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2ème Dimanche de carême (homélies) supplémenté
Texte des versets retenus par la liturgie : Luc 9/28-36 (hors commentaires)
situation de départ :
Ayant pris avec lui Pierre, Jean et Jacques, Jésus monta sur la montagne pour prier. Et il arriva, pendant que lui priait.
Premier mouvement : l’expérience issue de l’intimité historique :
l’aspect de son visage devint autre
et son manteau blanc fulgurant
Deuxième mouvement : l’éclairage apporté par les Ecritures
et voici : deux hommes parlaient avec lui, lesquels étaient Moïse et Elie qui, ayant été vus en gloire,
à la racine des anneaux suivants
disaient son Exode qu’il allait accomplir à Jérusalem .
( La réaction des témoins )
Troisième mouvement : évolution des réactions des apôtres
1er temps : incompréhension puis éclairage apporté par la résurrection
Or Pierre et ceux qui étaient avec lui étaient alourdis de sommeil ; étant demeurés éveillés, ils virent sa gloire et les deux hommes qui se tenaient debout avec lui.
2ème temps : lente séparation de l’Ancien Testament mais risque de stagnation judéo-chrétienne
Il arriva, pendant qu’ils prenaient congé de lui, Pierre dit à Jésus : » Maître, il est beau que nous soyons ici ; alors faisons trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, et une pour Elie . » – ne sachant ce qu’il disait
Quatrième mouvement : la foi au Fils, liée à l’écoute de sa Parole
Comme il disait ceci, arriva une nuée et elle les couvrait de son ombre. Ils craignirent pendant qu’ils entraient dans la nuée
Et une voix arriva de la nuée, disant : » Celui-ci est mon Fils, le choisi . Ecoutez-le sans cesse »
retour :
Pendant que la voix était arrivée, Jésus fut trouvé seul .
Et eux se turent et ne rapportèrent à personne, en ces jours-là, rien de ce qu’ils se trouvaient avoir vu .
Textes et commentaires présentés au cours des années passées et concernant la Transfiguration
Année A – Le texte est celui de Matthieu. Les notes permettent une analyse de la structure globale des trois récits de Transfiguration à partir de la présentation du premier évangéliste. Quelques compléments renseignent sur le symbolisme des rapports entre Jésus et Moïse, Jésus et Elie. S’y ajoute une aperçu du livre de DanielLa piste possible était intitulée: « ne pas s’arrêter dans la montée… ne pas accélérer dans la descente… » 1er point: en perspective de mission… 2ème point: les paliers de la montée… 3ème point: le vertige des cimes… 4ème point: priorité à la résurrection…Année B (hb19.2careme) – Chez Marc, la transfiguration sert de charnière entre la reconnaissance de Jésus comme Messie et la reconnaissance de Jésus comme Fils de Dieu. Les notes rappellent cette structure générale du deuxième évangile.
La piste possible est intitulée « lorsque le désert se fait encore plus désertique » et insiste sur les difficultés de cette évolution : les atouts acquis dans la montée et les soutiens lors de la descente.
Contexte des versets retenus par la liturgie
* La plupart des commentaires ont familiarisé leurs lecteurs avec la diversité des présentations qu’adoptent les trois premiers évangélistes. Il leur manque souvent d’attirer l’attention vers un contexte plus général, particulièrement celui du plan d’ensemble de chaque auteur. Il est vrai que ces visées globales sont sujets de nombreuses discussions et qu’une certaine timidité fait passer sous silence des conclusions de plus en plus nettes, particulièrement dans l’ordre symbolique
* Luc distingue deux parties dans l’activité adulte de Jésus. Dans la première il concentre en Galilée les principaux traits du « noyau » historique. Au long de ce développement, il insère un certain nombre d’épisodes concernant les apôtres : premiers contacts – choix des apôtres – enseignement sur la mission – premier partage de ministère. Il traduit discrètement une progression de leur intimité avec Jésus avant de résumer en un dernier ensemble l’évolution de leur foi. La Transfiguration se situe au terme de ce premier ensemble. A son habitude, Luc construit cet
épisode en anneau. Celui-ci s’ouvre, dans un cadre d’intimité priante, par la profession de foi de Pierre : « Pour vous, qui suis-je ? – Le Christ de Dieu. », profession de foi qui, chez Luc, ne sera pas altérée par les versets suivants. Les deux premières annonces de la passion se répondent ensuite et entre les deux l’évangéliste situe la Transfiguration. Mais il convient de ne pas négliger les versets qui constituent le « cadre rapproché » de la Transfiguration. Le verset 9/27 fait référence aux apôtres comme futurs témoins de la résurrection et sert de point d’appui pour insinuer une date : « environ huit jours après ces paroles »… Le verset final précise un silence effectif « en ces jours-là » et est suivi de l’épisode du fils unique épileptique (9/37) qui évoque les difficultés des disciples pour accomplir les guérisons, même après leur vision.
* En raison de la « voix concernant le Fils » et de l’ambiance de prière, le rapprochement avec la « révélation » du Jourdain (3/21) est spontané. Le sommeil des apôtres fait également penser à la soirée du jeudi-saint, au jardin de Gethsémani. D’autres rapprochements sont susceptibles de nourrir la réflexion : 1. l’évangéliste présentera en « Exode » la montée à Jérusalem et en fera la deuxième partie du ministère de Jésus; cet Exode aboutira à la passion, à la résurrection et au départ de la mission universelle… 2. Dans l’épisode d’Emmaüs (24/13), « les yeux des disciples sont empêchés de le reconnaître »… les explications concernant Jésus « commencent par Moïse et parcourent tous les prophètes »… les disciples aspirent à ce que Jésus « reste avec eux »…
Piste de réflexion : les étapes d’une présentation de Jésus
= Chaque année, au deuxième dimanche de Carême, nous sommes invités à réfléchir sur l’évangile de la Transfiguration. Il faut avouer que cet aspect répétitif tempère quelque peu notre élan de réflexion, outre le fait que notre mentalité moderne a du mal à convertir en densité symbolique un style que nous assimilons facilement à un « merveilleux historique ».
Des commentaires solides ont pu nous éclairer, durant les années passées, sur la véritable portée du texte et il importe de ne pas oublier leurs conclusions. Les évangélistes, chacun à leur façon, nous présentent l’évolution de la foi des apôtres au long du ministère historique de Jésus. Ils nous aident à percevoir les deux mouvements qui se sont additionnés. Du côté des apôtres, il s’est agi d’un cheminement, vécu dans l’intimité d’un partage amical quotidien et cherchant à assimiler les interrogations suscitées par l’activité d’un témoignage… Du côté de Jésus, quelques confirmations discrètes ont cherché à soutenir ce cheminement tout en respectant la liberté des intéressés… En
écoutant ce texte, nous n’avons pas à être complexés. Malgré nos soucis, grâce aux temps forts que nous partageons en communauté, grâce aux instants personnels que nous réservons à notre dialogue avec Jésus, nous vivons le même cheminement… Et, par ailleurs, selon le symbolisme de la route d’Emmaüs, nous percevons la même chaleur d’accompagnement de la part de Celui qui « est avec nous à tout instant »… Nous pouvons cependant chercher à secouer la monotonie qui nous menace en complétant les approches diverses que nous avons déjà adoptées…
= Parmi d’autres, il en est une qui semble assez accordée à notre situation de chrétiens au 21ème siècle. Elle consiste à faire correspondre deux perspectives qui reprennent le dynamisme du texte. La première nous tourne vers nos contemporains : nous ne pouvons que regretter les déformations qui affectent, à leurs yeux, le visage de Jésus et favorisent leur incroyance ; parfois nous sommes sollicités à présenter le vrai visage qui justifie notre foi ; nous nous posons alors la question du « comment »: quel plan adopter pour une bonne présentation… Ce faisant, nous sommes renvoyés à nous-mêmes ; fort heureusement, notre foi n’est pas en péril, mais, après tout, il n’est jamais mauvais de communier à la perspective missionnaire qui était celle de Luc… = Lorsque nous r
éfléchissons à u passage du troisième évangile, c’est là un point sympathique qu’il ne fait jamais oublier : Luc appartenait à la deuxième génération chrétienne, celle qui n’avait pas connu historiquement Jésus. Issu du monde grec, il semble bien que ce soit la plénitude d’humanité dont il lui était parlé qui ait décidé de sa foi. Mais, au moment où il écrit, il ne peut oublier qu’il est également redevable de cette richesse aux premiers témoins qui l’ont fait bénéficier de leur travail d’approfondissement et de bonne transmission. Aussi oriente-t-il sa présentation dans ces deux directions : discrètement il cherche à nous traduire le « choc » initial de sa propre foi… et il nous invite à prendre en compte son expérience personnelle pour que le message continue d’être assimilé par de nouvelles civilisations.
Notre position est donc assez semblable à la sienne lorsque nous entrons en dialogue avec notre environnement. Rien ne nous empêche de nous inspirer des « étapes » qu’il met en valeur et dont nous percevons l’enchaînement pédagogique. Leur transposition est relativement facile…
1ère étape : le visage de Jésus.
C’est par là que Luc nous invite à commencer. Quel visage donnons-nous à Jésus, quel visage nos contemporains lui donnent-ils ? Il faut reconnaître que nous sommes englués dans les deux extrêmes : certains se limitent au visage infantile d’un nourrisson… a l’opposé, d’autres concentrent leur attention dans le visage dramatique d’un mourant torturé… Or, ce n’est pas le visage qui a décidé quelques jeunes galiléens à suivre Jésus. A quand, dans nos églises et dans nos catéchismes, des portraits qui témoignent d’un Jésus souriant, dans la force de l’âge, rayonnant d’accueil et d’amitié ?… Nous n’inventons rien car les 8/10èmes des évangiles nous le traduisent… Oui mais, le Moyen Age est passé par là et les malheurs qui ont marqué son histoire ont accentué une vision pessimiste de la nature humaine ! Nous n’avons pourtant rien à perdre lorsque nous nous efforçons de rendre « tout autre » le visage de Jésus en espérant qu’il influe favorablement sur une première rencontre !
2ème étape : Luc met en deuxième position l’importance du vêtement de Jésus, autrement dit de l’éclairage qui ressort de son témoignage humain…
Là-encore, il ne tombe pas à côté de nos préoccupations missionnaires. La plupart de nos contemporains savent lire et les éditions des évangiles sont peu onéreuses… Et pourtant, lorsqu’on évoque les évangiles, combien en restent à quelques « pointillés » en morale ou en bons conseils… Ce n’est pas tant l’ignorance que nous devons déplorer… c’est le manque d’intérêt pour la dynamique de ce qui a été vécu en Jésus… Faute d’en avoir entendu parler, la majorité de nos contemporains ne soupçonnent pas la densité d’humanité qui a fait de ces jours des jours exceptionnels et universels. Et même si, à leurs yeux, le manteau reste blanc, il est loin d’être fulgurant. Il y a beaucoup à rectifier dans les mentalités ambiantes pour les convaincre de cette source…encore faut-il la débarrasser des feuilles d’automne qui l’ont recouverte et faciliter le chemin qui y mène…
3ème étape : Les symboles que Luc enchaîne ne sont pas « exportables » tels quels. Il est cependant facile de transposer en percevant le rapport de Moïse à la morale et le rapport d’Elie à la religion…
Au temps de l’évangéliste, les communautés regroupaient juifs et païens… Moïse était lié à la Loi… Elie, chef de file des prophètes, avait été le champion de la lutte contre le paganisme… Jésus avait épanoui ces deux cheminements à partir de l’action divine… Il en avait révélé « la gloire », au sens que comportait ce mot en rapport avec la présence divine qui les avait suscités. Il avait purifié la Loi des prescriptions qui la surchargeait pour en valoriser le sens religieux et le sens humaniste qu’elle proposait. Il avait débarrassé la religion de rites inutiles pour permettre un dialogue spontané entre l’homme et Dieu. Aujourd’hui, les mentalités courantes, vaguement christianisantes, ont comme figé les deux domaines de la foi et de la religion ; à leur sujet, il est toujours évoqué des liens hors humanité ou des formes mystiques qui situent dans un autre monde. Combien il est difficile de faire admettre cette sclérose et d’ouvrir au renouvellement qu’apporte le « vrai visage de Jésus » selon l’évangile !…
4ème étape : En pensant à cette évolution nécessaire, nous comprenons la valeur que Luc accorde au symbolisme de l’Exode…
A la suite de notre texte, il regroupe les enseignements sur l’Eglise et il compose une longue « montée vers Jérusalem » où Jésus entraîne ses disciples… Il insiste très fort sur cette solidarité entre Jésus et ses amis, affectant le témoignage historique d’une valeur de résurrection… Il est facile de comprendre son intention et de la prolonger au plan personnel comme au plan apostolique. Pour libérer des pesanteurs universelles, Jésus devait affronter un premier Exode, celui qui l’a mené à la résurrection en assumant la passion … Mais il a passé le relais aux apôtres et aux chrétiens de tous les temps. Ceux-ci sont donc amenés à vivre comme un perpétuel Exode leur engagement en faveur de leurs contemporains
5ème étape : face aux difficultés inévitables, la tentation est grande pour les chrétiens de se constituer en Eglise, en communautés bien abritées derrière leurs traditions.
Pour Luc, même si le cadre reste chaleureux, c’est là une tentation irréfléchie… « Il ne savait ce qu’il disait ». L’évangéliste invite ses lecteurs païens à scruter les « leçons de l’histoire »… Heureusement pour eux, la première communauté chrétienne est « sortie » de Jérusalem et a été marquée, dès sa naissance, d’innovations en faveur d’une église élargie … le judaïsme est mort de ses traditions… quant aux religions païennes, leurs rites apparaissent, à longue échéance, comme des emballages vides…
6ème étape : à ce stade, la position de Luc coupe court à toute tergiversation, il est nécessaire d’aller au fond de la question, car ce qui est en cause, c’est le sens de Dieu… « Dieu de Jésus-Christ » et non Dieu d’un simple déisme religieux .
Dans la mouvance de quel Dieu, dans « l’ombre » de quel Dieu nous situons-nous ? Il faut choisir la « voix » à laquelle nous prêtons l’oreille. Une dernière erreur d’interprétation risque de « fausser le sens » de cette voix: elle ne fonctionne pas de « bas en haut » comme s’il s’agissait de confirmer la divinité de Jésus. Elle fonctionne « de haut en bas » : le « vrai » visage de Dieu doit être « écouté » au travers du « vrai visage » de Jésus. Celui-ci a été « le choisi » par Dieu de façon exclusive, comme « Fils », c’est-à-dire en incarnation personnelle privilégiée d’un monde qui nous échappe…
Il nous appartient de le choisir à notre tour. Luc insiste en écartant toute autre « complément »: Jésus seul, mais tout Jésus… la boucle est bouclée…
7ème étape : après « ces jours-là ».
Luc ne situe pas la Transfiguration au terme de l’aventure des apôtres et, par là, il nous invite à réfléchir à la suite qu’il convient de donner à un premier témoignage. Il était en effet bien placé pour percevoir les deux impressions que pouvaient partager les chrétiens de la deuxième génération.
Lorsqu’ils « redescendent » de la montagne, chez Luc, le silence des apôtres est présenté comme un fait et non comme une recommandation du Seigneur. L’auteur se garde de le condamner. En foi chrétienne, le passé a sa valeur, mais il a besoin d’être mûri, car il risque d’être incomplet. L’évangéliste coupe court à toute mauvaise interprétation en situant, immédiatement après, les difficultés que rencontrent les disciples pour guérir un enfant épileptique. Puis il y ajoute la deuxième annonce de la passion-résurrection. La route de Jérusalem se présente en route obligatoire pour épanouir une première expérience de foi. Il ne suffit pas d’être « monté » sur la montagne pour « connaître Jésus », il reste à partager son combat pour témoigner de sa vitalité de résurrection. Par ailleurs, cette montée s’est faite en communauté avec les « 72 autres » qui seront les responsables des futures communautés. Une premi
ère présentation de Jésus Transfiguré ne met donc pas un point final au dialogue avec nos contemporains. Cette découverte pacifiée et quotidienne se présente comme une base essentielle, mais il nous faut la poursuivre. Nous ne pourrons empêcher l’intrusion des « rêves faciles » en efficacité personnelle ou en efficacité « religieuse ». De même nous ne pourrons empêcher les communautés d’être parfois pesantes lorsqu’il s’agit de porter le témoignage initial à travers les siècles. Il suffit de penser à la situation de Luc pour trouver normale cette situation. Lui aussi s’adressait à des peuples confortablement installés dans leur civilisation grecque. Lui aussi leur proposait un témoignage vieux d’un demi-siècle et qui se référait à un monde ancien en voie de disparition. Lui aussi était tributaire de communautés plus ou moins bien converties. Pourtant, d’une certaine façon, il acceptait de se laisser imprégner par la transfiguration chrétienne. Il nous ouvrait la route.