette évidence première, lorsquen janvier 2002, au titre de la Conférence internationale des Facultés catholiques de Philosophie, jeus le privilège de mentretenir avec lui seul dans son bureau pendant une demi-heure. Alors que nous évoquions un instant la mise en cause, dans certaines contrées du monde, en Orient mais aussi dans certaines sphères dOccident, du sens accordé à la relation fondatrice entre la philosophie et la théologie, entre le réflexif universel et le discours de la foi, il me lança comme l’éclair et avec laccent quon lui connaît, cette phrase abrupte : « Sans la philosophie, où que ce soit, il ny a plus de dialogue avec la culture ». Ce que jai retenu, ce nest pas seulement que je devais continuer mon travail, cest dabord que, dans la droite ligne de Fides et ratio, il plaçait ainsi en équation une donnée épistémologique et un impératif pastoral.Notre communauté universitaire ne pouvait donc manquer dans leucharistie, le rendez-vous mondial que lEsprit suscite aujourdhui par de-là la mort dun seul, au travers des tensions et des conflits persistants. Mais de ce rendez-vous auquel nous participons, nous sommes tous comptables : le temps de l’émotion fait signe assurément. Mais ce signe porte pour nous un nom précis : celui de la Croix, celui du crucifié-ressucité qui nous convoque sur le chemin de la transformation de nos corps en corps glorieux (Phil. 3,21) En effet, Jésus répondit à Pierre à propos de Jean : « Si je veux quil reste jusqu’à ce que je vienne, est-ce ton affaire ? Mais toi suis-moi » (Jean, 21,22).

Cuba, ou comment l’Eglise cultive le germe de la liberté

2 avril, 2007

du site: 

http://chiesa.espresso.repubblica.it/dettaglio.jsp?id=130423&fr=y

Cuba, ou comment l’Eglise cultive le germe de la liberté


Interview de Dagoberto Valdés Hernández, fondateur et directeur du think-tank catholique libéral le plus influent de l’île: « A Cuba, l’Eglise est la seule institution où il reste encore une trace de cette société civile qui a été anéantie partout ailleurs »

par Sandro Magister

ROMA, le 2 avril 2007 – Depuis que Fidel Castro a formellement abandonné le pouvoir, à la fin du mois de juin 2006, la grande attente a commencé pour Cuba et pour l’Eglise catholique cubaine. Le résultat final est plus que jamais incertain. Mais la perspective vers laquelle les catholiques cubains se dirigent résolument se définit en un mot: liberté.

Dagoberto Valdés Hernández est l’un des témoins les plus influents de ce cheminement de Cuba et de l’Eglise cubaine vers la liberté. Agé de 52 ans, père de trois enfants, cet ingénieur agricole fonde le Centro de Formación Cívica y Religiosa du diocèse de Pinar del Rio en 1993 et la revue « Vitral » en 1994.

Valdés était un enfant lorsque Castro a conquis le pouvoir à Cuba, en 1959. Il a vécu les quelques mois de lune de miel entre l’Eglise et le nouveau régime, mais surtout la longue période de liberté bafouée, de violence institutionnalisée, de persécution. A l’université, parce qu’il est catholique, on lui interdit l’accès à la faculté des sciences humaines. Il se spécialise alors en agronomie. Mais son modèle idéal est Félix Varela, prêtre, philosophe et homme politique, père de l’indépendance cubaine et chantre d’un libéralisme catholique semblable par de nombreux aspects à celui d’autres penseurs de l’époque tels que Antonio Rosmini et Alexis de Tocqueville. Il travaille pour l’Empresa del Tabaco, mais, à la moitié des années 90, le régime le punit pour l’activité de formation civique qu’il a entre-temps commencé à exercer dans le diocèse de Pinar del Rio. Il doit récolter les yaguas, écorces fibreuses qui se détachent des palmiers et qui servent à emballer le tabac. Mais Valdés ne cède pas; au contraire, il intensifie son activité de formation. La revue « Vitral », du nom des vitraux multicolores qui ornent de nombreuses maisons à Cuba, se fait la voix d’un petit mais influent think-tank catholique libéral, rempart des idées démocratiques et de la vision humaniste et chrétienne de l’homme sous le régime communiste de Cuba. Grâce au voyage de Jean-Paul II sur l’île, en 1998, le Vatican le découvre et apprécie son activité. L’année suivante, il est nommé membre du conseil pontifical Justice et Paix.

L’interview qui suit est l’une des rares que Dagoberto Valdés Hernández ait accordées à un journal étranger. C’est aussi la première où il aborde frontalement la question de la transition de Cuba vers la démocratie, avec une attention particulière sur le rôle de l’Eglise catholique cubaine.

Le journal en question est « Mondo e Missione », le mensuel de l’Institut Pontifical pour les Missions Étrangères, imprimé à Milan, qui publiera l’interview dans son numéro d’avril. Elle a été réalisée par Alessandro Armato. Pour en lire le texte intégral, plus long que celui qui est retranscrit ci-dessous et riche d’autres éléments intéressants, se rendre sur la version espagnole de cette page.

« La Cuba dont je rêve »

Interview de Dagoberto Valdés Hernández

Q. – Quelle est l’ambiance à Cuba?

R. – C’est l’incertitude qui domine, avec un sentiment d’attente. L’incertitude est surtout due au manque d’information sur tout ce qui se passe et au fait que l’avenir n’est pas entre les mains du peuple souverain, mais entre celles des plus hautes sphères du pouvoir politique. A l’incertitude s’ajoutent les conséquences d’un dommage anthropologique concernant la majorité des Cubains provoqué par l’idéologie « de la dépendance » et par le contrôle totalitaire qui empêche la liberté et la responsabilité de se développer.

Q. – Dans vos éditoriaux, vous insistez sur la nécessité de développer une « maturité civique » pour sortir le pays de « l’adolescence sociopolitique ». Quelle est, selon vous, la meilleure façon d’y arriver?

R. – Je vois deux pistes: l’éducation et les petits espaces de participation. Il existe en effet un incroyable analphabétisme civique et politique, fruit de l’extrémisme idéologique et du blocage systématique des informations autres que celles du gouvernement. Mais cette situation ne peut être dépassée qu’en brisant l’isolement intérieur, qui est pire que l’embargo extérieur. Il faut plus d’information, plus d’ouverture, plus de changement. Un processus systématique et profond d’éducation éthique, civique et politique est nécessaire. Mais je ne pense pas que cela suffirait…

Q. – Que voulez-vous dire?

R. – Nous ne devons pas nous contenter de la théorie: il est nécessaire de créer de petits espaces de participation et de débat, de s’entraîner à la démocratie. La théorie n’a pas été expérimentée pendant un demi-siècle:elle pourra difficilement être mise en pratique si nous n’avons pas d’abord essayé de l’appliquer dans de petits espaces. C’est ce que cherchent de faire l’Eglise catholique, les bibliothèques indépendantes, les Damas de Blanco, les journalistes non-alignés, les Eglises évangéliques… C’est ce que nous efforçons de faire depuis 14 ans avec notre Centro de Formación Cívica y Religiosa du diocèse de Pinar del Río et avec la revue « Vitral ».

Q. – Il semble impossible d’arrêter le cheminement de Cuba vers la liberté, bien que les résistances ne manquent pas…

R. – Il y a et il y aura toujours des résistances au changement. C’est humain. Les obstacles ne viennent pas seulement de ceux qui détiennent le pouvoir aujourd’hui, mais aussi des citoyens eux-mêmes. Cependant la situation actuelle pèse plus lourd que la résistance naturelle au changement. Il semble que la balance penche en faveur d’une série de transformations pacifiques et progressives, qui nous amèneront à ne plus être un fossile politique du passé mais un pays normal, intégré comme les autres dans la communauté internationale. Un pays dont les fils ne devront plus fuir leur terre s’ils veulent progresser et vivre en liberté. Cependant, je ne sais pas comment ces changements – absolument nécessaires et inéluctables – se produiront.

Q. – Quels scénarios prévoyez-vous?

R. – Le premier serait une succession au sein du système lui-même qui ouvrirait graduellement la voie aux réformes économiques et sociales; cela normaliserait les relations politiques internationales et ouvrirait la voie à des réformes politiques internes. Un autre scénario possible serait la combinaison entre une succession rapide et une transition lente et durable, confiée à une génération plus jeune et plus ouverte d’esprit. Dans le scénario le plus pessimiste, aucune des deux alternatives précédentes ne se réaliserait et le contrôle totalitaire, la répression des dissidents et l’isolement international se renforceraient. Ces derniers éléments conduiraient à une « coréedunordisation » de Cuba, créant davantage de souffrance et de pauvreté et augmentant l’exode massif, au risque d’ouvrir la porte à la violence.

Q. – Selon vous, quels sont les principaux risques que Cuba devra affronter à l’avenir?

R. – Si l’enfermement et l’isolement se durcissent, nous allons droit vers la violence, l’explosion sociale incontrôlable et le chaos politique. C’est inévitable. Personne ne le souhaite, mais malheureusement peu de personnes s’engagent sérieusement pour éviter ce résultat. En revanche, si Cuba s’ouvre et se démocratise, nous devrons affronter les risques intrinsèques à une liberté détachée des responsabilités: corruption, relativisme moral, libertinage médiatique, chômage et peut-être la naissance de nouvelles mafias. C’est à nous d’agir pour éviter que cela ne se produise. Nous devons dès maintenant étendre les services ecclésiaux et sociaux de formation éthique, les services d’éducation civique et politique et promouvoir une culture de la responsabilité dans la liberté.

Q. – Craignez-vous « l’impérialisme » américain?

R. – De l’extérieur pourraient venir des influences négatives et même des aspirations hégémoniques; mais nous autres, Cubains, nous avons assez d’expérience dans ce domaine pour nous en tirer. Mais de l’extérieur pourrait aussi venir – si nous savons la canaliser convenablement – une aide positive et constructive: celle des quelque deux millions de Cubains exilés ou émigrés. Une aide précieuse, sous forme de connaissances, d’expérience, d’investissements, de regroupements familiaux, de renforcement de notre propre culture. Le pire scénario imaginable, c’est celui d’une ouverture qui serait une xénophilie cynique, une subordination irréfléchie à tout ce qui vient de l’extérieur, à des modèles hédonistes et contraires à la vie, sans discernement ni conscience critique.

Q. – On parle aussi d’une annexion potentielle de Cuba par le Venezuela. Qu’en pensez-vous?

R. – C’est une fanfaronnade, une illusion inapplicable, qui blesserait l’immense majorité des Cubains et des Vénézuéliens. En revanche, une intégration régionale respectueuse, là c’est une autre chose.

Q. – Pensez-vous que le communisme, au lieu de mourir, puisse perdurer sous la forme du « socialisme du XXIe siècle » dont Hugo Chávez se dit le prophète?

R. – Le communisme, tel que l’a connu l’humanité, a échoué et n’existe plus sous la forme qu’il avait autrefois. Ce qu’il en reste dans certains pays est seulement une ombre de ce triste passé. Il a été une erreur et je ne pense pas que l’humanité soit prête à en payer le prix une nouvelle fois.

Q. – Dans ce contexte difficile, avez-vous l’impression que le comportement des Cubains de la Diaspora soit constructif?

R. – La grande majorité des Cubains exilés reconnaît que les habitants de l’île sont prioritaires et elle met son potentiel à notre disposition, en termes de formation et de financement. Un groupe d’entrepreneurs d’inspiration chrétienne existe déjà, qui est en train de créer un fonds commun d’investissement destiné uniquement aux micro-entreprises et aux micro-crédits, deux éléments qui devraient selon moi constituer le fondement du nouveau modèle économique pour Cuba. Cependant, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’île, restent encore de petites minorités disposant de beaucoup de pouvoir et d’influence sur les moyens de communication. Elles donnent l’impression qu’elle représentent la totalité des personnes, alors que ça n’est pas le cas. Si ces minorités – une relique du passé – persistent à émettre des revendications anachroniques, les unes pour des propriétés irrécupérables, les autres par pur attachement au pouvoir, elles seront un sérieux obstacle à la réalisation de ces changements graduels, pacifistes et justes dont Cuba a besoin.

Q. – Opposants politiques, dissidents, représentants de la société civile: le panorama des Cubains qui encouragent l’ouverture démocratique est très varié, mais les profils des différents groupes ne sont pas toujours très clairs…

R. – Il y a aujourd’hui à Cuba des opposants politiques, des dissidents politiques, et des groupes de société civile en devenir. Mais il existe aussi un fort analphabétisme civique et politique qui empêche les acteurs sociaux de se distinguer clairement. En outre, nous avons un gouvernement qui cherche à mélanger les uns avec les autres afin de tous les mettre sur le même plan, sous l’étiquette commune de « contre-révolutionnaires » et de « mercenaires » au service des Etats-Unis. Tout cela nuit gravement à l’avenir de Cuba. La nation doit apprendre à distinguer et reconnaître, respecter et promouvoir les différents acteurs sociaux. La société civile doit savoir quel est son rôle et quelle est sa marge d’autonomie par rapport à l’Etat et aux partis politiques d’opposition. Un travail d’éducation patient est nécessaire pour que les partis d’opposition sachent respecter les autres membres de la société civile et dialoguer avec eux, sans les confondre avec leurs objectifs. Il est également nécessaire pour que l’Etat lui-même apprenne à distinguer les uns des autres et à dialoguer avec eux.

Q. – « Vitral » est-elle une revue dissidente ou d’opposition?

R. – « Vitral » est une revue catholique, expression du Centro de Formación Cívica y Religiosa du diocèse de Pinard el Rio. C’est une revue de l’Eglise, même si son profil est socioculturel et non confessionnel. Elle est ouverte à tous les hommes de bonne volonté et le comité de rédaction s’assure que tout ce qui y est publié reste dans un cadre ethico-humaniste large et pluraliste. Cela nous identifie et nous place dans la société civile et non dans l’opposition politique. Personnellement, je me considère comme un animateur civique du point de vue sociologique et comme un évangélisateur de la société civile en tant que chrétien.

Q. – Est-ce une revue influente?

R. – Parce que je crois à l’Evangile, je suis convaincu qu’un petit grain de sel peut être efficace, qu’un minuscule grain de sénevé peut germer et qu’une petite lumière dans l’obscurité peut orienter les autres ? « Vitral » veut être ce ferment dans l’immensité de la masse.

Q. – Est-ce qu’elle circule librement?

R. – « Vitral » circule comme elle peut, de la main à la main: on ne peut pas la vendre dans la rue, on ne peut pas l’apporter à l’école, mais c’est justement le réseau informel de l’Eglise et le reste de la société civile qui la font parvenir jusqu’aux 10 000 abonnés que nous comptons à Cuba, à quelques communautés de la diaspora, à certaines universités américaines, mexicaines et espagnoles et à un réseau d’amis dans le monde.

Q. – Quel rôle joue l’église cubaine dans cette délicate phase de transition vers un pays « juste, libre et solidaire » comme l’a dit le cardinal Jaime Ortega Alamino?

R. – L’Eglise est la seule institution à Cuba qui, au cours du dernier demi-siècle, ait conservé son autonomie et son indépendance envers l’état. Dans l’Eglise il y a encore la trace de cette société civile qui, partout ailleurs, a été désarticulée avec persévérance par le socialisme réel. Dans les dernières années, l’institution ecclésiale a joué un rôle fondamental dans l’accompagnement et la reconstruction de la société civile, en offrant une éducation éthique, une formation civique, un entraînement à la participation et à la responsabilité communautaire, une éducation à la liberté, à la justice et à la paix. De plus, l’Eglise a allégé le désespoir de très nombreux Cubains et leur a fourni des raisons pour rester dans le pays.

Q. – Comment voyez-vous, aujourd’hui, les relations entre l’Eglise et le pouvoir politique?

R. – L’Eglise a conservé son identité, sa mission et ses espaces, même si son insertion dans la société a été limitée par un état qui prétendait contrôler tout et tout le monde. L’Eglise a réussi à semer l’Evangile au milieu des plus incroyables difficultés. Beaucoup de prêtres, de religieux et de laïcs ont travaillé pendant des années comme des témoins fidèles, y compris en prenant des risques pour leur sécurité et celle de leur famille. Tout cela est un grand don de Dieu!

Q. – Un demi-siècle sous un régime communiste. Est-ce que l’Eglise a appris quelque chose de spécial pendant cette période, qui puisse servir d’enseignement à d’autres?

R. – Je crois que oui. Nous avons appris à croire en la force de ce qui est petit, en l’efficacité de la graine, de la puissance du levain dans la masse. Nous avons appris à être humbles, à vivre les pieds dans l’humus, en partageant le sort de ceux qui subissent l’injustice. Nous avons appris que l’Eglise grandit et se purifie au milieu des épreuves et que c’est un temps de gloire crucifiée et ressuscitée pour nous disciples du Christ que nous vivons à Cuba.

Q. – Dans le pays, il y a beaucoup de missionnaires…

R° – La présence de tant de missionnaires catholiques – je ne les appellerais pas étrangers parce que dans l’Eglise personne n’est un étranger – est une grâce et un don de Dieu pour ce peuple qui souffre et qui espère. Il y a des missionnaires italiens, espagnols, allemands, colombiens, mexicains et de tant d’autres nationalités. Ils arrivent avec beaucoup de générosité et de curiosité, cherchent à s’inculturer et à s’occuper dans les villages où ils sont envoyés. Les gens les reçoivent à bras ouverts. Ils nous offrent ce que nous n’avons pas connu à cause de la fermeture de l’île mais, à leur tour, ils reçoivent beaucoup de la population, qui est constamment occupée à chercher des alternatives pour survivre sans perdre espoir. Ils annoncent l’Evangile et dénoncent, quand c’est possible, ce qui offense la dignité et les droits de l’homme.

Q. – Quelles difficultés rencontrent les missionnaires s’ils élèvent la voix?

R. – Très souvent ils doivent se taire parce qu’ils risquent la suppression de leur permis de séjour et une expulsion silencieuse et humiliante. Certains missionnaires, hommes ou femmes, se demandent ce que signifie la perte d’un permis de séjour par rapport à celle de la vie, comme cela arrive ailleurs; d’autres estiment qu’il vaut mieux rester ici pour servir en silence. D’autres, enfin, se demandent si le silence est une complicité avec l’injustice. Mais personne ne reste indifférent à la situation actuelle de cette belle île, qui souffre et qui est hospitalière, et à son peuple pacifique et joyeux, qui continue à espérer depuis cinquante la visite du Seigneur Jésus pour réaliser – par ses propres moyens – la libération intérieure, la démocratisation politique et le développement humain intégral. C’est ce qu’a demandé, en janvier 1998, Jean-Paul II sur la Plaza de la Revolucion José Marti, à La Havane: « Vous êtes et vous devez être – a-t-il déclaré – les acteurs de votre histoire personnelle et nationale ». Nous l’espérons. Et nous essayons d’y parvenir.

2 avril, 2007

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commentaire à l’évangile du jour – 2.4.07

2 avril, 2007

du site EAQ:

Saint Bernard (1091-1153), moine cistercien et docteur de l’Église
Sermon 12 sur le Cantique des Cantiques (trad. B
é
guin, Seuil 1953, p. 165 rev.)
 

Répandre le parfum de la compassion sur les pieds du Christ

Je vous ai déjà parlé de deux parfums spirituels : celui de la contrition, qui s’étend à tous les péchés - il est symbolisé par le parfum que la pécheresse a répandu sur les pieds du Seigneur : « toute la maison fut remplie de cette odeur » ; il y a aussi celui de la dévotion qui renferme tous les bienfaits de Dieu… Mais il y a un parfum qui l’emporte de loin sur ces deux-là ; je l’appellerai le parfum de la compassion. Il se compose, en effet, des tourments de la pauvreté, des angoisses où vivent les opprimés, des inquiétudes de la tristesse, des fautes des pécheurs, bref de toute la peine des hommes, même nos ennemis. Ces ingrédients semblent indignes, et pourtant le parfum où ils entrent est supérieur à tous les autres. C’est un baume qui guérit : « Heureux les miséricordieux, ils obtiendront miséricorde » (Mt 5,7).

Ainsi, un grand nombre de misères réunies sous un regard compatissant sont les essences précieuses… Heureuse l’âme qui a pris soin de faire provision de ces aromates, d’y répandre l’huile de la compassion et de les faire cuire au feu de la charité ! Qui est, à votre avis, « cet homme heureux qui a pitié d’autrui et qui prête son bien » (Ps 111,5), enclin à la compassion, prompt à secourir son prochain, plus content de donner que de recevoir ? Cet homme qui pardonne aisément, résiste à la colère, ne consent pas à la vengeance, et en toutes choses regarde comme siennes les misères des autres ? Quelle que soit cette âme imprégnée de la rosée de la compassion, au coeur débordant de pitié, qui se fait toute à tous, qui n’est pour elle-même qu’un vase fêlé où rien n’est jalousement gardé, cette âme si bien morte à elle-même qu’elle vit uniquement pour autrui, elle a le bonheur de posséder ce troisième parfum qui est le meilleur. Ses mains distillent un baume infiniment précieux (cf Ct 5,5), qui ne tarira pas dans l’adversité et que les feux de la persécution narriveront pas à dessécher. Car Dieu se souviendra toujours de ses sacrifices.