Archive pour le 26 février, 2007
Colomban, abbé de Luxueil : Que ton amour nous possède tout entiers
26 février, 2007du site:
http://www.patristique.org/article.php3?id_article=161
Colomban, abbé de Luxueil : Que ton amour nous possède tout entiers
Augustin de l’Assomption, fondateur du site.
Saint Colomban (543 ?-615) était un moine irlandais qui vint en France vers 585. Il fonda plusieurs monastères, dont celui de Luxueil dans les Vosges. Persécuté parce qu’il dénonçait les moeurs de la cour de Bourgogne, il se réfugia en Italie où il fonda le monastère de Bobbio en 614. Il y mourut l’année suivante.
Ô Dieu,
Éveille moi du sommeil de mon indolence.
Fais brûler en moi le feu de l’amour divin ;
Que la flamme de ton amour monte plus haut que les étoiles ;
Que brûle sans cesse au-dedans de moi le désir de répondre à ton infinie tendresse [...]
Seigneur,
Accorde-moi cet amour qui se garde de tout relâchement,
Que je sache tenir toujours ma lampe allumée,
Sans jamais la laisser s’éteindre ;
Qu’en moi elle soit feu,
Et lumière pour mon prochain.
Ô Christ,
Daigne allumer toi-même nos lampes,
Toi notre Sauveur plein de douceur,
Fais-les brûler sans fin dans ta demeure,
Et recevoir de toi, lumière éternelle,
Une lumière indéfectible.
Que ta lumière dissipe nos propres ténèbres,
Et que, par nous,elle fasse reculer les ténèbres du monde.
Jésus,
Je t’en prie,
Allume ma lampe à ta propre lumière [...]
Qu’à ta lumière, je ne cesse de te voir,
De tendre vers toi mon regard et mon désir.
Alors, dans mon coeur, je ne verrai que toi seul,
Et en ta présence, ma lampe sera toujours allumée et ardente.
Fais-nous la grâce, je t’en prie,
Puisque nous frappons à ta porte,
De te manifester à nous,
Sauveur plein d’amour.
Te comprenant mieux,
Puissions-nous n’avoir d’amour que pour toi,
Toi seul.
Sois, nuit et jour,
Notre seul désir,
Notre seule méditation,
Notre continuelle pensée.
Daigne répandre en nous assez de ton amour
Pour que nous t’aimions comme il convient.
Remplis-nous de ton amour,
Jusqu’au plus intime de nous-mêmes,
Qu’il nous possède tout entiers,
Que ta charité pénètre toutes nos facultés,
Pour que nous ne sachions plus rien aimer,
Sinon toi, qui es éternel [...]
Qu’en nous se réalise,
En partie tout au moins,
Ce progrès de l’amour par ta grâce,
Seigneur Jésus-Christ,
À qui est la gloire dans les siècles des siècles.
Amen.
Sources :
D’après les Instructions spirituelles 12, 2-3
Écoles catholiques en Jordanie
26 février, 2007du site:
http://www.30giorni.it/fr/articolo.asp?id=12460
Écoles catholiques en Jordanie
De petits miracles sur les bancs de l’école
Voyage dans les écoles catholiques du Royaume hachémite. Histoire et actualité d’une forme de présence chrétienne qui a toujours joui, même auprès de la majorité musulmane, du consensus social |
par Gianni Valente
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À huit heures du matin, comme tous les jours de la semaine, les élèves du “Terre Sainte” College, après avoir longtemps flâné en attendant la sonnerie, se rangent par classe, en files silencieuses, dans la cour de l’école, sous le regard sévère du directeur, Abouna Rachid. Pendant que le petit Khalid hisse les couleurs sous la forme d’un mini-drapeau de la Jordanie, tous les autres, chrétiens et musulmans, invoquent ensemble l’unique Dieu, Père de tous («Seigneur, bénis-nous ainsi que notre pays et notre école. Éclaire nos esprits et donne-nous la paix»). Puis la musique démarre et, en braves citoyens – qui avec ardeur, qui plus mollement –, ils entonnent ensemble l’hymne national («Vive le roi, vive le roi! Haute est sa réputation, sublime est son rang. Haut son drapeau!»). Puis ils s’égaillent gaiement et bruyamment dans les couloirs et les classes où, à côté des crucifix et des portraits du roi Abdullah II, ont aussi fait leur apparition ces dernières semaines les crèches, les saints Nicolas et autres décorations du temps de Noël. Aucune maman portant le voile, aucun papa fréquentant la mosquée voisine n’ont rien trouvé à redire à cela.
Sur ce qui est aujourd’hui une entrée latérale apparaît l’inscription “1948”, année de fondation de l’école. À cette date, le Royaume hachémite de Jordanie faisait ses premiers pas – encore incertains – dans le domaine miné du Moyen-Orient et les Pères de la Custodie de Terre Sainte, sur la colline de Habdale, venaient à peine de construire leur école, aujourd’hui encore l’une des plus prestigieuses du pays et du Moyen-Orient. Leur fondateur saint François, avait dès sa première règle, en 1221, parlé de façon claire: que les frères qui vont parmi les musulmans «n’entrent pas dans des litiges ou des disputes», mais qu’ils soient au service de tous. Consigne respectée. À leur manière, les photos d’époque accrochées au mur – avec le tout jeune roi Hussein entouré des frères, puis avec le prince Hassan et d’autres membres de la maison royale en visite aux cérémonies officielles de la communauté scolaire – expriment la gratitude ininterrompue du jeune pays musulman dirigé par des rois qui se déclarent descendants de Mahomet, pour l’œuvre accomplie par le collège franciscain et toutes les autres écoles chrétiennes au profit de la jeunesse arabe d’Outre-Jourdain. «Nous sommes fiers de nos écoles chrétiennes en raison de la contribution irremplaçable qu’elles apportent au bien de notre société. Il n’y a jamais de problèmes avec elles. Elles sont toujours respectueuses des règles ministérielles concernant le nombre d’élèves par classe, les programmes scolaires, les livres de texte», confie, satisfait et reconnaissant Abd al-Majid al-Abbady, haut fonctionnaire du Département pour les écoles privées du Ministère de l’Éducation.
Si, dans de nombreuses sociétés du Moyen-Orient, la présence active des chrétiens risque d’apparaître comme un corps étranger en lente mais inexorable extinction, la vitalité et l’enracinement social des écoles chrétiennes en Jordanie deviennent ipso facto un “cas” intéressant.
Quelque chose de bon pour tous
À Karak, 130 kilomètres au sud d’Amman, on voit se dresser de loin la silhouette du château des croisés dans un paysage désertique, privé de toute ressource sur et sous terre. De la forteresse où se déchaînait le prince sanguinaire Renaud de Châtillon, symbole funeste de la chrétienté en armes, ne reste qu’un tas de ruines. En revanche, la petite école du Patriarcat latin est pleine de vie et de voix d’enfants. Elle est restée exactement à l’endroit où l’a fondée, en 1876, don Alessandro Macagno, le mythique Abouna Skandar qui prêchait l’Évangile aux tribus de Bédouins chrétiens perdus au-delà du Jourdain, vivant comme eux sous la tente et transportant avec lui un autel portatif pour célébrer l’eucharistie. À cette époque, le gouverneur ottoman ne voulait pas lui donner l’autorisation de célébrer. Ce sont les habitants du lieu, chrétiens et musulmans ensemble, qui ont réussi à venir à bout des résistances du gouverneur. Les Bédouins musulmans, qui ne connaissaient que la brutale soif de prébendes et de pots-de-vin des fonctionnaires locaux de l’appareil civil ottoman, avaient compris eux aussi qu’ils ne pouvaient attendre que du bien de cet homme humble et pieux qui leur apprenait à lire et à écrire.
De la forteresse où se déchaînait le prince sanguinaire Renaud de Châtillon, symbole funeste de la chrétienté en armes, ne reste qu’un tas de ruines. En revanche, la petite école du Patriarcat latin est pleine de vie et de voix d’enfants. Elle est restée exactement à l’endroit où l’a fondée, en 1876, don Alessandro Macagno, le mythique Abouna Skandar qui prêchait l’Évangile aux tribus de Bédouins, transportant avec lui un autel portatif pour célébrer l’eucharistie |
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Dans la seconde moitié du XIXe siècle, les écoles fondées au-delà du Jourdain par les prêtres du Patriarcat latin de Jérusalem qui venait d’être érigé, furent les premières écoles ouvertes dans un monde clos et marginal, régi par les mesquines lois sociales du tribalisme. Enseigner aux ignorants est une œuvre de miséricorde spirituelle. Et l’enseignement offert à tous – chrétiens et musulmans, pauvres et riches, tribus du nord et tribus du sud – fut le passe-partout qui permit au témoignage apostolique de s’enraciner en terre aride, dans les zones rurales ou désertiques qui n’avaient jamais vu aucune initiative pastorale catholique. Aujourd’hui encore, à Karak comme à Salt, à Hoson comme à Ajlun, à Ader comme à Anjara, les bâtiments des écoles paroissiales forment un tout avec l’église et toute l’activité d’éducation se déroule sous la responsabilité dernière du curé de la paroisse locale.
Du fait de leur très ancienne implantation dans le pays, les écoles catholiques de la Jordanie ont acquis depuis longtemps un plein droit de cité dans le pays. Quand fut créé le Royaume hachémite de Jordanie, le réseau scolaire du Patriarcat latin – auquel vinrent rapidement se joindre les grands collèges ouverts à Amman par des congrégations religieuses catholiques – représentait le seul système éducatif “autochtone” existant.
Aujourd’hui, dans la Jordanie où sont en cours d’indéchiffrables processus socio-économiques nés, en partie, des conflits voisins, l’éducation est elle aussi devenue un business. La concurrence est de plus en plus asphyxiante. Dans les banlieues chic de la capitale poussent à la vitesse grand V de nouvelles écoles commerciales privées, dotées de noms ronflants et agressifs: Modern American School, Cambridge School, Islamic College, al-Shweifat School… Pour les professeurs et le staff des écoles catholiques, la qualité de l’enseignement qu’ils diffusent – but sans prétention de leur témoignage chrétien – devient la garantie de leur survie économique.
Dans le village chrétien de Fuheis, dans l’entrée de l’école qui a été construite à côté de la paroisse dédiée au Cœur immaculé de Marie, un portrait de la Vierge accueille ceux qui entrent. Marie semble regarder, à côté d’elle, avec une maternelle curiosité, un tableau portant la liste, classe par classe, des élèves qui ont obtenu les meilleures notes aux contrôles de fin d’année. La surveillance permanente que, dans les écoles jordaniennes, les pouvoirs publics exercent sur le rendement scolaire de chaque élève peut apparaître, de l’extérieur, comme un syndrome d’efficience calqué sur des modèles importés de l’étranger. Une course frénétique aux bons résultats qui peut provoquer chez les étudiants un féroce esprit de compétition et des frustrations décourageantes. Mais ce n’est qu’en participant à ce jeu que les écoles chrétiennes peuvent prouver, aujourd’hui encore, le haut niveau de leur enseignement. Un ingrédient essentiel pour continuer à attirer les familles musulmanes. À la fin de chaque année, le Ministère de l’Éducation dresse la liste des dix meilleurs élèves dans les différentes disciplines et, chaque année, figurent à ce tableau d’honneur des élèves des écoles chrétiennes, ce qui, naturellement, donne lustre et réputation à l’école à laquelle ils appartiennent. À Fuheis, le nom de ces petits génies nationaux est même gravé, tous les ans, sur une plaque de marbre exposée, sans fausse modestie, comme une relique, à l’extérieur, près de la porte d’entrée de l’école.
Adeste infideles
Abouna Bachir passe en courant, soutane ondulante, dans les couloirs pleins de soleil de l’école paroissiale d’Ader. Il plaisante avec les enfants, montre les photos des excursions et le local où est installée l’école de couture, entrouvre la porte d’une classe où une maîtresse portant le voile a rassemblé des enfants musulmans pour la leçon de Coran. «Ils suivent leur cours de catéchisme…», dit en souriant le jeune curé. «Nous savons ici, depuis des siècles, que, pour ne pas nous disputer avec les musulmans, il vaut mieux ne pas parler de doctrine et de religion. Les parents musulmans tiennent à envoyer leurs enfants dans nos écoles. Ils savent qu’ils trouvent là un milieu différent où leurs enfants grandissent comme il faut et où personne ne veut rien imposer à personne». Une vieille habitude que tout le monde ne comprend pas: «Il y a longtemps», ajoute le curé, «un missionnaire protestant américain voulait savoir combien de musulmans j’avais baptisés durant l’année. Je lui ai dit que mon problème n’était pas de convertir les musulmans. Il m’a alors demandé quels étaient mes problèmes. Je lui ai répondu que j’espérais aider les chrétiens à être contents d’être chrétiens. Point, c’est tout».
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Les statistiques les plus récentes révèlent que, durant l’année scolaire 2005-2006, presque la moitié des vingt-trois mille élèves des écoles catholiques en Jordanie appartenaient à des familles musulmanes. Plus d’un quart du personnel – presque mille neuf cents personnes entre les enseignants et les autres employés – des écoles chrétiennes était lui aussi disciple du Prophète. La règle tacite qui demande d’éviter toute controverse religieuse est pour les écoles une donnée désormais inscrite dans leur ADN, l’héritage de siècles de coexistence, difficile, peut-être, mais ininterrompue, entre les tribus musulmanes et les tribus chrétiennes d’Outre-Jourdain. Mais on ne cherche pas, pour éviter tout conflit confessionnel, à créer des milieux religieusement “stérilisés”. On s’en remet plutôt à des habitudes pratiques, fruit de décennies d’expérience, dictées par le bon sens chrétien: mise au ban de tout prosélytisme, direct ou détourné, enseignement religieux séparé pour les chrétiens et les musulmans, prières communes dans lesquelles tous les élèves peuvent invoquer la miséricorde d’Allah, Seigneur de tous les hommes. Un dispositif de discrétion et de délicatesse étudié pour favoriser la coexistence quotidienne, pour désamorcer tous les soupçons qui peuvent naître dans la vie ordinaire, dans l’espoir de diffuser des antidotes à l’intolérance dans les salles de classe mais aussi à l’extérieur. «Nous avons pour devise: amis à l’école, amis dans la société», dit avec hardiesse Abouna Rifat Bader, qui a créé sur Internet un site, très fréquenté, d’informations en arabe sur la vie de l’Église (www.abouna.org) et qui est responsable de l’école de Wassieh, la plus jeune des écoles du Patriarcat latin. «Si un élève a fait ses études chez nous et qu’il a été content, il est peu probable qu’il aille dire du mal des chrétiens autour de lui». Un pari que viennent confirmer les nombreux petits miracles qu’il voit se produire quotidiennement dans les salles de classe, dans la cour et dans les couloirs de sa belle école, laquelle est sortie de terre dans le désert, il y a six ans, durant l’année du Jubilé. Pendant qu’il parle, le chœur de l’école répète le spectacle de Noël, révisant les scènes, les comptines et les chants de Noël en arabe, en anglais, en italien. Les enfants font aussi allusion à l’histoire d’un enfant né, il y a deux mille ans, par une nuit froide, dans une mangeoire, non loin d’ici. Les petits choristes sont une trentaine. Presque la moitié d’entre eux sont musulmans.
L’hymne de frère Émile
Dans l’entrée du prestigieux “De La Salle” College des Frères des Écoles chrétiennes, le portrait de Benoît XVI trône entouré de ceux du roi Hussein et du roi Abdullah. Frère Émile, le créatif directeur du collège, a même mis en musique un hymne à l’honneur du monarque hachémite. Le religieux d’origine libanaise exalte les effets stimulants que, selon lui, la coexistence entre chrétiens et musulmans produit, entre autres du point de vue éducatif («frottez votre cerveau à celui d’un autre et la flamme jaillira». Et il explique aussi sans réticence sa profonde déférence pour les autorités civiles: «Nous menons une vie tranquille parce que le roi, la famille royale et aussi le gouvernement sont avec nous. L’ancien premier ministre et beaucoup de ministres ont été nos élèves. L’actuel premier ministre a mis ses enfants dans notre école. Tant qu’il y a le roi, nous n’avons pas peur». Sœur Émilie énumère elle aussi les noms des princesses Alia, Aisha et Zayn, filles du roi Hussein, qui ont grandi sur les bancs de l’école des sœurs du Rosaire qu’elle dirige aujourd’hui. Elle vit, sans regrets ni protestations, sa vocation chrétienne qu’elle a mise au service des jeunes musulmanes de Jordanie. Elle étale avec satisfaction les articles et les photos qui racontent ou montrent la présence des membres de la famille royale et des plus hautes autorités du pays aux graduation days de l’école. Et elle hoche la tête en pensant à ces occidentaux bornés qui ne voient pas les facteurs en jeu dans le délicat rapport entre majorité islamique et minorités chrétiennes arabes au Moyen-Orient. «Les problèmes», dit-elle, «nous sont venus de l’extérieur. Et, de toute façon, la maison royale sait comment les affronter au mieux».
La bienveillance fortuite et providentielle des hachémites à l’égard de toutes les écoles chrétiennes du Royaume ne s’exprime pas seulement dans la généreuse disponibilité de la famille royale à assister aux inaugurations et aux galas de fin d’année. Lorsque, à partir du milieu des années Soixante-dix, les Frères musulmans – qui, en Jordanie, ont toujours joui d’une totale liberté d’action –, voyant dans l’éducation un instrument pour l’islamisation militante de la société, ont cherché à conquérir l’hégémonie dans ce domaine, la maison royale n’a pas hésité à jouer son rôle et à rétablir l’équilibre par des mesures concrètes. Ainsi, à la fin des années Quatre-vingt-dix, quand, dans les universités, les professeurs liés aux Frères musulmans choisirent à dessein comme date pour les examens le 25 décembre, le roi Abdullah répondit immédiatement aux protestations des chrétiens en transformant Noël et le Jour de l’An en jours fériés pour tout le pays. Dans le calendrier hebdomadaire, les activités des écoles chrétiennes sont suspendues le vendredi et le dimanche et chaque école a droit à un jour de fête pour célébrer son saint patron.
L’autre face de cette grande prédilection royale est la soumission absolue des écoles chrétiennes aux programmes scolaires ministériels. Jadoun Salameh, professeur d’arabe dans les écoles chrétiennes depuis 28 ans, est l’image vivante de ce respect tranquille des consignes données. Il a enseigné toute sa vie et sans problèmes une matière essentielle pour toutes les sections scolaires, matière fondée en grande partie sur le Coran et sur les écrits des prophètes, les racines religieuses de la civilisation islamique, dans laquelle il est plongé en même temps que tous les chrétiens arabes. La familiarité respectueuse qu’il a acquise avec les écrits sacrés et les conceptions religieuses musulmanes («il y en avait qui avaient du mal à croire que j’étais chrétien») l’ont aidé à y voir clair dans la complexe partie d’échecs qui se joue encore autour de l’inspiration coranique des livres et des programmes scolaires.
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La stratégie des Frères musulmans concernant les écoles connut son apogée lorsque, entre 1989 et 1990, même si ce n’était que pour quelques mois, les militants du “réveil” islamique en Jordanie obtinrent le contrôle du Ministère de l’Éducation. L’introduction de doses massives de Coran dans les textes scolaires, l’exaltation de la “conquête islamique” dont on rebattait les oreilles des élèves ainsi que les nombreux appels au djihad contre les mécréants, éléments correspondant tous à la propagande islamiste, remontaient en fait à un temps déjà ancien. Mais ces dernières années, depuis l’accord de paix avec Israël (1994) et plus encore après le 11 septembre, la dérive islamiste des programmes scolaires semble avoir subi un coup d’arrêt. Un revirement ouvertement inspiré par la maison royale.
En novembre 2004, un an avant les attentats dans la capitale jordanienne, le roi Abdullah avait lancé le fameux “Message d’Amman” dans le but «d’éclaircir pour le monde ce qu’est et ce que n’est pas l’islam». Une initiative par laquelle la dynastie hachémite visait à réaffirmer sa fonction d’interprète et de garant de la «juste compréhension» de la foi islamique. Celle-ci était présentée comme «un message de fraternité et d’humanité qui soutient ce qui est bon, interdit ce qui est erroné et accepte les autres en honorant chaque être humain». L’application de ces indications dans le domaine scolaire entraîna la disparition progressive, dans les livres de texte, des poésies, de la propagande historique et des citations coraniques que les fondamentalistes risquaient d’exploiter à leur fins. «Maintenant», raconte Jadoun Salameh, «on ne trouve plus dans les livres que des versets coraniques conciliants, dans lesquels on exalte la beauté de la création et de la coexistence pacifique entre les peuples. Aucune trace de guerre sainte, aucun appel à soumettre à l’islam les mécréants…».
Une aide discrète
Si, dans les écoles chrétiennes, la coexistence effective entre chrétiens et musulmans est une pratique ancienne rôdée par des siècles de vie commune, dans la vie quotidienne du Royaume, de telles expériences risquent d’apparaître toujours plus comme des îlots de bonheur, des enclaves résiduelles d’un passé qu’il n’y a plus qu’à regretter. On sait bien – il n’est même pas besoin de le dire – que là aussi, ces dernières décennies, il y a eu des gens pour empoisonner progressivement les sources de relative tolérance qui arrosaient une coexistence plus que millénaire. Rien n’est plus comme avant. Les anciens rites d’“accoutumance” réciproque qui réglaient les rapports entre les tribus chrétiennes et musulmanes au-delà du Jourdain se sont affaiblis. Les élèves des écoles chrétiennes eux-mêmes, subissent, lorsqu’ils passent à l’Université d’État, l’assaut et les intimidations de professeurs et de collègues zélés, blindés dans leurs certitudes, qui se sentent appelés à endoctriner les “pauvres sots”, enfants de la nation jordanienne, qui croient vraiment que Jésus est le fils de Dieu. L’activisme islamiste, le militantisme religieux qui envahit la vie publique, deviennent pour beaucoup d’entre eux un harcèlement spirituel asphyxiant.
Les écoles catholiques exercent ainsi leur mission la plus intime et la moins visible. Il s’agit pour elles de rendre faciles, sereins, sans complexe, les premiers pas dans la vie sociale de nombreux enfants et adolescents chrétiens. Sans construire de fortins de défense |
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C’est précisément pour répondre à cette évolution que les écoles catholiques exercent, et elles en ont conscience, leur mission la plus intime et la moins visible. Il s’agit pour elles de rendre faciles, sereins, sans complexe, les premiers pas dans la vie sociale de nombreux enfants et adolescents chrétiens. Sans construire de fortins de défense, dans une atmosphère ouverte, en les faisant grandir côte à côte avec les musulmans de leur âge. En leur permettant de jouir, sans même qu’ils s’en aperçoivent, des fruits de la constante gratuité que la charité chrétienne fait briller dans le domaine ordinaire des occupations les plus habituelles. Avant que n’arrivent les difficultés et les temps de l’épreuve.
Pour le père Hanna Kildani, responsable des écoles du Patriarcat latin d’Outre-Jourdain, tout cela veut dire aussi combattre quotidiennement avec des comptes en rouge, toujours plus en rouge. Parmi les conséquences économiques de la situation chaotique du Moyen-Orient figure aussi la diminution des salaires de la classe moyenne, à laquelle appartenait une bonne partie des familles chrétiennes qui considéraient les écoles du Patriarcat comme “ses” écoles. Ils sont toujours plus nombreux à demander l’exemption partielle ou totale du paiement des frais de scolarité, déjà largement insuffisants pour couvrir les coûts de la gestion ordinaire. Le généreux soutien économique assuré par les Chevaliers du Saint Sépulcre dispersés dans le monde entier ne réussit pas à boucher les trous du budget. «Le déficit annuel des écoles patriarcales augmente de façon vertigineuse. Il a atteint pour la seule Jordanie deux millions de dollars. Mais pour notre patriarche Michel Sabbah, pourvoir à l’éducation des jeunes de toutes les confessions chrétiennes est une priorité absolue en soi mais également si l’on veut freiner l’émigration des chrétiens de cette terre. «Nous voulons éviter par tous les moyens que les familles chrétiennes abandonnent nos écoles parce qu’elles n’on pas assez d’argent», explique Nader Twal, responsable de la communication pour le Département de l’éducation du Patriarcat latin. Il y a des parents qui en profitent. D’autres font ce qu’ils peuvent et reviennent éventuellement à la vieille méthode du paiement en nature à base d’onces d’huile d’olive. Mais le père Hanna et ses collaborateurs abordent la crise sans trop dramatiser. Comme leurs ancêtres, habitués à la vie précaire des tentes bédouines, ils savent bien que les choses finissent par s’arranger. Si Allah le veut.
Lettre de Saint Augustin a Proba – 3me et dernière partie: 20-31
26 février, 200720. On dit que nos frères en Egypte prient fréquemment, mais brièvement et par élan; ils agissent ainsi pour éviter que l’attention et la ferveur, si nécessaires à la prière, s’évanouissent et s’éteignent en des oraisons trop prolongées. Par là aussi ils montrent assez que s’il ne faut pas s’exposer à l’affaiblissement de cette ferveur, quand elle ne peut durer, il ne faut pas l’interrompre trop tôt, quand elle se soutient. Tant que dure cette vive et sainte application du coeur, écartez de l’oraison les longues paroles, mais priez, priez longtemps. Beaucoup parler en priant, c’est faire une chose nécessaire avec des paroles inutiles. Beaucoup prier, c’est frapper à la porte de celui qu’on implore avec un long et pieux mouvement du coeur. C’est là le plus souvent une affaire qui se traite plus avec des gémissements qu’avec des discours, plus avec des larmes qu’avec des entretiens. Dieu met nos larmes devant sa présence; nos soupirs ne restent pas ignorés de celui qui a tout créé par sa Parole et n’a que faire des paroles humaines. 21. Les paroles nous sont nécessaires pour nous exciter à ce que nous demandons et y être attentifs, non pour apprendre à Dieu nos besoins ni pour le fléchir. Ainsi lorsque nous disons : « Que votre nom soit sanctifié, » nous nous avertissons nous-mêmes qu’il faut désirer que son nom, toujours saint, le soit toujours aux yeux des hommes, c’est-à-dire que ce nom ne soit point méprisé : ce qui est profitable non pas à Dieu mais aux hommes. Lorsque nous disons : « Que votre règne arrive, » nous excitons notre désir vers ce règne qui arrivera, que nous le voulions ou non, et nous demandons qu’il vienne pour nous et que nous méritions d’y avoir part. Lorsque nous disons : « Que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel, » nous lui demandons la grâce de lui être soumis, pour que nous fassions sa volonté comme les anges la font dans le ciel. Lorsque nous disons : « Donnez-nous aujourd’hui
1. Luc, III, 12; XXII, 43.
notre pain quotidien, » le mot aujourd’hui désigne le temps de notre vie pour lequel nous demandons, ou bien le nécessaire en le désignant par le pain qui en est la partie principale , ou bien le Sacrement des fidèles qui nous est nécessaire dans cette vie, non pour être heureux ici-bas, mais pour obtenir l’éternelle félicité. Lorsque nous disons : « Pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés, » nous, nous avertissons de ce qu’il faut demander et de ce qu’il faut faire pour l’obtenir. Lorsque nous disons : « Ne nous abandonnez pas à la tentation, » nous nous avertissons que nous devons demander à Dieu de ne pas nous priver de son secours, de peur que la séduction ou l’accablement ne nous fasse succomber. Lorsque nous disons : « Délivrez-nous du mal (1) , » nous nous avertissons qu’il faut penser que nous ne sommes pas encore en possession de ce bien où l’on ne souffre plus aucun mal. Cette fin de l’oraison dominicale a un sens si étendu qu’un chrétien, quelle que suit sa tribulation, y trouve l’expression de tous ses gémissements et le sujet de toutes ses larmes; c’est par là qu’il commence, c’est par là qu’il continue , c’est par là qu’il achève sa prière. Il fallait que ces paroles recommandassent les choses elles-mêmes à notre mémoire. 22. En effet, quelles que soient les paroles que nous prononcions, pour marquer l’intention de notre prière ou en accroître la pieuse ardeur, nous ne disons rien de plus que ce qui se trouve dans l’oraison dominicale, si nous prions comme il faut. Mais quiconque, s’adressant à Dieu, dirait des aloses qui ne pourraient pas se rapporter à cette prière évangélique, lors même qu’il ne demanderait rien de mauvais, prierait charnellement; et je ne sais pas pourquoi cela ne serait pas jugé mauvais, puisqu’il ne convient pas à ceux qui ont été régénérés par l’Esprit de prier autrement que selon l’Esprit. Ainsi, par exemple, dire : « Soyez glorifié dans toutes les nations comme vous l’êtes parmi nous; » de plus : « Que vos prophètes soient trouvés fidèles (2), » n’est-ce pas dire : « Que votre nom soit sanctifié?» Dire : « Dieu des vertus, convertissez-nous, et montrez- nous votre face, et nous serons sauvés (3), » n’est-ce pas dire : « Que votre règne arrive ? » Dire : « Dirigez nos pas selon votre parole, et
1. Matth. VI , 9-13. — 2. Ecclesias. XXXVI, 4, 18. — 3. Ps. XXLIX, 4.
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qu’aucune iniquité ne domine en moi (1), » n’est-ce pas dire : « Que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel ? » Dire : « Ne me donnez ni la pauvreté ni les richesses (2), » n’est-ce pas dire : « Donnez nous aujourd’hui, notre pain quotidien? » Dire : « Seigneur, souvenez-vous de David et de toute sa douceur (3), » ou bien : « Seigneur, si j’ai fait cela, si l’iniquité est dans mes mains, si j’ai rendu le mal pour le mal (4), » n’est-ce pas dire : « Pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés? » Dire : « Eloignez de nous les concupiscences de la chair, et qu’aucun mauvais désir ne me saisisse (5), » n’est-ce pas dire : « Ne nous abandonnez point à la tentation? » Dire : « Tirez-moi des mains de mes ennemis, ô mon Dieu, et délivrez-moi de ceux qui s’élèvent contre moi (6), » est-ce autre chose que : « Délivrez-nous du mal? » Si vous parcourez toutes les paroles des prières des saintes Ecritures, vous ne trouverez rien qui ne soit contenu et enfermé dans l’oraison dominicale. On est libre de demander les mêmes choses en d’autres termes, mais on n’est pas libre de demander autre chose. 23. Voilà ce que nous devons demander sans hésitation pour nous, pour les nôtres, pour les étrangers et même pour nos ennemis, quoique, dans la prière, le coeur soit autrement porté vers les uns que vers les autres, selon les liaisons de parenté ou d’amitié. Mais celui qui, dans l’oraison, dit par exemple : Seigneur, augmentez mes richesses, ou bien : Donnez-m’en autant que vous en avez donné à celui-ci ou à celui-là ; ou bien : Augmentez mes honneurs, faites-moi puissant et illustre dans ce siècle; celui qui dit cela ou quelque autre chose dans ce genre et qui aspire aux dignités et aux richesses parce qu’il en a l’ardente soif, et non parce qu’il voudrait en tirer parti, selon Dieu, pour l’avantage des hommes, celui-là ne trouve pas, je le crois, dans l’oraison dominicale, de quoi exprimer de pareils voeux. C’est pourquoi qu’il ait honte au moins de demander ce qu’il n’a pas honte de désirer; ou bien, s’il en a honte, mais si la cupidité l’emporte, ne vaut-il pas beaucoup mieux qu’il demande d’en être délivré à celui à qui nous disons : «Délivrez-nous du mal ! »
24. Vous savez maintenant, je pense, comment 1. Ps. CXVIII. 133. — 2. Prov. XXX, 6. — 3. Ps. CXXX, 1. — 4. Ps. VII, 4. — 5. Ecclés. XXIII, 6. — 6. Ps. LVIII, 2. vous devez être pour prier et ce que vous devez demander; ce n’est pas moi qui vous l’ai appris, c’est celui qui a daigné nous instruire tous. Il faut chercher la vie heureuse, il fau la demander à Dieu. On a beaucoup disserté pour savoir ce que c’est que d’être heureux mais nous, qu’avons-nous besoin d’interroger les philosophes et d’étudier les systèmes? Il a été dit en peu de mots et avec vérité dans l’Ecriture de Dieu : « Heureux le peuple dont le Seigneur est le Dieu (1). » Pour appartenir à ce même peuple, pour arriver jusqu’à contempler ce Dieu et à vivre éternellement avec lui, que faut-il? « La charité qui est la fin de la loi, la charité partie d’un coeur pur, d’une bonne conscience et d’une foi non feinte (2). » Dans ces trois choses, la bonne espérance est exprimée par la conscience. La foi, l’espérance et la charité conduisent donc à Dieu celui qui prie, c’est-à-dire celui qui croit, qui espère, qui désire et qui considère dans l’oraison dominicale ce qu’il doit demander à Dieu. Les jeûnes, les autres mortifications de la chair, qu’il ne faut pas pousser jusqu’à compromettre la santé, les aumônes, les aumônes surtout, aident beaucoup à la prière; nous pourrons dire alors: «J’ai cherché Dieu au jour de mon affliction; je l’ai cherché la nuit avec mes mains, et n’ai pas été trompé (3). » Comment cherche-t-on avec les mains un Dieu incorporel et impalpable, si ce n’est avec les oeuvres ? 25. Peut-être demandez-vous encore le sens de ces paroles de l’Apôtre : Nous ne savons « pas ce que nous devons demander (4).» Car on ne peut pas croire que l’Apôtre ni ceux à qui il s’adressait ignorassent l’oraison dominicale. Pourquoi donc ce langage de celui qui n’a rien pu dire de téméraire ni de contraire à la vérité ? pourquoi donc a-t-il parlé ainsi ? n’est-ce point parce que les peines et les tribulations temporelles servent souvent à guérir de l’orgueil, à éprouver et exercer la patience pour lui obtenir une récompense plus glorieuse et plus abondante, ou à châtier et à effacer les péchés; et ignorant jusqu’à quel point ces épreuves nous sont avantageuses, nous demandons d’en être délivrés? L’Apôtre montre qu’il n’était pas exempt lui-même de cette ignorance et peut-être ne savait-il pas ce qu’il devait demander à Dieu, lorsque le Seigneur, voulant l’empêcher de s’enorgueillir par la grandeur de ses révélations,
1. Ps. CXLIII, 15. — 2. I Tim. 1, 5. — 3. Ps. LXXVI, 2. — 4. Rom, VIII, 26. 273 lui donna l’aiguillon de la chair et permit que l’ange de Satan le souffletât; il pria Dieu trois fois de l’en délivrer, ne sachant pas demander ce qu’il fallait. Enfin ce grand homme entendit la réponse de Dieu qui lui disait pourquoi il ne convenait pas qu’il exauçât sa prière : « Ma grâce vous suffit, car la vertu se perfectionne dans la faiblesse (1).» 26. Nous ne savons donc pas ce qu’il faut demander sous le coup de ces tribulations qui peuvent servir et nuire; et cependant comme elles sont dures, pénibles et qu’elles effrayent notre faiblesse, nous demandons par toute la volonté humaine d’en être délivrés. Mais s’il plaît au Seigneur notre Dieu de ne pas nous tirer de ces épreuves, nous devons à son amour de ne pas croire qu’il nous abandonne, mais d’espérer plutôt de plus grands biens par une pieuse résignation dans les maux : c’est ainsi que la vertu se perfectionne dans la faiblesse. Ce que le Seigneur Dieu refusa à l’Apôtre dans sa miséricorde, il l’accorde quelquefois dans sa colère à ceux qui ne peuvent rien souffrir. Les livres saints nous apprennent ce que demandèrent les Israélites et comment ils furent exaucés; mais leur concupiscence une fois rassasiée, leur impatience fut sévèrement châtiée (2). Ils demandaient un roi, il leur en donna un selon leur coeur, comme il est écrit, et non selon son coeur (3). Il accorda au démon ce qu’il sollicitait et lui permit de tenter son serviteur (4). Des esprits immondes lui ayant demandé de se jeter dans un troupeau de pourceaux, il le permit à une légion de démons (5). Cela a été écrit pour que nous ne nous élevions pas, quand nos impatientes prières sont exaucées en des choses qu’il nous serait plus avantageux de ne pas obtenir; ou pour que nous ne nous méprisions pas et que nous ne désespérions point de la miséricorde divine, quand Dieu repousse nos prières et qu’il écarte des veaux dont l’accomplissement serait pour nous une affliction plus cruelle, ou une prospérité qui nous corromprait et nous perdrait entièrement. Dans de telles rencontres nous ne savons donc pas demander ce qu’il faut. Et s’il arrive le contraire de ce que nous avons souhaité, nous devons le supporter patiemment, rendre grâces à Dieu en toutes choses, et reconnaître que la volonté de Dieu a été meilleure pour nous que ne l’eût été
1. II Cor XII, 7-9. — 2. Nombr. XI. — 3. I Rois, VIII, 5, 7. — 4. Job, I, 12; II, 6. — 5. Luc, VIII, 32.
notre propre volonté. Le divin médiateur nous a laissé un exemple de cette soumission; après avoir dit à son Père: « Mon Père, s’il est possible, que ce calice s’éloigne de moi, s’identifiant ainsi la volonté humaine qu’il avait prise en se faisant homme,» il ajouta aussitôt: « Mais cependant que ce soit, non comme je le veux, mais comme vous le voulez (1). » Voilà pourquoi il a été dit avec raison que plusieurs ont été établis justes par l’obéissance d’un seul (2). 27. Mais celui qui demande et redemande à Dieu cette chose unique (3),le fait avec certitude et sécurité ; il ne craint pas qu’il lui nuise d’être exaucé, parce que, sans ce bien auquel il aspire , tout ce qu’il pourrait demander en priant ne servirait de rien. Ce bien, c’est la seule vraie et heureuse vie; il faut que, devenus immortels et incorruptibles de corps et d’esprit, nous contemplions éternellement les délices du Seigneur ; c’est pour cette unique chose qu’il est permis de demander le reste. Celui qui l’aura aura tout ce qu’il voudra et ne pourra rien désirer que de bon. Car là est la source de vie ; il faut dans la prière que nous en ayons soif, tant que nous vivons en espérance saris voir encore ce que nous espérons ; tant que nous sommes protégés par les ailes de celui en présence de qui tous nos désirs tendent à s’enivrer de l’abondance de sa maison et à se plonger dans le torrent de ses délices ; oui, c’est en lui qu’est la source de la vie et c’est dans sa lumière que nous verrons la lumière (4) quand toutes nos aspirations seront rassasiées, quand il n’y aura plus rien à chercher en gémissant, et que nous n’aurons qu’à rester en possession de nos joies. Cependant, comme ce bien unique est la paix qui surpasse tout entendement, nous ne savons pas non plus le demander comme il faut dans nos prières, car ce que nous ne pouvons pas nous représenter comme cela est, nous ne le connaissons pas; mais nous rejetons, nous méprisons, nous condamnons toute image qui s’en offre à notre pensée; nous reconnaissons que ce n’est pas ce que nous cherchons, quoique nous ne sachions pas encore ce que c’est. 28. Il y a donc en nous comme une savante ignorance, une ignorance instruite par l’Esprit de Dieu qui soutient notre faiblesse. Après que l’Apôtre a dit : « Si nous espérons ce que nous ne voyons pas, nous l’attendons avec patience, » il ajoute : « De même l’Esprit de
1. Matth. XXVI, 39. — 2.
Rom. V, 19. — 3. Ps. XXI, 4. — 4. Ps. XXXV, 8-10.
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Dieu soutient notre faiblesse; car nous ne savons pas ce qu’il faut demander dans nos prières ; mais l’Esprit lui-même prie pour nous par des gémissements ineffables. Celui donc qui scrute les coeurs sait ce que comprend l’Esprit, parce qu’il ne prie pour les saints que selon Dieu (1). » Ceci ne doit pas s’entendre de façon à nous faire croire que le Saint-Esprit, Dieu immuable dans
la Trinité et ne faisant qu’un Dieu avec le Père et le Fils, prie pour les saints comme quelqu’un qui ne soit pas Dieu; on dit qu’il prie pour les saints parce qu’il fait prier les saints, comme il est dit : « Le Seigneur votre Dieu vous éprouve pour savoir si vous l’aimez (2), » c’est-à-dire pour vous le faire savoir. Il fait donc prier les saints par des gémissements ineffables, en leur inspirant le, désir de cette grande chose encore inconnue que nous attendons par la patience (3). Comment parler de ce qu’on ignore quand on le désire? Et, véritablement si on l’ignorait tout à., fait, on ne le souhaiterait pas; et d’un autre côté, si on, le voyait, on ne le désirerait pas, on ne le rechercherait pas par des gémissements. 29. Eu considérant toutes ces choses et d’autres encore que le Seigneur pourra vous inspirer et qui ne se sont pas présentées à moi ou qu’il eût été trop long d’exposer, efforcez-vous de vaincre ce Monde par l’oraison; priez en espérance, priez avec foi et amour, priez avec instance et patience , priez comme une veuve du Christ. Quoique le devoir de la prière regarde tous ses membres, c’est-à-dire tous ceux qui croient en lui et qui sont unis à son corps, comme il l’a enseigné lui-même, cependant il nous marque dans ses Ecritures que ce soin appartient surtout aux veuves. Les saints livres mentionnent avec honneur deux femmes du nom d’Anne, l’une mariée et qui mit au monde le saint prophète Samuel, l’autre veuve et qui connut le Saint des saints lorsqu’il était encore enfant. Celle qui était mariée pria dans la douleur de son âme et l’affliction de son coeur, parce qu’elle n’avait pas d’enfants; elle obtint alors Samuel et rendit à Dieu ce fils qu’elle en avait reçu, car elle le lui avait consacré en le demandant (4). Mais il n’est pas aisé de trouver comment sa prière est comprise dans l’oraison dominicale, à moins de la rapporter à ces paroles : « Délivrez-nous du 1.
Rom. VIII, 25-27. — 2. Deutér. XIII, 3. — 3.
Rom. VIII, 25. — 4. I Rois, I.
mal ; » on regardait, en effet, femme un assez grand mal d’être marié et privé du fruit du mariage, dont la seule excuse est la naissance des enfants. Pour ce qui est d’Anne veuve, voyez ce qui est écrit : « Elle ne sortait pas du temple, jeûnant et priant nuit et jour (1). » L’Apôtre ne parle pas autrement dans ces paroles que j’ai citées plus haut : « Celle qui est véritablement veuve et abandonnée, a mis son espérance dans le Seigneur, et persévère dans les prières la nuit et le jour (2). » Et le Seigneur, voulant nous exhorter à toujours prier sans nous lasser, nous a cité l’exemple de la veuve dont les importunités vinrent à bout d’un juge inique et impie, contempteur de Dieu et des hommes (3). Ce qui montre combien le devoir de la prière est particulièrement imposé aux veuves, c’est que les saints livres mettent sous nos yeux des exemples de veuves pour nous convier tous à l’oraison. 30. Mais pourquoi les veuves sont-elles marquées pour cette sorte d’oeuvre, si ce n’est à cause de leur abandon et de leur délaissement? Aussi toute âme. qui se regardera dans ce monde comme abandonnée et désolée, tant que dure son voyage loin du Seigneur, mettra, pour ainsi dire, son veuvage sous la garde de Dieu et lui demandera, par d’instantes prières, d’être son défenseur. Priez donc comme une veuve du Christ, ne jouissant pas encore de celui dont vous implorez le secours. Et quoique vous soyez bien riche, priez comme si vous étiez pauvre : vous ne possédez pas encore les vraies richesses du siècle futur où vous n’aurez plus rien à craindre. Quoique vous ayez des enfants et des neveux et une famille nombreuse, comme il a été dit plus haut, priez comme une délaissée : car toutes les choses du temps sont incertaines, lors même qu’elles nous resteraient pour notre consolation jusqu’à la fin de cette vie. Si vous cherchez et si vous aimez ce qui est en haut, vous désirez les choses solides et éternelles; tant que vous! ne les avez pas, vous devez vous croire comme abandonnée, bien que tous les vôtres vous soient conservés et respectueusement soumis. Ainsi devez-vous vivre, et, sûrement aussi, à votre exemple, votre très-pieuse belle-fille (4), et les autres saintes veuves et vierges que vous gouvernez toutes les deux avec tant de sécurité pour elles : plus vous dirigez pieusement votre 1. Luc, II, 36, 37. — 2. I Tim. V, 5. — 3. Luc, XVIII, 1-8. 4. Juliana, mère de Démétrias.
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maison, plus vous devez redoubler d’ardeur dans la prière, ne vous occupant des choses de la vie présente que dans la mesure des besoins religieux. 31. Souvenez-vous aussi de prier beaucoup pour nous. Nous ne voulons pas que, trop préoccupées de notre dignité épiscopale, si périlleuse à porter, vous nous traitiez de façon à nous priver d’un secours dont nous savons que nous avons tant besoin. La famille du Christ (1) a prié pour Pierre, a prié pour Paul; vous êtes de cette famille, à notre grande joie, et nous avons incomparablement plus besoin que Pierre et Paul des prières de nos frères. Priez à l’envi dans l’émulation d’un saint accord ; ce n’est pas lutter les uns contre les autres, mais contre le démon, ennemi de tous les saints. Les jeûnes et les veilles, et tous les genres de mortification, aident beaucoup à la prière (2), que chacune de vous fasse ce qu’elle pourra; ce que l’une ne peut pas, elle le fait dans une autre qui le peut, si elle aime en elle ce que ses propres forces ne lui permettent pas d’accomplir; ainsi donc que celle qui peut moins n’empêche pas celle qui peut plus, et que la plus forte ne presse. pas la plus faible. Car vous devez votre conscience à Dieu, mais ne devez rien à personne d’entre vous, si ce n’est de vous aimer les unes les autres (3). Que Dieu vous exauce, lui qui est assez puissant pour faire au delà de ce que nous demandons et de ce que nous comprenons (4).
1. Eglise. — 2. Tobie, XII, 8. — 3. Rom. XIII, 8. — 4. Ephés. III, 20.
commentaire à l’èvangile du jour – 26.2.07
26 février, 2007Saint Syméon le Nouveau Théologien (vers 949-1022), moine orthodoxe
Chapitres théologiques, gnostiques et pratiques, § 92s (trad. SC 51, p. 110 rev.)
« C’est à moi que vous l’avez fait »
Si quelqu’un donne une obole à quatre-vingt-dix-neuf pauvres, et puis injurie, frappe ou renvoie un seul qui reste les mains vides, sur qui retombe ce traitement, sinon sur celui qui a dit, qui ne cesse de dire, et qui dira un jour : « Toutes les fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits, c’est à moi que vous l’avez fait » ?… Il est en effet dans tous ces pauvres, celui qui est nourri par nous en chacun des plus petits. Pareillement, si quelqu’un donne aujourd’hui à tous tout le nécessaire et demain, alors qu’il peut encore le faire, négligera des frères et les laissera périr de faim et de soif et de froid, c’est comme s’il avait laissé mourir et méprisé celui qui a dit : « Toutes les fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous l’avez fait »…
Si le Christ a daigné prendre le visage de chaque pauvre, s’il s’est identifié à tous les pauvres, c’est pour que personne parmi ceux qui croient en lui ne s’élève au-dessus de son frère…, mais qu’il l’accueille comme le Christ, l’honore et utilise toutes ses ressources pour son service, comme le Christ a versé tout son sang pour notre salut… Peut-être que tout cela semblera pénible à beaucoup et il leur semblera raisonnable de se dire : « Qui peut faire tout cela, soigner et nourrir tous ceux qui en ont besoin et ne négliger personne ? » Mais qu’ils écoutent saint Paul qui déclare : « La charité du Christ nous presse, quand nous pensons qu’un seul est mort pour tous, et qu’ainsi tous ont passé par la mort » (2Co 5,14).