P. Cantalamessa : Se convertir n’est pas seulement un devoir, c’est une bonne nouvelle

P. Cantalamessa : Se convertir n’est pas seulement un devoir, c’est une bonne nouvelle

Commentaire de l’Evangile du dimanche 11 mars

ROME, Vendredi 9 mars 2007 (ZENIT.org) Nous publions ci-dessous le commentaire de lEvangile de ce dimanche proposé par le père Raniero Cantalamessa OFM Cap, prédicateur de la Maison pontificale.

Evangile de Jésus Christ selon saint Luc 13, 1-9

A ce moment, des gens vinrent rapporter à Jésus l’affaire des Galiléens que Pilate avait fait massacrer pendant qu’ils offraient un sacrifice. Jésus leur répondit : « Pensez-vous que ces Galiléens étaient de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens, pour avoir subi un tel sort ? Eh bien non, je vous le dis ; et si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous comme eux. Et ces dix-huit personnes tuées par la chute de la tour de Siloé, pensez-vous qu’elles étaient plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem ? Eh bien non, je vous le dis ; et si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de la même manière. »
Jésus leur disait encore cette parabole : « Un homme avait un figuier planté dans sa vigne. Il vint chercher du fruit sur ce figuier, et n’en trouva pas. Il dit alors à son vigneron : ‘Voilà trois ans que je viens chercher du fruit sur ce figuier, et je n’en trouve pas. Coupe-le. A quoi bon le laisser épuiser le sol ?’ Mais le vigneron lui répondit : ‘Seigneur, laisse-le encore cette année, le temps que je bêche autour pour y mettre du fumier. Peut-être donnera-t-il du fruit à l’avenir. Sinon, tu le couperas.’ »

La prédication de Jésus
L’Evangile du troisième dimanche de Carême nous offre un exemple typique de la manière dont prêchait Jésus. Il part d’un fait divers (l’assassinat de Galiléens sur ordre de Pilate et la chute d’une tour qui a fait dix-huit morts) pour parler de la nécessité de veiller et de se convertir. Conformément à son style, il renforce son enseignement par une parabole : « Un homme avait un figuier planté dans sa vigne… ». En suivant le programme que nous nous sommes fixé pour ce Carême, nous allons partir de ce passage pour étendre notre regard à toute la prédication de Jésus, en cherchant à comprendre ce qu’elle nous dit sur qui était Jésus.Jésus commença à prêcher par une déclaration solennelle : « Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle » (Mc 1, 15). Nous nous sommes habitués au son de ces paroles et nous n’en percevons plus le caractère nouveau et révolutionnaire. Par ces paroles Jésus signifiait : le temps de l’attente est terminé ; l’heure de l’intervention décisive de Dieu dans l’histoire humaine, annoncée par les prophètes, a sonné ; cette heure, c’est maintenant ! Tout se décide maintenant et tout se décide en fonction du comportement que chacun adoptera face àmes paroles.On perçoit cette notion d’accomplissement, d’objectif finalement atteint, dans différents dictons de Jésus dont on ne peut mettre en doute l’authenticité historique. Un jour, s’adressant aux disciples qu’il avait pris à part, il dit : « Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez ! Car, je vous le déclare : beaucoup de prophètes et de rois ont voulu voir ce que vous voyez, et ne l’ont pas vu, entendre ce que vous entendez, et ne l’ont pas entendu » (Lc 10, 23-24).Dans le discours sur la montagne Jésus dit entre autre : « Vous avez entendu qu’il a été dit (par Moïse !)… Eh bien ! moi je vous dis ». Imaginons qu’un prédicateur monte en chaire et commence à dire : « Vous avez entendu que Jésus vous a dit… Eh bien ! moi je vous dis ». C’est à peu près l’impression que les paroles du Christ ont dû susciter chez ses contemporains. Face à de telles affirmations, il n’y a pas beaucoup d’explications : ou bien celui qui parle est un fou exalté, ou il dit tout simplement la vérité. Cependant un fou ne vit pas et ne meurt pas comme l’a fait Jésus et ne continue pas à ébranler l’humanité vingt siècles aprè

s sa disparition.La confrontation avec Jean-Baptiste illustre très clairement la nouveauté en ce qui concerne la personne et la prédication de Jésus. Jean parlait toujours d’un événement futur, d’un jugement sur le point de se produire ; Jésus parle du présent, d’un règne qui est arrivé et qui est en vigueur. Jean est l’homme du « pas encore », Jésus est l’homme du « déjà ».Jésus affirme : « Parmi les hommes, aucun n’est plus grand que Jean ; et cependant le plus petit dans le royaume de Dieu est plus grand que lui ». (Lc 7, 28) ou encore : « Jusqu’à Jean Baptiste, il y a eu la Loi et les Prophètes ; depuis lors, le royaume de Dieu est annoncé, et chacun emploie toute sa force pour y entrer » (Lc 16, 16). Ces paroles montrent qu’entre la mission de Jean et celle de Jésus a eu lieu un saut qualitatif : le plus petit dans le nouvel ordre se trouve dans une meilleure position que le plus grand dans l’ ordre ancien.Ce sont ces raisons qui ont conduit les disciples de Bultmann (Bornkamm, Konzelmann…) a se séparer de leur maître, mettant la grande ligne de séparation entre l’ancien et le nouveau, entre judaïsme et christianisme, dans la vie et dans la prédication du Christ et non dans la foi de l’Eglise après Pâques. Ceci montre clairement qu’il est impossible de soutenir sur le plan historique, les thèmes de ceux qui enferment Jésus à l’intérieur du monde juif contemporain, en faisant de lui un juif comme les autres, qui n’a jamais eu l’intention de réaliser une rupture avec le passé, ou d’apporter une nouveauté substantielle. Ceci signifie faire régresser la recherche historique sur Jésus à un stade dépassé depuis longtemps.Revenons, comme de coutume, au passage de l’Evangile de dimanche, pour en tirer quelques enseignements pratiques. Jésus commente la nouvelle du massacre perpétré par Pilate et de l’écroulement de la tour de Siloé en disant : « Pensez-vous qu’elles [les victimes] étaient plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem ? Eh bien non, je vous le dis ; et si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de la même manière ». Nous en tirons un enseignement très important. Les malheurs ne sont pas, contrairement à ceux que pensent certains, un signe de châtiment divin à l’é gard des victimes ; ils sont tout au plus un avertissement pour ceux qui restent.
Ceci est une clé de lecture indispensable pour ne pas perdre la foi devant les catastrophes terribles qui se produisent chaque jour dans le monde, souvent parmi les populations les plus pauvres et sans défense. Jésus nous fait comprendre comment nous devrions réagir lorsque le soir la télévision nous rapporte des nouvelles de tremblements de terre, d’inondations, ou de massacres comme celui de Pilate. Non pas par de stériles « les pauvres ! », mais en en faisant la base d’une réflexion sur la précarité de la vie, sur la nécessité d’être prêts et de ne pas s’attacher de manière exagérée à ce qui d’un jour à l’autre peut disparaî
tre. On retrouve dans ce passage de l’Evangile le terme par lequel Jésus a commencé sa prédication : conversion. Je voudrais toutefois faire remarquer que se convertir n’est pas seulement un devoir mais aussi une possibilité pour tous, presque un droit. C’est une bonne et non une mauvaise nouvelle ! Personne n’est exclu de la possibilité de changer. Personne ne peut être considéré comme irrécupérable. Il existe dans la vie des situations morales qui semblent sans issue : divorcés remariés, couples avec enfants qui cohabitent sans être mariés, de lourds antécédents pénaux, des conditionnements de toutes sortes.Pour ceux-là aussi il existe la possibilité de changer. Lorsque Jésus fit remarquer qu’il était plus facile pour un chameau de passer par le trou d’une aiguille que pour un riche d’entrer dans le royaume des cieux, les apôtres répondirent : « Qui donc peut être sauvé ? » Jésus répondit par une phrase qui vaut également pour les cas que j’ai mentionnés : « Pour les hommes c’est impossible mais pour Dieu tout est possible ».

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