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13 – LES MOINES DE GAZA (480-590)

8 mars, 2007

ils continuent mes recherches sur les Pères du désert, du site:

http://users.skynet.be/am012324/studium/bresard/Gaza13.htm

13 – LES MOINES DE GAZA (480-590)

I. LE DÉSERT DE GAZA.

L’Egypte avait été le haut lieu de la vie anachorétique et cénobitique durant presque deux siècles : début d’Antoine en 271, de Pacôme en 320 ; mort d’Arsène en 449.

Au nord de l’Egypte, au sud de la Palestine, le désert de Gaza avait été très tôt habité par des moines : Hilarion, après s’être formé auprès d’Antoine, était venu s’y établir vers 308. Plusieurs monastères se fondèrent autour de lui. Nous avons vu que dans ce sud de la Palestine, avait fleuri le système de la Laure : on se formait dans un monastère, mais on n’y restait pas forcément toute sa vie. On pouvait mener une vie plus solitaire, revenant au monastère chaque samedi ; ou même rester dans la solitude. Quelques-uns vivaient dans une réclusion totale. C’est ce mélange de cénobitisme et d’anachorétisme que nous trouvons chez ces moines de Gaza, à l’époque qui nous intéresse, au sixième siècle, au temps de saint Benoît. Ces moines se situent alors plus d’un siècle après les Pères du désert étudiés dans les apophtegmes.Donc,

à la fin du cinquième siècle, un monastère est fondé après quelques autres, dans cette région par un moine nommé Séridos qui en est le premier supérieur. Ce monastère devient célèbre, car de saints moines y vivent. Beaucoup nous sont restés inconnus, mais certains ont laissé des textes qui nous permettent des les connaître de façon très précise, et de plus nous donnent les noms de quelques autres. Ces écrits sont des lettres de direction de deux reclus : Barsanuphe et Jean, et des écrits spirituels d’un cénobite, Dorothée : instructions aux moines, lettres et aussi la vie d’un de ses disciples : Dosithée.

Ces textes nous livrent une spiritualité imprégnée de l’Evangile, humaine, riche d’expérience, remarquable de mesure et d’équilibre, où l’accent est toujours mis sur l’essentiel.

II. DES MAÎTRES SPIRITUELS.

Séridos

Bien que le fondateur du monastère, c’est pourtant un personnage humble et effacé dont nous ne savons pas grand-chose. Il avait été formé par Barsanuphe qui n’hésitait pas à le traiter à la dure. Cette formation rude et forte qui le forcera à pratiquer une soumission complète à son maître et une obéissance héroïque, le mènera à une haute perfection. Barsanuphe l’appelle son « vrai et bien-aimé fils ».

Pourtant le même Barsanuphe qui avait formé de façon si rude Séridos, rappelle celui-ci à la discrétion, lorsque devenu abba, il se montre trop exigeant pour ses moines. Barsanuphe lui cite alors ce texte du livre des Proverbes : « Trais du lait, il y aura du beurre ; mais si tu serres la main autour de la mamelle, il en sortira du sang ». Aussi Séridos sera-t-il pour ses moines un père plein de condescendance.

Barsanuphe

Sa prééminence en sagesse, doctrine et sainteté, le fait surnommer : « Le grand Vieillard ». Il était né en Egypte vers 460. Il y avait d’abord embrassé la vie anachorétique, puis était venu se fixer comme reclus auprès du monastère de l’abbé Séridos. Reclus, il garde farouchement sa cellule, chargeant Séridos d’écrire sous sa dictée les lettres qu’il adressait à des personnes de l’extérieur. C’est au point que certains moines doutaient de son existence, pensant que Séridos avait imaginé ce personnage mystérieux et invisible pour asseoir plus solidement son autorité.

Derrière les réponses un peu dures de Barsanuphe, on devine une grande humilité et une sensibilité défiante d’elle-même, ainsi qu’une grande charité. On voit aussi quelquefois, dans ses écrits, à quelle hauteur de contemplation, à quelle familiarité avec Dieu il était parvenu.A la mort de S

éridos, suivie peu après de celle de Jean, sa réclusion devient totale : il cesse toute correspondance et on n’entend plus parler de lui. Vivant, on l’avait cru inexistant ; mort, on le croit encore vivant à la fin du sixième siècle.

Jean

Comme Séridos, il est disciple de Barsanuphe et reclus comme lui ; il a des liens étroits avec le « Grand Vieillard ». Dans les lettres, Barsanuphe le désigne : « L’autre Vieillard ». On l’appelle aussi : « Le Prophète ». C’est la doublure de Barsanuphe, son « autre lui-même » (Texte 1). On a là un exemple d’amitié spirituelle assez remarquable : Dieu leur faisait mutuellement connaître leurs pensées.

Jean vit en reclus durant 18 ans dans une autre cellule que celle de Barsanuphe. Lui aussi faisait écrire par d’autres les lettres destinées à ceux qui désiraient ses conseils. Ce fut d’abord Séridos, puis Dorothée. Jean semblait jouir d’une paix inaltérable. Son humilité se manifestait par un effacement constant devant « le Grand Vieillard ». Nous avons le récit de sa mort qui nous donne un dernier exemple de sa charité (Texte 2).

Dorothée

Par ses oeuvres de lecture facile et riches de doctrine, Dorothée est le plus important de ces moines de Gaza, et le plus proche de nous autres cénobites. Il est né au début de ce cinquième siècle, à Antioche. Sa famille est chrétienne. Il reçoit une bonne éducation et une solide formation humaine dont témoignent ses oeuvres. Entré au monastère de l’abbé Séridos, il se met dès le début sous la direction de Barsanuphe et Jean.

Grâce aux lettres de ceux-ci, nous pouvons assister à la formation d’un jeune moine qui allait devenir un des plus grands noms de la spiritualité. C’est un cas unique dans la tradition monastique ! Nous voyons dans cette correspondance que, dès son entrée au monastère, épreuves et tentations ne furent pas épargnées au novice. Sa grande force dans ces luttes sera l’ouverture de coeur à ses anciens (Texte 3). Le fruit de cette humble ouverture est alors une telle paix que Dorothée s’inquiète de ne plus avoir d’épreuves (Texte 4).De bonne heure Doroth

ée eut des charges importantes dans son monastère. On lui confie d’abord l’accueil, puis le voilà aussi infirmier, et directeur spirituel, notamment de Dosithée. Pour quelqu’un qui aspirait à une vie de silence, humble et cachée, ces occupations multiples furent une épreuve : comment garder la pensée de Dieu alors qu’on est tiraillé de tous côtés ? Survient alors la tentation de la vie érémitique. Là encore, l’ouverture de coeur en triomphe : Dorothée s’ouvre à ses deux Vieillards de ce tiraillement entre l’action et la contemplation. L’abbé Jean lui répond : (Texte 5). La vie purement contemplative est bonne, mais seulement pour les parfaits. Ce qui convient à Dorothée, c’est une vie mixte qui unit la contemplation à la pratique de la charité fraternelle. Dans les conseils de Barsanuphe on retrouve la même doctrine de Basile sur la prière continuelle : le souvenir de Dieu n’est pas loin de la garde du commandement (Texte 6).

Séridos, meurt vers 560. Jean le suit à trois semaines plus tard. Barsanuphe garde une réclusion complète. A cette époque, Dorothée quitte le monastère. Pour quelle raison ? Est-ce parce qu’il aurait été soumis aux critiques des autres moines, champions d’une ascèse exigeante, en face de la voie tempérée de Dorothée ? Aurait-il voulu alors mener la vie anachorétique ? On ne le sait. Toujours est-il que même si cette dernière raison fut déterminante, Dorothée ne put rester longtemps dans la solitude. Sa réputation se répand, des disciples viennent près de lui et le voilà obligé de fonder un monastère cénobitique. De ce monast

ère, de la vie que Dorothée y mena, de sa mort, nous ne savons rien. Mais nous avons le précieux trésor que sont les instructions qu’il donna alors à ses moines et qui nous révèlent son expérience.

Dosithée

Barsanuphe, Jean, Séridos, Dorothée, réalisent chacun à leur manière l’idéal du père spirituel. La petite vie simple et pure de Dosithée, telle que nous l’a tracée Dorothée, nous montre par contre l’idéal du disciple, le modèle du novice.

Dosithée est page d’un général, et sans doute se destinait-il au métier des armes. Mais il se convertit au cours d’un voyage en Palestine, à la suite d’une vision de la Vierge, à Gethsémani. Il entre alors au monastère de l’abbé Séridos qui le confie à Dorothée. Le novice n’avait pas une santé très solide. Dorothée, avec sagesse, fait consister son ascèse à retrancher sa volonté propre dans les moindres occasions, à se détacher des objets mis à son usage (Texte 7), à pratiquer en toutes circonstances l’humilité (Texte 8), l’obéissance, la douceur, la patience, la charité fraternelle (Texte 9). Cette constante fidélité aux petites choses qui annonce déjà la doctrine de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, était unie dans la formation donnée par Dorothée à son novice, à un souci de garder le souvenir de Dieu (Texte 10). Par cette sage et solide formation, Dosithée parvint bientôt à la sainteté. Il quitta ce monde après avoir reçu de Barsanuphe l’assurance de la rémission totale de ses péchés et un congé qui faisait de sa mort un acte d’obéissance : « Pars en paix ! Prends place auprès du Père, du Fils et de l’Esprit-Saint et sois notre ambassadeur auprès de Dieu ».La vie de Dosith

ée se termine par ces mots : « Dosithée est devenu un ami de Dieu, et en peu de temps ! Oui ! Dieu l’a jugé digne d’un si grand honneur parce qu’il a su obéir et dire non à sa volonté propre ».

III. LA DOCTRINE.

1) Les lettres des reclus

Par les lettres de Jean et Barsanuphe, nous voyons par écrit ce que devait être la formation du jeune par l’ancien en climat anachorétique, le jeune étant Dorothée. Cet échange épistolaire entre maître et disciple nous montre comment fonctionnait cette relation maître-disciple dont nous avons parlé : maître animé par l’Esprit ; disciple, homme de désir. Nous y lisons au concret les combats livrés par le disciple, ses tentations, et la victoire due à l’humble ouverture de coeur. Nous voyons aussi comment les maîtres savaient s’adapter au disciple et le faire croître, nous constatons l’équilibre de la formation donnée et le sens exact des valeurs.

Très proche de l’enseignement des apophtegmes, on peut dire ici aussi que ces lettres ne disent pas tout, bien qu’elles fassent peut-être plus de confidences personnelles que les paroles des vieillards, plus impersonnelles. Comme les apophtegmes, elles sont écrites en fonction des besoins d’un homme déjà avancé dans les voies spirituelles, donc adaptées aux conditions de vie et à l’état d’âme du destinataire. Leur enseignement n’est pas à systématiser ou à appliquer sans discernement. Ainsi Jean dit à Dorothée : « Tu dois obéir en tout à l’abbé, même si la chose te semble impliquer un péché » (288). C’était aussi l’enseignement des apophtegmes. Ce n’était pas celui de Basile.

La doctrine de Barsanuphe est bien la m

ême que celle de Jean « qui ne fait qu’un » avec lui. Pour tous deux, l’essence de la perfection consiste dans la charité. C’est le toit de la maison spirituelle que nous édifions (208). Mais cette charité doit passer dans les actes : aimer, c’est observer les commandements, renoncer à sa propre volonté et faire la volonté de Dieu (Texte 11). Le retranchement de sa volonté propre est bien le point central de cette spiritualité. Tout découle de là : l’humilité fait qu’on ne se compte pour rien ; ce qui facilite l’obéissance. Ce qui importe avant tout c’est l’humilité et l’obéissance (Texte 12).

Quand on a retranché sa volonté propre, on est tout disponible à la volonté de Dieu (Texte 13). C’est l’amérimna qui maintient l’âme unie à Dieu en toutes circonstances (Texte 14). D’où l’insistance dans ces lettres sur la soumission, sur la direction spirituelle pour conserver cette liberté intérieure donnée par l’amérimna (Texte 15).
Les P

ères de Gaza nous permettent donc de mieux comprendre ce qu’était l’amérimna que recommandaient les apophtegmes et qu’ils présentaient comme une étape vers l’hésychia et la prière continuelle. C’est cet abandon à la divine Providence, à base d’humilité, que de nos jours ont recommandé le Père De Caussade ou dom Léhodey. C’est cet abandon d’enfant qui est le coeur de la doctrine de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. Pour les moines de Gaza, cet abandon qu’est l’amérimna est la préparation à l’hésychia. Au degré suprême de cette amérimna, c’est l’hésychia, le repos de la contemplation (Texte 16). On voit par ce texte que Barsanuphe avait l’expérience de la haute contemplation. Pour lui l’hésychia n’est guère possible hors de la réclusion. Pourtant il reconnaît que la contemplation est possible au milieu du tracas de la vie au monastère (Texte 17).

La doctrine sur la prière qui est abondante dans les lettres des deux reclus, comporte les mêmes notes. Si comme Cassien, ils mettent la charité au sommet de leur édifice de la perfection, c’est parce qu’ils savent qu’elle coïncide avec les formes les plus élevées de contemplation et d’oraison. Mais ils nous montrent le chemin pour y parvenir.A la base, il y a d’abord l’humilit

é et la purification des passions (Texte 18). Ce texte montre qu’on ne doit jamais abandonner complètement le Pater, comme aussi, disent-ils ailleurs, le Kyrie eleison et la psalmodie. Le Pater convient aux parfaits comme aux pécheurs. Tous les deux proposent à leurs correspondants la prière continuelle sous la forme du « souvenir de Dieu », une union à Dieu maintenue habituellement au milieu des occupations extérieures, des lectures, des conversations. Dorothée, surchargé de travail, demande à Barsanuphe s’il est possible de garder le souvenir de Dieu. Voici la réponse (Texte 19). A un laïc, Barsanuphe explique comment s’y exercer progressivement (Texte 20). Il recommande pour cela l’exercice de la prière de Jésus : « Ne cessons pas d’invoquer le Nom de Dieu pour obtenir du secours, car c’est cela la prière » (425). C’est du reste un remède qui anéantit les passions et nous garde dans l’humilité (424).

2) Les Instructions de Dorothée

Dans les oeuvres du disciple de ces deux vieillards, Doroth
ée, on retrouve évidemment le même enseignement, mais plus systématique. Dorothée le présente à ses moines sous une forme plus générale et plus méthodique ; il reste pourtant concret et pratique. Ses

Instructions sont probablement des notes fragmentaires prises par un disciple au cours des causeries de Dorothée à ses moines, dans un style simple, sans apprêts. C’est en cela un cas très rare dans les écrits monastiques anciens : il n’y a pas de fiction littéraire comme chez Cassien. On retrouve la simplicité des apophtegmes. Mais sous cette simplicité, il y a des trésors de finesse et de profondeur psychologique : Dorothée est un bon connaisseur du coeur humain, de ses ressources, mais aussi de sa fragilité devant les pièges du démon. Il connaît bien aussi l’Ecriture et les Pères et sait les employer pour faire passer, avec art, douceur et sourire, un message émaillé d’anecdotes et de souvenirs.

L’Instruction 1 est assez remarquable à plus d’un titre. Elle donne un aperçu général de la doctrine spirituelle de Dorothée. Pour expliquer la n

écessité de l’ascèse chrétienne et monastique, Dorothée qui s’inspire ici des plus grands parmi les Pères grecs : Irénée, Origène, Athanase et les Cappadociens, la situe au coeur du mystère du salut. Il remonte d’abord jusqu’aux origines de l’humanité, à la chute et à ses conséquences (Texte 21). Puis il montre l’oeuvre libératrice du Christ (Texte 22). Cette libération va plus profond que la Loi. Celle-ci nous disait ce qu’il ne fallait pas faire. Les commandements du Christ s’attaquent à la cause du mal : (Texte 23). Ce n’est donc pas tant le mal qu’il nous est demandé d’éviter, mais les passions qui sont la cause du mal.

Dorothée discerne que le Christ va encore plus loin en nous montrant que la cause de tout mal est l’orgueil et en nous recommandant l’exemple de son humilité (Texte 24). Dorothée va donc conclure : « Que celui qui veut trouver le vrai repos pour son âme apprenne donc l’humilité ! Puisse-t-il voir qu’en elle se trouvent toute la joie, toute la gloire et tout le repos, alors que dans l’orgueil, c’est tout le contraire ». Telle est la voie de tout chrétien. Tout chrétien est tenu d’observer ces commandements.A partir de cela, Doroth

ée développe ce qui est propre aux moines (Texte 25). Donc d’abord le thème du renoncement, vu comme chez Cassien, comme un renoncement au monde (13-14). Comme l’avaient fait Évagre et Cassien, Dorothée montre d’abord la signification de l’habit du moine. Puis il en vient au renoncement proprement dit. De ses maîtres, Barsanuphe et Jean, Dorothée a surtout retenu la grande leçon du retranchement de la volonté propre (Texte 26). Ce détachement, dû au renoncement à la volonté propre, c’est l’amérimna dont parlaient Barsanuphe et Jean.

Toute la doctrine de Dorothée se trouve résumée dans cette première instruction.
D’autres notes compl

émentaires se rencontrent ailleurs : la nécessité d’un guide pour discerner nos passions et pour être sûr de ne pas faire notre volonté propre (Texte 27). Evidemment aussi la charité envers le prochain. Dorothée emploie une comparaison pour montrer le lien qui existe entre l’amour de Dieu et l’amour du prochain (Texte 28). On retrouve ici la même doctrine qu’Athanase a voulu faire passer dans la « Vie d’Antoine ».

Dorothée souligne aussi la nécessité de la vigilance, la nepsis des apophtegmes, en reprenant une image que nous avons vue chez Cassien et Basile (Texte 29).Sur la pri

ère, les Instructions de Dorothée sont moins riches que les Lettres des deux reclus. Dorothée en montre la nécessité : l’homme doit prier pour demander à Dieu de l’aider. Il la présente comme un remède à la rancune. Barsanuphe lui avait appris à rendre grâce en toutes circonstances. On retrouve la même leçon en bien des passages des Instructions.

IV. CONCLUSION : LE REPOS

Le terme de l’hésychia, pour les deux reclus, était le repos de la contemplation. Attiré lui aussi, au début de sa vie religieuse par l’hésychia, les deux maîtres spirituels de Dorothée lui ont fait comprendre qu’il n’était pas fait pour la vie érémitique. Après avoir été tiraillé entre son désir de solitude et les embarras de la vie active, Dorothée avait appris à trouver le repos au sein d’une vie d’obéissance et de dévouement au prochain. Son idéal est un idéal cénobitique. Il ne parle dans ses oeuvres que deux fois d’hésychia, et encore est-ce en passant. C’est à ce repos que Dorothée ne cesse d’inviter ses moines, en leur indiquant le chemin qui y conduit. Il s’agit d’un repos, non du corps, mais de l’âme. Ce n’est pas le repos apparent de l’âme privée de tentations et qui s’en croit délivrée (Texte 30). C’est au contraire un repos lié à l’amérimna, à l’abandon, dont nous avons parlé plus haut, repos qui est le fruit du combat spirituel (Texte 31).

———-

La doctrine cénobitique de Dorothée ne concerne pourtant pas que les cénobites. De son vivant, Dorothée s’adressait à des laïcs de Gaza qui venait le visiter et il les instruisait. Il fut lu par tous les milieux, car sa doctrine est avant tout une doctrine chrétienne, et de plus son caractère « social » le fait estimer des chrétiens soucieux de mener au milieu du monde une vie de perfection. C’est pourquoi les oeuvres de Doroth

ée ont été abondamment traduites et lues par les moines comme par les laïcs. Lues aussi bien des moines du Sinaï que de ceux du Mont-Athos ou de Russie. En Occident, des traductions partielles se trouvaient au Mont-Cassin. Par la suite, ses oeuvres furent traduites par plusieurs bénédictins. Mabillon en recommande la lecture. Hors des cloîtres, Dominicains et Jésuites en font autant. Son enseignement est toujours actuel, car il repose sur la doctrine de l’Evangile expliquée de façon imagée, avec des exemples pris à la vie courante.

BIBLIOGRAPHIE

* Maitres spirituels au désert de Gaza – Solesmes, 1967.

* Barsanuphe et Jean. Correspondance – Solesmes, 1972.* Doroth

ée de Gaza, Vie de Dosithée – Témoins du Christ, N°2.* Dorothée de Gaza, Oeuvres spirituelles – SC 92, 1961

Père Manns: Formation au dialogue

8 mars, 2007

je mets encore un article de Père Manns dont j’ai déjà mis quelque chose,  du site:

http://198.62.75.1/www1/ofm/sbf/dialogue/index.html

16.11.2006 @ 17:15
Formation au dialogue

SBF Dialogue
Les nouvelles des journaux ne sont pas toujours réjouissantes. C’est avec un grand plaisir que j’ai trouvé deux informations positives. La première annonce que la technique tchèque d’animation de marionnettes a accepté de se mettre au service de l’histoire des trois religions monothéistes pour les raconter aux enfants. “Le Temps des Fondations” est le titre de cette série qui sort en novembre en trois DVD.
L’idée a pris forme après les attentats du 11 septembre 2001, lorsque l’urgence d’une meilleure connaissance réciproque des uns et des autres a semblé de plus en plus nécessaire. Mais elle était déjà née lors de plusieurs rencontres d’experts sur le thème des Routes de la foi à Rabat.
Il est important de donner des informations non seulement sur le récit mais aussi sur l’esprit des fondations des religions. Au départ il n’y avait aucune idée belliqueuse dans les religions. Les fondateurs étaient souvent de gens exclus, comme les Hébreux en Egypte, Jésus de Nazareth rejeté par les prêtres, ou le prophète Muhamad chassé à Médine”.
La série raconte les débuts du judaïsme, du christianisme et de l’islam vus à travers les yeux d’enfants, héros de neuf épisodes de sept minutes chacun consacrés à chacune des trois religions.
Les responsables religieux tchèques ont approuvé le scénario : le grand rabbin de Prague, un pasteur protestant et le chef du Centre islamique de Prague.
Le dialogue des religions est devenu incontournable dans la société postmoderne. Les trois monothéismes restent trop souvent rivés au passé: le judaïsme orthodoxe avec son étroit système halachique ; le catholicisme avec son droit canon; l’islam avec sa charia. Lorsque ces religions accepteront le paradigme de l’âge moderne, beaucoup de problèmes seront résolus. Les grandes réconciliations de l’histoire qui ont marqué le siècle dernier – France et Allemagne, Afrique du Sud – doivent se poursuivre au niveau des religions. Des esprits ouverts, comme celui de Ghandi, de Jean XXIII et de Desmond Tutu, ont fait craquer de l’intérieur des systèmes clos.
Une autre nouvelle réjouissante s’ajoute à la première. L’Espagne de Cordoue, et la Turquie d’Istanbul, pont naturel entre deux cultures, viennent de soutenir l’alliance des civilisations, initiative des Nations Unies née en 2004 pour rapprocher les cultures.
Mais pour arriver à ce but, de grandes déclarations d’intention sur l’éducation ou la jeunesse ne suffisent pas. La dimension politique du problème n’échapppe à personne. Le caractère urgent d’une solution au conflit du Proche-Orient crève les yeux. Et les armées occidentales n’ont pas pour vocation de s’installer définitivement dans les pays musulmans pour assurer l’acheminement du pétrole vers les pays riches.

Frédéric Manns

Un nouveau chef pour les évêques d’Italie: Angelo Bagnasco

8 mars, 2007

encore un article du Sandro Magister sur Angelo Bagnasco, du site:

http://chiesa.espresso.repubblica.it/dettaglio.jsp?id=125361&fr=y

Un nouveau chef pour les évêques dItalie: Angelo Bagnasco


Il n
y a que quelques mois quil est évêque de Gênes, mais Benoit XVI a voulu quil soit également président de la conférence épiscopale. Il succède au cardinal Ruini dont il est lun des grands fidèles. Sa nomination confirme le projet dune Eglise gagnante par Sandro Magister

ROME, 8 mars 2007
Depuis hier, la conférence épiscopale italienne a un nouveau président. Cest Angelo Bagnasco, archevêque de Gênes, plus jeune de douze ans que son prédécesseur Camillo Ruini, qui a quitté ce poste à 76 ans révolus.

Le règne du cardinal Ruini à la CEI a duré vingt et un ans, cinq en tant que secrétaire et seize en tant que président. Et cela tourne maintenant à la dynastie. Mgr Bagnasco, son héritier, a lui aussi le visage effilé et le verbe tranchant, il est lui aussi passionné de philosophie, matière quil a enseignée pendant de nombreuses années. Mais il a surtout la même vision de la « mission » de lEglise en Italie et dans le monde. Cette « mission », cest celle que Benoît XVI a dictée aux états généraux de lEglise italienne réunis à Vérone en octobre dernier: « rendre pleinement droit de cité à la foi chrétienne », « rendre visible le grand oui de Dieu à lhomme et à

la vie ».

Cest Benoît XVI en personne qui a intronisé le nouveau président de la CEI. Cette nomination qui dépend dans tous les autres pays du vote des évêques, est en Italie du ressort du pape. En 1991 Jean-Paul II avait même été plus loin: il avait place à la tête de la CEI son propre vicaire, celui à qui il avait déjà confié le gouvernement de son diocèse de Rome. La symbiose entre Karol Wojtyla et Camillo Ruini était très grande. La révolution lancée par le pape polonais en 1985, à Lorette, devant un parterre hostile d’évêques, de prêtres et de laïcs c’est-à-dire la reconquête de lespace public pour lEglise a trouvé, année après anné

e, dans le cardinal Ruini son artisan victorieux.

Victorieux au point de ne pas sortir de la scène, alors même quil nest plus le président. Sa dernière année à la tête de la CEI a été un crescendo continu, jusqu’à sa dernière sortie officielle, les deux jours du Forum « du projet culturel », son projet le plus cher, qui sest tenu à Rome les 2 et 3 mars. Dans son discours dintroduction, en présence dun parterre dintellectuels, de théologiens, de savants, de physiciens, de mathématiciens, Ruini na pas consacré un seul mot aux propos polémiques des catholiques critiques, à ceux qui comme Giuseppe Alberigo et Alberto Melloni ont écrit et signé un manifeste contre le « malheur » d’une Église dirigée par lui. Son discours a volé très haut. Il a discuté les position du philosophe allemand Jürgen Habermas, le dernier grand représentant de l’école de Francfort, athée déclaré et pourtant promoteur dune alliance entre la raison laïque et la religion, contre le « défaitisme » que le scientisme moderne abrite en lui-mê

me.

Habermas avait apprécié mais aussi critiqué la leçon de Benoît XVI à Ratisbonne. Et Ruini est entré comme troisième acteur dans cette confrontation de géants, critiquant à son tour Habermas. La vocation première de Ruini a toujours été la philosophie appliquée à la théologie, toutes deux confrontées à la culture daujourdhui. Maintenant quil est « redescendu de la chaire au parterre » ce sont ses mots cest cet enseignement quil continuera à assurer, sans concessions. Avec les effets politiques explosifs qui donnent tant de fil à retordre à ses opposants, en dehors et dans lEglise. Mgr Bagnasco étant président, mais pas vicaire du pape, la CEI sort de la période dexception incarnée par le cardinal Ruini et rentre dans la normalité. Bientôt, peut-être en juin, il sera nommé cardinal, mais il restera en tous les cas à Gênes comme archevêque. Son rapport avec le pape sera moins étroit et la politique italienne ne se focalisera plus seulement sur ce que dit et fait la CEI, mais aussi sur la secrétairerie d’état du Vatican. Curieusement, cette dernière est dirigée aujourdhui par le cardinal Tarcisio Bertone, prédécesseur de Mgr Bagnasco à Gê

nes.

Mgr Bertone aurait préféré pour la CEI un président de moindre envergure. Il a cherché à convaincre Benoît XVI de choisir le titulaire dun diocèse dimportance moyenne et son candidat était Mgr Benigno Papa, de Tarente. Mais il ny est pas arrivé. Lhypothèse, longtemps considérée comme certaine, dune nomination à la présidence de la CEI du cardinal Angelo Scola, patriarche de Venise, a aussi été invalidée. La « manœuvre » de Bertone avait été interprétée comme hostile au cardinal Ruini. Mais sa conclusion le dément: Mgr Bagnasco est un ruiniste pur et dur, plus encore que le cardinal Scola, et sa nomination a été conseillée au pape aussi par le cardinal Bertone. Cet épilogue aurait été difficile à imaginer il y encore quelques mois. Le nom de Mgr Bagnasco napparaissait même pas dans un sondage lancé auprès des évêques italiens par celui qui était alors secrétaire d’é

tat, le cardinal Angelo Sodano, et par le nonce en Italie Mgr Paolo Romeo pour savoir qui ils souhaitaient comme successeur du cardinal Ruini.

A côté de Mgr Bagnasco, Mgr Betori conserve le poste névralgique de secrétaire général de la CEI. Il a été confirmé dans cette charge par le pape il y a un an pour un autre quinquennat. Mgr Betori est également un homme de confiance du cardinal Ruini, il a une solide formation de bibliste. Dernièrement il sest beaucoup employé à combattre les courants dexégèse qui séparent le « Jésus de la foi » du « Jésus de lhistoire », faisant simplement de ce dernier un homme, un juif de son temps auquel seuls les disciples auraient ensuite attribué la marque de la divinité

.

Avec Mgr Bagnasco et Mgr Betori aux deux postes-clé, la CEI nabandonnera aucune des initiatives lancées durant l’ère Ruini. La session de printemps du conseil permanent l’élite des trente cardinaux et évêques les plus importants est au programme le 26 mars prochain. Cest à cette date exactement que la note de la CEI pour la défense de la famille et contre la légalisation des unions de fait, hétérosexuelles ou homosexuelles, sera rendue publique. Le cardinal Ruini lavait annoncée le 12 février comme « contraignante pour ceux qui suivent le magistère de lEglise et éclairante pour tous », provoquant un déchaînement de polémiques. Au Vatican, la congrégation pour la doctrine de la foi a déjà fourni à la CEI un aide-mémoire rappelant les lignes directrices en la matiè

re.

En suivant le sillon creusé par Ruini, Mgr Bagnasco semble nouveau uniquement parce quil est inconnu du plus grand nombre. Il est en cela un exemple parfait du formidable potentiel dascension hiérarchique quun organisme comme lEglise assure même à ses fils les plus humbles. Angelo Bagnasco est né en 1943 à Pontevico, dans la région de Brescia, de parents génois réfugiés à cause de la guerre. Son père travaillait dans une usine de patisserie. De retour à Gênes, le jeune homme entre au séminaire. Ordonné prêtre par le cardinal Giuseppe Siri, il obtient ensuite sa maîtrise de philosophie à luniversité de Gê

nes.

Pendant près de vingt ans, jusquen 1988, il donné des cours sur la métaphysique et lathéisme contemporain à la faculté de théologie de lItalie du Nord. En même temps, il travaille en paroisse, à la curie diocésaine et au séminaire, est assistant des etudiants universitaires catholiques et soccupe de la catéchèse et de la liturgie. Le tournant arrive il y a neuf ans, lorsquil est nommé évêque de Pesaro. Le cardinal Ruini le remarque, lapprécie et, en 2001, le nomme également président du conseil dadministration du quotidien de la CEI, « Avvenire ». En 2002, il devient secrétaire de la commission de la CEI pour l’école et luniversité. En 2003, il est nommé archevêque aux armées pour lItalie et il ny a pas un point du globe où

il ne se soit rendu pour rencontrer les soldats italiens en « mission de paix ».

Dans une lettre adressée aux aumôniers militaires, il écrit: « Nous sommes très souvent surpris en rencontrant des trésors de bonté, de propreté morale, dhéroïsme simple, dans des situations qui sembleraient impossibles ». Après le massacre des soldats italiens à Nassyrie, en Irak, en novembre 2003, il adhère avec élan au mémorable « nous ne fuirons pas », que le cardinal Ruini avait prononcé lors de lhomélie funèbre. Il donne à cette expression le même sens que le cardinal: « Aimer aussi nos ennemis: cest cela le grand trésor que nous ne devons pas laisser arracher de nos consciences et de nos cœurs, même par des terroristes assassins. Nous ne fuirons pas devant eux, au contraire, nous leur ferons face avec tout le courage, l’énergie et la détermination dont nous sommes capables. Mais nous ne les haïrons pas, au contraire nous nous efforcerons à leur faire comprendre que tout lengagement de lItalie, y compris militaire, est tourné vers la sauvegarde et la promotion dune vie commune où il y ait de la place et de la dignité

pour chaque peuple, chaque culture et chaque religion ».

Aux soldats italiens du monde entier, il offre lEvangile et le Catéchisme, il donne la confirmation et la communion. Les pacifistes ne lapprécient guère. Dans la lettre aux aumôniers militaires mentionnée ci-dessus, Mgr.Bagnasco sonne aussi lalarme sur les menaces contre « la dignité de la vie humaine depuis la conception jusqu’à sa fin naturelle, sur la sainteté du mariage, sur lunité et la fécondité de la famille ». Mais sans victimisation, car « notre expérience de pasteurs qui ont accès à lintimité des âmes preuve que le bien, en profondeur, est immensé

ment plus grand que le mal ».

C’était en 2004 et lEglise italienne était encore peu active sur ces sujets. Pourtant le pape, le cardinal Ruini et quelques rares autres voix étaient à la pointe du combat et Mgr Bagnasco en faisait partie. Mgr Bagnasco sest retrouvé encore plus en accord avec le nouveau pape Benoît XVI. Il a été parmi les plus acharnés à le défendre après la leçon contesté

e de Ratisbonne.

Promu archevêque de Gênes il y a six mois, il a consacré sa première lettre pastorale à la prière. Elle a été distribuée au début de ce Carême, au même moment où Benoît XVI prêchait, lors de lAngélus du dimanche 4 mars, que « la prière nest pas un accessoire, mais une question de vie ou de mort ». Car « seul celui qui prie, cest-à-dire celui qui se confie à Dieu avec un amour filial, peut entrer dans le vie éternelle, qui est Dieu lui-même ».

commentaire à l’évangile du jour – 8.3.07

8 mars, 2007

Saint Grégoire de Nazianze (330-390), évêque, docteur de l’Église
14ème homélie sur l’amour des pauvres, 38.40 (trad. bréviaire rev.)

« Un pauvre était couché devant sa porte »

« Heureux les miséricordieux, dit le Seigneur, ils obtiendront miséricorde. » (Mt 5,7) La miséricorde n’est pas la moindre des béatitudes : « Heureux qui comprend le pauvre et le faible », et aussi : « L’homme bon compatit et partage », ailleurs encore : « Tout le jour, le juste a pitié, il prête » (Ps 71,13;111,5;36,26). Faisons nôtre donc cette béatitude : sachons comprendre, soyons bons.

Même la nuit ne doit pas arrêter ta miséricorde ; « ne dis pas : Reviens demain matin et je te donnerai » (Pr 3,28). Qu’il n’y ait pas d’hésitation entre ta première réaction et ta générosité… « Partage ton pain avec celui qui a faim, recueille chez toi le malheureux sans abri » (Is 58,7) et fais-le de bon coeur. « Celui qui exerce la miséricorde, dit saint Paul, qu’il le fasse avec joie » (Rm 12,8). Ton mérite est doublé par ton empressement ; un don fait avec chagrin et par contrainte n’a ni grâce ni éclat. C’est avec un coeur en fête, non en se lamentant, qu’il faut faire le bien… « Alors ta lumière jaillira comme l’aurore, et tes forces reviendront rapidement » (Is 58,8). Y a-t-il quelqu’un qui ne désire pas la lumière et la guérison ?…

C’est pourquoi, serviteurs du Christ, ses frères et ses cohéritiers (Ga 4,7), tant que nous en avons l’occasion, visitons le Christ, nourrissons le Christ, habillons le Christ, recueillons le Christ, honorons le Christ (cf Mt 25,31s). Non seulement en l’invitant à table, comme quelques-uns l’ont fait, ou en le couvrant de parfums, comme Marie Madeleine, ou en participant à sa sépulture, comme Nicodème… Ni avec l’or, l’encens et la myrrhe, comme les mages… Le Seigneur de l’univers « veut la miséricorde et non le sacrifice » (Mt 9,13), notre compassion plutôt que « des milliers d’agneaux engraissés » (Mi 6,7). Présentons-lui donc notre miséricorde par les mains de ces malheureux gisant aujourd’hui sur le sol, afin que, le jour où nous partirons d’ici, ils nous « introduisent aux demeures éternelles » (Lc 16,9), dans le Christ lui-même, notre Seigneur.