Archive pour le 20 mars, 2007
Le p. Mattheeuws analyse l’exhortation sur l’Eucharistie « Sacramentum Caritatis » (II)
20 mars, 2007du site Zenith:
2007-03-19
Le p. Mattheeuws analyse l’exhortation sur l’Eucharistie « Sacramentum Caritatis » (II)
Comme témoin et acteur du synode
ROME, Lundi 19 mars 2007 (ZENIT.org) – « Dans les lieux où l’Eglise est persécutée ou minoritaire, les évêques témoignaient de la force qu’est l’Eucharistie pour la vie personnelle et ecclésiale » : dans cet entretien, le P. Alain Mattheeuws, jésuite belge, explique ce qu’a signifié pour lui être « expert » au synode sur l’Eucharistie d’octobre 2005 à Rome, et il présente quelques éléments pour une lecture de l’exhortation apostolique de Benoît XVI. Un document qui prend en compte toutes les situations de l’Eglise, y compris celle des Eglises persécutées.
Le P. Mattheeuws, sj, expert au synode de 2005 sur l’Eucharistie, « source et sommet de la vie et de la mission de l’Eglise », est en effet co-auteur d’un « guide de lecture » de l’exhortation apostolique post-synodale de Benoît XVI « Sacramentum Caritatis ». Le deuxième grand document du pontificat a été présenté au Vatican mardi dernier, 13 mars (cf. Zenit des 13 et 14 mars, et Zenit du 15 mars 2007 pour la 1ère partie de cet entretien).
Q – Qu’est-ce qui vous frappe le plus dans l’exhortation « Sacramentum Caritatis »?
P. A. Mattheeuws - Tout d’abord le désir du pape d’unifier des « propositions » parfois fort diverses qu’il reprend à son compte à travers les yeux de la foi, de l’espérance et de l’amour : le mystère eucharistique, l’action liturgique et le nouveau culte spirituel. Ce sont les trois parties de l’exhortation. Il reprend ainsi la constitution conciliaire Sacrosanctum concilium n°7. De manière sobre et subtile, il montre que l’Eucharistie est le véritable « espace de l’amour ». Cet amour trinitaire prend forme dans l’histoire de manière continue, sans ruptures, à travers des rites différents et suivant les différentes cultures.
Par ailleurs, la réforme liturgique de Vatican II est une expression voulue par le Concile de cet amour pour notre temps. Non seulement il l’approuve, mais il nous pousse à l’approfondir. Il n’y a pas d’hésitation sur ce point tout comme il n’y en avait pas dans le discours des Pères synodaux aux chrétiens du monde entier.
Théologiquement il prend position et manifeste plus clairement combien l’Eucharistie fonde l’Eglise et pas l’inverse. C’est l’acte de Jésus Christ sauveur qui est toujours premier. Cela donne la mesure de nos réflexions, de nos débats, de nos actions, de tous nos documents. Nos mots et nos liturgies disent en vérité le mystère de Dieu, mais ne l’enferment pas. La meilleure preuve se trouve être la présence de l’Esprit dans toute eucharistie : sans lui, tout ne serait que rite et souvenir du passé. Avec Lui, le Christ est rendu présent personnellement à nos yeux : son corps et son sang nous sont offerts. L’apport de l’Orient et de sa pneumatologie est sensible. Le Christ fait de nous en vérité son propre corps. C’est Lui qui agit et qui construit l’Eglise dans la puissance de l’Esprit.
Ce qui m’a touché aussi, c’est le lien fait par Benoît XVI entre la beauté de la liturgie et l’humilité, la simplicité des gestes et des rites : ce lien n’est pas d’ordre formaliste mais théologique et s’appuie sur la remise en valeur d’une esthétique théologique.
Enfin, il ne faut pas oublier que le synode a voulu réfléchir sur la relation entre l’Eucharistie et la mission. Ce thème parcourt toute l’exhortation, depuis la fondation de la mission dans la Trinité et l’acte d’Amour de Jésus dans l’institution de l’Eucharistie, jusqu’à la perspective eschatologique dans la relation de l’Eucharistie avec l’écologie, en passant par la participation des personnes handicapées à la forme eucharistie de la vie chrétienne.
Q – Comment se présentent le style et de la méthode de cette exhortation apostolique post-synodale ?
P. A. Mattheeuws - L’exhortation se présente plutôt sous la forme d’une méditation. Les références scripturaires en témoignent. Elles sont surtout johanniques. Ne serons-nous pas jugés sur l’amour, sur le sacrement qui nous nourrit ? Les lettres de saint Paul sont aussi régulièrement citées. Le thème central du « culte spirituel » est abondamment commenté (Rm 12, 1). Personnellement, je regrette la référence plus que modeste aux textes de l’Ancien Testament : l’équilibre « Ecriture et Tradition » en est fragilisé. Cette manière de faire ne facilite pas l’intégration paisible de la pensée magistérielle (celle du pape et des évêques). Par ailleurs, le langage « sacramentel » est richement explicité, même s’il nous est difficile d’accès et de compréhension : c’est une question pastorale et théologique décisive pour des sociétés post-industrielles et fortement sécularisée.
L’exhortation traite de l’économie sacramentelle et du sacrement par excellence qu’est l’Eucharistie. Le langage lui-même dépend du sujet traité. Ne nous trompons pas en interprétant trop vite certaines affirmations de l’exhortation. Une affirmation simple et nette n’est pas la négation stricte de son contraire, surtout dans le domaine du langage symbolique et des sacrements. Elle peut dire un souhait, une décision, une prise de position, une demande, une exhortation sur un point précis sans nier d’autres points passés sous silence ou jugés inopportuns à redire ou à dire en ce moment.
Notre culture n’est pratiquement plus apte à recevoir une vérité symphonique et cela se reflète souvent dans les commentaires que nous entendons à propos des documents du magistère, dans nos interprétations même ecclésiales, dans nos querelles fraternelles, pastorales et théologiques. Nous oublions également que certaines questions sont suscitées par d’autres univers que le nôtre. Nous oublions aussi la nécessaire médiation des réflexions théologiques par les évêques, les conférences épiscopales et surtout le langage « pastoral » qui assume ce que dit l’Esprit saint dans le cœur de la personne et de telle communauté. Cela signifie le plus souvent que deux propositions différentes ne peuvent plus être assumées par notre intelligence (et donc aussi par notre affectivité !). Notre esprit est parfois pénétré d’une telle négativité qu’il nous est impossible de penser le « paradoxal » sans le nommer « contradictoire ». Dans l’ordre sacramentaire, c’est très dommageable. Pensons à ce que peut être la beauté liturgique. Pensons, par exemple, à l’unité entre l’art de célébrer et la participation active et fructueuse des fidèles : elle concerne d’abord l’ensemble du peuple sacerdotal et pas la distinction prêtre-laïcs. L’affirmation de l’unité entre les deux Tables, celle de la Parole et celle du Pain et du vin, est un antidote contre une telle herméneutique. D’un point de vue méthodologique, Benoît XVI reprend la plupart des points qui concernent l’eucharistie dans un esprit unifié, désireux de manifester l’unité d’un seul geste liturgique : d’un seul acte sauveur dont l’Eglise fait mémoire et qui la fonde.
Q – En quoi consiste, pour vous, la « nouveauté » de ce second grand document de Benoît XVI ?
P. A. Mattheeuws - La vraie « nouveauté » comme le disait la proposition 3 des Pères synodaux, c’est le Christ. Benoît XVI le dit à de nombreuses reprises dans l’exhortation (cf. par exemple les n°11-12, 22, 70-79). Si ce synode permet de mieux observer la présence du Christ dans notre histoire personnelle, dans celle de nos communautés et dans le monde : c’est gagné. Mais il ne suffit pas d’observer le Christ, il faut « être nouveau » avec Lui : entrer dans son corps, être « par lui, avec lui et en lui » offert au Père. Cette considération me permet d’indiquer que si la charité (l’agapè) ne grandit pas, la « nouveauté » n’est pas encore advenue : c’est un critère de l’Eucharistie. Qu’elle soit clairement articulée à un changement de vie et que ses implications morales sociales et personnelles soient joyeusement perçues. L’Eglise doit servir le Christ. Elle ne peut pas faire mémoire de son acte sauveur sans être changée elle-même, sans être ré-évangélisée. La mission en est le fruit espéré.
Ajoutons le point suivant : le synode concluait l’année de l’Eucharistie. Il montrait à nouveau l’importance de l’acte du Christ : une répétition, une expérience conclusive comme une « confirmation spirituelle » que l’Eucharistie est bien le centre de la vie chrétienne. Qui dit centre, dit qu’on ne passe pas à côté de l’essentiel : du don total du Christ pour chacun. L’Eucharistie comme thème synodal a montré les poids et les peines qui restent à résoudre. L’humanité, les chrétiens eux-mêmes souffrent et leur vie est en hiatus avec la grâce. Il nous faut à tous un Sauveur : le synode l’a bien montré. L’exhortation le redit. Sans le Christ, rien de solide ne se construit. Tous les membres de l’Eglise peuvent vivre ensemble certaines impuissances : ne pas avoir réponse à tout, ne pas résoudre telle difficulté, attendre qu’une réconciliation s’opère (avec les frères séparés). Déjà la décision de Benoît XVI de laisser les propositions qui lui sont faites à la disposition de tous, telles qu’elles sont, est un acte de courage et d’humilité. Chacun de nous pouvait voir que ce n’était pas si simple. Des questions restent encore à approfondir. Et puis la vie de l’Eglise est plus large qu’un Synode !
Q : Plusieurs thèmes restent « controversés », qu’est-ce qui vous apparaît comme décisif et original dans cette exhortation ?
Le texte de l’exhortation présentée par le cardinal G. Danneels et avec un « guide de lecture » rédigé par les PP. A. Mattheeuws, expert au synode et A. Massie, théologien, sera disponible aux éditions « Fidélité » (Bruxelles, www.fidelite.be) à partir de ce lundi, 19 mars.
commantaire au évangile du jour – 20.3.07
20 mars, 2007du site EAQ:
Saint Augustin (354-430), évêque d’Hippone (Afrique du Nord) et docteur de l’Église
Sermon 124
« Est-ce que tu veux retrouver la santé ? »
Les miracles du Christ sont des symboles des différentes circonstances de notre salut éternel…; cette piscine est le symbole du don précieux que nous fait le Verbe du Seigneur. En peu de mots, cette eau, c’est le peuple juif ; les cinq portiques, c’est la Loi écrite par Moïse en cinq livres. Cette eau était donc entourée par cinq portiques, comme le peuple par la Loi qui le contenait. L’eau qui s’agitait et se troublait, c’est la Passion du Sauveur au milieu de ce peuple. Celui qui descendait dans cette eau était guéri, mais un seul, pour figurer l’unité. Ceux qui ne peuvent pas supporter qu’on leur parle de la Passion du Christ sont des orgueilleux ; ils ne veulent pas descendre et ne sont pas guéris. « Quoi, dit cet homme hautain, croire qu’un Dieu s’est incarné, qu’un Dieu est né d’une femme, qu’un Dieu a été crucifié, flagellé, qu’il a été couvert de plaies, qu’il est mort et a été enseveli ? Non, jamais je ne croirais à ces humiliations d’un Dieu, elles sont indignes de lui ».
Laissez parler ici votre coeur plutôt que votre tête. Les humiliations d’un Dieu paraissent indignes aux arrogants, c’est pourquoi ils sont bien éloignés de la guérison. Gardez-vous donc de cet orgueil ; si vous désirez votre guérison, acceptez de descendre. Il y aurait de quoi s’alarmer, si on vous disait que le Christ a subi quelque changement en s’incarnant. Mais non… votre Dieu reste ce qu’il était, n’ayez aucune crainte ; il ne périt pas et il vous empêche vous-même de périr. Oui, il demeure ce qu’il est ; il naît d’une femme, mais c’est selon la chair… C’est comme homme qu’il a été saisi, garrotté, flagellé, couvert d’outrages, enfin crucifié et mis à mort. Pourquoi vous effrayer ? Le Verbe du Seigneur demeure éternellement. Celui qui repousse ces humiliations d’un Dieu ne veut pas être guéri de l’enflure mortelle de son orgueil.
Par son incarnation, notre Seigneur Jésus Christ a donc rendu l’espérance à notre chair. Il a pris les fruits trop connus et si communs de cette terre, la naissance et la mort. La naissance et la mort, voilà, en effet, des biens que la terre possédait en abondance ; mais on n’y trouvait ni la résurrection, ni la vie éternelle. Il a trouvé ici les fruits malheureux de cette terre ingrate, et il nous a donné en échange les biens de son royaume céleste.