je désire mettre encore quelque chose sur les catacombes…
5 mars, 2007
il s’agit ici de la correspondance entre Rome et Carthage entre le 250 et le 258 pour lire les témoignages des chrétiens de ces temps:
CORRESPONDANCE ENTRE LES EGLISES DE ROME ET DE CARTHAGE
Dans l’histoire des catacombes de Saint-Callixte, on rencontre des protagonistes et des personnalités de premier plan: les papes martyrs Fabien, Corneille, Sixte II, comme aussi l’évêque de Carthage Saint Cyprien. Les Eglises de Rome et de Carthage communiquaient fréquemment entre elles. Il est intéressant de connaître le contenu de certaines lettres et de savoir ce que se disaient ces grands pasteurs et comment ils jugeaient leur époque si peu tranquille.
1. L’Eglise de Rome à l’Eglise de Carthage
L’Eglise de Rome, à l’époque de la persécution de l’empereur Dèce, envoyait à l’Eglise de Carthage ce témoignage de sa fidélité au Christ: Rome, début 250 » … L’Eglise résiste fermement dans la foi. Quelques-uns, il est vrai, soit parce qu’ils étaient impressionnés par le retentissement qu’ils auraient pu causer de par leur position sociale, soit par fragilité humaine, ont cédé. Toutefois, bien qu’ils soient désormais séparés de nous, nous ne les avons pas abandonnés dans leur défection, mais nous les avons aidént et nous leur sommes encore proches pour qu’ils se réhabilitent par la pénitence et qu’ils reçoivent le pardon de Celui qui peut le concéder. Si en effet nous les laissions livrés à eux-mêmes, leur chute deviendrait irréparable. Cherchez vous aussi à faire de même, frères très chers, en tendant la main à ceux qui sont tombés, afin qu’ils se relèvent. Ainsi, s’ils devaient encore être arrêtés, ils se sentiront forts pour confesser cette fois-ci leur foi et remédier ainsi à leur erreur antérieure. Permettez-nous de vous rappeler aussi la ligne à suivre quant à un autre problème. Ceux qui ont cédé dans l’épreuve, s’ils sont infirmes et à condition qu’ils se repentent et sont désireux d’être en communion avec l’Eglise, doivent être secourus. Les veuves et les autres personnes qui sont empêchées de se présenter spontanément, come aussi ceux qui se trouvent en prison ou éloignés de leurs maisons, doivent trouver des personnes qui pourvoient à leurs besoins.. Et même les catéchumènes qui sont malades ne peuvent rester déçus dans leur attente d’une aide. Les frères qui sont en prison vous saluent, ainsi que les prêtres et toute l’Eglise, qui veille avec une grande sollicitude à tous ceux qui invoquent le nom du Seigneur. Mais nous aussi nous vous demandons en échange votre souvenir. » (Lettre 8, 2-3)
2. L’évêque de Carthage à l’Eglise de Rome
Lorsque Cyprien fut informé de la mort du pape Fabien, il écrivit aux prêtres et aux diacres de Rome cette lettre: Carthage, début 250 »
Très chers frères,
La nouvelle de la mort de mon Saint confrère dans l’épiscopat était encore incertaine chez nous, et nos informations étaient encore douteuses, lorsque je reçus votre lettre, qui m’a été envoyée par le sous-diacre Crémence et qui m’informait de façon complète quant à sa mort glorieuse. Alors je rendis grâce, car à l’intégrité de son gouvernement avait fait suite une noble fin. A cet égard, je me réjouis beaucoup avec vous, parce que vous honorez sa mémoire par un témoignage solennel et splendide, en nous faisant connaître, à nous aussi, le souvenir remarquable que vous gardez de votre évêque et en nous offrant un exemple de foi et de courage. En effet, autant est néfaste pour ses sujets la chute d’un chef, autant est au contraire utile et salutaire un évêque qui se donne à ses frères en exemple de fermeté dans la foi… Je vous souhaite, frères très chers, d’être toujours dans le bien. » (Lettre 9, 1).
3. Cyprien, évêque de Carthage, au pape Corneille
Cyprien rend hommage au témoignage de courage et de fidélité rendu par le pape Corneille et par l’Eglise de Rome: » un exemple lumineux d’unité et de constance pour tous les chrétiens « . Prévoyant l’imminence de l’épreuve qui toucherait aussi l’Eglise de Carthage, Cyprien demande l’aide fraternelle de la prière et de la charité.
Carthage, automne 253
» Cyprien à Corneille, frère dans l’épiscopat. Nous avons eu connaissance, frère très cher, de ta foi, de ta force et de ton franc témoignage. Tout cela est un grand honneur pour toi et m’apporte une telle joie que je me considère participant et associé à tes mérites et à tes exploits. En effet, tout comme l’Eglise est une, un et inséparable l’amour, une et indissociable l’harmonie des cœurs, ainsi quel prêtre célébrant les louanges d’un autre prêtre ne s’en réjouirait pas comme de sa propre gloire ? Et quel frère ne se sentirait heureux de la joie de son propre frère ? Vraiment il est impossible d’imaginer l’exultation et la grande joie qu’il y a eu parmi nous lorsque nous avons appris ces belles choses et les preuves de courage que vous nous avez données. Tu as été un guide pour tes frères dans la confession de la foi, et la confession qu’a donné le guide a été fortifiée encore par celle des frères. Ainsi, en précédant les autres sur le chemin de la gloire et en te montrant prompt à confesser la foi en premier lieu et au nom de tous, tu as persuadé aussi ton peuple de confesser sa foi. C’est pourquoi il nous est impossible de définir ce que nous devons le plus louer en vous, si c’est ta foi prompte et inébranlable ou la charité inséparable des frères. A été manifesté dans toute sa splendeur le courage de l’évêque, guide de son peuple, et est apparue de façon lumineuse et grandiose la fidélité du peuple entièrement solidaire de son évêque. Par vous tous, l’Eglise de Rome a donné un magnifique témoignage, toute unie en un seul esprit et en une seule voix.
Ainsi a brillé, frère très cher, la foi que l’Apôtre avait constaté dans votre communauté et pour laquelle il vous avait loué. Alors déjà il prévoyait et célébrait quasi prophétiquement votre courage et votre force indomptable. Alors déjà il reconnaissait les mérites dont vous obtiendriez la gloire. Il exaltait les exploits des pères, en prévision de ceux de leurs fils. Par votre pleine entente et votre endurance, vous avez donné à tous les habitants de la ville un brillant exemple d’union et de constance.
Frère très cher, le Seigneur dans sa Providence nous avertit que l’heure de l’épreuve est imminente. Dieu, dans sa bonté et son souci empressé pour notre salut nous donne ses conseils suggestifs en vue de notre proche combat. Aussi au nom de la charité qui nous unit, aidons-nous, en persévérant avec tout le peuple dans le jeûne, la veille et la prière. Nous avons là les armes célestes qui nous aider à rester solides et persévérants. Nous avons là les armes spirituelles et les flèches divines qui nous protègent. Souvenons-nous les uns des autres dans la concorde et la fraternité spirituelle. Prions sans cesse et en tout lieu les uns pour les autres et cherchons à alléger nos souffrances par une charité mutuelle. » (Lettre 60, 1-2)
4. Cyprien annonce la mort du pape Sixte II
L’Eglise de Carthage avait envoyé à Rome quelques ecclésiastiques pour obtenir des nouvelles à propos du décret de persécution de l’empereur Valérien. Ceux-ci revinrent en apportant la douloureuse nouvelle de la mort du pape Sixte II. L’évêque Saint Cyprien se préoccupa immédiatement de mettre l’Eglise d’Afrique au courant de ces événements en envoyant à l’évêque Successo la lettre suivante.
Carthage, août 258
» Mon cher frère,
Je n’ai pas pu t’envoyer tout de suite un écrit, car aucun des clercs de cette Eglise ne pouvait se déplacer: tous se trouvent pris dans la tempête de la persécution, qui cependant, grâce à Dieu, les a trouvés intérieurement tout disposés à passer en un instant au ciel. Je te communique à présent les nouvelles qui sont en ma possession. Sont revenus les délégués que j’avais envoyés à Rome pour vérifier et rapporter la décision prise par les autorités à mon égard, quel que soit le genre de décision que cela pouvait être, et pour mettre fin ainsi à toutes les inférences et hypothèses incontrôlées qui circulaient. Et voici la vérité dûment vérifiée.
L’empereur Valérien a envoyé au Sénat un rescrit par lequel il décide que les évêques, les prêtres et les diacres seront immédiatement mis à mort. Les sénateurs, les notables et ceux qui portent le titre de cavaliers romains, seront privés de toute marque de dignité et même de leurs biens. Si ensuite, aussi par suite de la confiscation de leurs biens, ils devaient s’entêter dans leur profession de foi chrétienne, ils devront être condamnés à la peine capitale. Les matrones chrétiennes subiront la saisie de tous leurs biens et seront ensuite envoyées en exil. A tous les fonctionnaires impériaux qui ont déjà confessé la foi chrétienne ou qui devraient la confesser à présent, on confisquera également tous leurs biens. Ils seront ensuite arrêtés et enrôlés parmi les préposés aux propriétés impériales (travaux forcés).
A ce rescrit Valérien a également ajouté copie de la lettre qu’il a envoyée aux gouverneurs de province et qui concerne ma personne. J’attends cette lettre de jour en jour et j’espère la recevoir rapidement en me gardant ferme et fort dans la foi. Ma décision par rapport au martyre est claire. Je l’attends, plein de confiance à l’idée de recevoir la couronne de vie éternelle de la bonté et de la générosité de Dieu.
Je vous communique que Sixte a subi le martyre avec quatre diacres le 6 août, alors qu’il se trouvait dans la zone du Cimetière (les catacombes de Saint-Callixte). Les autorités de Rome ont reçu comme norme que tous ceux qui sont dénoncés comme chrétiens devront être exécutés et devront subir la confiscation de leurs biens au bénéfice du trésor impérial. Je te demande de porter également à la connaissance de nos autres collègues dans l’épiscopat tout ce que je t’ai rapporté, afin que leurs exhortations puissent encourager notre communauté et la préparer toujours mieux au combat spirituel. Il sera plus stimulant de considérer davantage le bien de l’immortalité plutôt que la mort elle-même, de se consacrer au Seigneur avec une foi ardente et une vigueur héroïque, et de se réjouir plutôt que de craindre à la pensée d’avoir à confesser sa propre foi. Les soldats de Dieu et du Christ savent très bien que leur immolation n’est pas tant une mort qu’une couronne de gloire. A toi, frère très cher, mes salutations dans le Seigneur. » (Lettre 80)
5. Le martyre de Saint Cyprien
Il aurait été très utile et édifiant de connaître les procès-verbaux du procès des martyrs Pontien, Fabien, Corneille, Sixte II, Eusèbe, Cécile… Malheureusement, durant la terrible persécution de Dioclétien, les archives de l’Eglise de Rome furent détruites. Nous ont cependant été transmis les procès-verbaux du procès de Saint Cyprien. Ces » Actes » ont été lus dans les communautés chrétiennes pour glorifier le martyr et pour qu’on y puise force au moment de l’épreuve. On peut retenir que les procès-verbaux du procès des martyrs cités ci-dessus ont été écrits plus ou moins de la même manière.
Carthage, 14 septembre 258
Le matin du 14 septembre, une grande foule s’était rassemblée a Sesti, selon ce qu’avait ordonné le proconsul Galero Massimo. Ce même proconsul ordonna également qu’on lui amène Cyprien pour l’audience qu’il tenait ce même jour dans l’atrium Sauciolo. Quand Cyprien fut devant lui, le proconsul Galerio Massimo dit à l’évêque:
- Es-tu Tascius Cyprien?
L’évêque lui répondit:
- Oui, je le suis.
Le proconsul Vario Massimo lui dit:
- Est-ce toi qui t’es présenté comme le chef d’une secte sacrilège?
L’évêque Cyprien répondit:
- C’est bien moi.
Galerio Massimo dit:
- Les Saints empereurs t’ordonnent de sacrifier.
L’évêque répondit:
- Je ne le ferai pas.
Le proconsul Galerio Massimo dit:
- Réfléchis bien.
L’évêque Cyprien dit:
- Fais ce qui t’a été ordonné. Dans une matière aussi juste, il n’y a pas à réfléchir. Galerio Massimo, après s’être entretenu avec le collège des magistrats, prononça avec peine et à contrecœur cette sentence: ‘Tu as vécu longuement de manière sacrilège et tu as attiré beaucoup de personnes dans ta secte criminelle, tu t’es constitué en ennemi des dieux romains et de leurs rites sacrés. Les Saints empereurs Valérien et Gallien n’ont pas réussi à te ramener à l’observance de leurs cérémonies religieuses. C’est pourquoi, parce qu’il résulte que tu es l’auteur et l’instigateur des pires délits, tu seras toi-même un exemple pour ceux que tu as associé à tes actes criminels. Par ton sang sera sanctionné le respect des lois.’ Après ces mots, il lut à haute voix le décret mis sur tablette: ‘J’ordonne que Tascius Cyprien soit puni par la décapitation.’
Après cette sentence, la foule des frères (les chrétiens) disait: ‘Nous aussi nous voulons être décapités avec lui.’ Une grande agitation surgit donc parmi les frères et une grande foule le suivit. Cyprien fut ainsi conduit dans la campagne de Sesti, et là il se dépouilla de son manteau, s’agenouilla par terre et se prosterna pour prier le Seigneur. Il enleva ensuite sa dalmatique et la remit aux diacres, conservant son seul vêtement de lin, dans l’attente du bourreau. Lorsque celui-ci arriva, l’évêque donna ordre aux siens de lui remettre vingt-cinq pièces de monnaies d’or. Entretemps les frères étendaient devant lui des pièces d’étoffe et des mouchoirs (pour recueillir le sang en relique). Alors, de ses propres mains, Cyprien, majestueux, se banda les yeux, mais, comme il ne réussissait pas à nouer les coins du mouchoir, le prêtre Julien et le sous-diacre Julien vinrent l’aider. C’est ainsi que l’évêque Cyprien subit le martyre. Son corps, à cause de la curiosité des païens, fut déposé dans un lieu proche où il pouvait être enlevé au regard indiscret des païens. De là, plus tard, durant la nuit, il fut emporté et accompagné, avec des flambeaux et des torches allumées, jusqu’au cimetière du procurateur Macrobio Candidiano, sur le chemin des Cabanes près de la piscine. Quelques jours plus tard mourut le proconsul Galerio Massimo. Le Saint évêque Cyprien subit le martyre le 14 septembre sous les empereurs Valérien et Gallien, mais sous le règne de notre Seigneur Jésus-Christ, à qui est la gloire dans les siècles des siècles. Amen! » (extrait des Actes Proconsulaires, 3-6)