Archive pour février, 2007

Jean Paul II – Homélie – Saints Cyrille et Méthode, apôtres des Slaves, apôtres de l’unité

14 février, 2007

du site EAQ

Jean Paul II
Homélie du 14/2/85 (trad. DC 1893, p. 367 copyright © Libreria Editrice Vaticana)

Saints Cyrille et Méthode, apôtres des Slaves, apôtres de l’unité

La grande mission de ces deux frères s’est terminé avec la mort de Méthode en l’an 885 ; son frère Constantin-Cyrille était mort seize ans auparavant, ici à Rome. A ces deux grands apôtres, le Pasteur éternel a confié l’oeuvre de l’Evangile parmi les Slaves. Ils sont devenus les premiers évangélisateurs des peuples qui habitent la partie orientale et la partie méridionale de l’Europe. Ils sont devenus les pères de leur foi et de leur culture…

Vers la moitié du IXe siècle et au cours de la période qui a suivi immédiatement, approchait le moment de la maturité politique et culturelle du grand ensemble des peuples slaves, celui de leur entrée comme protagonistes dans la convivialité internationale, dans le système qui prenait la succession de l’ancien Empire romain. C’était aussi cependant le moment où la civilisation ancienne se rompait et se fragmentait, où les tensions entre l’Orient et l’Occident se transformaient en divisions et, bientôt, en séparations. Les Slaves sont entrés sur la scène du monde en s’insérant entre ces deux parties et, par la suite, ont fait par eux-mêmes l’expérience des effets tragiques du schisme ; eux aussi ont été divisés comme le monde européen était alors divisé.

C’est pourquoi nous devons admirer d’autant plus la clairvoyance spirituelle des deux saints frères qui ont décidé courageusement de construire un pont idéal là même où le monde de leur époque creusait au contraire des fossés de séparation et de déchirement. « Cyrille et Méthode, ai-je écrit dans la lettre apostolique du 31 décembre 1980 par laquelle je les proclamais patrons célestes de toute l’Europe, accomplirent leur service missionnaire en union tant avec l’Eglise de Constantinople par laquelle ils avaient été envoyés qu’avec le Siège romain de Pierre dont ils reçurent appui et soutien, manifestant ainsi l’unité de l’Eglise qui, à l’époque où ils vécurent et où ils déployèrent leur activité, n’était pas frappée du malheur de la division entre l’Orient et l’Occident, malgré les graves tensions qui, en ce temps, marquèrent les relations entre Rome et Constantinople. »

MESSAGE DE SA SAINTETÉ BENOÎT XVI POUR LE CARÊME 2007

13 février, 2007

du site Vatican:

MESSAGE DE SA SAINTETÉ
BENOÎT XVI
POUR LE CARÊME 2007
 
« Ils regarderont celui

Chers frères et sœurs! 

« Ils regarderont celui qu’ils ont transpercé. » (Jn 19, 37). C’est le thème biblique qui guidera cette année notre réflexion quadragésimale. Le Carême est une période propice pour apprendre à faire halte avec Marie et Jean, le disciple préféré, auprès de Celui qui, sur
la Croix, offre pour l’Humanité entière le sacrifice de sa vie (cf. Jn 19, 25). Aussi, avec une participation plus fervente, nous tournons notre regard, en ce temps de pénitence et de prière, vers le Christ crucifié qui, en mourant sur le Calvaire, nous a révélé pleinement l’amour de Dieu. Je me suis penché sur le thème de l’amour dans l’encyclique Deus caritas est, en soulignant ses deux formes fondamentales : l’agape et l’eros

L’amour de Dieu : agape et eros

Le terme agape, que l’on trouve très souvent dans le Nouveau Testament, indique l’amour désintéressé de celui qui recherche exclusivement le bien d’autrui ; le mot eros, quant à lui, désigne l’amour de celui qui désire posséder ce qui lui manque et aspire à l’union avec l’aimé. 

L’amour dont Dieu nous entoure est sans aucun doute agape. En effet, l’homme peut-il donner à Dieu quelque chose de bon qu’Il ne possède pas déjà ? Tout ce que la créature humaine est et a, est un don divin : aussi est-ce la créature qui a besoin de Dieu en tout. Mais l’amour de Dieu est aussi eros. Dans l’Ancien Testament, le Créateur de l’univers montre envers le peuple qu’il s’est choisi une prédilection qui transcende toute motivation humaine. Le prophète Osée exprime cette passion divine avec des images audacieuses comme celle de l’amour d’un homme pour une femme adultère (3, 1-3) ; Ézéchiel, pour sa part, n’a pas peur d’utiliser un langage ardent et passionné pour parler du rapport de Dieu avec le peuple d’Israël (16, 1-22). Ces textes bibliques indiquent que l’eros fait partie du cœur même de Dieu : le Tout-puissant attend le « oui » de sa créature comme un jeune marié celui de sa promise. Malheureusement, dès les origines, l’humanité, séduite par les mensonges du Malin, s’est fermée à l’amour de Dieu, dans l’illusion d’une impossible autosuffisance (Jn 3, 1-7). En se repliant sur lui-même, Adam s’est éloigné de cette source de la vie qu’est Dieu lui-même, et il est devenu le premier de « ceux qui, leur vie entière, étaient tenus en esclavage par la crainte de la mort » (Hb 2, 15). Dieu, cependant, ne s’est pas avoué vaincu, mais au contraire, le « non » de l’homme a été comme l’impulsion décisive qui l’a conduit à manifester son amour dans toute sa force rédemptrice. 

La Croix révèle la plénitude de l’amour de Dieu. 

C’est dans le mystère de
la Croix que se révèle pleinement la puissance irrésistible de la miséricorde du Père céleste. Pour conquérir à nouveau l’amour de sa créature, Il a accepté de payer un très grand prix : le sang de son Fils Unique. La mort qui, pour le premier Adam, était un signe radical de solitude et d’impuissance, a été ainsi transformée dans l’acte suprême d’amour et de liberté du nouvel Adam. Aussi, nous pouvons bien affirmer, avec Maxime le Confesseur, que le Christ « mourut, s’il l’on peut dire, divinement parce que il murut librement » (Ambigua, 91, 1956). Sur
la Croix, l’eros de Dieu se manifeste à nous. Eros est effectivement – selon l’expression du Pseudo-Denys – cette force « qui ne permet pas à l’amant de demeurer en lui-même, mais le pousse à s’unir à l’aimé » (De divinis nominibus, IV, 13 : PG 3, 712). Existe-t-il plus « fol eros » (N. Cabasilas, Vita in Christo, 648) que celui qui a conduit le Fils de Dieu à s’unir à nous jusqu’à endurer comme siennes les conséquences de nos propres fautes ? 

« Celui qu’ils ont transpercé » 

Chers frères et sœurs, regardons le Christ transpercé sur
la Croix ! Il est la révélation la plus bouleversante de l’amour de Dieu, un amour dans lequel eros et agape, loin de s’opposer, s’illuminent mutuellement. Sur
la Croix c’est Dieu lui-même qui mendie l’amour de sa créature : Il a soif de l’amour de chacun de nous. L’apôtre Thomas reconnut Jésus comme « Seigneur et Dieu » quand il mit la main sur la blessure de son flanc. Il n’est pas surprenant que, à travers les saints, beaucoup aient trouvé dans le cœur de Jésus l’expression la plus émouvante de ce mystère de l’amour. On pourrait précisément dire que la révélation de l’eros de Dieu envers l’homme est, en réalité, l’expression suprême de son agape. En vérité, seul l’amour dans lequel s’unissent le don désintéressé de soi et le désir passionné de réciprocité, donne une ivresse qui rend légers les sacrifices les plus lourds. Jésus a dit : « Quand je serai élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes. » (Jn 12, 32). La réponse que le Seigneur désire ardemment de notre part est avant tout d’accueillir son amour et de se laisser attirer par lui. Accepter son amour, cependant, ne suffit pas. Il s’agit de correspondre à un tel amour pour ensuite s’engager à le communiquer aux autres : le Christ « m’attire à lui » pour s’unir à moi, pour que j’apprenne à aimer mes frères du même amour. 

Le sang et l’eau. 

« Ils regarderont celui qu’ils ont transpercé ». Regardons avec confiance le côté transpercé de Jésus, d’où jaillissent « du sang et de l’eau » (Jn 19, 34) ! Les Pères de l’Église ont considéré ces éléments comme les symboles des sacrements du Baptême et de l’Eucharistie. Avec l’eau du Baptême, grâce à l’action du Saint Esprit, se dévoile à nous l’intimité de l’amour trinitaire. Pendant le chemin du Carême, mémoire de notre Baptême, nous sommes exhortés à sortir de nous-mêmes pour nous ouvrir, dans un abandon confiant, à l’étreinte miséricordieuse du Père (cf. saint Jean Chrysostome, Catéchèses 3,14). Le sang, symbole de l’amour du Bon Pasteur, coule en nous tout spécialement dans le mystère eucharistique : « L’Eucharistie nous attire dans l’acte d’offrande de Jésus… nous sommes entraînés dans la dynamique de son offrande » (Encyclique Deus caritas est, 13). Nous vivons alors le Carême comme un temps « eucharistique », dans lequel, en accueillant l’amour de Jésus, nous apprenons à le répandre autour de nous dans chaque geste et dans chaque parole. Contempler « celui qu’ils ont transpercé » nous poussera de manière telle à ouvrir notre cœur aux autres en reconnaissant les blessures infligées à la dignité de l’être humain ; cela nous poussera, en particulier, à combattre chaque forme de mépris de la vie et d’exploitation des personnes, et à soulager les drames de la solitude et de l’abandon de tant de personnes. Le Carême est pour chaque chrétien une expérience renouvelée de l’amour de Dieu qui se donne à nous dans le Christ, amour que chaque jour nous devons à notre tour « redonner » au prochain, surtout à ceux qui souffrent le plus et sont dans le besoin. De cette façon seulement nous pourrons participer pleinement à la joie de Pâques. Marie, Mère du Bel Amour, tu nous guides dans ce chemin du Carême, chemin d’authentique conversion à l’amour du Christ. A vous, chers frères et sœurs, je souhaite un chemin du Carême profitable, et je vous adresse affectueusement à tous une spéciale Bénédiction Apostolique. 

Du Vatican, le 21 novembre 2006. 

BENEDICTUS PP. XVI 

demain Saint-Cyrille et Saint-Méthode

13 février, 2007

du site:

http://www.radio.cz/fr/article/29939/limit


La Fête nationale de Saint-Cyrille et Saint-Méthode 
[05-07-2002] Par Jaroslava Gissubelova Écoute
  Une distance de plus de 11 siècles nous sépare d’un événement qui est inscrit, aujourd’hui, dans le calendrier tchèque comme la fête nationale de Saint-Cyrille et Saint-Méthode. Le 5 juillet a été établi fête à la mémoire de deux apôtres de Salonique, /l’actuelle Grèce/, les saints Cyrille et Méthode, venus vers 863 dans l’Etat de Grande Moravie pour y propager la foi et la culture chrétienne dans la langue slave. Puisque cette fête est jour férié en République tchèque, nous vous proposons, au lieu de Faits et événements, un programme spécial sur une grande oeuvre d’évangélisation entreprise il y a 1139 ans… Saint-Cyrille et Saint-Méthode 

La musique qui nous accompagnera est tirée de
la Messe glagolitique de Leos Janacek qui, enfant, participait au couvent de Brno aux festivités du millénaire de la mort de Méthode. Ce n’est qu’à l’âge de 72 ans, que l’idée lui est revenue d’incarner sa profonde impression qu’il en avait gardé dans son oeuvre monumentale,
la Messe glagolitique. 
Avant de commencer une excursion dans la profondeur des temps, sur les traces de la mission des saints Cyrille et Méthode, rappelons qu’il s’agissait de la première traduction de la bible et de textes liturgiques rédigés jusqu’alors en latin uniquement, dans une langue et une écriture slaves. Rappelons aussi que la mission des apôtres de Salonique, l’antique Thessalonique, était liée avec l’existence de la première formation étatique commune des Tchèques et des Slovaques sur notre territoire -
la Grande Moravie, créé en 863. Avec la dislocation de cette dernière, la mission a pris fin, sans être pour autant perdue. L’élément byzantin oriental s’étant montré étranger et éloigné, le pays allait retourner à la liturgie chrétienne occidentale. Il n’empêche que la mission a laissé une empreinte profonde et que, en son temps, elle était d’une importance énorme, au point de vue religieux et culturel, mais aussi politique. Quelle était donc la situation avant l’arrivée de deux missionnaires sur notre territoire? 
En 845, 14 princes tchèques se sont converti au christianisme pour renforcer leurs pouvoirs à la tête des différentes principautés. Au fur et à mesure, celle de Moravie devient un centre autour duquel une nouvelle formation étatique – le premier Etat des Tchèques, Moraves et Slovaques -
la Grande Moravie, est née. Cet état va s’appeler
la Grande Moravie. Ses princes doivent tenir tête aux efforts systématiques des Francs germaniques visant à dominer le pays sur le plan politique mais aussi spirituel. Face à ces conquêtes expansionnistes, les princes cherchaient un appui auprès du puissant Empire romain de Byzance: ainsi le prince morave Rastislav adresse à l’empereur byzantin, Michel III, une requête, pour obtenir l’envoi d’un évêque et maître qui puisse expliquer à ses peuples la vraie foi chrétienne dans leur langue. 
On choisit deux frères érudits, Cyrille et Méthode, qui acceptent de se rendre, probablement dès 863, de Salonique en Grande Moravie, carrefour des influences réciproques entre l’Orient et l’Occident. Ils ont entrepris une mission à laquelle ils ont consacré tout le reste de leur vie, marquée par des voyages, des privations, des souffrances, des hostilité et des persécutions qui sont allées, pour Méthode jusqu’à une captivité. Bien préparés à leur tâche, ils ont apporté les textes de la sainte Ecriture indispensables à la célébration de la sainte liturgie, préparés et traduis par eux en langue vieille-slave, écrits avec un alphabet nouveau, conçu par Cyrille et parfaitement adapté à la phonétique de cette langue. 

L’activité missionnaire des deux Frères a connu un succès considérable, mais aussi des difficultés inévitables auxquelles se heurtait le processus de christianisation, antérieurement accomplie par les Eglises latines limitrophes. Car il ne fait pas de doute que le christianisme existait sur le territoire de notre pays avant l’arrivée des missionnaires. Les débuts de christianisation de
la Grande Moravie étaient liés à une mission antérieure, celle de l’épiscopat bavarois, réalisée sur injonction de Charlemagne après la défaite des Avares, en 796. Les textes religieux fondamentaux, par ex. le Credo, le Pater, les voeux du baptême et les prières de confession avaient été traduits dans le dialecte des Slaves occidentaux par les prêtres bavarois déjà au début du 9e siècle. Une légende de la vie de Cyrille affirme qu’à l’époque où ce dernier est venu en Moravie, des « prêtres francs et latins » y exerçaient déjà leur activité. On sait aussi qu’il y avait des missionnaires originaires du territoire adriatique, de Dalmatie. Ce sont les fouilles archéologiques réalisées en Moravie du sud et près de Nitra, en Slovaquie occidentale, qui ont définitivement confirmé que le christianisme a commencé à se propager dans le pays dès le début du 9e siècle et que, dans la première moitié du 9e siècle, le pays a été déjà, au fond, un pays chrétien. 
Pendant leur séjour en Grande Moravie, Cyrille et Méthode ont rédigé les premiers textes juridiques slaves sous le nom de Zakon sudnyj ljudem. Mais ce code civil n’est jamais entré en plein usage parce qu’il se heurtait en maintes choses, notamment en ce qui concerne les lois sur la vie conjugale, au droit coutumier du pays et devenait une source de divergence entre Méthode et les princes moraves. Cyrille a inventé pour l’usage des Slaves l’écriture glagolitique, nommé d’après lui l’alphabet cyrillique. Plus tard il a traduit les 4 Evangiles, les Epîtres du Nouveau Testament et les Actes des Apôtres de même qu’une partie des Psaumes. De son côté, Méthode a fini la traduction du grec en vieux-slave du Vieux Testament. Au moyen âge, c’était la seule traduction de
la Bible dans une langue nationale. 
En traduisant la bible et les textes liturgiques, les apôtres ont jeté les bases de toute une culture autonome. Les disciples des deux frères ont créé, eux, les légendes racontant la vie de leurs maîtres. Les biographies de Cyrille et Méthode comptent parmi les plus anciens souvenirs littéraires originaux slaves de la fin du 9e siècle. Un nombre suffisant de prêtres se sont appropriés la langue vieille-slave, en la propageant dans leurs prières. Arrêtons-nous un instant sur la langue créé par Cyrille et Méthode. Pour base, ils ont pris l’alphabet grec, en empruntant certaines lettres au glagolitique employé en Bulgarie. Pourquoi, peut-on se demander, un élément au prime abord aussi étrange à nos peuples, proches plutôt de la culture latine occidentale? Compte tenu du contexte historique, la mission avait pour objectif, nous l’avons dit, de créer une liturgie autonome face à l’élément germanique expansionniste. L’émancipation religieuse à l’égard de l’empire franc a été la première et principale raison pour laquelle l’écriture et la langue vieille-slave ont été créées. 

Les deux frères ont accompli leur mission en 867: la bible, les textes liturgiques, de même que des traités juridiques ont été traduits dans l’écriture cyrillique et le vieux-slave est devenu une langue de la liturgie chrétienne. Sous le règne du puissant prince Svatopluk, l’essor de l’Empire de Grande Moravie a atteint son apogée: à l’est, son empire s’étendait jusqu’à
la Lusace, tandis qu’à l’ouest, c’était toute
la Slovaquie occidentale et une partie du territoire de Pannonie, une région sur le Danube. Hélas, cet essor n’a pas duré longtemps… 
Saint-Cyrille et Saint-Méthode Cyrille et Méthode ont quitté
la Grande Moravie et pris le chemin de Rome. Leur itinéraire passait par Venise où l’on discutait publiquement les principes novateurs de leur mission. A Rome, le Pape Adrien II, les a accueillis avec beaucoup de bienveillance. Il a approuvé les livres liturgiques slaves qu’il a ordonné de déposer solennellement sur l’autel de l’église Sainte-Marie-Majeure, en recommandant d’ordonner prêtres leurs disciples. Or Méthode a dû repartir seul pour l’étape suivante, son frère, malade, meurt le 14 février 869, à Rome. 
Après la mort de Cyrille, l’oeuvre des deux saints traversait une crise grave et la persécution contre leurs disciples est devenue si forte qu’ils étaient contraints d’abandonner le terrain de leur mission. Fidèle aux paroles que Cyrille lui avait dites sur son lit de mort, Méthode a poursuivi son activité apostolique, étant nommé légat pontifical pour les peuples slaves et consacré archevêque pour le territoire de Pannonie. Hélas, il est captivé, et libéré seulement sur intervention personnelle du pape. Après avoir sacré les dernières années de sa vie à d’autres traductions de la sainte Ecriture et de textes liturgiques, Méthode meurt, le 6 avril 885. 

Par sa mort, les problèmes au sein de
la Grande Moravie culminent. L’attachement à la liturgie slave provoquait, déjà de sa vie, des litiges avec l’épiscopat bavarois. Dans l’espoir d’atténuer ces conflits, le prince Svatopluk a interdit la liturgie slave et chassé les disciples de Méthode du pays. Ces derniers ont trouvé un refuge en Croatie et en Bulgarie, d’où leur culture allait se propager vers
la Russie. Les mesures sévères prises par Svatopluk n’ont cependant pas pu détourner l’éclatement de son Empire: face aux attaques franques, et finalement face à une invasion dévastatrice des troupes magyares, l’Etat de Grande Moravie n’arrive plus à résister. Après 906, les sources historiques ne font plus mention de
la Grande Moravie. 
La valeur de l’oeuvre évangélisatrice de Cyrille et Méthode vient de ce qu’ils ont comme premiers essayé de réunir les éléments orientaux et occidentaux, tâchant en même temps de respecter la culture indigène. Paradoxalement, c’est en Bulgarie et en Russie que leur oeuvre s’est enracinée et développée, en laissant des traces jusqu’à nos jours dans l’Eglise orthodoxe, pas dans les pays pour lesquels elle était destinée. Alors que l’alphabet cyrillique s’est conservé en Russie et en Bulgarie, dans nos pays il a cédé la place à l’écriture latine. La valeur de l’oeuvre de Cyrille et Méthode réside également dans le fait qu’ils ont compris l’épanouissement du christianisme en tant qu’épanouissement de l’érudition ce qui était vraiment unique à l’époque. Tout à fait exceptionnel et surprenant a été le radicalisme avec lequel ils défendaient l’idée humaniste de l’égalité en droit des peuples devant Dieu. La mission cyrillo-métodienne a laissé une empreinte durable sur notre territoire: que ce soit sous forme de coexistence parallèle, pendant des siècles à venir, de la liturgie latine occidentale et de celle slave orientale, ou dans les manuscrits et chants anciens, sans oublier leur influence sur la construction des monastères et églises fidèle à la tradition byzantine. Ainsi, mentionnons le monastère de Sazava en Bohême centrale, l’un des plus influents à l’époque, construit en 1070 en forme de la croix grecque. Le Monastère d’Emaüses de Prague est lui-aussi lié à la tradition cyrillique. D’autres enclaves de la culture slave orientale se trouvent à Rajhrad, à Veliz, à Ostrov, toujours avec un important rayon d’action parmi les croyants.  Les célébrations de saint Cyrille et saint Méthode ont lieu traditionnellement à Velehrad, lieu de pèlerinage réputé par sa basilique monumentale, autrefois centre politique et administratif de
la Grande Moravie, comme le prouvent des fouilles archéologiques. Un concert des hommes de bonne volonté, le soir du 4 juillet, et un pèlerinage national, le 5 juillet, sont les points d’orgue des festivités cyrillo-métodiennes à Velehrad. 

demain Saint-Cyrille et Saint-Méthode dans Approfondissement cyril1

du site:

http://www.florin.ms/aleph5.html

Lettre aux générations futures: La violence de l’amour

13 février, 2007

Du site:  Lettre aux générations futures 

http://www.unesco.org/opi2/lettres/TextFrancais/LustigerF.html

La violence de l’amour 

Une bouteille à la mer. Autrefois, au temps de la marine à voiles, les naufragés enfermaient dans une bouteille jetée à la mer leur ultime message ou leur appel de détresse, dans l’espoir qu’un jour quelqu’un le découvre…
De même, je jette sur l’immense mer du temps ces quelques lignes, ne sachant qui elles atteindront dans un demi-siècle. Quant à notre génération, elle sera depuis longtemps, selon l’expression de saint Paul dans sa lettre aux Colossiens (III, 3),  » cachée avec le Christ en Dieu « .
Je pense d’ailleurs plus probable que personne, alors, n’en tirera d’autre profit si ce n’est, peut-être, de s’en amuser. Je le souhaite, redoutant pour cet hypothétique lecteur que ces lignes n’éveillent la nostalgie d’une imaginaire  » belle époque « , si, comme cela est possible, le temps qu’il vit alors est plus cruel encore que le nôtre. Car tout est possible.

Le meilleur comme le pire est toujours possible
Tout est toujours possible en ce monde, le meilleur comme le pire de la part des hommes. Voilà une première affirmation qui peut paraître bien naïve parce qu’évidente. Il ne m’a pourtant pas été facile de l’écrire, alors que notre siècle a été emporté dans des projets colossaux de transformation de l’humanité, en croyant que le bonheur était pour demain et qu’il suffisait d’attendre pour qu’apparaissent inéluctablement  » des lendemains qui chantent « .
 » Le meilleur comme le pire !  » car ce qui constitue la condition humaine, c’est sa liberté spirituelle, faite pour choisir le bien et cependant blessée au point de le refuser. Mystère de la condition humaine qui dépasse toutes ses déterminations. Mystère déjà exprimé dans la première page du récit de
la Genèse qui nous décrit, nous hommes,  » créés à l’image et à la ressemblance de Dieu « , nous détournant de lui.
Si donc nous sommes capables du meilleur comme du pire, nous devrions savoir depuis tant de millénaires écoulés comment choisir le bien plutôt que de le refuser. Car on ne choisit jamais le mal. Le penser est l’illusion suicidaire de celui qui pour mieux vivre se précipite dans la mort.

L’expérience ne se transmet pas
Arrivé à ce point, je mesure combien il peut vous paraître étrange de vous proposer, pour un futur qui nous est insaisissable, des conseils et des recommandations tant de fois renouvelés au cours des siècles précédents par tant d’hommes et de femmes qui ont cherché la vérité et mis toutes leurs forces à tenter de lui être fidèles. Il devrait suffire de vous renvoyer aux classiques de l’humanité.
Peut-être attendez-vous de nous plus de modestie. En faisant l’inventaire des erreurs, des fautes commises par notre génération, voire même par notre siècle, peut-être pourrions-nous en tirer quelque enseignement positif à votre usage. Mais là aussi j’hésite. Une seconde évidence se présente, en effet, à mon esprit : l’expérience ne se transmet pas.
On peut transmettre des savoirs, des savoir-faire ; mais rien ne peut dispenser un être humain d’engager sa liberté et de l’éprouver, d’ouvrir son propre esprit à la vérité qui s’offre à lui et d’obéir à la lumière qu’il en reçoit, d’entrer dans l’apprentissage véritable de ce que saint Jean appelle l’amour. Il applique ce mot à Dieu pour en nommer le mystère. L’amour, c’est-à-dire l’oubli de soi au point de se perdre et, dans ce don de soi, recevoir la vie. Ce que résume cet avertissement paradoxal du Christ :  » Celui qui cherche sa vie la perdra ; celui qui la perd à cause de moi la trouvera.  » (Luc, XIX, 24).
Lorsque j’ai écrit  » l’expérience ne se transmet pas « , je voulais vous dire : aucun artifice ne vous dispensera de vivre par vous-mêmes l’amour qui vous a fait naître. Aucune richesse transmise ou héritée ne pourra remplacer la libre disposition par laquelle vous saurez donner plutôt que recevoir. Aucune vie reçue ne vous dispensera de vivre, c’est-à-dire de donner votre vie. Aucun savoir ne vous dispensera de réfléchir à cet appel :  » Qui fait la vérité vient à la lumière  » (Jean, III, 21),  » qui vient à ma suite ne marchera pas dans les ténèbres, il aura la lumière de la vie  » (Jean, VIII, 12). Secret messianique pour le salut des hommes qui n’est dévoilé qu’à celui qui s’engage dans ce chemin.

La paix est impossible
S’il fallait donc commencer d’entreprendre cet examen de nos échecs et de nos réussites, je le résumerais dans une seule formule : la paix est impossible.
Notre siècle a, sans le vouloir, réussi à établir d’étranges territoires de paix totale : il y a accompli l’extermination de toute vie humaine et accessoirement du reste. Une paix beaucoup plus intense que celle de nos cimetières. Car, dans un cimetière, il y a des tombes auprès desquelles les vivants renouent les liens de la mémoire avec les générations passées.
Mais notre siècle a su créer des cimetières absolus, des cimetières dépourvus de tombes et où aucun vivant ne pouvait plus pénétrer. Ce fut le cas d’Hiroshima et de Nagasaki au Japon, où, à la fin de la seconde guerre mondiale, les armes atomiques détruisirent toute vie et interdirent aux vivants d’y revenir, sous peine de mourir à leur tour.
Ce fut le cas aussi de cet enfer créé par des hommes qui se désignaient eux-mêmes comme des surhommes, pour y avilir et y exterminer ceux qu’ils appelaient des sous-hommes. C’est ce que fit le régime nazi de l’Allemagne en détruisant plusieurs millions de juifs sur le territoire de l’Europe. Ceux qui accomplirent ce crime se détruisirent aussi eux-mêmes moralement, sinon toujours physiquement, morts vivants, hommes qui se dépouillèrent eux-mêmes de leur humanité.
Ni Hiroshima, ni Auschwitz, ni bien d’autres lieux dont vous découvrirez le nom en feuilletant les archives de l’histoire, ne sont des prototypes de la paix.
Mais alors ? Il nous aurait fallu découvrir que la paix était un combat et que sa défense exigeait la mobilisation de toutes les ressources humaines. Notre siècle en plusieurs circonstances n’a su établir la paix que par les moyens de la guerre, au nom du  » droit d’ingérence « . Et ce fut, aux yeux de beaucoup, un immense progrès, dans l’espérance d’établir un ordre juridique international capable de garantir en tout lieu et en tout temps le respect des droits fondamentaux. Là encore, vérifiez les annales de l’Afrique, de l’Asie, de l’Europe, etc.
Cependant, combien il fut difficile de peser le poids
des malheurs, ceux que provoquaient les conquêtes guerrières des tyrans et ceux que provoquait la défense guerrière des forces de paix !
Cette  » guerre des justes  » a invoqué le droit et le bon droit, mais n’apparaîtra-t-elle pas aux yeux de vos générations comme une forme renouvelée de la guerre où ceux qui la mènent s’autojustifient ? Comment la guerre pourrait-elle détruire la guerre, la violence arrêter la violence, la haine supprimer la haine ?

Aimez vos ennemis
Pouvons-nous donc identifier une guerre autre qui produise la paix ? Il faut nécessairement, dans ce cas, que les armes soient différentes, les stratégies opposées. On fait disparaître le mal non par le mal mais par le bien. Le choix des moyens fait partie du respect de la fin.
Il nous faut donc trouver une violence du bien, radicalement différente de la violence du mal, une violence de l’amour qui soit capable de supporter et de vaincre la violence de la haine.
Voilà bien des siècles que cette force est à l’œuvre. Elle se nomme le pardon ou la miséricorde. Elle apparaît avec une radicalité absolue dans le témoignage des Évangiles : le Messie crucifié n’est pas une victime qui subit une violence imposée. Il est habité par la puissance divine de l’amour qui, seul, peut changer le cœur du bourreau, alors même que celui-ci accomplit son crime. Il est habité par la puissance divine du pardon qui, seul, peut briser le cercle infernal de la vengeance.
Il ne s’agit pas seulement d’une médiation pacifique au prix de sa propre vie comme en furent le symbole quelques-unes des grandes figures de notre siècle, victimes qui devinrent l’étendard pacifique des opprimés : Martin Luther King, Gandhi, Dag Ammarskjöld. De ceux-là et de quelques autres, certains ont retenu la puissance d’une technique non violente s’opposant aux violences de la technique. Mais la non-violence ne permet pas de nommer le péché ni de guérir les plaies qu’en subit la liberté du pécheur, ni de donner à la victime la force de lui pardonner et même de l’aimer.
 » Aimez vos ennemis  » : ce précepte donné par Jésus invite à aimer même celui qui vous hait, qui vous attaque, qui vous fait mal, et non seulement à s’opposer à lui sans violence. Est-ce humainement possible ? Le Messie l’a fait, car  » tout est possible à Dieu  » (Matth., XIX, 26). Il appelle ses disciples à mettre en œuvre cette même force divine de pardon.

Aimez la vie
Ce que je vous décris peut vous paraître une impossible utopie. Pourtant, nous avons expérimenté, non seulement en notre siècle, mais tout au long des millénaires écoulés, que cette force travaille comme un ferment la sombre pâte humaine.
Il serait naïf d’imaginer l’histoire des hommes, ainsi que je vous le disais en commençant, échappant aux conflits et aux combats qui la caractérisent, à moins que les hommes ne soient réduits à l’inconscience et à l’esclavage. Et encore, les esclaves se sont battus entre eux : les drogués se sont déchirés pour leurs drogues.
Seule la violence de l’amour qui pardonne peut répondre à l’excès du mal dont l’homme peut être l’auteur. Cet amour, c’est Dieu lui-même, vers qui nous nous tournons lorsque nous prions. Encore faut-il apprendre à prier et vouloir prier.
C’est la grandeur de l’humanité d’être capable de mener ce combat, de faire naître sans cesse l’espérance là où tant de nos semblables ont désespéré, de rétablir des ponts là où tous les liens ont été détruits, de permettre aux hommes de se respecter et de s’accepter là où le mépris et les calculs d’intérêt ont tout faussé.
Je prie Dieu que, dans les générations qui viennent, ces  » naïfs « , ces  » ravis « , ces  » chimériques  » continuent de maintenir la flamme vive qui sauve l’humanité dans sa course folle.
Notre siècle en a reconnu quelques-uns qui vécurent au milieu des pires horreurs concentrationnaires. Je préfère, en terminant, mettre sous vos yeux la figure de saint François d’Assise qui surgit au début du IIe millénaire, dans le sein d’une Europe déchirée. Il a été le témoin de cette générosité qui se fait pauvre pour enrichir tous les hommes, qui se fait pacifique pour arrêter les conflits, qui invite l’homme à ne pas être le prédateur du cosmos dont Dieu lui a remis la charge, mais à aimer la vie, puisque la vie nous est donnée par Dieu. 

l’Église orthodoxe est une des trois expressions majeures du christianisme.

13 février, 2007

du site:

 http://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/l_eglise_orthodoxe.asp

Olivier Clément 

Professeur de théologie morale et d’histoire de l’Église à l’institut Saint-Serge.

Avec le catholicisme romain et les Églises issues de
la Réforme, l’Église orthodoxe est une des trois expressions majeures du christianisme. Elle compte environ deux cents millions de baptisés ; comme le catholicisme, elle est issue de
la Pentecôte et du témoignage des Apôtres. Si les historiens datent de 1054 la séparation de l’orthodoxie et du catholicisme – on disait autrefois les Grecs et les Latins – ils considèrent plutôt cette date comme l’aboutissement d’un lent processus qui a duré du XIe au XIIIe siècle. Olivier Clément a consacré de nombreux ouvrages à l’orthodoxie dont l’Église orthodoxe (Que sais-je ? 2002) ; il nous donne ici quelques principes d’histoire et de théologie qui permettent de mieux comprendre cette Église orthodoxe dont nous admirons les trésors lors de nos voyages.

Son rayonnement dans le monde

Pour les orthodoxes, l’Église universelle se manifeste en plénitude dans chaque communauté eucharistique, autour de l’évêque qui témoigne de cette continuité apostolique. La communion des évêques se structure en Églises « autocéphales », interdépendantes, dont chacune désigne librement son primat. Une Église autocéphale est généralement présidée par un « patriarche ». À l’origine espaces de civilisation, la plupart de ces patriarcats sont devenus depuis deux siècles des « Églises nationales ». Le patriarche de Constantinople ou patriarche « œcuménique » est investi d’une primauté d’honneur depuis que l’Orient et l’Occident chrétiens se sont séparés.

On appelle parfois l’Église orthodoxe, 1′« Orient chrétien »  dans la mesure où elle s’est développée dans la partie orientale de l’Empire romain. Elle englobe une part non négligeable des Arabes du Moyen-Orient, la plupart des pays balkaniques,
la Roumanie, – orthodoxie « latine » –, une partie du Caucase et les grandes Églises slaves, serbe, bulgare, ukrainienne, polonaise et surtout l’Église russe. La nécessité économique et surtout les tragédies de l’histoire – révolutions communistes, effondrement de
la Grèce d’Asie, troubles du Moyen-Orient… – l’ont amenée à s’implanter dans l’Occident entier, de l’Europe de l’Ouest aux Amériques et en Australie. En France, on compte environ deux cent cinquante mille baptisés. Les missions orthodoxes ont été vigoureuses : mission byzantine jusqu’au cercle polaire, mission russe pré-révolutionnaire à travers la haute Asie jusqu’au Pacifique nord. Elles reprennent aujourd’hui en Afrique noire, dans le cadre du patriarcat d’Alexandrie.

Il existe aussi des Églises seulement « autonomes » dont le primat est confirmé ou désigné soit par 1′ « Église-Mère » – les Églises d’Ukraine et du Japon, par exemple, sont sous l’autorité du patriarcat de Moscou – soit par le patriarcat œcuménique comme en Crète, en Finlande ou en Estonie. De ce point de vue, une situation particulièrement complexe en Ukraine oppose Constantinople et Moscou.

Par contre l’importante « diaspora » contemporaine n’a pas encore trouvé un statut canonique et les « juridictions » qui représentent les Églises d’origine s’y affrontent. Des Églises locales plus ou moins autonomes, polyethniques et pluriculturelles semblent s’y préparer, notamment aux États-Unis et en France.

L’Église orthodoxe en France

L’importance du témoignage de l’Église orthodoxe en France et dans les pays voisins dépasse de beaucoup le nombre limité de ses fidèles. Au début du XXe siècle,
la Russie connaissait un puissant renouveau spirituel, intellectuel et artistique et c’est une élite de théologiens et de « philosophes religieux » qui s’est retrouvée à Paris, surtout à l’institut Saint-Serge, fondé en 1925. Un Berdiaev, un Boulgakov, un Chestov ont pu ainsi mener à bien leur œuvre. La génération suivante, née avec le siècle, écrivant directement en français, a réalisé la puissante synthèse « néopatristique », – en référence aux Pères de l’Église du premier millénaire – et « néo-palamite » – du nom de saint Grégoire Palamas, grand théologien byzantin du XIVe siècle. Cette synthèse est devenue aujourd’hui l’enseignement commun de l’orthodoxie tout entière. Mentionnons, entre autres, Vladimir Lossky pour la théologie dogmatique et Léonide Ouspenky pour celle de l’icône. Après 1950, les pères Schmemann et Meyendorff ont permis à 1′ « École de Paris » d’essaimer aux États-Unis. Parallèlement le père Sophrony, disciple du starets Silouane, et le père Lev Gillet, un Français de vieille souche, ont actualisé la spiritualité monastique traditionnelle. Aujourd’hui, si la tradition « russe » de saint Serge continue avec le doyen de l’institut, le père Boris Bobrinskoy, la nouvelle génération de théologiens, à Paris mais aussi en province, en Suisse romande et en Belgique, se compose uniquement d’Occidentaux convertis à l’orthodoxie.

Les fondements de la foi orthodoxe

Tandis que l’orthodoxie restait partiellement fidèle à 1′ecclésiologie de communion du premier millénaire, le catholicisme majorait de plus en plus le rôle du pape, ce qui conduira à la révolte du protestantisme au XVIe siècle. À cela s’est ajoutée une grave difficulté théologique concernant 1′origine et le rôle du Saint-Esprit qui procède du Père et du Fils, filioque, selon l’Occident, du Père seul ou du Père par le Fils selon l’Orient.

La foi orthodoxe se fonde sur l’Écriture et sur les diverses expressions de
la Tradition, qui est la vie du Saint-Esprit dans le Corps du Christ. Parmi ces expressions, les plus importantes sont les écrits des Pères de l’Église et des grands théologiens byzantins. La règle de foi elle-même se concentre dans les définitions des sept conciles œcuméniques qui ont suggéré le mystère de La Trinité – Nicée I, 325 ; Constantinople I, 381 – et celui de la divino-humanité du Christ – Ephèse, 431 : Marie « Mère de Dieu » ; Chalcédoine 451 ; Constantinople II, 553, Constantinople III, 680 ; Nicée II, 787 : l’icône.

Au cœur du message, la mort-résurrection du Dieu-homme qui porte en lui toute l’humanité. Avec celle-ci, le Christ descend dans la mort et dans l’enfer pour les anéantir, pour nous ouvrir les voies de la résurrection et de la transfiguration de l’univers. L’Église-eucharistie fait de nous à la fois des pécheurs pardonnés et des créateurs créés car « Dieu s’est fait homme pour que l’homme puisse devenir Dieu ». Le Christ-Esprit révèle que Dieu est simultanément unité absolue et diversité absolue, Uni-Trinité, source de toute communion. De même en effet il existe un seul Homme, dans la diversité irréductible des personnes. La puissance de Dieu est celle de l’amour. Il est donc crucifié sur tout le mal du monde mais permet à ceux qui s’enracinent en lui par la confiance, l’humilité, la créativité, de devenir des témoins de la résurrection, des artisans du Royaume de
la Vie déjà secrètement présent dans la profondeur de l’Église et de toute existence.

Sous bien des scories, l’Église est le Corps du Christ, le Temple du Saint-Esprit,
la Maison du Père, la source maternelle d’une infinie miséricorde.

C’est pourquoi, d’ailleurs, les prescriptions de l’Église sont toujours adaptées aux situations personnelles par ce qu’on appelle 1′« économie ». Ce mot, qui désigne la relation de Dieu avec sa création, souligne la portée existentielle de toute règle qu’elle peut relativiser. C’est ainsi que les divorcés-remariés peuvent être réadmis à la communion eucharistique, la décision ultime revenant à l’évêque. Comme dans l’Église primitive, un homme marié peut être ordonné prêtre. Par contre, depuis le VIIe siècle, les évêques se recrutent en principe parmi les moines.

La liturgie, le monachisme, l’art de l’icône

Le message pascal – de joie pascale – s’inscrit dans une ample et complexe liturgie, dans une hymnographie foisonnante qui entrecroise les cycles journaliers, hebdomadaires, les fêtes fixes et le cycle proprement pascal. Chaque dimanche, premier et huitième jour de la semaine est le jour eucharistique par excellence.

Unie pour la date de Pâques et le cycle pascal, l’orthodoxie, pour les fêtes fixes, reste divisée entre le calendrier grégorien, comme en Grèce ou en Roumanie, et le calendrier julien, en retard de 13 jours : c’est ainsi que l’Église russe, l’Église serbe et celle de Jérusalem célèbrent
la Noël le 7 janvier, c’est-à-dire le 25 décembre selon le calendrier julien.

Le monachisme, dont la place est essentielle dans l’Église comme exemple et comme intercession, a mis au point une méthode de contemplation, « art des arts et science des sciences », partiellement exposée dans un ample recueil de textes spirituels,
la Philocalie ou « amour de la beauté ». Cette méthode, qui utilise les rythmes du corps pour faciliter l’union de 1′intelligence et du cœur profond, comporte trois grandes étapes : la praxis, la « pratique », qui permet d’accéder à la paix et au silence intérieurs ; la théorla physikè ou contemplation de la nature qui conduit à aimer Dieu à travers sa création ; la théosis, la « déification », vision transformante de la lumière divine. Le père spirituel, guide nécessaire, est un spirituel qui a parcouru cette voie et reçu la grâce de lire dans les cœurs et de pouvoir dire une parole de vie.

L’icône est le seul art traditionnel qui subsiste dans le monde chrétien. Peinte selon des règles précises, elle peut représenter une personne, une scène – le plus souvent décrite par l’Écriture – ou un symbole : ainsi la célèbre icône de Roublev représente l’hospitalité d’Abraham pour évoquer La Trinité. Elle fait surgir des visages pénétrés d’une vivante éternité.

Au risque de la modernité

Après trois quarts de siècle d’écrasement totalitaire, l’Église orthodoxe se remet difficilement. Au-delà de la fusion parfois messianique ou de l’écrasement, elle a du mal à préciser ce que serait une relation libre avec l’État ; il lui est aussi difficile de surmonter le nationalisme religieux, pourtant condamné par le concile de Constantinople de 1872. Dans son vieux rêve de tout englober, elle a du mal à accepter la modernité et à dialoguer avec les autres chrétiens et les autres religions, avec le risque de s’enfermer ainsi dans le ritualisme. Elle fait de l’âge patristique une sorte d’âge d’or dont il faudrait seulement répéter les formulations. Il lui est difficile d’envisager lucidement ses propres problèmes, dont les plus graves sont sans doute la désignation de l’épiscopat et le nationalisme religieux. Pourtant elle recèle des trésors de sainteté et de beauté, elle a donné au XXe siècle des martyrs par milliers. Il faut la connaître avec le cœur.

Olivier Clément

Mars 2002

commentaire au évangile du 13.2.07 du EAQ

13 février, 2007

Saint Vincent de Lérins (?-avant 450), moine
Commonitorium, 23 (trad. bréviaire)

« Vous ne voyez pas ? Vous ne comprenez pas encore ? »

Dans l’Église du Christ, ne peut-il y avoir aucun progrès de la doctrine ?… Mais certainement, il en faut un, et considérable ! Qui serait assez jaloux des hommes et ennemi de Dieu pour tenter de s’y opposer ? Mais à condition qu’il s’agisse d’un véritable progrès de la foi, et non d’une altération… Il faut donc que grandissent et que progressent fortement en chacun comme en tous, chez un seul homme autant que dans l’Église entière, au cours des âges et des siècles, l’intelligence, la science et la sagesse ; mais il faut qu’elles progressent chacune, selon sa propre nature, c’est-à-dire dans la même doctrine, le même sens, la même affirmation.Que la religion des âmes imite donc le développement des corps : bien qu’ils évoluent et qu’ils grandissent au cours des années, ils demeurent ce qu’ils étaient. Il y a grande différence entre l’éclosion de l’enfance et les fruits de la vieillesse, mais c’est la même personne qui passe de l’enfance au grand âge. C’est un seul et même homme dont la stature et les manières se modifient, tandis qu’il garde la même nature, qu’il demeure une seule et même personne. Les membres des bébés sont petits, ceux des jeunes gens sont grands ; ce sont pourtant les mêmes…, ils existaient déjà en puissance chez l’embryon…

La foi chrétienne, de même, doit suivre ces lois du progrès pour qu’elle se fortifie avec les années, que le temps la développe, que l’âge l’ennoblisse. Nos pères ont semé jadis le froment de la foi pour la moisson de l’Église. Il serait injuste et choquant que nous, leurs descendants, au lieu du blé de la vérité authentique, nous y récoltions l’erreur frauduleuse de l’ivraie (Mt 13,24s). Au contraire, il est juste et logique qu’il n’y ait pas de désaccord entre les débuts et la fin et que nous moissonnions ce blé qui s’est développé depuis que le même blé a été semé. Ainsi, alors qu’une partie des premières semences doit évoluer avec le temps, il conviendra encore maintenant de les fertiliser et d’en parfaire la culture.

DU SAINT CYPRIEN: DE L’ORAISON DOMINICALE

12 février, 2007

Je vous propose un texte très important – un peu long - que est perpétuellement remarquable a lire, du site : 

 http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/cyprien/oraison.htm 

DU DU SAINT CYPRIEN: DE L’ORAISON DOMINICALE   1° Nécessité de la prière: — 2° Ses qualités; — 3° Paraphrase — 4° Heures de la prière.   1° Les préceptes évangéliques, mes frères bien-aimés, sont des enseignements divins qui servent de fondement à notre espérance; d’appui à notre foi, d’aliment à notre charité, de règle à notre vie, de secours pour arriver au salut. Les fidèles qui les acceptent avec docilité sont conduits par eux au royaume céleste. Dieu nous a souvent parlé par la bouche de ses prophètes; mais les enseignements du Fils sont bien plus précieux encore. Ici, il ne s’agit plus de préparer la voie au Messie à venir; il est venu lui-même, il nous a ouvert et montré la route. Autrefois, frappés d’aveuglement et de folie, nous errions dans les ténèbres de la mort; mais depuis, illuminés par la grâce divine, nous marchons sur les traces du maître, dans le chemin de la vie.   Or, parmi les préceptes et les avertissements qu’il a laissés à son peuple pour le conduire au salut, se trouve la formule de la prière. Il nous a dit lui-même ce que nous devons demander. Après nous avoir donné la vie, il nous a appris à prier; et (189) ce bienfait n’est pas inférieur aux autres, car, en usant auprès du Père de la prière instituée par le Fils, nous sommes plus facilement exaucés.  Déjà le divin maître avait prédit l’époque où les vrais fidèles devaient adorer le Père en esprit et en vérité. Il accomplit sa promesse; et nous, qui avons reçu de sa miséricorde l’Esprit de vérité, nous recueillons de sa bouche l’esprit d’adoration et de prière. Or, quelle prière peut être plus conforme à la pensée divine que celle qui nous a été enseignée par Celui qui nous a envoyé l’Esprit-Saint, par le Christ? Quelle prière est plus digne de la majesté du Père que celle qui est descendue de la bouche du Fils qui est la vérité même? Prier d’une autre manière n’est pas seulement de l’ignorance, c’est une faute, Jésus a dit : Vous rejetez le commandement du Seigneur, afin d’établir votre tradition (Marc, VII).   2° Prions, mes frères bien-aimés, comme Dieu notre maître nous a appris à le faire. C’est une prière agréable à Dieu que celle qui se compose de ses propres paroles, l’oraison du Christ résonne doucement à son oreille. Que le Père reconnaisse les paroles de son Fils, quand nous prions; que Celui qui habite dans nos coeurs parle par notre voix. Il est notre avocat auprès du Père: lorsque nous demandons grâce pour nos péchés, employons le langage de notre défenseur. Tout ce que vous demanderez à mon Père en mon nom, nous dit-il, vous sera accordé (Joan., XVI). Quel moyen plus efficace de demander au nom du Christ que d’employer sa propre prière?   Lorsque nous prions, que notre voix soit réglée par la décence et le respect. Souvenons-nous que nous sommes en présence de Dieu et que nous devons plaire à ses regards divins par l’attitude de notre corps et le calme de notre parole. L’insensé (191) pousse de grands cris; l’homme respectueux prie avec modestie.  Le Seigneur nous ordonne de prier en secret, dans des lieux solitaires et reculés, même dans nos chambres. C’est là ce qui convient le mieux à la foi. Nous savons, en effet, que Dieu est présent partout , qu’il voit et entend tous ses enfants, qu’il remplit de sa majesté les retraites les plus secrètes, selon cette parole : Je suis avec vous, ne me cherchez pas au loin (Jér., XXIII). Quand l’homme se cacherait au centre de la terre, dit encore le Seigneur, est-ce que je ne le verrais pas? est-ce que je ne remplis pas et la terre et le ciel? Et plus loin : Les yeux du Seigneur regardent partout les bons et les méchants (Prov., XV.).  Quand nous nous réunissons pour offrir avec le prêtre le divin sacrifice, prions avec recueillement. Gardons-nous bien de jeter à tous les vents des paroles sans suite et de formuler tumultueusement une demande dont la. modestie doit faire tout le prix. Dieu n’écoute pas la voix, mais le coeur. Il n’est pas nécessaire de l’avertir par des cris, puisqu il connaît les pensées des hommes. Nous en avons une preuve dans cette parole du Seigneur ! Que pensez-vous de mauvais dans vos coeurs (Luc, XV.)? . Et dans l’Apocalypse: Toutes les Églises sauront que c’est moi qui sonde les cœurs et les reins (Ap., II).  Anne, dont nous trouvons l’histoire au premier livre des Rois, se soumit à cette règle, et en cela elle fut une figure de l’Eglise. Elle n’adressait pas au Seigneur des paroles bruyantes; mais, recueillie en elle-même, elle priait silencieusement et avec modestie. Sa prière était cachée, mais sa foi manifeste; elle parlait, non avec la voix, mais avec le coeur. Elle savait bien que Dieu entend des voeux ainsi formulés; (193) aussi, grâce à la foi qui l’animait,. elle obtint l’objet de sa demande. C’est ce que nous apprend l’Écriture : Elle parlait dans son coeur et ses lèvres remuaient; mais sa voix n’était pas entendue; et le Seigneur l’exauça (I Reg., I). Nous lisons de même dans les psaumes : Priez du fond du coeur, priez sur votre couche et livrez, votre âme à la componction (Ps., IV.). L’Esprit-Saint nous donne le même précepte par la bouche de Jérémie : C’est par la pensée que vous devez adorer le Seigneur.  lorsque vous remplissez le devoir de la prière, mes frères bien-aimés, n’oubliez pas la conduite du Pharisien et du Publicain dans le temple. Le Publicain n’élevait pas insolemment ses regards vers le ciel, il n’agitait pas ses mains hardies; mais frappant sa poitrine, et, par cet acte, se reconnaissant pécheur, il implorait le secours de la miséricorde divine. Le Pharisien, au contraire, s’applaudissait lui-même. Aussi le Publicain fut justifié et non pas l’autre. Il fut justifié à. cause de sa prière, car il ne plaçait pas l’espoir de son salut dans une confiance aveugle en son innocence, attendu que personne n’est innocent; mais il confessait humblement ses péchés, et Dieu qui pardonne toujours aux humbles, entendit sa voix. Mais citons plutôt le texte évangélique. Deux hommes montèrent dans le temple pour prier; l’un était pharisien, l’autre publicain. Le Pharisien se tenant debout priait ainsi en lui-même: Dieu, je vous rends grâces de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, injuste, ravisseur, adultère, ou bien encore comme ce Publicain. Je jeûne deux fois la semaine; je donne le dîme de tout ce que je possède. Le Publicain, au contraire, se tenait à l’écart et n’osait élever ses regards vers le ciel, mais il frappait sa poitrine en disant mon Dieu, je suis un pécheur, soyez-moi propice. Il se retira dans sa maison justifié; mais il n’en fut pas de même (195) du Pharisien. Car tout homme qui s’élève sera abaissé, et tout homme qui s’abaisse sera élevé (Luc, XVIII.).  Nous venons de voir, mes frères bien-aimés, d’après les saints livres, quelle doit être notre attitude dans la prière. Voyons maintenant ce que nous devons demander.  Vous prierez ainsi, nous dit Jésus-Christ: Notre père qui êtes dans les cieux, que votre nom soit sanctifié. Que votre règne arrive. Que votre volonté soit faite sur la terre comme dans le ciel. Donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien. Pardonnez-nous nos, offenses comme nous les pardonnons à ceux qui nous ont offensés. Ne souffrez pas que nous soyons induits en tentation; mais délivrez-nous du mal; ainsi soit-il (Matth., VI).  Avant toutes choses, le Dieu qui nous a si fortement recommandé la paix et l’unité n’a pas voulu que nos prières eussent un caractère personnel et égoïste; il n’a pas voulu, quand nous prions, que nous ne pensions qu’à nous-même. Nous ne disons pas: mon père qui es dans les cieux, donne-moi aujourd’hui le pain dont j’ai besoin. Nous ne demandons pas seulement pour nous-mêmes le pardon de nos fautes, l’exemption de toute tentation et la délivrance du mal. Notre prière est publique et commune, et quand nous prions, nous ne pensons pas seulement à nous, mais à tout, le peuple; car tout le peuple chrétien ne forme qu’un seul corps. Le Dieu qui nous a enseigné la paix la concorde et l’unité veut que notre prière embrasse tous nos frères, comme il nous a tous portés lui-même dans sou sein paternel. Ainsi prièrent les trois enfants dans la fournaise leurs voix étaient unies comme leurs coeurs. C’est ce que nous enseigne l’Écriture, en les proposant à notre imitation : Les trois enfants, dit-elle, comme d’une seule bouche, chantaient un hymne au Seigneur et le bénissaient (Dan., III). Et pourtant le Verbe (197) fait homme ne leur avait pas appris à prier. Est-il donc étonnant qu’il ait exaucé leur demande, lui qui prête toujours l’oreille à la prière de l’homme simple et pacifique?  Nous voyons les apôtres et les disciples prier de la même manière, après l’ascension de Jésus-Christ. Tous, dit l’Écriture, unis par un même sentiment, persévéraient dans la prière avec les saintes femmes, avec Marie, mère de Jésus, et ses proche parents (Act., I). Nous voyons, par cette union, combien leur prière était sincère, persévérante et efficace. Dieu qui réunit dans la même maison les frères dont les sentiments sont unanimes, n’ouvre les portes de la demeure éternelle qu’à ceux dont les coeurs s’unissent dans la prière.  3° Que vous dire, mes frères bien-aimés, des mystères de l’oraison dominicale? Qu’ils sont nombreux, qu’ils sont grands, qu’ils sont féconds en grâces spirituelles, quoique résumés en peu de mots! Tout ce que vous trouvez dans les autres prières est renfermé dans cette céleste formule.  Le Seigneur nous dit vous prierez ainsi: Notre Père, qui êtes dans les cieux L’homme nouveau, régénéré par le baptême, rendu par la grâce à Dieu,, son créateur, commence par dire: Père, parce que lui-même est devenu enfant de Dieu. Le Verbe, dit saint Jean, est venu dans sa propre demeure, et les siens ne l’ont pas reçu; mais à ceux qui l’ont reçu et qui croient en lui, il a donné le privilège d’être les enfants de Dieu. (Joan., I). Donc celui qui croit à Jésus-Christ devient enfant de Dieu. Il doit commencer par rendre grâces, par reconnaître sa dignité, en donnant le titre de père au Dieu qui réside dans le ciel. Ce n’est pas tout: en entrant dans la vie spirituelle, il doit montrer qu’il renonce à son père selon la chair, et qu’il ne reconnaît d’autre père que celui qui est dans le ciel. Moïse, au livre du Deutéronome, (199) loue le courage des fils de Lévi. qui, pour être fidèles au Seigneur, dirent à leur père et à leur mère : « je ne vous connais pas, » et oublièrent leurs propres enfants. Le Seigneur nous avertit de ne donner à personne sur la terre le nom de père; car nous n’avons qu’un seul père qui est dans le ciel. Il disait au disciple qui lui parlait de son père défunt : Laisse les morts ensevelir leurs morts. Le disciple parlait de son père qui venait de mourir; Jésus lui rappelait que le père des croyants vit toujours.  Nous ne disons pas seulement Père, mais notre Père : c’est-à-dire père de ceux qui croient, de ceux qui, sanctifiés et régénérés par la grâce divine, sont devenus les fils de Dieu. Cette parole condamne ouvertement les Juifs. Aveuglés par l’esprit de révolte, non-seulement ils ont repoussé le Christ annoncé par leurs prophètes, le Christ qui commençait par eux sa mission divine, mais ils lui ont fait subir la mort la plus cruelle. Ils ne peuvent appeler Dieu leur père, car Jésus est là pour les confondre : Vous êtes les fils du démon, leur dit-il, et vous marchez sur les traces impures de votre père. Il fut homicide dès le commencement; il ne persévéra pas dans la vérité; aussi la vérité n’est pas en lui (Joan., VIII.). Le Seigneur, dans son indignation, parle ainsi par la bouche d’Isaïe : J’ai engendré des enfants, je les ai élevés, et ils m’ont méprisé. Le boeuf connaît son maître, l’âne l’étable où il trouve sa nourriture : Israël ne me connaît pas; mon peuple n’a pas su me comprendre. Malheur à la nation coupable, à ce peuple chargé d’iniquités! Race perverse, enfants criminels, vous avez abandonné le Seigneur; vous avez enflammé la colère du saint d’Israël (Isa.,1).  C’est donc une condamnation pour les Juifs que ces mots notre Père que nous prononçons, dans notre prière. Dieu est devenu notre père, en cessant d’être celui des Juifs qui l’avaient (201) abandonné. Le nom de fils ne peut appartenir au peuple coupable; mais à ceux qui ont reçu la rémission de leurs péchés, et, avec ce titre, ils possèdent la promesse de l’éternité. Jésus a dit : Tout homme qui commet le péché est esclave du péché. L’esclave est banni de la maison de son maître; mais le fils y reste toujours (Joan., VIII).  Quel excès de bonté et de miséricorde do la part de Dieu, nies frères! il veut que dans les prières que nous lui adressons, nous l’appelions notre Père, en sorte que nous partageons avec le Christ la dignité de Fils de Dieu. Certes, personne d’entre nous n’oserait prendre ce titre sans la permission divine. Sachons donc, mes frères, et n’oublions jamais que, puisque nous appelons Dieu notre père, nous devons agir comme des enfants de Dieu, afin qu’il se complaise dans ses fils, comme nous nous complaisons dans notre Père. Soyons comme les temples de Dieu, afin qu’il daigne habiter en nous. Que nos actes répondent à la grâce qui nous anime, afin que, voués à une vie toute céleste, nos pensées et nos actions s’élèvent vers le ciel. C’est encore la parole du Seigneur: Je glorifierai ceux qui me glorifient; celui qui me méprise sera méprisé (I Reg., II). L’apôtre saint Paul. nous dit à. son tour: Vous ne vous appartenez plus, car vous avez été achetés bien chers; glorifiez et portez Dieu dans votre corps (I Corin., VI.). 

Nous disons ensuite : Que votre nom soit sanctifié  Nous sommes loin de penser que nos prières puissent ajouter quelque chose à la sainteté de Dieu: nous demandons seulement que son nom soit sanctifié en nous. Qui pourrait rendre plus saint celui de qui découle toute sainteté? Mais comme il nous a dit : Soyez saints parce que je suis saint (Lev., XX.), nous lui (203) demandons chaque jour de persévérer dans cette sainteté que nous avons reçue par le baptême. Nous avons besoin de nous sanctifier sans cesse pour expier les fautes que nous commettons tous les jours. Quelle est donc cette sainteté que nous recevons de la grâce divine? Écoutez l’apôtre : Ni les fornicateurs, ni les idolâtres, ni les adultères, ni les hommes adonnés à d’infâmes passions, ni les voleurs, ni les faussaires, ni les ivrognes, ni les calomniateurs, ni les ravisseurs n’obtiendront le royaume de Dieu. Vous avez été souillés de tous ces crimes; mais vous avez été lavés, justifiés, sanctifiés au nom du Seigneur Jésus par la grâce du Saint-Esprit (I Corint., VI). Nous avons été sanctifiés, dit l’apôtre, au nom du Seigneur Jésus, par la grâce du Saint-Esprit. Eh bien! nous prions afin que cette sainteté demeure toujours en nous. Et comme notre juge suprême recommande au malade guéri et justifié par lui de ne plus retomber dans Je péché de peur qu’il ne lui arrive quelque chose de pire, nous prions Dieu nuit et jour de nous conserver la sainteté et la vie que nous tenons de son infinie bonté.   Que votre règne arrive.    C’est pour nous que nous demandons que le royaume de Dieu arrive, comme c’est en nous que nous désirons que son nom soit sanctifié. Car Dieu règne de toute éternité; en lui, ce qui a toujours été et ce qui sera toujours rie peut avoir de commencement. Mais, quand nous prions, nous demandons ce royaume que Dieu nous a promis, ce royaume qu’il nous a mérité par ses souffrances et par son sang. Ainsi, après avoir subi l’esclavage du siècle, nous régnerons avec le Christ, comme il nous l’a dit lui-même : Venez les bénis de mon père, recevez le royaume qui vous a été préparé dès l’origine du monde (Mat., XXV.).    On peut encore, mes frères bien-aimés, entendre par le royaume de Dieu le Christ lui-même. Nous désirons chaque (205) jour le voir apparaître, nous soupirons sans cesse après son avènement. Comme il est notre résurrection, puisque c’est en lui que nous ressusciterons, il peut aussi être le royaume de Dieu, puisque c’est en lui que nous régnerons.   C’est avec raison que nous demandons le royaume de Dieu, c’est-à-dire un royaume céleste, car il est aussi un royaume terrestre; mais celui qui a renoncé au siècle est plus grand que les honneurs et la puissance d’ici-bas : aussi il ne désire pas les royaumes de la terre, mais celui du ciel. Nous devons prier continuellement pour ne pas perdre le royaume céleste, comme les Juifs à qui il fut d’abord promis. Beaucoup, dit Jésus-Christ, viendront de l’Orient et de l’Occident et prendront place, avec Abraham, Isaac et Jacob, dans le royaume des cieux, quant aux fils du royaume, ils seront jetés dans les ténèbres. Là seront les pleurs et les grincements de dents (Mat., VIII). Nous voyons par ces paroles que les Juifs furent les fils du royaume tant qu ils continuèrent à être les fils de Dieu Quand ils perdirent le nom de leur père, ils perdirent leur royaume.    Nous donc, chrétiens, qui dans la prière appelons Dieu notre Père, nous demandons que son royaume nous arrive..  

Nous ajoutons : Que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel.  Nous ne demandons pas que Dieu fasse ce qu’il veut, mais de faire nous-mêmes ce que veut le Seigneur. Qui peut résister à Dieu et l’empêcher d’accomplir sa volonté? pour nous, il n’en est pas de même. Comme nous trouvons des obstacles de la part du démon, nous demandons que la volonté de Dieu s’accomplisse en nous. Pour cela, nous avons besoin du secours d’en haut, car personne n’est fort par ses propres forces: nous devons nous appuyer sur la grâce et la miséricorde du Seigneur. (207)   Cette faiblesse de l’humanité, nous la trouvons dans le Sauveur lui-même : Mon père, s’écriait-il, si c’est possible que ce calice s’éloigne de moi; mais pour montrer à ses disciples qu’ils doivent toujours accomplir la volonté divine et non la leur, il ajoutait : Cependant, non ce que je veux, mais ce que vous voulez (Mat., XXVI.). Ailleurs, il nous dit : Je suis venu sur la terre non pour faire ma volonté, mais celle de mon Père qui m’a envoyé (Joan., VI.). Si le Fils s’est fait obéissant pour accomplir la volonté de son Père, quelle doit être l’obéissance du serviteur quand il s’agit des ordres de Dieu? Saint Jean nous y exhorte en ces termes:  N’aimez ni le monde ni ce qui est dans le monde. Si vous aimez le monde, la charité du Père n’est plus en vous; car tout ce qui est dans le monde est concupiscence de la chair, concupiscence des yeux et ambition du siècle. Or, tout cela ne vient pas du Père, mais de l’esprit du mal. Le monde passera avec sa concupiscence, mais celui qui accomplit la volonté de Dieu vivra éternellement comme Dieu lui-même (Joan., II.). Si nous voulons vivre éternellement, faisons la volonté de ce Dieu qui est éternel Or, la volonté de Dieu est celle que le Christ, nous a manifestée en l’accomplissant : l’humilité dans notre conduite, la fermeté dans notre foi, le respect dans nos paroles, la justice dans nos actes, la charité dans nos oeuvres, la sévérité dans nos moeurs. Dieu veut que nous ne fassions aucune injure au prochain, que nous supportions celles qui nous sont faites, que nous soyons en paix avec nos frères, que nous l’aimions de tout notre coeur, chérissant en lui le père et craignant le Dieu. Il veut que nous ne préférions rien au Christ, qui, n’a lui-même rien préféré à nous; que nous soyons inséparablement unis à sa charité, fermement attachés à sa croix. Il veut, quand il s’agit de l’honneur et de la gloire du nom chrétien, qu’il y ait en nous cette constance qui confesse la vérité, (209) cette fermeté qui soutient la lutte, cette patience qui, par la mort, mérite la couronne. C’est ainsi qu’on devient cohéritier de Jésus-Christ; c’est ainsi qu’on exécute ses ordres et qu’on accomplit la volonté du Père.  Nous demandons que la volonté de Dieu se fasse et dans le ciel et sur la terre, car c’est de ce double accomplissement que dé-pend notre salut. Notre corps vient de la terre, notre esprit du ciel; nous sommes donc à la fois ciel et terre et nous demandons pour l’un et pour l’autre, c’est-à-dire pour le corps et pour l’esprit, le triomphe de la volonté divine. II y a lutte entre la chair et l’esprit : ces deux adversaires se livrent chaque jour dès combats; en sorte que nous ne faisons pas toujours ce que nous voulons. L’esprit cherche les choses du ciel, la chair les choses de la terre. L’objet de notre prière est donc d établir, avec l’aide de Dieu, la concorde et la paix entre ces puissances rivales, afin que la volonté divine s’accomplisse dans notre esprit et dans notre chair et qu’ainsi notre âme régénérée au salut.  Je ne fais que suivre ici les enseignements de saint Paul. La chair, dit-il, convoite contre l’esprit et l’esprit contre la chair; ils sont en lutte, l’un contre l’autre, en sorte que vous ne faites pas toujours ce que vous vouiez. Vous connaissez les oeuvres de la chair : ce sont les adultères, les fornications, les impuretés de tout genre, l’idolâtrie, les empoisonnements, les homicides, les inimitiés, les disputes, les jalousies, les animosités, les provocations, les haines, les dissensions, les hérésies, l’envie, l’ivresse, la gourmandise et autres vices semblables. Or, je vous préviens, comme Jésus l’a fait, que ceux qui tombent dans ces iniquités ne posséderont pas le royaume de Dieu. — Les fruits de l’Esprit sont la charité, la joie, la paix, la grandeur d’âme, la bonté, la foi, la douceur, la continence, la chasteté (Gal., V.). Voyez-vous maintenant pourquoi nous demandons à Dieu, (211) chaque jour, que sa volonté s’accomplisse en nous et dans le ciel et sur la terre? C’est que la volonté de Dieu est que les choses du ciel l’emportent sur celles de la terre et que les biens spirituels et divins occupent la première place.  On pourrait donner une autre interprétation. Le Seigneur nous ordonne d’aimer nos ennemis et de prier même pour nos persécuteurs. Dociles à cet ordre, nous demandons pour ces hommes encore terrestres, parce qu’ils ne sont pas illuminés par la grâce, que la. volonté de Dieu s’accomplisse en eux:  cette volonté que le Christ a si bien exécutée, en conservant l’homme et en le rétablissant dans tous ses droits. Il appelle ses disciples le sel de la terre, et l’apôtre nous dit que le premier homme a été tire du limon et le second du ciel. Appelés à ressembler à Dieu, qui fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants et tomber sa pluie sur les justes et les pécheurs, c’est avec raison que, d’après les avertissements du Seigneur, nous prions pour le salut de tous — Quelle est donc notre prière ? De même que la volonté de Dieu a triomphé dans le ciel, c’est-à-dire en nous , pour nous transformer par la foi en hommes célestes, nous demandons que cette même volonté triomphé sur la terre, c’est-à-dire dans les âmes infidèles; afin que ces âmes, terrestres par leur première naissance, deviennent célestes par leur régénération.  Mais continuons: Donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien.  On peut entendre ces paroles dans le sens spirituel et dans le. sens naturel et; dans ces deux cas, par la grâce de Dieu, elles servent au salut. Le pain de vie c’est le Christ, et ce pain n’est pas à tous, mais à nous, chrétiens. Nous disons Notre Père, parce que Dieu est le père des croyants, de même nous disons notre pain, parce que le Christ est notre nourriture, à nous qui mangeons son corps. Or, nous demandons que ce pain nous (213) soit donné chaque jour; car notre vie est dans le Christ, et l’Eucharistie est notre nourriture quotidienne. Si donc, par suite de quelque grave faute, nous étions privés de la participation au pain céleste, nous serions,, par cela même, séparés du corps du Christ. Écoutez sa parole : Je suis le pain de vie descendu du ciel. Si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement, et le pain que je lui donnerai c’est ma chair que je livre pour le salut du monde. (Joan., VI) D’après cette parole, il est évident que ceux qui mangent le pain eucharistique et reçoivent dans la communion le corps du Sauveur vivent éternellement Par suite, en s’éloignant du corps de Jésus-Christ, on doit craindre de s’éloigner de la voie du salut. D’ailleurs la parole du maître est formelle Si vous ne mangez la chair du fils de l’homme et si vous ne buvez son sang, vous n’aurez pas la vie en vous. Ainsi donc nous réclamons notre pain quotidien, c’est-à-dire le Christ, afin que nous, dont la vie est dans le Christ, nous demeurions toujours unis à sa grâce et à son corps sacré.  Les paroles que nous commentons peuvent être prises dans un autre sens; le voici. Nous avons renoncé au siècle; fidèles à l’appel de la grâce, nous avons foulé aux pieds les richesses et les pompes du siècle; nous n’avons donc besoin que de la nourriture. C’est la p’arole. du Seigneur: Celui qui ne renonce pas à tout ce qu’il possède ne peut être mon disciple. Le disciple de Jésus-Christ, renonçant à tout, selon la parole de son maître, ne doit demander que le pain de chaque jour. Ses désirs ne doivent pas s’étendre plus loin, puisque Jésus a dit: Ne vous mettez pas en peine du lendemain; le lendemain .se pourvoira lui-même des choses nécessaires; à chaque jour suffit son mal (Luc., XIV.).  C’est donc avec raison que le disciple du Christ demande sa nourriture au jour le jour, puisqu’il lui est défendu de (215) s’occuper du lendemain. Une conduite opposée serait absurde. Comment chercherions nous à vivre longtemps dans ce monde, nous qui désirons la prompte arrivée du royaume de Dieu? Aussi le bienheureux apôtre, voulant rendre plus fermes notre foi et notre espérance, nous donne cette leçon : Nous n’avons rien apporté dans ce monde, nous n’en emporterons rien. Puisque nous avons des vêtements et un toit pour nous couvrir, sachons nous en contenter. Ceux qui veulent s’enrichir tombent dans la tentation, ‘dans des piéges, dans des désirs funestes qui poussent l’homme à sa ruine; car la racine de tous les maux est la cupidité. Ceux qui ont voulu suivre ses attraits ont fait un triste naufrage et se sont préparé bien des douleurs (I Tim., VI.). D’après ces paroles, les richesses sont non-seulement méprisables , mais encore périlleuses., Là se trouve la racine de tous ces maux qui  flattent  et qui aveuglent l’esprit humain pour le tromper. C’est pour cela que le Seigneur reprend le riche stupide, qui récapitulait sa fortune et se glorifiait de l’abondance de ses récoltes : Insensé, cette nuit même on viendra te réclamer ton âme et ces biens que tu as amassés à qui seront-ils (Luc, XI.)? Pauvre fou! il se réjouissait de ses biens et il allait mourir! la vie lui manquait et il songeait à amasser des vivres en abondance! Les enseignements du Seigneur sont bien différents: il nous dit que lé.. sage par excellence est celui qui vend tous ses biens, les distribue aux pauvres, et se prépare un trésor dans le ciel. Celui-là seul, dit-il, est capable de le suivre et de participer à la gloire de sa passion qui, dégagé de tout lien terrestre, marche vers le ciel en s’y faisant précéder de ses richesses. Pour se préparer à cet acte de vertu, que chacun de nous apprenne à prier et à s’instruire par la prière.   Ne croyez pas que le juste manque du pain de chaque jour; n’est-il pas écrit : J’ai été jeune, me voici vieux, et je n’ai (217) jamais vu le juste abandonné et ses enfants mendiant leur pain (Psal. XXXVI.). Le Seigneur nous dit encore: Ne vous demandez pas à vous-mêmes que mangerons-nous, que boirons-nous, de quoi nous vêtirons-nous? Les païens se préoccupent de ces choses; mais votre Père saie que vous en ,avez besoin. Cherchez d’abord le royaume de Dieu et la sainteté et tout cela vous sera donné en surcroît (Mat., VI.). Telle est la promesse du Christ. Comme tout appartient à Dieu, rien ne peut manquer à celui qui possède Dieu, tant qu’il lui restera fermement attaché. Daniel fut jeté dans la fosse aux lions par l’ordre du roi de Babylone; Dieu lui envoya sa nourriture, et l’homme de Dieu mangea tranquillement au milieu des bêtes qui, malgré leur faim, n’osaient se jeter sur lui, Élie, fuyant dans le désert, fut sauvé par des corbeaux qui lui apportaient sa nourriture. O détestable cruauté de la malice humaine! les bêtes féroces épargnent un prisonnier, les oiseaux  nourrissent un fugitif, et les hommes se dressent des embûches et exercent leurs fureurs les uns contre les autres!    Nous prions ensuite pour obtenir la rémission de nos péchés: Pardonnez-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés.   

Après le pain de chaque jour, nous demandons le pardon de nos péchés, afin que, nourris par Dieu, nous vivions en Dieu. Il ne s’agit pas seulement de la vie présente, mais de la vie éternelle où nous ne pouvons arriver qu’autant que, nos offenses seront pardonnées. Le Seigneur donne à ces offenses le nom de dette, comme dans son Évangile : Je t’ai remis toute ta dette parce que tu m’en as prié (Mat., XVIII.). Nous rappeler que nous sommes pécheurs est un avis aussi salutaire que sage; car forcés de prier pour nos fautes et d’implorer le pardon de Dieu, nous apprenons à nous connaître nous-mêmes. Que personne ne se (219) complaise dans sa prétendue innocence; personne n’est innocent: ces sentiments d’orgueil ne feraient que le rendre plus coupable. En priant tous les jours pour nos péchés, nous pouvons nous convaincre que nous péchons chaque jour. C’est ce que nous apprend l’apôtre saint Jean: Si nous disons que nous sommes innocents, nous nous trompons nous-mêmes et la vérité n’est pas en nous. Si nous confessons nos péchés, Dieu est fidèle et juste, il nous les pardonnera (I Joan., VIII.). L’apôtre a réuni dans son épître ces deux vérités : que nous devons prier pour nos péchés, et que nous en obtenons le pardon par nos prières. C’est pour cela qu’il nous dit que Dieu est fidèle à remettre les péchés. Ainsi il nous rappelle la promesse divine; car c’est Dieu qui, eu nous disant de prier pour nos fautes, .nous promet la miséricorde et le pardon. Cependant, mes frères, Dieu ajoute à sa promesse une condition. Il veut que nous demandions le pardon de nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. Il nous montre, par là, que nous ne pouvons obtenir notre grâce qu’autant que nous nous montrons miséricordieux envers nos débiteurs. Aussi il nous dit dans l’Évangile : On se servira à votre égard de la mesure dont vous aurez usé envers vos frères. Le serviteur qui, après avoir reçu de son maître la remise de sa dette, ne voulut pas user de la même condescendance envers son compagnon d’esclavage fut jeté en prison. Par sa dureté, il perdit ce que son maître lui avait généreusement accordé. Le Seigneur insiste plus fortement encore sur ce point: Lorsque vous voudrez prier, dit-il, si vous avez quelque chose contre quelqu’un, pardonnez-le, afin que votre Père céleste pardonne aussi vos péchés. Si vous ne pardonnez pas vous-mêmes, votre Père qui est dans le ciel ne vous remettra pas non plus vos péchés (Mat., XI.) Il ne vous restera aucune excuse au jour (221) du jugement, car vous serez jugé d’après votre propre sentence; vous serez traité comme vous aurez traité les autres. Le Seigneur veut que ses enfants soient unis par les liens de la paix et de la concorde; ils veut qu’ils persévèrent dans cette charité qu’ils tiennent de leur seconde ,naissance. Nous donc, qui sommes les fils de Dieu, persévérons dans la paix qu’il nous a laissée et, puisque nous n’avons qu’un seul esprit, n’ayons qu’une seule pensée et un seul sentiment. Le Seigneur n’accepte pas le sacrifice de celui qui conserve dans son coeur des sentiments de haine; il l’éloigne de l’autel; il lui ordonne d’aller se réconcilier avec son frère et de revenir ensuite lui adresser des prières inspirées par l’esprit de charité. Le sacrifice le plus agréable à Dieu c’est la paix, la concorde fraternelle, l’unité du Père et du Fils et du Saint-Esprit reproduite le peuple chrétien. Nous en avons une preuve dans les offrandes d’Abel et de Caïn. Dieu considérait leurs coeurs et non leurs présents le présent ne lui plaisait plus autant que le voeur lui était agréable. Abel, homme juste et pacifique, offre à Dieu des sacrifices innocents ; il nous apprend que nous devons approcher de l’autel avec la crainte de Dieu, avec un coeur simple, avec l’esprit de sainteté, de paix et de concorde. C’est à juste titre, qu’offrant à Dieu de pareils sacrifices, il est devenu lui-même victime. Le premier, il a suivi la route du martyre et il a dignement figuré
la Passion de Jésus-Christ, lui qui avait conservé la justice et la paix du Seigneur. Voilà les hommes que Dieu couronnera au jour du jugement et qu’il réclamera pour les siens. 
Mais l’homme animé de l’esprit de discorde et de haine, fût-il mis à mort pour le nom de Jésus-Christ, saint Paul nous assure qu’il ne pourrait expier son crime; car il est écrit : Celui qui hait son frère est un homicide; or, un homicide ne peut ni arriver au royaume du ciel ni vivre en Dieu (I Joan., III). Peut-il (223) être avec le Christ, celui qui a préféré imiter Judas que le Christ? Quelle tache, mes frères, que celle que le baptême du sang ne peut laver! Quel crime que celui qui ne peut être expié par le martyre!    Le Seigneur nous ordonne d’ajouter : Ne souffrez pas que nous soyons induits en tentation.    Nous voyons par ces paroles que l’ennemi ne peut rien contre nous, si Dieu ne le permet. Ainsi nous devons mettre entre les mains de Dieu nos craintes, nos espérances, nos résolutions, puisque le démon ne peut nous tenter qu’autant que Dieu lui en donne le pouvoir. C’est ce que nous enseigne l’Écriture: Nabuchodonosor, roi de Babylone, vint assiéger Jérusalem et Dieu la livra entre ses mains. Or, c’est à cause de nos péchés que Dieu donne au mauvais esprit une certaine puissance contre nous. Qui a livré les dépouilles de Jacob et d’Israël entre les mains des ennemis ? N’est-ce pas le Dieu qu’ils ont offensé, dont ils ont repoussé les commandements et méprisé la loi? N’est-ce pas lui qui a fait tomber sur eux le poids de sa colère (Isa., XLII..)? Nous voyons le même fait dans l’histoire de Salomon: il pèche, il s’éloigne des préceptes et des voies du Seigneur, aussi l’Écriture nous dit : Le Seigneur excita l’ennemi contre Salomon (2).  Ce pouvoir est accordé à l’ennemi pour deux motifs: ou pour nous punir de nos fautes, ou pour nous glorifier par l’épreuve. C’est ce que nous montre l’histoire de Job. Tout ce qu’il possède, dit le Seigneur au démon, est entre tes mains; mais prends garde de toucher à sa personne (Job, I.). De même, pendant sa passion, le Sauveur dit à Pilate : Tu n’aurais contre moi aucun pouvoir, s’il ne te venait d’en Haut. Ainsi ces paroles que nous adressons à Dieu : Ne souffrez pas que nous soyons induits en (225) tentation, nous rappellent notre infirmité et notre faiblesse. Elles nous tiennent en garde contre les révoltes de l’orgueil, contre la présomption et la vaine gloire. Nous ne devons nous glorifier de rien, pas même de la confession du nom de Jésus-Christ, pas même du martyre; car Jésus nous recommande l’humilité en disant : Veillez et priez pour ne pas être exposés à la tentation. L’esprit est prompt, mais la chair est faible. Ainsi lorsqu’on reconnaît humblement sa bassesse et qu’on rapporte tout à Dieu, son coeur s’ouvre à la miséricorde, et il exauce des prières inspirées par le respect et par le désir de lui plaire.   

A la fin, se trouve la formule qui renferme en deux mots toutes nos demandes et toutes nos prières : Délivrez-nous du mal   Par ces mots, nous entendons tous les actes d’hostilité que l’ennemi peut exercer contre nous dans ce monde et dont Dieu seul, par sa grâce, peut nous garantir et nous délivrer. Quand nous avons dit: Délivrez-nous du mal, il ne reste plus à rien à demander. Nous implorons la protection divine contre l’esprit du mal, et, après l’avoir obtenue, nous sommes en sûreté contre les assauts du démon et du monde. Car comment craindre le siècle, quand Dieu nous couvre de son égide?   Ne vous étonnez pas, mes frères bien-aimés, de la sublimité de, cette prière: c’est Dieu qui en est l’auteur, Dieu qui a résumé en quelques mots tout ce qui peut assurer la paix parmi nous. C’est ce que le prophète Isaïe avait prédit depuis longtemps, lorsque, sous l’inspiration du Saint-Esprit, il parlait de la majesté et de l’amour de Dieu : Sa parole, disait-il, renferme en abrégé toute justice, et il la manifestera en peu de mots à l’univers (Is. I.) Car son Verbe, Notre-Seigneur Jésus-Christ, est descendu sur la terre pour nous tous ; il a réuni sous une même loi les savants et. les ignorants, et il a donné à tout sexe et à (227) tout âge les leçons du salut. Ce n’est pas assez : il a groupé comme en un faisceau tous ses enseignements, pour ne pas charger la mémoire des fidèles; mais pour leur apprendre rapidement ce qui est nécessaire à une foi simple et sans étude. Ainsi, quand il voulut nous enseigner ce qu’est la vie éternelle, il exprima ce mystère avec une concision toute divine : La vie éternelle consiste à vous connaître, vous Dieu unique et véritable, et celui que vous avez envoyé, Jésus-Christ (Joan., XVII.). De même, quand il voulut recueillir dans la loi et les prophètes les préceptes essentiels : Écoute Israël, dit-il, ton Dieu est un Dieu unique. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de tout ton esprit, de toutes tes forces. Dans ces deux préceptes sont renfermés toute la loi et les prophètes (Marc, XII.). Et ailleurs : Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, vous-mêmes faites-le pour eux tel est l’enseignement de la loi et des prophètes (Mat., VII.).    Jésus-Christ nous a appris à prier, non-seulement par ses paroles, mais aussi par. ses .exemples. Lui-même priait fréquemment, nous montrant ainsi ce que nous devons faire. Jésus,  dit le texte sacré, se retirait dans la solitude et il adorait. Nous lisons dans un autre évangéliste: Il se retira sur une montagne et il passa la nuit à prier. Si Jésus, l’innocence même, priait, à plus forte raison, nous qui sommes pécheurs, devons nous prier. Si Jésus passait toute la nuit en prière, à plus forte raison, devons nous veiller pour nous livrer plus longtemps à ce saint exercice. Or, le Seigneur priait, non pas pour lui, que pouvait-il demander, lui qui était sans tache? Mais il priait pour nos fautes, comme il le déclara à Pierre, en disant: Voilà que Satan va vous triturer comme le froment; mais j’ai prié pour toi afin que ta foi ne défaille pas (Luc, XII.). Ensuite il (229) recommande à son Père tous ses disciples : Je ne prie pas seulement pour ceux-ci, mais pour tous ceux qui, éclairés par leur parole, croiront en moi, afin que tous soient un. De même que vous, mon Père, vous êtes en moi et que je suis en vous, puissent-ils, eux aussi, ne faire qu’un avec nous (Joan., XVII.). Quelle bonté de la part de notre Dieu! non content de nous racheter au prix de tout son sang, il veut encore prier pour nous. Or, voyez quel est le but de sa prière. Comme le Père et le Fils ne sont qu’un, il veut que, nous aussi, nous persévérions dans l’unité. Vous pouvez comprendre par là quelle est la faute de celui qui détruit l’unité et la paix. Le Seigneur a prié pour la conservation de ces liens si précieux parmi son peuple. Il voulait que l’anion la plus étroite régnât parmi les fidèles, car il savait bien que la discorde ne peut avoir accès au royaume céleste.  Quand nous commençons notre prière, mes frères bien-aimés, veillons sur nous-mêmes et occupons-nous uniquement de l’oeuvre  que nous accomplissons. Éloignons de notre esprit toute vue, charnelle et mondaine et ne pensons qu’à l’objet de notre demande. Aussi, avant la prière solennelle, le prêtre prépare les esprits en chantant la préface : Les coeurs en haut, dit-il; et le peuple répond : nous les avons vers le Seigneur. Par ces paroles, les fidèles sont avertis qu’ils ne doivent penser qu’à Dieu. Fermons notre coeur à l’ennemi, ouvrons-le à Dieu seul et ne souffrons pas que le démon s’approche de nous au temps de la prière. Il se glisse dans l’ombre; il pénètre jusqu’à nous et, par sa ruse, il détourne nos prières de leur but véritable; d’où il arrive que nos sentiments diffèrent de nos paroles. Et cependant l’essence de la prière ne consiste pas dans le son de la voix, mais dans la sincérité de l’intention et dans l’élévation de l’âme vers Dieu.  Quelle faiblesse de vous laisser détourner de votre prière par des pensées vaines et profanes, comme si quelque autre chose (231) était plus digne d’occuper votre esprit que les paroles que vous adressez à Dieu! Vous ne vous écoutez pas vous-mêmes; comment voulez-vous que Dieu vous écoute? vous vous oubliez vous-mêmes, comment Dieu se souviendrait-il de vous? Une telle conduite nous expose sans défense aux atteintes du démon; elle blesse la majesté divine dans l’acte solennel de la prière. Les yeux veillent, c’est vrai, mais le coeur dort; et pourtant le contraire devrait avoir lieu chez les chrétiens: quand leurs yeux dorment, leur coeur devrait veiller. L’est ce que faisait l’épouse des Cantiques qui figurait l‘Église : Je dors, disait-elle, mais mon coeur veille. De là cet avertissement si sage et si salutaire de l’apôtre: Priez avec application et vigilance. Il nous montre que le moyen d’obtenir de Dieu l’objet de nos demandes, c’est d’être vigilants, dans notre prière.  Quand nous voulons prier, n’approchons pas de Dieu les mains vides : la prière reste sans effet quand elle n’est pas accompagnée par les bonnes oeuvres. Tout arbre stérile est coupé et jeté au feu; de même des paroles non fécondées par les oeuvres ne peuvent nous mériter la grâce divine. C’est ce que. nous enseigne l’Écriture : La prière accompagnée du jeûne et. de l’aumône est agréable à Dieu (Tob., XII). Au dernier jour, le souverain Juge récompensera les bonnes oeuvres et les aumônes; aujourd’hui, de même, il écoute favorablement ceux qui se présentent à lui les mains pleines d’actes méritoires. C’est ainsi que le centurion Corneille mérita d’être exaucé : il distribuait beaucoup d’aumônes au peuple; il priait Dieu constamment; aussi, vers la neuvième heure, pendant sa prière, l’ange du Seigneur lui apparut pour rendre témoignage à ses œuvres : Corneille, lui dit-il, tes prières et tes aumônes sont montées jusqu’à Dieu et il en conserve le souvenir (Act., X.). Les prières montent rapidement vers le ciel quand elles sont soutenues par le (233) mérite de nos oeuvres. C’est le témoignage de l’ange Raphaël à Tobie qui unissait toujours l’action à la prière. Il est honorable, dit-il, de révéler les oeuvres divines. Quand tu priais ainsi que Sara, j’offrais votre prière au Seigneur. Quand tu ensevelissais les morts avec tant de simplicité, quand tu interrompais ton repas pour leur rendre ce pieux office, j’étais là pour être le témoin de ta conduite dans l’épreuve. Dieu m’envoie de nouveau vers toi pour te guérir, comme j’ai déjà délivré Sara, l’épouse de ton fils. Je suis Raphaël, un des sept esprits qui se tiennent devant le trône de Dieu (Tob., XII.).  Le Seigneur nous donne le même enseignement par la bouche d’Isaïe : Rompez, dit-il, les chaînes de l’iniquité; déchargez vos semblables du fardeau que vous faites peser sur eux; rendez le repos aux opprimés; déchirez les titres injustes; faites part de votre pain à celui qui a faim; introduisez dans votre maison les indigents qui n’ont point de toit; si vous voyez un homme nu, revêtez-le et ne méprisez point votre propre sang. Alors votre nom brillera d’un vif éclat; la saintet,é vous couvrira comme un manteau; son éclat trahira votre ‘présence et vous serez inondé de la splendeur de Dieu. Alors vous prierez, et Dieu vous exaucera, et, au milieu de votre prière, il vous dira: Me voici (Isa., LVIII.). Telle est la promesse du Seigneur, chrétiens : il exauce et protège ceux qui délivrent leurs coeurs des liens de l’injustice; qui, selon ses ordres, répandent d’abondantes aumônes entre les mains des pauvres. Ils écoutent la parole du Seigneur, et Dieu les écoute à son tour. L’apôtre saint Paul, aidé dans sa pauvreté par les fidèles, appelle les bonnes oeuvres de ce genre des sacrifices offerts à Dieu. J’ai été rassasié, dit-il, en recevant d’Epaphrodite ce que (235) vous avez envoyé; c’est un sacrifice méritoire et agréable à Dieu (Philip., IV.). En venant au secours du pauvre, on prête à Dieu lui-même; en donnant aux plus petits, c’est à Dieu qu’on donne; on offre au Dieu de toute suavité un sacrifice d’agréable odeur.  4° Quant à l’heure de la prière, nous voyons que les trois enfants captifs à Babylone observaient l’heure de tierce, de sexte et de none, pour figurer sans doute la Trinité divine qui devait se manifester plus tard. De la première ,heure ou de prime jusqu’à tierce nous trouvons trois heures; nous trouvons le même nombre de tierce à sexte et de sexte à none: la Trinité se manifeste donc par trois espaces réguliers, composés chacun de trois heures. Déjà depuis longtemps les serviteurs du vrai Dieu, éclairés par l’Esprit-Saint, avaient déterminé, ces heures pour les consacrer à la prière, et les événements ont montré que cette conduite des justes avait quelque chose de mystérieux et de sacré. Car c’est à l’heure de tierce que le Saint-Esprit descendit sur les apôtres pour accomplir la promesse divine. C’est à l’heure de sexte que Pierre, priant sur le toit de sa maison et doutant encore s’il devait accorder aux idolâtres le sacrement de la régénération, entendit la voix de Dieu qui lui ordonnait d’admettre tous ,les hommes à la grâce du salut. C’est à l’heure de sexto que le Seigneur, crucifié pour nous, lava jusqu’à l’heure de none nos péchés avec son sang, et remporta cette victoire qui fut pour nous la rédemption et la vie.  Mais pour nous, mes frères bien-aimés, les mystères de la loi nouvelle nous font une obligation de prier plus souvent. Nous devons prier le matin, pour célébrer, par cet hommage, la résurrection du Seigneur. C’est ce que l’Esprit nous enseigne dans les psaumes : Mon roi et mon Dieu, je vous adresserai ma prière et dès le matin vous entendrez ma voix. Dès le matin je me tiendrai en votre présence et je vous contemplerai (Psal., V.). Le (237) Seigneur nous dit encore par la bouche d’un de ses prophètes: Dès le point du jour ils veilleront devant moi en disant: Allons et convertissons-nous au Seigneur notre Dieu (Os., VII.).  Au coucher du soleil et à la fin du jour, nous devons encore remplir le devoir de la prière. Le Christ est le véritable soleil et la véritable lumière. Lorsqu’au déclin du jour, nous demandons que la lumière brille de nouveau sur nous, nous implorons la venue du Christ qui nous donnera la grâce de l’éternelle clarté. Or, que le Christ soit désigné par le jour, c’est ce que l’Esprit-Saint nous apprend dans les psaumes. La pierre que les ouvriers ont repoussée est devenue pierre angulaire de l’édifice. C’est le Seigneur qui a fait cette pierre et elle est admirable à nos yeux. C’est le jour que le Seigneur a fait; marchons et réjouissons-nous à sa lumière (Os., VII.).  Le Christ est de même désigné par le soleil comme nous l’atteste Malachie : Pour vous qui craignez le nom du Seigneur, le soleil de justice se lèvera sur vous et ses rayons apporteront le salut (Malach., IV.). Si l’Écriture nous représente le Christ comme le véritable soleil et le véritable jour, il n’y a pas d’heure où les chrétiens ne doivent l’adorer. Nous donc qui jouissons de la lumière de la nouvelle alliance, passons tout le jour en prière, et, quand les lois de la nature nous ramènent la nuit, que les ténèbres ne nous inspirent aucun effroi, car nous sommes fils de la lumière et le jour brille toujours pour nous. Celui qui porte la lumière dans son coeur peut-il être dans les ténèbres? Celui qui trouve dans le Christ et le jour et le soleil peut-il regretter l’absence d’un astre matériel ? Donc, encore une fois, puisque la lumière du Christ brille toujours sur nous, n’interrompons pas notre prière, même pendant la nuit. Ainsi Anne, la veuve de Phanuel, priant et veillant sans relâche, mérita de voir le Christ, comme le rapporte l’Évangile : Elle ne s’éloignait pas (239) du temple, servant Dieu jour et nuit dans le jeûne et la prière (Luc, II.).  Les gentils qui n’ont pas encore été éclairés ou les juifs déserteurs de la lumière, qui sont restés dans les ténèbres, peuvent ignorer ces vérités. Pour nous, mes frères bien-aimés, qui sommes toujours dans la lumière du Seigneur et qui nous rappelons la dignité où nous élève la grâce divine, ne mettons aucune différence entre le jour et la nuit. Sachons que nous marchons toujours à la lumière, et ne nous laissons pas arrêter par les ténèbres que nous avons quittées. Dan~la nuit, ne suspendons pas nos prières, acquittons-nous-en avec le même soin. Rendus par la grâce de Dieu et par notre seconde naissance à la vie spirituelle, commençons sur la terre la vie du ciel. Là, sans craindre la nuit, nous posséderons le jour véritable; veillons donc ici-bas comme si nous étions toujours dans la lumière. Au ciel nous prierons toujours, toujours nous rendrons à Dieu des actions de grâces; agissons de même sur la terre, et que nos prières et nos actions de grâces ne cessent jamais. (241)    

  

Le pape reçoit une délégation de l’Académie des Sciences morales et politiques de Paris

12 février, 2007

du Zenith: 

2007-02-11 

Le pape reçoit une délégation de l’Académie des Sciences morales et politiques de Paris 

ROME, Dimanche 11 février 2007 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte du discours que le pape Benoît XVI a prononcé samedi 10 février à l’occasion de sa rencontre avec les membres d’une délégation de l’Académie des Sciences morales et politiques de Paris. 

* * * 

Monsieur le Secrétaire perpétuel,
Monsieur le Cardinal,
Chers Amis Académiciens, Mesdames et Messieurs,

C’est avec plaisir que je vous accueille aujourd’hui, vous les membres de l’Académie des Sciences morales et politiques. En premier lieu, je remercie Monsieur Michel Albert, Secrétaire perpétuel, des paroles par lesquelles il s’est fait l’interprète de votre délégation, ainsi que pour la médaille évoquant mon entrée comme membre associé étranger de votre noble Institution.

L’Académie des Sciences morales et politiques est un lieu d’échanges et de débats, proposant à l’ensemble des citoyens et au législateur des réflexions pour aider à «trouver les formes d’organisations politiques les plus favorables au bien public et à l’épanouissement de l’individu». En effet, la réflexion et l’action des Autorités et des citoyens doivent être centrées autour de deux éléments: le respect de tout être humain et la recherche du bien commun. Dans le monde actuel, il est plus que jamais urgent d’inviter nos contemporains à une attention renouvelée à ces deux éléments. En effet, le développement du subjectivisme, qui fait que chacun a tendance à se prendre comme seule référence et à considérer que ce qu’il pense a le caractère de la vérité, nous incite à former les consciences sur les valeurs fondamentales, qui ne peuvent être bafouées sans mettre en danger l’homme et la société elle-même, et sur les critères objectifs d’une décision, qui supposent un acte de raison.

Comme je l’avais souligné lors de ma conférence sur la nouvelle Alliance, donnée devant votre Académie en 1995, la personne humaine est «un être constitutivement en relation», appelé à se sentir chaque jour davantage responsable de ses frères et sœurs en humanité. La question posée par Dieu, dès le premier texte de l’Écriture, doit sans cesse résonner dans le cœur de chacun: «Qu’as-tu fait de ton frère ?» Le sens de la fraternité et de la solidarité, et le sens du bien commun reposent sur une vigilance par rapport à ses frères et par rapport à l’organisation de la société, donnant une place à chacun, afin qu’il puisse vivre dans la dignité, avoir un toit et le nécessaire pour son existence et pour celle de la famille dont il a la charge. C’est dans cet esprit qu’il faut comprendre la motion que vous avez votée, au mois d’octobre dernier, concernant les droits de l’homme et la liberté d’expression, qui fait partie des droits fondamentaux, ayant toujours à cœur de ne pas bafouer la dignité fondamentale des personnes et des groupes humains, et de respecter leurs croyances religieuses.

Qu’il me soit permis d’évoquer aussi devant vous la figure d’Andreï Dimitrijevitch Sakharov, auquel j’ai succédé à l’Académie. Cette haute personnalité nous rappelle qu’il est nécessaire, dans la vie personnelle comme dans la vie publique, d’avoir le courage de dire la vérité et de la suivre, d’être libre par rapport au monde ambiant qui a souvent tendance à imposer ses façons de voir et les comportements à adopter. La véritable liberté consiste à marcher dans la voie de la vérité, selon sa vocation propre, sachant que chacun aura à rendre compte de sa vie à son Créateur et Sauveur. Il importe que nous sachions proposer aux jeunes un tel chemin, leur rappelant que le véritable épanouissement n’est pas à n’importe quel prix et les invitant à ne pas se contenter de suivre toutes les modes qui se présentent. Ainsi, ils sauront avec courage et ténacité discerner le chemin de la liberté et du bonheur, qui suppose de vivre un certain nombre d’exigences et de réaliser les efforts, les sacrifices et les renoncements nécessaires pour agir bien.

Un des défis pour nos contemporains, et particulièrement pour la jeunesse, consiste à accepter de ne pas vivre simplement dans l’extériorité, dans le paraître, mais à développer la vie intérieure, lieu unificateur de l’être et de l’agir, lieu de la reconnaissance de notre dignité d’enfants de Dieu appelés à la liberté, non pas en se séparant de la source de la vie, mais en y demeurant relié. Ce qui réjouit le cœur de l’homme, c’est de se reconnaître fils et filles de Dieu, c’est une vie belle et bonne sous le regard de Dieu, ainsi que les victoires réalisées sur le mal et contre le mensonge. En permettant à chacun de découvrir que sa vie a un sens et qu’il en est responsable, nous ouvrons la voie à une maturation des personnes et à une humanité réconciliée, soucieuse du bien commun.

Le savant russe Sakharov en est un exemple; alors que, sous la période communiste, sa liberté extérieure était entravée, sa liberté intérieure, que nul ne pouvait lui enlever, l’autorisait à prendre la parole pour défendre avec fermeté ses compatriotes, au nom même du bien commun. Aujourd’hui encore, il importe que l’homme ne se laisse pas entraver par des chaînes extérieures, telles que le relativisme, la recherche du pouvoir et du profit à tout prix, la drogue, des relations affectives désordonnées, la confusion au niveau du mariage, la non-reconnaissance de l’être humain dans toutes les étapes de son existence, de sa conception à sa fin naturelle, laissant penser qu’il y a des périodes où l’être humain n’existerait pas vraiment. Nous devons avoir le courage de rappeler à nos contemporains ce qu’est l’homme et ce qu’est l’humanité. J’invite les Autorités civiles et les personnes qui ont une fonction dans la transmission des valeurs à avoir toujours ce courage de la vérité sur l’homme.

Au terme de notre rencontre, permettez-moi de souhaiter que, par ses travaux, l’Académie des Sciences morales et politiques, avec d’autres institutions, puisse toujours aider les hommes à construire une vie meilleure et à édifier une société où il est bon de vivre en frères. Ce souhait s’accompagne de la prière que je fais monter vers le Seigneur pour vous-mêmes, pour vos familles et pour tous les membres de l’Académie des Sciences morales et politiques.

12 février, 2007

 dans Pape Benoit pierrot

commentaire au évangile du jour – 12.2.07

12 février, 2007

Saint [Padre] Pio de Pietrelcina (1887-1968), capucin
CE,57 ; Ep 3,400s (trad. Une pensée, Mediaspaul 1991, p.70)

« Pourquoi cette génération demande-t-elle un signe ? »

Le plus bel acte de foi est celui qui jaillit sur tes lèvres en pleine obscurité, parmi les sacrifices, les souffrances, le suprême effort d’une ferme volonté de faire le bien. Comme la foudre, cet acte de foi déchire les ténèbres de ton âme ; au milieu des éclairs de l’orage, il t’élève et te conduit à Dieu.

La foi vive, la certitude inébranlable et l’adhésion inconditionnelle à la volonté du Seigneur, voilà la lumière qui éclaire les pas du peuple de Dieu au désert. C’est cette même lumière qui resplendit à chaque instant en tout esprit agréable au Père. C’est cette lumière aussi qui a conduit les mages et leur a fait adorer le Messie nouveau-né. C’est l’étoile prophétisée par Balaam (Nb 24,17), le flambeau qui guide les pas de tout homme qui cherche Dieu.

Or cette lumière, cette étoile, ce flambeau, sont également ce qui illumine ton âme, ce qui dirige tes pas pour t’empêcher de chanceler, ce qui fortifie ton esprit dans l’amour de Dieu. Tu ne le vois pas, tu ne le comprends pas, mais ce n’est pas nécessaire. Tu ne verras que ténèbres, certes non pas celles des fils de perdition, mais bien plutôt celles qui entourent le Soleil éternel. Tiens pour assuré que ce Soleil resplendit dans ton âme ; le prophète du Seigneur a chanté à son sujet : « A ta lumière je verrai la lumière » (Ps 36,10).

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