Archive pour le 24 mars, 2007

Lettre a Diogneto – Les chrétiens dans le monde

24 mars, 2007

du site:

http://www.vatican.va/spirit/documents/spirit_20010522_diogneto_fr.html 

De la Lettre à Diognète, nn. 5-6 (Funk, 1, 317-321)

(père apostolique – IIme siècle)

Les chrétiens dans le monde  « 

Les chrétiens ne se distinguent des autres hommes ni par le pays, ni par le langage, ni par les coutumes. Car ils n’habitent pas de villes qui leur soient propres, ils n’emploient pas quelque dialecte extraordinaire, leur genre de vie n’a rien de singulier. Leur doctrine n’a pas été découverte par l’imagination ou par les rêveries d’esprits inquiets; ils ne se font pas, comme tant d’autres, les champions d’une doctrine d’origine humaine.  Ils habitent les cités grecques et les cités barbares suivant le destin de chacun ; ils se conforment aux usages locaux pour les vêtements, la nourriture et le reste de l’existence, tout en manifestant les lois extraordinaires et vraiment paradoxales de leur manière de vivre. Ils résident chacun dans sa propre patrie, mais comme des étrangers domiciliés. Ils s’acquittent de tous leurs devoirs de citoyens, et supportent toutes les charges comme des étrangers. Toute terre étrangère leur est une patrie, et toute patrie leur est une terre étrangère. Ils se marient comme tout le monde, ils ont des enfants, mais ils n’abandonnent pas leurs nouveau-nés. Ils prennent place à une table commune, mais qui n’est pas une table ordinaire.  Ils sont dans la chair, mais ils ne vivent pas selon la chair. Ils passent leur vie sur la terre, mais ils sont citoyens du ciel. Ils obéissent aux lois établies, et leur manière de vivre est plus parfaite que les lois. Ils aiment tout le monde, et tout le monde les persécute. On ne les connaît pas, mais on les condamne ; on les tue et c’est ainsi qu’ils trouvent la vie. Ils sont pauvres et font beaucoup de riches. Ils manquent de tout et ils tout en abondance. On les méprise et, dans ce mépris, ils trouvent leur gloire. On les calomnie, et ils y trouvent leur justification. On les insulte, et ils bénissent. On les outrage, et ils honorent. Alors qu’ils font le bien, on les punit comme des malfaiteurs. Tandis qu’on les châtie, ils se réjouissent comme s’ils naissaient à la vie. Les Juifs leur font la guerre comme à des étrangers, et les Grecs les persécutent ; ceux qui les détestent ne peuvent pas dire la cause de leur hostilité. En un mot, ce que l’âme est dans le corps, les chrétiens le sont dans le monde. L’âme est répandue dans membres du corps comme les chrétiens dans les cités du monde. L’âme habite dans le corps, et pourtant elle n’appartient pas au corps, comme les chrétiens habitent dans le monde, mais n’appartiennent pas au monde. L’âme invisible est retenue prisonnière dans le corps visible; ainsi les chrétiens : on les voit vivre dans le monde, mais le culte qu’ils rendent à Dieu demeure invisible. La chair déteste l’âme et lui fait la guerre, sans que celle-ci lui ai fait de tort, mais parce qu’elle l’empêche de jouir des plaisirs ; de même que le monde déteste les chrétiens, sans que ceux-ci lui aient fait de tort, mais parce qu’ils s’opposent à ses plaisirs.  L’âme aime cette chair qui la déteste, ainsi que ses membres, comme les chrétiens aiment ceux qui les déteste. L’âme est enfermée dans le corps, mais c’est elle qui maintient le corps; et les chrétiens sont comme détenus dans la prison du monde, mais c’est eux qui maintiennent le monde. L’âme immortelle campe dans une tente mortelle: ainsi les chrétiens campent-ils dans le monde corruptible, en attendant l’incorruptibilité du ciel. L’âme devient meilleure en se mortifiant par la faim et la soif; et les chrétiens, persécutés, se multiplient de jour en jour. Le poste que Dieu leur a fixé est si beau qu’il ne leur est pas permis de le déserter. » 

De la Lettre à Diognète, nn. 5-6 (Funk, 1, 317-321)  Prière Dieu qui aime l’innocence et la fais recouvrer, oriente vers toi le cœur de tes fidèles: tu les as libérés des ténèbres de l’incroyance, fais qu’ils n’abandonnent jamais la lumière de ta vérité. Par Jésus, le Christ, notre Seigneur. Amen  

Père Cantalamessa – commentaire a l’evangile du dimanche

24 mars, 2007

Du site Zenith

 2007-03-23  P. Cantalamessa : « Jésus est venu ramener le mariage à sa beauté originelle »  Commentaire de l’Evangile du dimanche 25 mars 

ROME, Vendredi 23 mars 2007 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le commentaire de l’Evangile de ce dimanche proposé par le père Raniero Cantalamessa OFM Cap, prédicateur de la Maison pontificale .Evangile de Jésus Christ selon saint Jean 8, 1-11

Jésus s’était rendu au mont des Oliviers ; de bon matin, il retourna au Temple. Comme tout le peuple venait à lui, il s’assit et se mit à enseigner. Les scribes et les pharisiens lui amènent une femme qu’on avait surprise en train de commettre l’adultère. Ils la font avancer, et disent à Jésus : « Maître, cette femme a été prise en flagrant délit d’adultère. Or, dans la Loi, Moïse nous a ordonné de lapider ces femmes-là. Et toi, qu’en dis-tu ? » Ils parlaient ainsi pour le mettre à l’épreuve, afin de pouvoir l’accuser. Mais Jésus s’était baissé et, du doigt, il traçait des traits sur le sol. Comme on persistait à l’interroger, il se redressa et leur dit : « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter la pierre. » Et il se baissa de nouveau pour tracer des traits sur le sol. Quant à eux, sur cette réponse, ils s’en allaient l’un après l’autre, en commençant par les plus âgés. Jésus resta seul avec la femme en face de lui. Il se redressa et lui demanda : « Femme, où sont-il donc ? Alors, personne ne t’a condamnée ? » Elle répondit : « Personne, Seigneur. » Et Jésus lui dit : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus. »©

AELF Jésus, la femme et la familleL’Evangile du cinquième dimanche de Carême est l’épisode de la femme surprise en flagrant délit d’adultère que Jésus sauve de la lapidation. Jésus n’entend pas dire par là que l’adultère n’est pas un péché ou qu’il ne s’agit pas de quelque chose de grave. Les paroles qu’il adresse à la femme, à la fin, sont une condamnation explicite de l’adultère, même si extrêmement délicate : « Ne pèche plus ». Jésus n’entend donc pas approuver ce qu’a fait la femme ; il entend plutôt condamner le comportement de ceux qui sont toujours prêts à dévoiler et dénoncer le péché des autres. Nous l’avons vu la semaine dernière, en analysant l’attitude de Jésus envers les pécheurs en général. A présent, comme de coutume, en partant de cet épisode, élargissons notre horizon en examinant l’attitude de Jésus envers le mariage et la famille dans l’ensemble de l’Evangile. Parmi les nombreuses thèses étranges avancées sur Jésus ces dernières années figure également la thèse d’un Jésus qui aurait répudié la famille naturelle et tous les liens familiaux, au nom de l’appartenance à une communauté différente, dont le père est Dieu et les disciples sont tous frères et sœurs. Jésus aurait proposé aux siens une vie errante comme le faisaient à cette époque, en dehors d’Israël, les philosophes ciniques.Il existe effectivement dans les Evangiles des paroles du Christ sur les liens familiaux qui, à première vue, semblent déconcertantes. Jésus dit : « Si quelqu’un vient à moi sans haïr son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs, et jusqu’à sa propre vie, il ne peut être mon disciple » (Lc 14, 26). Des paroles dures, certes, mais l’évangéliste Matthieu s’empresse d’expliquer le sens de la parole « haïr » dans ce contexte : « Qui aime son père ou sa mère… son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi » (Mt 10, 37). Jésus ne demande donc pas de haïr les parents ou les enfants, mais de ne pas les aimer au point de renoncer à cause d’eux à le suivre. Il existe un autre épisode déconcertant. Un jour Jésus dit à quelqu’un : « ‘Suis-moi’. Celui-ci dit : ‘Permets-moi de m’en aller d’abord enterrer mon père’. Mais Jésus réplique : ‘Laisse les morts enterrer leurs morts ; pour toi, va-t-en annoncer le Royaume de Dieu’ » (Lc 9, 59 s.). Ciel, ouvre-toi ! Certains critiques se déchaînent ici. Il s’agit d’une demande scandaleuse, une désobéissance à Dieu qui ordonne de prendre soin des parents, une violation éclatante des devoirs filiaux !Le scandale de ces critiques est pour nous une preuve précieuse. Il est impossible d’expliquer certaines paroles du Christ tant qu’on le considère simplement comme un homme, même en reconnaissant qu’il est exceptionnel. Seul Dieu peut demander qu’on l’aime davantage que son propre père et que, pour le suivre, on renonce par conséquent à assister à sa sépulture. D’ailleurs, dans une perspective de foi comme celle du Christ, qu’est-ce qui faisait davantage plaisir au père défunt : que son fils soit à la maison à ce moment-là à enterrer son corps ou qu’il soit en train de suivre l’envoyé de ce Dieu auquel son âme devait maintenant se présenter ? Mais dans ce cas, l’explication est peut-être encore plus simple. On sait que l’expression : « Permets-moi de m’en aller d’abord enterrer mon père » était parfois utilisée (comme elle l’est encore) pour dire : laisse-moi aller prendre soin de mon père tant qu’il est vivant ; lorsqu’il sera mort, je l’enterrerai puis je te suivrai ». Jésus demanderait par conséquent seulement de ne pas renvoyer à un moment indéterminé la réponse à son appel. Combien parmi nous religieux, prêtres et religieuses se sont retrouvés à devoir faire ce même choix et souvent les plus heureux de notre obéissance ont été nos parents.Le désarroi face à ces demandes de Jésus vient en grande partie du fait que l’on ne tient pas compte de la différence entre ce qu’il demandait à tous indistinctement et ce qu’il demandait seulement à quelques uns appelés à partager sa vie entièrement consacrée au royaume, comme c’est encore le cas aujourd’hui dans l’Eglise. On pourrait examiner d’autres phrases célèbres de Jésus. On pourrait même l’accuser d’être responsable des difficultés proverbiales que les belles-mères et les brus ont à s’entendre, car il a dit : « Je suis venu opposer l’homme à son père, la fille à sa mère et la bru à sa belle-mère » (Mt 10, 35). Mais ce n’est pas lui qui séparera ; ce sera l’attitude différente que chacun adoptera à son égard qui déterminera cette division. Un fait que l’on constate douloureusement également aujourd’hui dans de nombreuses familles.Tous les doutes sur l’attitude de Jésus envers la famille et le mariage tombent si l’on tient compte de l’ensemble de l’Evangile et pas seulement des passages qui nous arrangent. Jésus est plus rigoureux que n’importe qui envers l’indissolubilité du mariage, il répète avec force le commandement d’honorer son père et sa mère jusqu’à condamner la pratique de se soustraire, avec des prétextes religieux, au devoir de les assister (cf. Mc 7, 11-13). Combien de miracles Jésus accomplit-il précisément pour répondre à la douleur de pères (Jaïre, le père de l’épileptique), de mères (la Cananéenne, la veuve de Naïn !), ou de plusieurs personnes vivant ensemble (les sœurs de Lazare), c’est-à-dire pour honorer les liens de parenté. A plusieurs reprises il partage même la douleur des familles jusqu’àpleurer avec elles. A un moment comme aujourd’hui où tout semble concourir à l’affaiblissement des liens et des valeurs de la famille, il ne manquerait plus que l’on ne lui oppose également Jésus et l’Evangile ! Mais il s’agit de l’une des nombreuses choses étranges sur Jésus que nous devons connaître pour ne pas nous laisser impressionner lorsque nous entendons parler de nouvelles découvertes sur les Evangiles. Jésus est venu ramener le mariage à sa beauté originelle (cf. Mt 19, 4-9), pour le renforcer et non pour l’affaiblir. 

Troisième prédication de Carême du Père Cantalamessa : « Heureux les affamés »

24 mars, 2007

du site Zenith:

2007-03-23

Troisième prédication de Carême du p. Cantalamessa : « Heureux les affamés »  

Texte intégral 

ROME, Vendredi 23 mars 2007 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral de la troisième prédication de Carême que le père Raniero Cantalamessa O.F.M Cap. a prononcée ce matin au Vatican en présence du pape et de ses collaborateurs de la Curie romaine. Le thème de cette deuxième prédication était : « Heureux les affamés car ils seront rassasiés ». (Pour la première prédication, cf. Zenit, 9 mars, et pour la deuxième, cf. Zenit, 16 mars).

 P. Raniero Cantalamessa
« HEUREUX LES AFFAMES, CAR ILS SERONT RASSASIES »


Troisième prédication de Carême à
la Maison pontificale . Histoire et EspritLa recherche sur le Jésus historique, très à la mode aujourd’hui – qu’elle soit faite par un expert, croyant ou radicalement incroyant – cache un grave danger : celui de faire croire que tout ce qui, par cette nouvelle voie, sera dit sur le Jésus terrestre est « authentique », et que tout le reste, parce que non historique, sera jugé non « authentique ». Ceci signifierait limiter à l’histoire seulement les moyens dont Dieu dispose pour se révéler. Ce serait abandonner tacitement la vérité de foi d’inspiration biblique et donc le caractère révélé

des Ecritures.Il semble que cette exigence de ne pas limiter la recherche sur le Nouveau Testament à l’histoire, commence à faire son chemin parmi les experts de la bible. En 2005, a eu lieu à Rome, à l’Institut biblique, une consultation « Critique canonique et interprétation théologique » (« Canon Criticism and Theological Interpretation »), à laquelle ont participé d’éminents experts du Nouveau Testament. Cette rencontre avait pour but de promouvoir le développement d’une recherche biblique qui tienne compte de la dimension canonique des Ecritures, en intégrant la recherche historique et la dimension théologique.Nous en déduisons que la « parole de Dieu », et donc la norme pour le croyant, n’est pas cet hypothétique « noyau originel » que les historiens ont voulu, de mille façons, reconstruire, mais ce qui est écrit dans les évangiles. Il est important que nous tenions compte du résultat des recherches historiques, car il permet de comprendre l’évolution postérieure de la tradition, mais nous continuerons à prononcer l’exclamation « Parole de Dieu ! » à la fin de la lecture du texte évangélique, et non à la fin de la lecture du dernier livre sur le Jésus historique.Ces observations nous sont particulièrement utiles quand il s’agit de faire usage des béatitudes évangéliques. On sait que les béatitudes nous sont parvenues en deux versions. Mathieu a huit béatitudes, Luc n’en a que quatre, suivies de quatre « avertissements » contraires ; chez Matthieu le discours est indirect : « Heureux ceux qui ont une âme de pauvre », « Heureux les affamés » ; chez Luc le discours est direct : « Heureux vous les pauvres », « Heureux vous qui avez faim » ; Luc parle de « pauvres » et d’ « affamés », Matthieu de ceux qui ont une « âme » de pauvres et des affamés « de la justice ».Après tout le travail critique qui a été fait pour distinguer ce qui, dans les béatitudes, remonte au Jésus historique et ce qui relève de Matthieu et de Luc (1), le devoir du croyant, aujourd’hui, n’est pas de décider que l’une des versions est authentique et de laisser tomber l’autre. Il s’agit plutôt de puiser le message qui est contenu dans chacune des versions évangéliques et – selon le cas et les nécessités actuelles – de mettre, tour à tour, en exergue les perspectives qui se dégagent de l’une ou de l’autre, comme le firent les deux évangé

listes en leur temps.2. Qui sont les affamés et qui sont les rassasiésTout en suivant ce principe, réfléchissons aujourd’hui sur la béatitude des affamés, en partant de la version de Luc : « Heureux, vous qui avez faim maintenant, car vous serez rassasiés ». Nous verrons, dans un deuxième temps, que la version de Matthieu sur la « faim de justice » ne s’oppose pas àcelle de Luc. Elle la confirme et la renforce.Les affamés de la béatitude de Luc n’appartiennent pas à une catégorie différente de celle des pauvres mentionnés dans la première béatitude. Il s’agit des mêmes pauvres considérés dans l’aspect le plus dramatique de leur condition, le manque de nourriture.Parallèlement, les « rassasiés » sont les riches qui, dans leur prospérité, peuvent non seulement satisfaire leurs besoins, mais également leur voluptueuse envie de manger. Jésus lui-même a eu le souci d’expliquer qui sont les rassasiés et qui sont les affamés. Il l’a fait avec la parabole du mauvais riche et du pauvre Lazare (Lc 16, 19-31), où sont considérés pauvreté et richesse sous l’angle du manque ou de la surabondance de nourriture : le riche « faisait chaque jour brillante chère » ; le pauvre aurait bien voulu, mais en vain, « se rassasier de ce qui tombait de la table du riche »

.Mais cette parabole ne dit pas seulement qui sont les affamés et qui sont les rassasiés, elle explique surtout pourquoi les premiers sont proclamés bienheureux et les seconds malheureux. « Or il advint que le pauvre mourut et fut emporté par les anges dans le sein d’Abraham. Le riche aussi mourut, et on l’ensevelit… dans l’Hadès, en proie à des tortures ». La fin révèle où conduisent les deux voies : la voie étroite de la pauvreté et la voie large et spacieuse de l’insouciance.La richesse et le rassasiement tendent à limiter l’homme aux seuls horizons terrestres car « où est votre trésor, là aussi sera votre cœur » (Lc 12, 34) ; ils alourdissent son cœur dans la débauche et l’ivrognerie, étouffant en lui le germe de la parole (cf. Lc 21,34) ; lui font oublier que la nuit suivante il pourrait avoir des comptes à rendre sur sa vie (Lc 16,19-31). Ils font, qu’entrer dans le royaume est « plus difficile qu’à un chameau de passer par un trou d’aiguille »(Lc 18,25).Le mauvais riche et tous les autres riches de l’Evangile ne sont pas condamnés pour le simple fait d’être riches mais pour l’utilisation qu’ils font ou ne font pas de la richesse. Dans la parabole du mauvais riche Jésus fait comprendre qu’il existait, pour le riche, une issue, celle de rappeler Lazare à sa porte et de partager avec lui son copieux repas.En d’autres termes, le remède consiste à se faire « des amis avec le malhonnête argent » (Lc 16, 9) ; on loue l’intendant infidèle pour avoir agi de façon avisée, même s’il le fait dans un cadre malhonnête (Lc 16, 1-8). Or la satiété engourdit l’esprit et rend extrêmement difficile l’accès à cette voie ; l’histoire de Zachée montre comment cela est possible, mais ô combien rare, ceci expliquant alors l’avertissement « malheur à vous » qui est adressé aux riches et aux rassasiés ; un « malheur à vous » qui est bien plus un « attention à vous », qu’un « soyez maudits ! »

.3. Il a comblé de biens les affamésDe ce point de vue, le meilleur commentaire à la béatitude des pauvres et des affamés se trouve dans le Magnificat, quand Marie dit :

« Il a déployé la force de son bras,
Il a dispersé les hommes au cœ
ur superbe;
Il a renversé les potentats de leurs trô
nes,
et élevé
les humbles ;
Il a comblé de biens les affamé
s,
et renvoyé les riches les mains vides » (Lc 1, 51-53)Avec une série de puissants verbes à l’aoriste, Marie décrit un renversement, un changement radical de situation entre les hommes : « Il a renversé – il a élevé ; il a comblé – il a renvoyé les mains vides ». Quelque chose qui a déjà eu lieu, ou qui a lieu habituellement sous l’action de Dieu. Si l’on considère l’histoire, rien ne dit qu’une révolution sociale a eu lieu, et que les riches se sont soudain appauvris et que les affamés ont pu manger à leur faim. Si l’on s’attendait donc à un bouleversement social et visible, l’histoire le dé

ment totalement.
Il y a eu un renversement, mais dans la foi ! Le royaume de Dieu s’est manifesté et cette chose a provoqué une révolution silencieuse mais radicale. Le riche apparaît sous les traits d’un homme qui a mis de côté une importante somme d’argent, mais dans la nuit, à la suite d’un coup d’Etat, cet argent a subi une dévaluation de 100% et le riche, à son réveil, s’aperçoit qu’il est devenu pauvre et miséreux. Les pauvres et les affamés, eux, partent au contraire avantagés, car ils sont mieux préparés à accueillir la nouvelle réalité ; ils ne craignent pas le changement ; leur cœur est prê
t.
Saint Jacques, s’adressant aux riches, a affirmé : « Pleurez, hurlez sur les malheurs qui vont vous arriver. Votre richesse est pourrie » (Jc 5, 1-2). Ici aussi, rien n’indique qu’au temps de Jacques les biens des riches pourrissaient au fond des greniers. L’apôtre veut dire par là qu’il s’est passé quelque chose qui a fait perdre toute valeur réelle à ces richesses ; qu’une nouvelle richesse s’est révélée. « Dieu – écrit encore saint Jacques – a choisi les pauvres selon le monde comme riches dans la foi et héritiers du Royaume » (Jc 2, 5).Plus qu’ « une incitation à renverser les puissants de leurs trônes pour élever les humbles », comme on trouve parfois écrit, le Magnificat est un avertissement salutaire adressé aux riches et aux puissants face au terrible danger qu’ils courent, exactement comme le « malheur à toi » de Jésus et la parabole du mauvais riche.4. Une parabole actuelle

Une réflexion sur la béatitude des affamés et des rassasiés ne peut se limiter à en expliquer la signification exégétique ; elle doit nous aider à lire ce qui se passe autour de nous avec le regard de l’Evangile et à agir dans le sens indiqué par la béatitude.La parabole du riche et du pauvre Lazare se répète aujourd’hui, au milieu de nous, à l’échelle mondiale. Les deux personnages représentent même les deux hémisphères : le riche représente l’hémisphère nord (Europe occidentale, Amérique, Japon) ; le pauvre Lazare est, à quelques exceptions près, l’hémisphère sud. Deux personnages, deux mondes : le premier monde et le « tiers monde ». Deux mondes de grandeur inégale : celui que nous appelons « tiers monde » représente en réalité les « deux tiers du monde ». (On temps de plus en plus à parler précisément du deux-tiers monde et non plus du tiers-monde

).Quelqu’un a un jour comparé la terre à un engin spatial en vol dans l’espace, dans lequel l’un des trois cosmonautes à bord consomme 85% des ressources présentes et cherche à s’accaparer également des 15% restants. Le gaspillage est commun dans les pays riches. Il y a quelques années le ministère de l’agriculture américain a calculé que sur 161 milliards de kilogrammes de produits alimentaires fabriqués, 43 milliards, soit près d’un quart, sont jetés à la poubelle. On pourrait facilement, si l’on voulait, récupérer environ deux milliards de kilogrammes de cette nourriture jetée, une quantité suffisante pour nourrir quatre millions de personnes pendant une année.Le plus grand péché contre les pauvres et les affamés est peut-être l’indifférence, faire semblant de ne pas voir, « passer outre » (cf. Lc 10, 31), passer outre, changer de trottoir. Ignorer les immenses multitudes d’affamés, de mendiants, de sans-abri, sans assistance médicale et surtout sans espérance d’un avenir meilleur – écrivait Jean-Paul II dans l’encyclique Sollicitudo rei socialis « reviendrait à s’identifier au ‘riche bon vivant’ qui feignait de ne pas connaître Lazare le mendiant qui gisait près de son portail »

(2).Nous avons tendance à mettre un double vitrage entre les pauvres et nous. L’effet du double vitrage, aujourd’hui si largement utilisé, est d’empêcher le passage du froid et des bruits, de tout affaiblir, amortir, feutrer. Et effectivement, nous voyons les pauvres bouger, s’agiter, hurler derrière les écrans de télévision, sur les pages des journaux ou des revues missionnaires, mais leur cri nous parvient comme de très loin. Il ne touche pas notre cœur, ou ne le touche qu’un bref instant.La première chose à faire, vis-à-vis des pauvres, est donc de rompre le « double vitrage », de surmonter l’indifférence, l’insensibilité, de laisser tomber ses propres défenses et de se laisser envahir par une saine inquiétude devant la misère épouvantable qui existe dans le monde. Nous sommes appelés à partager le soupir du Christ : « J’ai pitié de la foule, car voilà déjà trois jours qu’ils restent auprès de moi et ils n’ont pas de quoi manger » : misereor super turba (cf. Mc 8, 2). Lorsqu’on a l’occasion de voir de ses propres yeux ce que sont la misère et la faim, en visitant des villages ou les banlieues de grandes villes dans certains pays d’Afrique (je l’ai fait il y a quelques mois au Rwanda), la compassion monte à

la gorge et laisse sans voix.La tâche non résolue, la plus urgente et la plus lourde avec laquelle l’humanité est entrée dans le nouveau millénaire est celle d’éliminer ou de réduire l’abîme injuste et scandaleux qui existe entre les rassasiés et les affamés dans le monde. Une tâche dans laquelle les religions surtout devraient se distinguer et œuvrer, unies, au-delà de toute rivalité. Une entreprise aussi gigantesque ne peut être promue par aucun chef ou pouvoir politique, conditionnés comme ils le sont par les intérêts de leur nation et souvent par des pouvoirs économiques puissants. Le Saint-Père Benoît XVI en a donné un exemple à travers le vigoureux rappel adressé en janvier dernier au Corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège, comme il l’avait d’ailleurs fait également l’année précédente à la même occasion :« Parmi les questions essentielles, comment ne pas penser aux millions de personnes, spécialement aux femmes et aux enfants, qui manquent d’eau, de nourriture, de toit ? Le scandale de la faim, qui tend à s’aggraver, est inacceptable dans un monde qui dispose des biens, des connaissances et des moyens d’y mettre un terme »

. (3)5. « Heureux les affamés… de la justice »Je disais au début que les deux versions des béatitudes des affamés, celle de Luc et celle de Matthieu, ne se présentent pas comme deux alternatives mais s’intègrent l’une dans l’autre. Matthieu ne parle pas de faim matérielle mais de faim et soif « de justice ». Il existe deux interpré

tations fondamentales de ces paroles.L’une d’entre elles, dans la ligne de la théologie luthérienne, interprète la béatitude de Matthieu à la lumière de ce que dira plus tard saint Paul sur la justification par la foi. Avoir faim et soif de justice signifie prendre conscience de son propre besoin de justice et de son incapacité à l’obtenir seul par les œuvres, et donc de l’attendre humblement de Dieu. L’autre interprétation voit dans la justice non celle que Dieu lui-même réalise ou celle qu’il accorde, mais celle qu’il attend de l’homme (4), en d’autres termes, les œuvres de justice.A la lumière de cette interprétation, de loin la plus commune et la plus fondée sur le plan exégétique, la faim matérielle de Luc et la faim spirituelle de Matthieu ne sont plus sans rapport l’une avec l’autre. Se mettre du côté des affamés et des pauvres fait partie des œuvres de justice et sera même, selon Matthieu, le critère en fonction duquel se fera, à la fin, la sé

paration entre les justes et les exclus (cf. Mt 25).Toute la justice que Dieu attend de l’homme se résume dans le double précepte de l’amour de Dieu et du prochain (cf. Mt 22, 40). C’est par conséquent l’amour du prochain qui doit pousser les affamés de justice à se préoccuper des affamés de pain. Il s’agit du grand principe à travers lequel l’Evangile agit sur le plan social. La théologie libérale avait vu juste sur ce point.« En aucun point de l’Evangile, écrit l’un de ses plus illustres représentants, Adolph von Harnack, nous constatons que cela nous enseigne à rester indifférents à nos frères. L’indifférence évangélique (le fait de ne pas se préoccuper de la nourriture, du vêtement, du lendemain) exprime plutôt ce que toute âme doit ressentir face au monde, à ses propres biens et à ses illusions. Lorsqu’il s’agit en revanche du prochain, l’Evangile ne veut même pas entendre parler d’indifférence, mais il impose l’amour et la pitié. L’Evangile considère par ailleurs les besoins spirituels et temporels de nos frères comme absolument inséparables »

(5).L’Evangile n’encourage pas les affamés à se faire justice seuls, à se soulever, également parce qu’à l’époque de Jésus – contrairement à aujourd’hui – ceux-ci n’avaient aucun instrument, pas plus théorique que pratique, pour le faire ; il ne leur demande pas le sacrifice inutile d’aller se faire tuer derrière quelque agitateur zélote, ou quelque Spartacus du coin. Jésus agit sur la partie forte et non sur la partie faible ; il affronte, lui, la colère et le sarcasme des riches avec ses « malheur à » (cf. Lc 16, 14), il ne laisse pas les victimes le faire.Chercher à tout prix, dans l’Evangile, des modèles ou des invitations explicites aux pauvres et aux affamés à se prendre en main pour changer, seuls, leur situation, est vain et anachronique, et fait perdre de vue la vraie contribution que cela peut apporter à leur cause. Rudolph Bultmann a raison à ce propos, lorsqu’il écrit que « le christianisme ignore tout programme de transformation du monde et n’a pas de proposition à présenter pour la réforme des conditions politiques et sociales », (6) mê

me si son affirmation aurait besoin de quelques nuances.Les béatitudes ne constituent pas le seul moyen d’affronter le problème de la richesse et de la pauvreté, de la faim et de la satiété ; il en existe d’autres, rendus possibles par le progrès de la conscience sociale, que les chrétiens soutiennent, à juste titre, et auxquels l’Eglise apporte son discernement avec sa doctrine sociale.Le grand message des béatitudes est que, indépendamment de ce que feront ou ne feront pas pour eux, les riches et les rassasiés, la situation des pauvres et des affamés pour la justice, telle qu’elle est actuellement, est encore préférable à

celle des premiers.Il y a des niveaux et des aspects de la réalité que l’on ne perçoit pas à l’œil nu, mais seulement à l’aide d’une lumière spéciale, aux rayons infrarouges ou ultraviolets. Celle-ci est largement utilisée dans la photographie depuis les satellites. L’image obtenue avec cette lumière est très différente et surprenante pour une personne habituée à voir ce même panorama à la lumière naturelle. Les béatitudes sont une sorte de rayons infrarouges : elles nous donnent une image différente de la réalité, la seule vraie image car elle montre ce qui restera à la fin, lorsque « le modèle de ce monde » sera passé.6. Eucharistie et partage

Jésus nous a laissé une antithèse parfaite du banquet de l’homme riche, l’Eucharistie. Il s’agit de la célébration quotidienne du grand banquet auquel le patron invite « les pauvres, les estropiés, les aveugles et les boiteux » (Lc 14, 21), c’est-à-dire tous les pauvres Lazares autour de nous. Dans l’Eucharistie se réalise le « partage » parfait : la même nourriture et la même boisson, et en même quantité pour tous, aussi bien pour celui qui préside que pour le dernier arrivé dans la communauté, pour le très riche que pour le très pauvre.Le lien entre le pain matériel et le pain spirituel était bien visible dans l’Eglise primitive, lorsque la cène du Seigneur, dite agape avait lieu dans le cadre d’

un repas fraternel au cours duquel on partageait aussi bien le pain commun que le pain eucharistique.Saint Paul écrivait aux Corinthiens qui s’étaient éloignés sur ce point : « Lors donc que vous vous réunissez en commun, ce n’est plus le Repas du Seigneur que vous prenez. Dès qu’on est à table en effet, chacun prend d’abord son propre repas, et l’un a faim, tandis que l’autre est ivre » (1 Co 11, 20-22). Une accusation très grave, qui revenait à dire : votre Eucharistie n’est plus une Eucharistie !Aujourd’hui on ne célèbre plus l’Eucharistie dans le cadre d’un repas pris ensemble, mais le contraste entre ceux qui ont trop et ceux qui n’ont pas le minimum indispensable a pris des proportions planétaires. Si nous projetons la situation décrite par Paul de l’Eglise locale de Corinthe à l’échelle de l’Eglise universelle, nous constatons avec effroi que c’est ce qui ce produit encore aujourd’hui, pas toujours de manière coupable, mais objective. Parmi les millions de chrétiens qui, sur les différents continents, participent à la messe le dimanche, l’on en trouve qui rentrés chez eux ont tous les biens du monde à disposition tandis que d’autres n’ont rien à donner à manger àleurs enfants.La récente exhortation post-synodale sur l’Eucharistie rappelle avec force : « La nourriture de la vérité nous pousse à dénoncer les situations indignes de l’homme, dans lesquelles on meurt par manque de nourriture en raison de l’injustice et de l’exploitation, et elle nous donne des forces et un courage renouvelés pour travailler sans répit à l’édification de la civilisation de l’amour » (7).La part du « huit pour mille » [en italien « otto per mille », mécanisme par lequel l’Etat italien, à la demande explicite des contribuables qui le souhaitent, reverse huit pour mille des recettes fiscales, à l’Eglise catholique ou d’autres confessions religieuses, ndlr] la mieux utilisée est celle qui est destinée par l’Eglise à cet objectif à travers le soutien des différentes « caritas » nationales et diocésaines, les repas offerts aux pauvres, des initiatives d’aide à l’alimentation dans les pays en voie de développement. Les cantines pour les pauvres, qui existent dans presque toutes les villes, dans lesquelles sont distribués des milliers de repas chaque jour, dans un climat de respect et d’accueil, sont le signe de la vitalité de nos communautés religieuses traditionnelles. Il s’agit d’un goutte d’eau dans la mer, mais l’océan lui-même, disait Mère Teresa de Calcutta, est fait d’une multitudes de petites gouttes.Je voudrais terminer par la prière que nous récitons chaque jour, avant le repas, dans ma communauté : « Bénis Seigneur, cette nourriture que par ta bonté nous allons prendre, aide-nous à en procurer aussi à ceux qui n’en ont pas et fais-nous participer un jour à ton banquet céleste. Par le Christ notre Seigneur »._______________________

NOTES

1. Cf. J. Dupont, Le beatitudini, 2 voll. Edizioni Paoline 1992 (ed. originale, Les Béatitudes, Gabalda et C.ie, Parigi 19732).
2. Jean-Paul II, Enc. Sollicitudo rei socialis
, n. 42.
3. Discours du pape Benoît XVI pour les vœux au corps diplomatique accrédité près le saint- siè
ge, Lundi 8 janvier 2007.
4. Cf. Dupont, II, pp. 554 ss.
5. A. von Harnack, Il cristianesimo e la società
, Mendrisio 1911, pp. 12 ss.
6. R. Bultmann, Il cristianesimo primitivo, Milano 1964, p. 203 (Titre orig. Das Urchristentum im Rahmen der antiken Religionen
).
7.
Sacramentum caritatis
, n.90.

commentaire à l’évangile du jour – 24.3.07

24 mars, 2007

du site EAQ:

Saint Jean de la Croix (1542-1591), carme, docteur de l’Église
La Montée du Carmel, II, ch. 22 (trad. OC, Cerf 1990, p. 736)

« Jamais un homme n’a parlé comme cet homme »

Dieu pourrait nous dire : « Puisque j’ai dit toutes choses dans ma Parole, mon Fils, il ne me reste plus rien à te répondre ni à te révéler… ‘ Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis tout mon amour, écoutez-le ‘ (Mt 17,5)… Ecoutez-le, car je n’ai plus rien à révéler, plus rien à manifester…
« Si donc tu désires entendre de ma bouche une parole de consolation, regarde mon Fils qui m’est soumis et qui, par amour, s’est livré à l’humiliation et à l’affliction, et tu verras tout ce qu’il te répondra. Si tu souhaites que je te découvre des choses cachées ou quelque événement, jette seulement les yeux sur lui et tu trouveras renfermés en lui de très profonds mystères, une sagesse et des merveilles de Dieu, suivant cette parole de mon apôtre : ‘ En lui, qui est le Fils de Dieu, sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la science de Dieu ‘ (Col 2,3). Ces trésors de sagesse seront pour toi plus sublimes, plus savoureux et plus utiles que tout ce que tu pourrais apprendre par ailleurs. Aussi le même apôtre se glorifiait-il ‘ de ne pas savoir autre chose que Jésus Christ et Jésus Christ crucifié ‘ (1Co 2,2). Si tu veux des visions ou des révélations, soit divines, soit corporelles, regarde-le, ce Dieu fait homme, et tu trouveras là ce qui surpassera toutes tes pensées, car l’apôtre Paul dit encore : ‘ Dans le Christ habite corporellement toute la plénitude de la divinité ‘ (Col 2,9). »

Il n’y a donc plus lieu d’interroger Dieu comme autrefois, et il n’est plus nécessaire qu’il parle, puisque toute la foi au Christ a été promulguée. Il n’y a plus de foi à révéler et il n’y en aura jamais.