L’Empire céleste veut plus d’ »harmonie », même avec l’Eglise
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L’Empire céleste veut plus d’« harmonie », même avec l’Eglise
C’est la nouvelle ligne de conduite du gouvernement chinois, en réaction à l’échec du projet de création d’une Eglise « patriotique » indépendante de Rome. Une lettre de Benoît XVI consacrera bientôt le retour à l’unité des tous les catholiques de Chine et proposera un accord à Pékin
par Sandro MagisterROME, 2 mars 2007 – La lettre que Benoît XVI prépare actuellement pour les catholiques de Chine sera prête avant Pâques. L’annonce en a été faite le 20 janvier dernier, au terme d’une réunion au Vatican consacrée précisément à la situation de l’Eglise en Chine, avec la participation, entre autres, des évê
ques de Hong Kong, Macao et Taiwan.
Cette lettre abordera en particulier la question cruciale de l’unité de l’Eglise., En effet, depuis plusieurs décennies cohabitent en Chine une Eglise officielle, étroitement contrôlée par l’Association Patriotique, créée délibérément dans les années Cinquante par les autorités chinoises en opposition à Rome, et une Eglise non reconnue officiellement et fidèle au pape.Une séparation analogue entre officiels et clandestins touche aussi les communautés chrétiennes protestantes, qui ont en Chine un nombre de fidèles et un taux de conversions encore plus considé
rables.
Cependant, dans les deux cas, il n’y a pas d’opposition nette entre les officiels et les clandestins. Et l’objectif premier de l’Eglise de Rome est de colmater les brèches. Depuis longtemps, au sein des communautés catholiques officiellement reconnues par le gouvernement une évolution est en cours, qui les conduit à rechercher toujours davantage la communion avec le pape et à l’obtenir. Inversement, les groupes de catholiques clandestins qui refusent de reconnaître les officiels, accusés de trahir la foi, sont de moins en moins nombreux.La plus grande difficulté pour les catholiques officiels consiste à obéir simultanément à l’Eglise universelle et à la politique séparatiste et anti-pontificale des autorités communistes. Mais cette politique est également en voie d’é
volution.
Des nouvelles très intéressantes ont circulé ces derniers jours à Rome, concernant la situation actuelle de l’Eglise en Chine et les nouveautés politiques en cours, mais aussi sur les changements qui ont eu lieu au cours des vingt dernières années dans l’Eglise chinoise et dans la politique du Vatican envers la Chine.En ce qui concerne la situation présente, les informations viennent principalement du père Bernard Cervellera, de l’Institut Pontifical des Missions Etrangères, directeur de l’
agence de presse en ligne « Asia News ».
En ce qui concerne le passé, des révélations intéressantes sont fournies par un article de Gianni Valente, paru dans le dernier numéro de la revue internationale « 30 Jours », dirigée par Giulio Andreotti.
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En commençent par le passé, « 30 Jours » cite une lettre du 12 décembre 1981, écrite par celui qui était alors le préfet de la congrégation vaticane pour la propagation de la foi, le cardinal Agnelo Rossi, au chargé d’affaires à la nonciature de Taiwan, Paolo Giglio. Elle autorisait les évêques chinois « légitimes et fidèles au Saint Siège », à ordonner clandestinement d’autres évêques, sans en informer Rome au préalable si nécessaire.
D’après « 30 Jours », cette autorisation marque le début du développement rapide, sur tout le territoire chinois, d’une Eglise clandestine forte de l’approbation canonique et s’opposant avec fierté à l’Eglise officielle. Certains dirigeants de l’Eglise clandestine interdisent à leurs fidèles de recevoir les sacrements ou de participer aux messes célébrées par des prêtres inscrits à l’Association Patriotique.En 1985, la congrégation pour la doctrine de la foi établit que les ordinations des évêques nommés par le régime sont illégitimes mais valides. Mais deux années plus tard, en 1987, Jean-Paul II invite à nouveau les catholiques chinois fidèles au Saint-Siège à ne pas participer aux messes des prêtres officiels et à ne pas recevoir d’eux les sacrements, qui ont une validité seulement « présumée ». Le partisan le plus tenace de cette ligne de conduite au Vatican est le cardinal Jozef Tomko, le nouveau pré
fet « de Propaganda Fide ».
Mais les évêques de l’Eglise officielle ne se soumettent pas tous passivement au régime. En nombre croissant, ils recherchent et obtiennent l’approbation de Rome, sans rompre pour autant avec l’Association Patriotique.Le 26 septembre 1993, se tient au Vatican un sommet semblable à celui qui aura lieu les 19 et 20 janvier 2007. « 30 Jours » en donne de larges extraits. Décision est prise de mettre un frein à l’ordination de nouveaux évêques clandestins, qui s’arrêtera définitivement quelques années plus tard. En ce qui concerne les évêques désignés selon les procédures de l’Association Patriotique, ils sont invités à demander et à obtenir l’autorisation du Vatican avant leur ordination, ou au moins à régulariser leur position après coup, toujours en rendant « public l’accord intervenu avec le Saint -Siè
ge ».
Au Vatican, le cardinal Tomko continue à se montrer le plus rigide. En revanche, depuis Hong Kong, celui qui était alors le directeur du centre des études du Saint-Siège, Fernando Filoni, aujourd’hui nonce aux Philippines, plaide pour que l’interdiction de participer aux messes célébrées par les prêtres de l’Association patriotique soit supprimée. Mgr Filoni s’exprime ainsi dans une lettre adressée en mars 1994 au cardinal Tomko:« La foi en Chine est celle de l’Eglise universelle, même si actuellement elle se manifeste à des degrés différents d’expression, et il n’y a pas de doutes sur la validité des sacrements. Dans l’effort pour reconstruire ‘step by step’ les relations entre l’Eglise chinoise et l’Eglise universelle, nous devons accomplir des gestes d’accueil plutôt que de sé
paration ».
C’est ce qui va en effet se passer, au cours des années suivantes. L’Association Patriotique persiste à ordonner des évêques illégitimes. Mais les ordinations résultant d’un accord de fait avec le Saint-Siège augmentent en nombre. A tel point que le Vatican a pu déclarer le 20 janvier dernier, que « aujourd’hui la quasi-totalité des évêques et des prêtres chinois est en communion avec le souverain pontife ».
Venons-en maintenant à l’actualité. Le chemin est encore semé d’embûches. C’est le père Cervellera qui décrit ce qui se passe aujourd’hui et ce qui risque de se produire demain.
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« Le fait inédit est que le gouvernement chinois semble lui aussi prendre toujours plus ses distances par rapport à l’action de l’Association Patriotique »: c’est ainsi que commence une analyse du père Cervellera publiée par l’agence de presse « Asia News » et sur le quotidien « Avvenire ».
Le 13 février dernier, Jia Qinglin, membre du bureau politique du parti communiste et président de la conférence politique consultative du peuple chinois a rencontré les dirigeants des Associations Patriotiques des religions officiellement reconnues: catholique, protestante, musulmane, bouddhiste, taoïste. A tous, il a affirmé que « les religions peuvent jouer un rôle positif » dans la construction d »une société harmonieuse », le slogan lancé par le président Hu Jintao. « L’harmonie sociale − a-t-il ajouté − doit être défendue chez les fidèles et leurs demandes et exigences doivent être entendues ».Peu de jours auparavant, une enquête officielle avait démontré que la Chine compte au bas mot 300 millions de croyants. Le pè
re Cervellera fait la remarque suivante:
« Cela signifie qu’au moins 200 millions de chinois ne se trouvent pas à l’intérieur des structures officielle contrôlées par les Associations Patriotiques. La raison en est claire: personne n’accepte de subir le contrôle des AP en matière de foi. C’est pourquoi le gouvernement, soucieux de préserver l’ordre social, perçoit la nécessité de traiter directement avec les communautés, mêmes clandestines, qu’elles soient catholiques ou protestantes. Il ne faut pas non plus oublier que, selon un document interne du parti communiste, un tiers de ses membres adhèrent à une religion. Puisque le parti leur interdit de participer aux cultes officiels, ils viennent augmenter les effectifs précisément vers les communautés clandestines ».De plus, les Associations Patriotiques sont détestées même par les fidèles qui y adhèrent. La quasi-totalité de biens des diocèses catholiques sont confisqués par les dirigeants de l’AP, qui encaissent les revenus des terrains et des maisons qu’ils vendent et louent, au lieu de les reverser aux diocèses. En novembre 2005, à Xian, 16 religieuses ont été frappées parce qu’elles défendaient une école diocésaine, que les autorités locales avaient vendue après se l’être appropriée. Toute la communauté catholique s’est révoltée. Un mois plus tard, dans le Shanxi, il en a été de même pour la vente de bâtiments des diocè
ses de Taiyuan et de Yuci.
Dans ce contexte, les dirigeants du gouvernement chinois voudraient réduire le pouvoir de l’Association Patriotique. D’après des sources de « Asia News », le ministère des affaires étrangères serait même favorable à l’établissement des pleins rapports diplomatiques avec le Vatican. Après la mort du Jean-Paul II, la diplomatie de Pékin adresse des messages de détente au Saint-Siège: les condoléances pour la mort de Jean-Paul II, une proposition aux religieuses de Mère Teresa d’ouvrir une maison en Chine… Autant de signaux auxquels s’oppose l’Association Patriotique, en empêchant l’arrivée des religieuses, en faisant arrêter les prêtres clandestins, en orchestrant des campagnes de presse et surtout en organisant des ordinations épiscopales illégitimes.Le leader le plus acharné de l’Association Patriotique qui contrôle l’Eglise catholique officielle est Antonio Liu Bainian, que l’on surnomme le « pape laïc chinois ». En novembre dernier, il n’a pas hésité, pour effectuer ses dernières ordinations illégitimes, à utiliser la violence, les manœuvres, les enlèvements et le mensonge à l’égard des candidats eux mêmes. Naturellement – le père Cervellera remarques – « cibles préférées sont les Eglises clandestines, qui n’obéissent pas à ses ordres, et le cardinal Joseph Zen Ze-kiun, évêque de Hong kong, champion de la liberté de l’
Eglise en Chine ».
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Quelques chiffres concernant la Chine
Catholiques 12.000.000
Diocèses 138
Baptêmes d’adultes en 2004 150.000
EGLISE OFFICIELLE
Evêques 67
Prêtres 1.740
Séminaires 14
Séminaristes 580
Religieuses 3.500
Noviciats 40
Novices 800
EGLISE CLANDESTINE
Evêques 44
Prêtres 1.100
Séminaires 10
Séminaristes 800
Religieuses 1.700
Noviciats 20
Novices 800
Evêques emprisonnés ou portés disparus 17
Prêtres emprisonnés 20
Sources: Holy Spirit Study Center de Hong Kong, Asia News.
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