France: Plus de 17 000 signatures contre le lobby de l’euthanasie à l’hôpital
du site Zenith:
2007-03-18
France: Plus de 17 000 signatures contre le lobby de l’euthanasie à l’hôpital
Et un appel de milliers de soignants et de médecins contre l’euthanasie
ROME, Dimanche 18 mars 2007 (ZENIT.org) – En France, plus de 17 000 personnes viennent de signer un appel contre le lobby de l’euthanasie à l’hôpital (cf. www.adv.org). Et plus de 2400 soignants et médecins, viennent de sortir du silence pour lancer un appel contre l’euthanasie que l’on peut rejoindre en ligne.
Au lendemain du jugement dans l’affaire d’euthanasie de Saint-Astier jugée à Périgueux, Zenit a demandé pour ses lecteurs une analyse de ce qui s’est passé et des réactions que cela a suscité, à Tugdual Derville, délégué général de l’Alliance pour les Droits de la Vie. Il fait observer : « Il y a une véritable pression sociale qui pousse à exclure, et nous devons impérativement réagir contre cette désespérance ».
Rappelons que l’Alliance pour les Droits de la Vie agit, depuis plus de dix ans, pour la protection de la vie humaine et développe des lieux d’écoute et d’aide aux personnes vulnérables ou souffrantes confrontées à des drames mettant en jeu la vie et la dignité humaines.
Zenit – Que s’est-il passé pour l’affaire Saint-Astier ?
Tugdual Derville – Au départ, c’est une affaire triste et assez confidentielle qui a été sciemment transformée en tornade médiatique. En 2003, un médecin épuisé et mal formé aux soins palliatifs a rédigé une ordonnance létale pour une patiente de 65 ans, Paulette Druais, qui souffrait d’un cancer du pancréas en phase terminale. L’infirmière a d’abord été stupéfaite, mais a « obéi », injectant le chlorure de potassium mortel qui a tué la patiente. Il faut préciser que le médecin, Laurence Tramois, était familialement liée à la « victime », ce qui a visiblement accru sa confusion. Lorsqu’elle a avoué quelques jours plus tard au mari de Paulette Druais ce qui s’était passé, il s’est dit choqué, avant de la soutenir. Le médecin et l’infirmière avaient été « dénoncées » par des collègues de l’hôpital, heurtés par cette pratique de l’euthanasie. Ils avaient d’ailleurs remarqué que ce médecin était défaillant face aux situations de fin de vie difficiles.
Naturellement portée en Justice, l’affaire a été habilement orchestrée par le lobby de l’euthanasie qui a décelé le cas idéal : une « victime » à laquelle on fait dire qu’elle voulait en finir, un mari qui remercie a posteriori les accusées, et ces dernières qui se posent en victimes, encouragées par les autres figures emblématiques de l’euthanasie. Sont venus à Périgueux le docteur Chaussoy qui avait tué, cette même année 2003 Vincent Humbert au lieu de le réanimer et Marie Humbert qui avait tenté de mettre fin aux jours de son fils. Les deux acteurs de la mort de Vincent ayant bénéficié d’un non-lieu, les promoteurs de l’euthanasie ont dû se reporter sur cette nouvelle affaire.
Zenit – Quelle a été l’influence des médias ?
Tugdual Derville – Le procès a été le prétexte d’une véritable orchestration associative et médiatique : quatre jours avant l’audience, l’hebdomadaire « Le Nouvel Observateur » a publié une liste de 2 134 soignants (médecins ou infirmières) affirmant avoir « aidé un patient à mourir », expression soigneusement répétée pour toutes ces affaires. La tactique du pseudo-aveu collectif est la même que celle qui fut utilisée au moment de l’affaire de Bobigny, de 1973 qui, en France, a préparé la dépénalisation de l’avortement. Un manifeste de 343 femmes qui s’autoproclamaient « salopes » prétendaient s’être fait avorter clandestinement. L’avocate du procès de Bobigny, la féministe Gisèle Halimi a ensuite analysé cette affaire en expliquant : « Les médias ont très bien joué leur rôle ». C’est exactement le même scénario aujourd’hui : persuadés que l’euthanasie est nécessaire, les médias les plus militants, presse, radio et télévision sont entrés en complicité avec les protagonistes du procès de Périgueux et tous leurs soutiens, entraînant une véritable noyade du débat sous un flot irrépressible d’émotion. Ainsi le « Nouvel Observateur » a parachevé son action en publiant un sondage le jour du verdict, jeudi 15 mars : 87% des Français seraient favorables à l’euthanasie ! Ce qui peut nous choquer, c’est que des médias qui prétendent « informer » sur un événement créent en réalité de toutes pièces les « informations » propres à manipuler l’opinion dans le sens qu’ils préconisent, étouffant le débat au lieu de l’ouvrir.
Zenit – Que pensez-vous de ce verdict ?
Tugdual Derville – Sur le fond, il peut nous satisfaire : Caroline Roux, notre secrétaire générale, et notre président, le cancérologue Xavier Mirabel, assistaient à l’ouverture du procès. Ils ont découvert des soignantes visiblement déboussolées et dépassées par les événements, surtout l’infirmière qui s’est inscrite dans la prescription du médecin. Elle était seule, la nuit pour tout son établissement de 200 lits, et c’est aussi une donnée à prendre en compte. Son acquittement peut se comprendre et permet de ne pas en faire une victime. Le médecin est symboliquement condamné : 1 an de prison avec sursis (sans inscription sur son casier judiciaire). Cela évite à la fois de le dédouaner et d’en faire un bouc-émissaire. Ce qui aurait été grave, c’est un acquittement. Mais surtout, Caroline Roux et Xavier Mirabel ont relevé un grand écart entre le ton des débats judiciaires et le tapage médiatique anesthésiant qui en a été fait à l’extérieur du prétoire, par les porte-parole auxquels les médias ont donné le monopole de l’analyse. En réalité, les débats ont été à la fois feutrés et incisifs ; ils ont révélé les failles de la pratique de ces soignantes. Leur interrogatoire a montré qu’elles étaient mal formées aux soins palliatifs, qu’elles ne communiquaient pas, qu’elles ne travaillaient pas en équipe, qu’elles mélangeaient le personnel et le professionnel. Une psychologue est venue expliquer que le médecin avait développé une forme de toute puissance face à laquelle il faudrait lutter, etc. Tout cela n’a pas été retranscrit dans les médias par les comptes-rendus d’audience. Les Français ont entendu que la piqûre létale était l’issue humaine à ce drame. C’est très injuste pour les soignants qui ont une autre pratique, plus exigeante, plus humaine… et moins expéditive !
Zenit – Vous lancez un véritable débat dans l’opinion publique sur l’euthanasie, mais avec des arguments que l’on entend peu : ceux des soignants et des médecins… Pourquoi cette action maintenant et comment faire connaître ces arguments ?
Tugdual Derville – Dès l’annonce de la pétition des soignants revendiquant l’euthanasie, le professeur Olivier Jonquet, chef du service de réanimation médicale du CHU de Montpellier a lancé un appel en sens inverse, intitulé « Non à l’euthanasie, oui à une médecine à visage humain ! » que nous avons largement relayé. Il offre aux soignants un espace pour réagir. Immédiatement des centaines de médecins, d’infirmières et de professionnels de la santé se sont échangé l’adresse internet de cette pétition (http://www.convergence-soins.com) et les signatures ont afflué.En six jours, elles dépassaient celle du « Nouvel Observateur », et cela continue. Mais les médias que je qualifierais d’officiels, ceux de la police de la pensée, ont soigneusement censuré cette pétition. Grâce à Internet, les réseaux de professionnels ont pu contourner le black-out, même si des millions de Français ont été privés de cet élément d’information. Il y a aussi eu d’autres initiatives dans le même sens : la société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) a elle-même lancé un manifeste, ouvert également aux bénévoles dans ce domaine. Et nous n’avions pas attendu le procès pour en lancer d’autres : plus de 17 000 personnes ont déjà signé notre Appel contre le lobby de l’euthanasie à l’hôpital (www.adv.org) lancé quand nous avons découvert que l’ADMD, qui milite pour le suicide assisté, était officiellement habilitée par le gouvernement à représenter les usagers de la santé dans les instances hospitalières. Il y avait aussi eu un travail courageux de l’infirmière et écrivain Elisabeth Bourgois, réunissant à peu près le même nombre de signatures « pour une médecine de vie ». Elle a organisé un rassemblement contre l’euthanasie, à la veille du procès, esplanade du Trocadéro à Paris. Tout cela va dans le même sens, et rejoint heureusement la pratique d’une majorité de soignants. Puisque nous ne pouvons pas compter sur des médias qui manquent de déontologie pour faire un traitement égalitaire entre pro et anti euthanasie – je pense notamment à l’Agence France Presse qui dans ce débat n’a pas respecté une véritable déontologie de neutralité – il faut utiliser Internet, comme un réseau de résistance.
Zenit – Le pape Benoît XVI a évoqué des lobbies contre la vie à propos d’un pays d’Amérique latine : ces « lobbies » existent bien et pas seulement en Europe ?
Tugdual Derville – Indiscutablement, et ils agissent à visage découvert. Ils utilisent les souffrances réelles des personnes confrontées aux épreuves de la vie. Ils exploitent parfois de réelles injustices – je pense à certaines lacunes de notre système de santé dans le domaine de la lutte contre la douleur, ou encore l’isolement des personnes âgées. Mais derrière ces paravents, c’est une idéologie désespérée qui est sous-jacente : celle d’une humanité qui ne vaut que dans la santé, qui a l’illusion qu’on peut éradiquer la souffrance. Mortelle illusion puisqu’elle conduit à revendiquer la suppression des personnes jugées indignes de vivre, parce qu’ayant perdu des capacités jugées indispensables à la « vraie vie ». Tout cela se fait sur le lit de la peur, et aussi d’un athéisme militant.
Mais ces lobbies sont empêtrés dans leurs contradictions. Marie Humbert vient de se désolidariser de l’ADMD dont elle dit avoir compris qu’ils étaient extrémistes. Des personnes handicapées commencent à protester contre les dérives totalitaires qui se profilent de la part de ceux qui estiment qu’il vaudrait mieux qu’elles ne soient pas nées… Face à l’idéologie, le témoignage vivant de personnes qui rayonnent malgré leurs épreuves est une réponse précieuse. A ce titre, la figure d’un Jean-Paul II souffrant, réduit au silence, mais n’ayant rien perdu de sa dignité jusqu’au terme naturel de sa vie a résonné comme la confirmation magnifique de la force du message de vie qu’il n’avait cessé de proclamer. C’est un exemple pour beaucoup d’entre nous.
Zenit – Le Dr Bernard Kouchner a affirmé un jour : la médecine a aujourd’hui les moyens de soulager la souffrance, déplorant le manque d’investissements dans les soins palliatifs. N’est-ce pas l’argument décisif contre l’euthanasie? Les arguments pro-euthanasie (Affaire Welby en Italie) c’est : il souffre trop depuis trop longtemps, c’est insupportable pour lui et pour les siens, pourquoi le laisser souffrir ?
Tugdual Derville – C’est à la fois un argument précieux et insuffisant. Il faut tout faire pour combattre la douleur et la souffrance, et il y a encore beaucoup à faire dans ce domaine (généralisation des pompes à morphine, des systèmes d’auto-évaluation de la douleur, des soins palliatifs). Mais c’est aussi une illusion de croire qu’on peut vivre sans souffrir, sans frustration, sans limite, sans mourir. Le docteur Xavier Mirabel souligne souvent qu’acharnement thérapeutique et euthanasie s’inscrivent dans une même logique de refus des limites humaines, de toute-puissance technicienne. D’ailleurs l’Eglise refuse à la fois l’euthanasie et les soins disproportionnés. Tout l’enjeu de l’accompagnement de la fin de la vie, c’est de manifester la dignité de la personne, quel que soit son état de santé, de ne rien nier de son humanité, et de ne pas l’abandonner à la solitude. Il y a toujours quelque chose à faire pour quelqu’un qui souffre, pour soulager, accompagner l’angoisse, prendre soin.
Cependant il n’existe pas d’assurance tout risque garantissant une mort douce. Une société qui croit éradiquer la souffrance tend vite à éradiquer les souffrants. C’est d’ailleurs ce qu’exprime parfaitement le cardinal Lozano Barragan (président du conseil pontifical pour la Pastorale de la Santé, ndlr). Or, depuis les affaires d’euthanasie médiatisées comme des actes « positifs », « de compassion », réalisés « par amour », nous découvrons que des femmes se demandent si elles sont « mauvaises mères » de continuer à soigner leurs enfants atteints de graves handicaps au lieu de les tuer, des patients croient devoir demander l’euthanasie au lieu de faire leur chemin dans l’épreuve de la maladie. Il y a une véritable pression sociale qui pousse à exclure, et nous devons impérativement réagir contre cette désespérance. Appeler un mal bien et un bien mal, c’est une inversion trompeuse, qui fait beaucoup de dégâts.
« Le Parisien » vient d’interviewer la femme d’un ancien grand footballeur, Jean-Pierre Adams, qui vit à son domicile dans un état comateux depuis 1982, à la suite d’une opération du genou. C’est extraordinaire de voir avec quel amour elle parle de sa vie, de son rayonnement, expliquant qu’elle ne se sent absolument pas concernée par le débat sur l’euthanasie à son propos. Il y a là quelque chose d’héroïque qui peut nous sembler disproportionné, voire scandaleux. Car le scandale de la souffrance demeure entier. Mais de tels témoignages incitent à remettre en cause l’esprit de fatalité et de prétendue utilité. Nous risquons tous de juger autrui selon des critères de performance qui ne sont pas ceux de l’amour véritable.
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