l’homelie du Pape pour la dimanche IV de carème du 2006
18 mars, 2007du site Vatican:
VISITE PASTORALE DANS LA PAROISSE ROMAINE
« DIO PADRE MISERICORDIOSO »
HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVIIV Dimanche de Carême, 26 mars 2006
Chers frères et soeurs!
Ce quatrième dimanche de Carême, traditionnellement désigné comme « dimanche Laetare », est empreint d’une joie qui, dans une certaine mesure, adoucit le climat de pénitence de ce temps saint: « Réjouissez-vous avec Jérusalem – dit l’Eglise dans le chant d’entrée – Exultez à cause d’elle [...] Avec elle soyez plein d’allégresse, vous tous qui portiez son deuil ». Le refrain du Psaume responsorial fait écho à cette invitation: « Ton souvenir, Seigneur, est notre joie ». Penser à Dieu procure de la joie. On se demande alors spontanément: mais quel est le motif pour lequel nous devons nous réjouir? Un des motifs est certainement l’approche de Pâques, dont la prévision nous fait goûter à l’avance la joie de la rencontre avec le Christ ressuscité. La raison la plus profonde se trouve cependant dans le message offert par les lectures bibliques que la liturgie propose aujourd’hui et que nous venons d’écouter. Celles-ci nous rappellent que, malgré notre indignité, nous sommes les destinataires de la miséricorde infinie de Dieu. Dieu nous aime d’une façon que nous pourrions qualifier d’ »obstinée », et il nous enveloppe de son inépuisable tendresse.
C’est ce qui apparaît déjà dans la première lecture, tirée du Livre des Chroniques de l’Ancien Testament (cf. 2 Ch 36, 14-16.19-23), l’auteur saint propose une interprétation synthétique et significative de l’histoire du peuple élu, qui fait l’expérience de la punition de Dieu comme conséquence de son comportement rebelle: le temple est détruit et le peuple en exil n’a plus de terre; il semble réellement qu’il ait été oublié par Dieu. Mais il se rend ensuite compte qu’à travers les châtiments, Dieu poursuit un dessein de miséricorde. Ce sera la destruction de la ville sainte et du temple – comme on l’a dit -, ce sera l’exil, qui touchera le coeur du peuple et qui le fera revenir à son Dieu pour le connaître plus profondément. Et alors le Seigneur, démontrant le primat absolu de son initiative sur tout effort purement humain, se servira d’un païen, Cyrus, roi de Perse, pour libérer Israël. Dans le texte que nous venons d’entendre, la colère et la miséricorde du Seigneur se confrontent au cours d’un épisode à caractère dramatique, mais à la fin, l’amour triomphe, car Dieu est amour. Comment ne pas recueillir dans le souvenir de ces lointains événements le message qui est valable pour chaque époque, y compris la nôtre? En pensant aux siècles passés, nous pouvons voir que Dieu continue à nous aimer également à travers les châtiments. Les desseins de Dieu, même lorsqu’ils passent à travers l’épreuve, visent toujours à un résultat de miséricorde et de pardon. C’est ce que nous a confirm
é l’Apôtre Paul dans la deuxième lecture, en nous rappelant que « Dieu, qui est riche en miséricorde, à cause du grand amour dont Il nous a aimés, alors que nous étions morts par suite de nos fautes, nous a fait revivre avec le Christ » (Ep 2, 4-5). Pour exprimer cette réalité de salut l’Apôtre, à côté du terme de miséricorde, eleos en grec, utilise également la parole amour, agape, reprise et amplifiée ultérieurement dans la très belle affirmation que nous avons entendue dans la page évangélique: « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique: ainsi tout homme qui croit en lui ne périra pas, mais il obtiendra la vie éternelle » (Jn 3, 16). Nous savons que ce « don » de la part du Père a eu un développement dramatique: il est allé jusqu’au sacrifice du Fils sur la croix. Si toute la mission historique de Jésus est le signe éloquent de l’amour de Dieu, sa mort l’est de manière tout à fait particulière, la tendresse rédemptrice de Dieu s’étant pleinement exprimée en elle. Le centre de notre méditation doit donc toujours être, mais particulièrement en ce temps de Carême, la Croix. Dans celle-ci, nous contemplons la gloire du Seigneur qui resplendit dans le corps martyrisé de Jésus. C’est précisément dans ce don total de soi qu’apparaît la grandeur de Dieu, qu’apparaît qu’il est amour. C’est la gloire du Crucifié que chaque chrétien est appelé à comprendre, à vivre et à témoigner à travers son existence. La Croix – le don de soi-même du Fils de Dieu – est en définitive le « signe » par excellence qui nous est donné pour comprendre la vérité de l’homme et la vérité de Dieu: nous avons tous été créés et rachetés par un Dieu qui a immolé son Fils unique par amour. Voilà pourquoi dans la Croix, comme je l’ai écrit dans l’Encyclique Deus caritas est, « s’accomplit le retournement de Dieu contre lui-même, dans lequel il se donne pour relever l’homme et le sauver – tel est l’amour dans sa forme la plus radicale » (n. 12).
Comment répondre à cet amour radical du Seigneur? L’Evangile nous présente un personnage du nom de Nicodème, membre du Sanhédrin de Jérusalem, qui va chercher Jésus la nuit. Il s’agit d’un honnête homme, attiré par les paroles et par l’exemple du Seigneur, mais qui a peur des autres, qui hésite à franchir le pas de la foi. Il ressent la fascination de ce Rabbì si différent des autres, mais il ne réussit pas à se soustraire aux conditionnements du milieu, contraire à Jésus, et il restera hésitant sur le seuil de la foi. Que de personnes, à notre époque également, sont à la recherche de Dieu, à la recherche de Jésus et de son Eglise, à la recherche de la miséricorde divine, et attendent un « signe » qui touche leur esprit et leur coeur! Aujourd’hui, comme alors, l’évangéliste nous rappelle que le seul « signe » est Jésus élevé sur la croix: Jésus mort et ressuscité est le signe absolument suffisant. En Lui, nous pouvons comprendre la vérité de la vie et obtenir le salut. Telle est l’annonce centrale de l’Eglise, qui demeure immuable au cours des siècles. La foi chrétienne n’est donc pas une idéologie, mais une rencontre personnelle avec le Christ crucifié et ressuscité. De cette expérience, qui est individuelle et communautaire, naît ensuite une nouvelle façon de penser et d’agir: c’est ainsi que trouve son origine, comme en témoignent les saints, une existence marquée par l’amour. Chers amis, ce myst
ère est particulièrement éloquent dans votre paroisse, consacrée à « Dieu le Père miséricordieux ». Celle-ci a été voulue – comme nous le savons bien – par mon bien-aimé prédécesseur Jean-Paul II en souvenir du Grand Jubilé de l’An 2000, afin de résumer de manière efficace la signification de cet événement spirituel extraordinaire. En méditant sur la miséricorde du Seigneur, qui s’est révélée de manière totale et définitive dans le mystère de la Croix, il me revient à l’esprit le texte que Jean-Paul II avait préparé pour la rencontre avec les fidèles du dimanche 3 avril, dimanche in Albis de l’année dernière. Dans les desseins divins, il était écrit qu’il devait nous quitter précisément la veille de ce jour, le samedi 2 avril – nous nous en souvenons tous parfaitement – et pour cette raison, il ne put pas prononcer ces paroles, qu’il me plaît à présent de vous reproposer, chers frères et soeurs. Le Pape avait écrit: « Le Seigneur ressuscité offre en don à l’humanité, qui semble parfois égarée et dominée par le pouvoir du mal, par l’égoïsme et par la peur, son amour qui pardonne, qui réconcilie et ouvre à nouveau l’âme à l’espérance. C’est l’amour qui convertit les coeurs et qui donne la paix ». Dans ce dernier texte, qui est comme un testament, le Pape ajoutait: « Combien le monde a besoin de compréhension et d’accueillir la Divine Miséricorde! ».
Comprendre et accueillir l’amour miséricordieux de Dieu: que cela soit votre engagement, tout d’abord au sein des familles et ensuite dans tous les milieux du quartier. Je forme ce voeu de tout coeur, alors que je vous salue cordialement, en commençant par les prêtres qui s’occupent de votre communauté sous la direction du curé, Dom Gianfranco Corbino, que je remercie sincèrement pour s’être fait l’interprète de vos sentiments, avec une belle présentation de cet édifice, de cette « barque » de Pierre et du Seigneur. J’étends ensuite mon salut au Cardinal Vicaire Camillo Ruini et au Cardinal Crescenzio Sepe, titulaire de votre église, au Vice-gérant et Evêque du secteur Est de Rome, et à ceux qui coopèrent activement aux divers services paroissiaux. Je sais que votre communauté est jeune, avec dix ans de vie seulement, qu’elle a passé les premiers temps dans des conditions précaires, dans l’attente de l’achèvement des structures actuelles. Je sais également que les difficultés initiales, plutôt que vous décourager, vous ont poussés à un engagement apostolique unanime, avec une attention particulière au domaine de la catéchèse, de la liturgie et de la charité. Chers amis, poursuivez le chemin entrepris, en vous efforçant de faire de votre paroisse une véritable famille où la fidélité à la Parole de Dieu et à la Tradition de l’Eglise devient jour après jour toujours davantage la règle de vie. Je sais ensuite que votre église, en raison de sa structure architecturale originale, est le but de nombreux visiteurs. Faites-leur apprécier non seulement la beauté particulière de l’édifice sacré, mais surtout la richesse d’une communauté vivante, visant à témoigner l’amour de Dieu, Père miséricordieux. Cet amour qui est le véritable secret de la joie chrétienne, auquel nous invite le dimanche in Laetare, le dimanche d’aujourd’hui. En tournant notre regard vers Marie, « Mère de la sainte joie », demandons-lui de nous aider à approfondir les raisons de notre foi, pour que, comme nous y exhorte aujourd’hui la liturgie, renouvelés dans l’esprit et l’âme joyeuse, nous répondions à l’amour éternel et infini de Dieu.
Amen!