Archive pour le 23 février, 2007

le martyre du Saint et martyr d’aujourd’hui: Polycarpe

23 février, 2007

je mets le martyre du Saint et martyr d’aujourd’hui: Policarpo est un texte émouvant et extraordinaire d’une foi inconditionnelle à Jésus, du site:

http://www.patristique.org/article.php3?id_article=167

Nous sommes à Smyrne en l’an 156. La persécution, sous les Antonins, était modérée et venait moins d’une politique systématique que des dénonciations de païens, qui répandaient force calomnies sur les cultes nouveaux. Les autorités, sans être dupes, mettaient à mort les chrétiens arrêtés ; à leurs yeux, ils commettaient au moins un crime de lèse-majesté en ne sacrifiant pas aux dieux, c’est-à-dire en ne reconnaissant pas la souveraineté absolue des Césars. Le martyre de Polycarpe émane ainsi de pressions populaires, et des autorités locales, mues par un esprit de démagogie et la volonté de faire un exemple. Ce supplice représente cependant un cas relativement isolé à cette période.

Polycarpe, qui nous a laissé deux épîtres aux Philippiens, était, dit-on, un disciple de saint Jean. Évêque de Smyrne, il avait fréquenté Ignace d’Antioche et Irénée de Lyon. À une telle école, le martyr ne se contente pas d’être un témoin du Christ, il veut être son imitateur, jusqu’à revivre lui-même les souffrances et la mort de son Maître qui le mettront en communion étroite avec son corps. Entre l’Évangile et la passion de Polycarpe, les coïncidences affluent, de noms, de lieux, de circonstances, mais plus profondément retentissent les grands mots évangéliques de la Passion, les « il faut », les « je suis », les métaphore du « pain » que dore le feu du supplice.

C’est le plus ancien récit de martyre qui nous soit parvenu. Il fut diffusé dans toute la chrétienté et servit de modèle à d’autres « imitateurs du Christ ».

Récit du martyre de Polycarpe

L’Église de Dieu qui réside à Smyrne à l’Église de Dieu qui est à Philomélion et à toutes les communautés que l’Église sainte et universelle a partout établies. Que Dieu notre Père et notre Seigneur Jésus-Christ vous remplissent de miséricorde, de paix et d’amour !

Frères, c’est pour vous que nous rédigeons les actes des martyrs et du bienheureux Polycarpe, dont le supplice sembla achever la persécution en la frappant de son sceau.

En presque tous les événements qui précédèrent sa mort, le Seigneur nous montre un martyre tout entier évangélique. Polycarpe a attendu d’être livre, comme le Seigneur, afin qu’imitant son exemple, nous regardions moins notre intérêt que celui de notre prochain. L’amour, quand il est vrai et fort, n’incline pas à se sauver seul, il aspire au salut de tous les frères.

Bienheureux et vaillants, tous ces martyrs qui firent honneur à Dieu ! Ayons en effet assez de foi pour attribuer à Dieu cette liberté au sein de tant d’épreuves ! Qui n’admirerait le courage de ces hommes, leur patience, l’amour qu’ils portaient à leur Maître ? Lacérés par les fouets qui mettaient à vif leurs veines et leurs artères, ils ne fléchissaient pas, alors que les assistants ne pouvaient réprimer des cris de douleur et de pitié. Mais chez eux, l’on n’entendait ni gémissement ni soupir, et leur vaillance prouva qu’à l’heure où on les suppliciait, ces admirables témoins du Christ avaient déjà quitté leur corps, ou plutôt que le Seigneur était là et s’entretenait avec eux.

Ravis par la grâce du Christ, ils n’avaient que mépris pour les tortures infligées, puisqu’une heure leur gagnait la vie éternelle. Le feu de leurs bourreaux inhumains leur semblait froid. Un autre feu les inquiétait, qu’ils voulaient fuir, éternel celui-là, destiné à ne jamais s’éteindre. Ils considéraient avec leurs yeux du coeur les bienfaits que Dieu réserve au courage, que l’oreille n’a pas entendus, que l’oeil n’a pas vus, et qui ne sont pas montés au coeur de l’homme (1 Co 2, 9). Mais le Seigneur les leur découvrait puisqu’ils n’étaient plus des hommes mais déjà des anges.

Ceux que l’on avait condamnés aux bêtes supportèrent aussi d’abominables tourments : on les étendait sur des coquillages hérissés de pointes, on les soumettait aux tortures les plus raffinées, espérant, par la variété et la longueur de ces supplices, qu’ils finiraient par renier leur foi.

Le Diable contre eux déploya toutes sortes de ruses. Grâce à Dieu, il n’en vainquit aucun. L’un des plus résolus, Germanicus, fortifiait les plus faibles par son intrépidité : son combat avec les bêtes fut admirable. Le proconsul essayait de le convaincre, il le suppliait d’avoir pitié de sa jeunesse, mais lui, impatient d’en finir avec ce monde d’injustice et de cruauté, provoqua le fauve qui se jeta sur lui. Alors la foule, déchaînée par le courage des chrétiens et par la foi de cette race ardente, hurla : « A mort, les impies, qu’on cherche Polycarpe ! »

Un seul défaillit, à la vue des bêtes. C’était un Phrygien, arrivé depuis peu de son pays ; il se nommait Quintus. Il s’était de lui-même dénoncé, entraînant avec lui quelques compagnons. Le proconsul, à force d’insister, réussit à le faire abjurer et il sacrifia. Aussi n’y a-t-il pas lieu de féliciter ceux qui vont au-devant du martyre ; un tel zèle n’est pas évangélique.

Polycarpe, le plus admirable de tous, ne se laissa pas d’abord émouvoir par les rumeurs de persécution. Il voulait rester en ville. Mais comme son entourage le pressait d’aller se mettre à l’abri, il gagna une petite maison non loin de Smyrne et il l’habita avec quelques amis, ne faisant qu’y prier jour et nuit, pour tous les hommes et toutes les Églises de ce monde, selon la coutume.

C’est au cours de sa prière que, trois jours avant d’être arrêté, il eut une vision : son oreiller prenait le feu et était entièrement consumé. Alors il se tourna vers ses compagnons : « Il faut que je sois brûlé vif. »

Cependant on le recherchait activement. Il dut gagner une seconde cachette ; à peine y arrivait-il que les gens lancés à sa poursuite firent irruption dans la première maison. Ne l’y trouvant pas, ils saisirent deux jeunes esclaves, en torturèrent un, qui parla. Polycarpe désormais ne pouvait plus leur échapper, puisqu’il avait été dénoncé par un des siens. L’irénarque qui répondait au nom d’Hérode, était pressé de le conduire au stade. Ainsi Polycarpe accomplirait-il sa destinée, en ne faisant qu’un avec le Christ, tandis que ceux qui l’avaient livré subiraient le châtiment de Judas.

Ils emmenèrent le jeune esclave. C’était un vendredi, vers l’heure du dîner. Les policiers, à pied et à cheval, armés jusqu’aux dents, se mirent en chasse, comme s’ils couraient après un brigand. Tard dans la soirée, les voilà qui trouvent la maison et se lancent à l’assaut. Il était couché à l’étage supérieur. Une fois encore, il aurait pu s’échapper, mais il refusa : « Que la volonté de Dieu soit faite », dit-il.

Quand il sut qu’ils étaient là, il descendit et engagea la conversation. Son âge et sa sérénité les frappèrent et ils ne comprenaient pas qu’on ait mis tant de police sur le pied de guerre pour arrêter un si noble vieillard. Mais lui, malgré l’heure tardive, les invita aussitôt à manger et à boire à satiété, il leur demanda seulement de lui laisser une heure pour prier en paix. Ils le lui accordèrent. Alors, debout, il se mit à prier, si intensément pénétré de la grâce de Dieu que deux heures durant il ne cessa de parler et d’impressionner ceux qui l’écoutaient. Beaucoup se repentaient d’être venus arrêter un vieillard aussi saint.

Quand il eut achevé sa prière, où il avait fait mémoire de tous ceux qu’il avait rencontrés dans sa vie, petits ou grands, illustres ou obscurs, et de toute l’Église catholique, répandue dans le monde entier, l’heure du départ était arrivée. On le jucha sur un âne et on le conduisit à la ville : c’était le jour du grand sabbat. L’irénarque Hérode, ainsi que son père Nicétès, vinrent au-devant de lui et le firent monter dans leur carrosse. Assis à ses côtés, ils essayèrent de le fléchir, disant : « Quel mal y a-t-il à dire Seigneur César, à sacrifier et à observer notre religion pour sauver sa vie ? »

Mais lui ne leur répondit d’abord pas et, comme ils insistaient, il leur déclara : « Je ne suivrai pas vos conseils ». Humilés par leur échec, ses interlocuteurs l’accablèrent d’injures et le poussèrent si brutalement de la voiture qu’en descendant il s’écorcha la jambe. Mais il n’en parut pas troublé, et il marcha d’un pas résolu, comme s’il ne sentait rien, vers le stade où on le conduisait.

Du stade montait une énorme rumeur et nul ne pouvait s’y faire entendre. Quand Polycarpe en franchit les portes, une voix retentit du ciel : « Courage, Polycarpe, et sois un homme ». Nul ne vit qui avait parlé, mais ceux des nôtres qui étaient présents entendirent la voix. On fit entrer Polycarpe. Quand la foule apprit qu’il avait été arrêté, les clameurs redoublèrent.

Le proconsul le fit comparaître devant lui et lui demanda s’il était Polycarpe. « Oui », répondit celui-ci. Alors il essaya de le faire abjurer : « Respecte ton âge », disait-il.Suivaient toutes les paroles que l’on tenait en pareil cas : « Jure par la fortune de César, rétracte-toi, crie : à mort les impies ! »

Alors Polycarpe jeta un oeil sombre sur cette populace de païens massée dans le stade, et pointa sa main vers elle. Puis il soupira, et, les yeux levés au ciel, il dit : « A bas les impies ! » Le proconsul le pressait de plus belle : « Jure donc et je te libère, maudis le Christ ! »

Polycarpe répondit : « Si tu t’imagines que je vais jurer par la fortune de César, comme tu dis, en feignant d’ignorer qui je suis, écoute-le donc une bonne fois : je suis chrétien. Voilà quatre-vingt-six ans que je le sers et il ne m’a fait aucun mal. Comment pourrais-je insulter mon roi et mon sauveur ? Si le christianisme t’intéresse, donne-toi un jour pour m’entendre ». Le proconsul lui dit : « Essaie de convaincre le peuple ». Mais Polycarpe répliqua : « Avec toi, je veux bien m’expliquer. Dieu nous demande de respecter comme elles le méritent les autorités et les hautes fonctions qu’il a lui-même instituées, du moment que cela ne nous porte pas préjudice. Mais ces gens-là ont trop peu de dignité pour que je défende ma foi devant eux ».

Le proconsul reprit : « J’ai des fauves, je t’y ferai jeter si tu ne changes pas d’opinion ».

- Fais-les venir ! Quand nous changeons, nous, ce n’est pas pour aller du bien au mal. Nous ne consentons à changer que pour devenir meilleurs.

Le magistrat s’irritait : « Je t’envoie au bûcher si tu ne crains pas les fauves. Apostasie donc ».

Polycarpe répliqua : « Tu me menaces d’un feu qui brûle une heure, puis s’éteint rapidement. Tu ignores donc le feu du jugement à venir et du châtiment éternel gardé pour les impies. Mais pourquoi tardes-tu ? Va, donne tes ordres ».

Telles furent ses paroles, et bien d’autres encore. Il rayonnait de courage et de joie, et la grâce inondait sa face. Il ne s’était pas laissé démonter par cette confrontation, c’était au contraire le proconsul qu’elle plongeait dans le désarroi.

Cependant, ce dernier envoya son héraut au milieu du stade pour claironner trois fois : « Polycarpe a avoué qu’il est chrétien ! » La déclaration du héraut mit en fureur toute la foule des païens et des Juifs qui résidaient à Smyrne. Les cris éclatèrent : « C’est lui, le maître de l’Asie, le père des chrétiens, le fossoyeur de nos dieux, c’est lui qui incite les foules à ne plus sacrifier ni adorer ! »

Au milieu de leurs hurlements, ils demandaient à l’asiarque Philippe de lâcher un lion sur Polycarpe. Mais il objecta qu’il n’en avait plus le droit, parce que les combats de fauves étaient clos. Alors d’une seule voix, ils réclamèrent que Polycarpe pérît par le feu. Il fallait en effet que s’accomplît la vision qui lui avait montré son oreiller en flammes, tandis qu’il priait, et qui lui avait arraché devant ses amis ce mot prophétique : « Il faut que je sois brûlé vif ».

Les événements se précipitèrent. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, la foule se rua dans les ateliers et dans les bains pour ramasser du bois et des fagots. Les Juifs s’acquittaient de la besogne avec leur zèle habituel. Quand le bûcher fut prêt, le martyr retira lui-même tous ses vêtements, il détacha sa ceinture, puis commença à se déchausser, geste dont les fidèles le dispensaient toujours : dans l’impatience où ils étaient de toucher son corps, tous se précipitaient pour l’aider. Bien avant son martyre, la sainteté de sa conduite inspirait cette unanime révérence.

Rapidement, on disposa autour de lui les matériaux rassemblés pour le feu. Mais, quand les gardes voulurent le clouer au poteau : « Laissez-moi comme je suis, leur dit-il. Celui qui m’a donné la force d’affronter ces flammes me donnera aussi, même sans la précaution de vos clous, de rester immobile sur le bûcher. » Ils ne le clouèrent donc pas et bornèrent à le lier. Les mains derrière le dos, ainsi attaché, il ressemblait à un bélier magnifique, pris dans un grand troupeau pour être offert en sacrifice à Dieu et à lui seul destiné. Alors, il leva les yeux au ciel et dit : « Seigneur, Dieu tout-puissant, Père de Jésus-Christ, ton Fils béni et bien-aimé, à qui nous devons de te connaître, Dieu des anges, des puissances, de toute la création et du peuple entier des justes qui vivent sous ton regard, je te bénis parce que tu m’as jugé digne de ce jour et de cette heure, et que tu me permets de porter mes lèvres à la coupe de ton Christ, pour ressusciter à la vie éternelle de l’âme et du corps dans l’incorruptibilité de l’Esprit Saint. Accueille-moi parmi eux devant ta face aujourd’hui ; que mon sacrifice te soit agréable et onctueux, en même temps que conforme au dessein que tu as conçu, préparé et accompli. Toi qui ne connais pas le mensonge, ô Dieu de vérité, je te loue de toutes tes grâces, je te bénis, je te glorifie au nom du Grand Prêtre éternel et céleste, Jésus-Christ, ton Fils bien-aimé, par lequel la gloire soit à toi comme à lui et à l’Esprit Saint, aujourd’hui et dans les siècles futurs. Amen ! »

Quand il eut prononcé cet « amen », qui achevait sa prière, les valets allumèrent le feu. Une gerbe immense s’éleva et nous fûmes les témoins d’un spectacle extraordinaire qui ne fut donné à voir qu’à ceux qui avaient été choisis pour ensuite faire connaître ces événements. La flamme s’arrondit. Semblable à la voilure d’un navire que gonfle le vent, elle entoura comme d’un rempart, le corps du martyr. Ce n’était plus une chair qui brûle, c’était un pain que l’on dore, c’était un or et un argent incandescents dans le creuset, et nous respirions un parfum aussi capiteux qu’une bouffée d’encens ou quelque autre aromate de prix.

À la fin, voyant que le feu ne pouvait consumer son corps, les scélérats ordonnèrent au bourreau de l’achever d’un coup de poignard. Il s’exécuta. Un flot de sang jaillit de la plaie et éteignit le feu. Toute la foule s’étonna de la grande différence qui sépare les incroyants des élus.

L’admirable Polycarpe était l’un de ces élus, maître de notre temps, apôtre, prophète, évêque de l’Église catholique de Smyrne. Toute parole sortie de sa bouche s’est vérifiée et se vérifiera.

Le Diable, le jaloux, l’ennemi de la race des justes, voyant la grandeur de son martyre, l’irréprochable conduite qui fut la sienne dès son enfance, la couronne d’incorruptibilité posée sur son front, et la récompense incontestée qu’il remporta, essaya de nous empêcher de retirer son corps que beaucoup étaient, en effet, impatients de reprendre, ne fût-ce que pour toucher cette chair sacrée. Il souffla donc à Nicétès, le père d’Hérode et le frère d’Alcé, de persuader le magistrat de ne pas rendre le corps. Car, disait-il, ils vont oublier leur crucifié pour se mettre à adorer celui-ci. Les Juifs appuyaient frénétiquement ces discours. Ils nous avaient épiés quand nous avions tenté de le reprendre sur le bûcher. Ils ne savaient pas que jamais nous ne pourrons renoncer au Christ qui a souffert pour le salut du monde entier, immolant son innocence à nos péchés ; Nous n’en adorerons jamais un autre. Nous vénérons le Christ parce qu’il est le Fils de Dieu, et nous aimons les martyrs parce qu’ils sont les disciples et les imitateurs du Seigneur. Leur ferveur incomparable envers leur roi et leur maître mérite bien cet hommage. Puissions-nous aussi être leurs compagnons et leurs condisciples.

Quand il vit la querelle que déchaînaient les Juifs, le centurion exposa le corps au milieu de la place, comme c’est l’usage, et le fit brûler. C’est ainsi que nous revînmes plus tard recueillir les cendres que nous jugions plus précieuses que des pierreries et qui nous étaient plus chères que de l’or. Nous les déposâmes en un lieu de notre choix. C’est là que le Seigneur nous donnera, autant que cela se pourra, de nous réunir dans la joie et la fête, pour y célébrer l’anniversaire de son martyre et pour nous souvenir de ceux qui ont combattu avant lui, fortifiant et épaulant ceux qui le feront après.

Telle est l’histoire du bienheureux Polycarpe. Il fut le douzième d’entre nos frères de Philadelphie à souffrir à Smyrne. Son souvenir reste plus vivant que tous les autres et il est le seul dont les païens chantent partout les louanges. Il fut un maître prestigieux, un martyr hors pair, dont tous aimeraient imiter la passion, si fidèle à l’Évangile du Christ. Son courage a eu raison d’un magistrat inique et lui a mérité la couronne d’incorruptibilité. Il partage désormais la joie des apôtres et de tous les justes, il glorifie dieu, le Père tout-puissant, et bénit notre Seigneur Jésus-Christ, le sauveur de nos vies et le guide de nos corps, le pasteur de l’Église catholique répandue dans le monde.

Vous désiriez avoir un rapport détaillé de ces événements. Nous nous bornons ici au récit succinct qu’en a fait notre frère Marcion. Quand vous aurez lu cette lettre, transmettez-là) de proche en proche à nos frères, afin qu’eux aussi rendent gloire au Seigneur, qui choisit ses élus parmi ses serviteurs.

À celui qui, par sa grâce et sa bonté, a le pouvoir de nous conduire tous à son Royaume éternel, par son Fils unique Jésus-Christ, gloire, honneur, puissance, grandeur dans les siècles !

Saluez tous les chrétiens. Ceux qui sont avec nous vous envoient leurs salutations, j’ajoute les miennes et celles d’Évariste le scribe, ainsi que de sa famille.

Sources :

Bruno Chenu, Claude Prud’homme, France Quéré, Jean-Claude Thomas, Le livre des martyrs chrétiens, Centurion, Paris 1988, p. 42-49.

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Saint Polycarpe, image du site:

http://www.conocereisdeverdad.org/website/index.php?id=4579

Messe des Cendres : Vivre le carême comme un temps eucharistique – Homélie de Benoît XVI

23 février, 2007

du site Zenith:

Messe des Cendres : Vivre le carême comme un temps eucharistique

Homélie de Benoît XVI

ROME, Jeudi 22 février 2007 (ZENIT.org ) – Benoît XVI invite les catholiques à vivre le carême « comme un temps eucharistique ».

Les stations de carême
Benoît XVI a conduit mercredi soir à 16 h 30 la procession pénitentielle du mercredi des cendres de l’église des Bénédictins, Saint-Anselme sur l’Aventin, jusqu’à la basilique confiée aux Dominicains, Sainte-Sabine, où le pape a ensuite présidé la messe avec le rite de la bénédiction et de l’imposition des cendres.

A Rome, Sainte-Sabine constitue, rappelons-le, la première station de carême. Chaque jour du carême la célébration eucharistique a lieu dans une église « station » et les Romains qui le peuvent participent à ce pèlerinage de quarante jours dans les églises de la ville éternelle.

Pour ce qui est des stations de carême, le pape rappelait dans son homélie, l’élaboration au cours des siècles d’une « géographie singulière de la foi » : « Avec l’arrivée des apôtres Pierre et Paul et avec la destruction du Temple, Jérusalem s’était transférée à Rome. La Rome chrétienne était entendue comme une reconstruction de la Jérusalem du temps de Jésus à l’intérieur des murs de l’Urbs. Cette nouvelle géographie intérieure et spirituelle, inhérente à la tradition des églises des « stations » du Carême, n’est pas un simple souvenir du passé, ni une vaine anticipation de l’avenir; au contraire, elle entend aider les fidèles à parcourir un chemin intérieur, le chemin de la conversion et de la réconciliation, pour parvenir à la gloire de la Jérusalem céleste où habite Dieu ».

Benoît XVI a également mentionné son Message 2007 pour le Carême, soulignant qu’il y invite les catholiques à « vivre ces quarante jours comme un temps eucharistique ».

« Dans le message pour le Carême, j’ai invité à vivre ces quarante jours de grâce particulière comme un temps ‘eucharistique’, soulignait le pape. En puisant à la source intarissable de l’amour qu’est l’Eucharistie, dans laquelle le Christ renouvelle le sacrifice rédempteur de la Croix, chaque chrétien peut persévérer sur l’itinéraire que nous entreprenons aujourd’hui solennellement. Les œuvres de charité (l’aumône), la prière et le jeûne en même temps que tout autre effort sincère de conversion trouvent leur plus haute signification et valeur dans l’Eucharistie, centre et sommet de la vie de l’Eglise et de l’histoire du salut ».

Une confiance filiale dans le Seigneur
« Dans sa tradition, l’Eglise ne se limite pas à nous offrir la thématique liturgique et spirituelle de l’itinéraire quadragésimal, mais elle nous indique également les instruments ascétiques et pratiques pour le parcourir de façon fructueuse », insistait le pape avant de commenter les lectures de la liturgie du jour.

Commentant la première lecture, tirée du livre du prophète Joël (2, 12), Benoît XVI expliquait : « Les souffrances, les catastrophes qui affligeaient à cette époque la terre de Judée poussent l’auteur sacré à encourager le peuple élu à la conversion, c’est-à-dire à retourner avec une confiance filiale dans le Seigneur en se déchirant le cœur et non les vêtements. En effet Celui-ci, rappelle le prophète, ‘est tendresse et pitié, lent à la colère, riche en grâce, et il a regret du mal’ (2, 13) ».

Le jour terrible, jour du salut
Actualisant ce passage prophétique, le pape disait : « L’invitation que Joël adresse à ceux qui l’écoutent vaut également pour nous, chers frères et sœurs. N’hésitons pas à retrouver l’amitié de Dieu perdue avec le péché ; en rencontrant le Seigneur, faisons l’expérience de la joie de son pardon. Et ainsi, presque en répondant aux paroles du prophète, nous avons fait nôtre l’invocation du refrain du Psaume responsorial : « Pardonne-nous, Seigneur, nous avons péché ». En proclamant le Psaume 50, le grand Psaume pénitentiel, nous en avons appelé à la miséricorde divine ; nous avons demandé au Seigneur que la puissance de son amour nous redonne la joie d’être sauvés ».

Citant la seconde lecture, de saint Paul, le pape ajoutait : « L’Apôtre se présente comme ambassadeur du Christ et montre clairement combien c’est précisément en vertu de lui qu’est offerte au pécheur, c’est-à-dire à chacun de nous, la possibilité d’une réconciliation authentique. ‘Celui qui n’avait pas connu le péché – dit-il – Il l’a fait péché pour nous afin qu’en lui nous devenions justice de Dieu’ (2 Co 5, 21). Seul le Christ peut transformer chaque situation de péché en nouveauté de grâce ».

« Alors que Joël parlait du futur jour du Seigneur comme d’un jour de jugement terrible, saint Paul, en se référant à la parole du prophète Isaïe, parle de ‘moment favorable’, de ‘jour du salut’. Le futur jour du Seigneur est devenu l’‘aujourd’hui’. Le jour terrible s’est transformé dans la Croix et dans la Résurrection du Christ, en jour du salut. Et ce jour, c’est maintenant, comme nous l’avons entendu dans le Chant de l’Evangile: ‘Aujourd’hui, n’endurcissez pas votre cœur, mais écoutez la voix du Seigneur’ ».

Pour plaire à Dieu
« La conversion du cœur à Dieu » constitue donc « la dimension fondamentale du temps quadragésimal », disait le pape en rappelant les deux significations des cendres : « La première relative au changement intérieur, à la conversion et à la pénitence, alors que la seconde renvoie à la précarité de la condition humaine, comme on le perçoit facilement dans les deux formules différentes qui accompagnent le geste ».

« Nous avons quarante jours pour approfondir cette extraordinaire expérience ascétique et spirituelle », en soulignant l’importance des « trois pratiques fondamentales chères également à la tradition hébraïque, parce qu’elles contribuent à purifier l’homme devant Dieu ».

« Ces gestes extérieurs, qui sont accomplis pour plaire à Dieu et non pour obtenir l’approbation ou l’assentiment des hommes, sont acceptés de Lui s’ils expriment la détermination du cœur à le servir, avec simplicité et générosité », faisait observer le pape.

Des « armes » spirituelles pour combattre le mal
« Le jeûne, auquel l’Eglise nous invite en ce temps fort, ne naît certes pas de motivations d’ordre physique ou esthétique, mais provient de l’exigence que l’homme a d’une purification intérieure qui le désintoxique de la pollution du péché et du mal; qui l’éduque à ces renonciations salutaires qui affranchissent le croyant de l’esclavage de son moi ; qui le rende plus attentif et disponible à l’écoute de Dieu et aux services de ses frères. C’est pour cette raison que le jeûne et les autres pratiques quadragésimales sont considérées par la tradition chrétienne comme des ‘armes’ spirituelles pour combattre le mal, les mauvaises passions et les vices », concluait le pape.

L’Eglise italienne exporte son modèle en Espagne

23 février, 2007

 du site italienne: « La Chiesa.it »

L’Eglise italienne exporte son modèle en Espagne


La référence est le discours de Benoît XVI à Vérone. C’est ce qu’écrivent les évêques espagnols, dans un document qui contre attaque fermement « l’onde de choc du laïcisme » sur la vie et la famille

par Sandro Magister

L’Eglise italienne exporte son modèle en Espagne dans Approfondissement

ROME, le 23 février 2007 – Lorsque Benoît XVI, s’adressant à Vérone à des évêques, prêtres et laïcs de l’Eglise italienne réunis le 19 octobre 2006, parie sur l’Italie comme « point de départ très favorable » pour une renaissance chrétienne en Europe et dans le monde, grand nombre d’entre eux hoche la tête avec incrédulité.

La bataille acharnée que mènent le pape et les évêques actuellement contre la légalisation, en Italie, des unions de fait hétérosexuelles et homosexuelles, suscite également des réactions de scepticisme.

Parmi les sceptiques, on compte certains des intellectuels catholiques les plus connus. L’un d’eux, le juriste Leopoldo Elia, ancien président de la Cour constitutionnelle, s’est exprimé ainsi dans le « Corriere della Sera » du 13 février, pour expliquer que le pape Joseph Ratzinger s’est trompé dans son pari sur l’Italie, tout comme l’Eglise dans sa réaction si forte à propos des nouvelles lois:

« Il semble que l’Eglise veuille faire de l’Italie l’exception de l’Europe: l’Italie catholique où les lois en vigueur dans tous les autres pays n’existent pas. Pourquoi l’Eglise espagnole a-t-elle réagit d’une manière mesuré sur la loi sur les unions de fait, alors que l’Eglise italienne pousse à l’affrontement au parlement? Pourquoi une réaction si excessive par rapport à celle tout à fait contenue des conférences épiscopales de France et d’Allemagne? On dirait que c’est la manifestation d’une volonté de garder une exception italienne. Peut-être parce le Saint Siège se trouve à Rome, parce que nous avons eu les états pontificaux, la Contre reforme, une longue tradition de liens entre le trône et l’autel… Le fait est que l’Eglise italienne n’accepte pas de se mettre au diapason de l’Europe ».

Mais en est-il vraiment ainsi? Il ne fait pas de doutes que dans d’autres pays d’Europe l’Eglise catholique ait réagit plus faiblement et sans succès aux lois sur les unions de fait, sur le mariage entre homosexuels, sur le divorce rapide, sur l’avortement, sur l’euthanasie, sur la fécondation artificielle, sur l’utilisation des embryons.

Sans aucun doute aussi la résistance de l’Eglise en Italie a été beaucoup plus efficace au cours de ces dernières années. Il suffit de penser à la victoire en juin 2005 lors des referendums qui voulaient la libéralisation du recours à la fécondation hétérologue et la destruction des embryons. L’Eglise appelait à ne pas voter, et trois électeurs sur quatre ne se sont pas rendus aux urnes, ce qui a eu comme effet d’annuler le scrutin.

Il y a cependant une donnée plus intéressante. L’Eglise italienne n’est plus, depuis quelque temps, une exception solitaire, parmi les Eglises de l’Europe occidentale. D’autres conférences épiscopales la prennent en exemple et imitent son action. Au Portugal, par exemple, l’Eglise s’est récemment opposée avec fermeté au referendum sur la dépénalisation de l’avortement: ce referendum, qui a eu lieu le 11 février dernier, a échoué en raison d’un nombre insuffisant de votants.

Mais l’exemple le plus frappant d’imitation du modèle italien se produit en Espagne. Dans ce pays, la conférence épiscopale effectue une véritable demi tour, après de nombreuses années de divisions, d’atermoiements et d’absence d’un vrai guide reconnu. Lorsque les premiers signes annonciateurs des lois nouvelles sur les sujets sensibles se sont manifestés, sous le gouvernement conservateur de José Maria Aznar, les réactions de l’épiscopat ont été faibles. Et quand le gouvernement laïc de José Luis Rodriguez Zapatero est passé à l’acte avec des nouveautés en rafale, l’Eglise les a subies, presque incrédule. Mais ce choc a également provoqué une réaction. Le premier geste qui a montré que l’Eglise reprend l’initiative a été la grande manifestation à Madrid, un million et demi de personnes dans les rues, avec les évêques en tête du cortège.

Plus que ce geste symbolique, deux documents collectifs témoignent du changement de cap de l’épiscopat espagnol. Il s’agit de deux « instructions pastorales », discutées et votées par tous les évêques en 2006 et publiées la première le 30 mars et la seconde le 23 novembre.

Www.chiesa a évoqué la première l’été dernier, en citant de larges extraits en italien et en anglais. Elle critique sévèrement les déviations doctrinales et morales présentes dans l’Eglise espagnole, leur attribuant l’incapacité de cette Eglise d’affronter les défis de la sécularisation. Aujourd’hui ce document – écrit en accord avec la congrégation vaticane pour la doctrine de la foi – constitue la base d’une campagne de clarification doctrinale dans les diocèses, dans le clergé, dans les séminaires, chez les catéchistes, dans les associations et dans les paroisses.

La seconde entre plus directement dans le vif des changements intervenus dans la société et dans la politique en Espagne. Les évêques décrivent et jugent l’onde de choc du laïcisme en cours, ils rappellent les catholiques à leurs responsabilités religieuses et civiles et ils proposent les orientations morales qui permettront une réponse efficace à la situation présente.

De larges extraits de l’instruction sont donnés ci-dessous. Il suffit de les lire pour comprendre à quel point le modèle italien – celui représenté par le cardinal Camillo Ruini à la tête de la conférence épiscopale – a fait école parmi les évêques.

Mais il y a plus. Le document que les évêques espagnols prennent comme modèle de leur instruction est précisément le discours prononcé par Benoît XVI aux états généraux de l’Eglise italienne, à Vérone.

Le pari de Benoît XVI sur le « grand service » que l’Eglise peut rendre à « l’Europe et au monde » commence à donner ses premiers fruits.

« Comme le pape Benoît XVI l’a dit à Vérone… »

Extrait de l’instruction pastorale « Orientations morales dans la situation actuelle de l’Espagne », 23 novembre 2006

[...] Une situation inédite: l’onde de choc du laïcisme

8. La montée alarmante du laïcisme dans notre société est un élément que nous voulons mettre en évidence, dans la mesure où il est déterminant dans l’interprétation et l’évaluation des nouvelles données concernant de la foi. [...]

9. Dans un contexte de transformation sociale de grande envergure, l’Espagne se voit envahie par un mode de vie où toute référence à Dieu est considérée comme un frein à l’épanouissement intellectuel et le plein exercice de la liberté. Nous vivons dans un monde qui est en train de poser les bases d’une perception athée de l’existence elle-même : « Si Dieu existe, je ne suis pas libre ; si je suis libre, je ne peux pas accepter l’existence de Dieu ». Voilà – bien qu’il ne soit pas toujours perçu de manière si explicite au niveau intellectuel – le problème radical de notre culture : la négation de Dieu et le choix de vivre « comme si Dieu n’existait pas ». La propagation du laïcisme engendre des changements profonds dans la vie des personnes, étant donné que la connaissance de Dieu constitue la racine vivante et profonde de la culture des peuples et aussi le facteur le plus influent dans l’élaboration de leur projet de vie personnelle, familiale et sociale.

10. Ce mal enraciné dans notre époque relève donc de quelque chose d’aussi vieux que le désir illusoire et blasphématoire de devenir les maîtres du monde, de mener notre vie et celle de la société selon notre bon plaisir, sans rendre de comptes à Dieu, comme si nous étions les vrais créateurs du monde et de nous-mêmes. D’où l’exaltation de la liberté personnelle comme norme suprême du bien et du mal et l’oubli de Dieu, entraînant le mépris de la religion tandis que l’idolâtrie des biens du monde et de la vie terrestre les érige en valeurs suprêmes.

11. Le pape Benoît XVI, avec sa simplicité et sa profondeur habituelles, a récemment examiné cette même situation dans son discours au IVe Congrès national ecclésial de l’Eglise en Italie. [...]

Sur les raisons de cette situation

14. Le processus de déchristianisation et de détérioration morale de la vie personnelle, familiale et sociale est favorisé par certaines caractéristiques objectives de notre vie, comme l’enrichissement rapide, la multiplication des possibilités d’occuper son temps libre, l’excès d’activités ou l’obscurcissement de la conscience face au développement rapide de la science et de la technique. Si l’on poursuit l’analyse, la propagation de ce processus a été facilitée par la formation religieuse insuffisante de nombreuses personnes, croyantes ou non, par certaines conceptions erronées de Dieu et de la vraie religion, par le manque de cohérence dans la vie personnelle et sociale de nombreux chrétiens et par l’influence d’idées erronées sur l’origine, la nature et le destin de l’homme et, dernier motif mais pas le moins important, par la faiblesse morale de l’ensemble de l’humanité et par la séduction des biens de ce monde: par « cette cupidité insatiable qui est une idolâtrie » (Colossiens 3,5). [...]

17. Ainsi, le laïcisme construit une société qui, dans ses aspects sociaux et publics, se heurte aux valeurs fondamentales de notre culture, prive de leur racines des institutions aussi importantes que le mariage et la famille, dissout les fondements de la vie morale, de la justice et de la solidarité et place les chrétiens dans un monde étranger et hostile à leur culture. Il ne s’agit pas de vouloir imposer nos critères moraux à toute la société. Nous savons parfaitement que la foi en Jésus-Christ est un don de Dieu mais aussi un choix libre pour chaque personne, éclairée par la raison et aidée par l’assistance divine. Mais il est clair pour nous que tout ce qui tend à introduire des idées et des usages contraires à la loi naturelle, fondée sur la juste raison et sur le patrimoine spirituel et moral accumulé tout au long de l’histoire de la société, affaiblit les fondements de la justice et porte atteinte à la vie des personnes et de la société toute entière

18. Dans de nombreux milieux il est difficile de se présenter comme chrétien: apparemment la seule attitude correcte et dans l’air du temps est de se présenter comme agnostique et partisan d’une forme de laïcisme radical et intransigeant. Certains groupes prétendent exclure les catholiques de la vie publique et accélérer l’instauration du laïcisme et du relativisme moral, comme seule culture compatible avec la démocratie. Cela nous parait être l’interprétation correcte de la difficulté croissante que rencontre le projet d’introduire l’étude facultative de la religion catholique dans les programmes de l’école publique. Certaines lois et positions contraires à la loi naturelle vont également dans le même sens; elles détériorent ce qui représente la valeur morale dans la société, formée en grande partie de catholiques, c’est ce qui s’est produit avec l’étrange définition légale du mariage, qui exclut toute référence à la différence entre homme et femme ; ou avec le soutien à « l’idéologie du genre » tellement en vogue, avec la loi sur le  » divorce rapide « , la tolérance croissante envers l’avortement, la production d’êtres humains pour la recherche, l’introduction annoncée d’une nouvelle matière obligatoire à l’école, « l’éducation à la citoyenneté », qui comporte le risque d’une intromission inacceptable de l’état dans l’éducation morale des élèves, qui revient tout d’abord à la famille et à l’école. […]

Responsabilité de l’Eglise et des catholiques

26. Une tentation pour les chrétiens dans la vie démocratique est le désir de faciliter, à tort, la vie en société, en cachant ou en diluant leur identité, jusqu’à y renoncer dans certaines circonstances. Derrière cette apparente générosité se cache le manque de confiance dans la valeur et dans l’actualité de l’Evangile et de la vie chrétienne Le message de Jésus et la doctrine de l’Eglise ont une valeur permanente et sont en mesure de s’adapter à toutes les situations, en proposant des réponses aux différents problèmes et besoins des hommes, sans qu’il soit nécessaire de les délayer ou de les soumettre aux dictats de la culture laïque et hédoniste dominante. Les conséquences destructrices de ce comportement, caractérisé par la recherche impatiente et irresponsable d’une fausse cohabitation entre le catholicisme et le laïcisme, ont été la multiplication de tensions internes récurrentes, et l’affaiblissement de la crédibilité et de la vie de l’Eglise qui en est la conséquence. A travers ce qui se produit, Dieu nous demande, à nous les catholiques, un effort d’authenticité et de fidélité, d’humilité et d’unité, pour pouvoir offrir d’une façon convaincante à nos concitoyens, les dons que nous avons reçu, sans dissimulations ni déformations, sans désaccords ni concessions, qui cacheraient la splendeur de la vérité de Dieu et la force d’attraction de ses promesses. Une éducation adaptée à la vie démocratique doit nous aider à partager, d’une façon constructive, la vie avec ceux qui pensent différemment de nous, sans compromettre notre identité catholique.

Annoncer le « oui » de Dieu à l’humanité, en Jésus Christ

27. En tant que membres de l’Eglise, nous ne trouverons pas de solutions valables à proposer à notre société en imitant ce que nous rencontrons autour de nous ; au contraire, ces solutions jaillissent du coeur de l’Eglise ; de ce trésor – que sont’ le souvenir et la présence vivante du Christ – dont nous pouvons extraire continuellement des éléments anciens et nouveaux (voir Mathieu 13,52). Le projet permanent de l’Eglise, c’est Jésus Christ. A travers son message, son exemple, la force de sa présence dans les sacrements, en particulier dans celui de l’eucharistie, nous trouverons certainement la force spirituelle et le discernement nécessaires pour vivre et annoncer le royaume de Dieu dans le monde présent, qui appartient à Dieu et à nous aussi. […]

28. Comme l’a dit le pape Benoît XVI à Vérone nous poursuivons aujourd’hui notre grande mission qui est d’offrir à nos frères le « grand oui  » que Dieu dit, à travers Jésus Christ, à l’homme et à sa vie, à l’amour humain, à notre liberté et à notre intelligence, en montrant à tous comment la foi en ce Dieu, qui a un visage humain, donne la joie au monde. En effet, le christianisme est ouvert à tout ce qu’il y a de juste, de vrai et de pur dans les cultures et les civilisations; et à tout ce qui réjouit, console et fortifie notre existence. Saint Paul a écrit, dans la lettre aux Philippiens: « Que tout ce qui est vrai, tout ce qui est honorable, tout ce qui est juste, tout ce qui est pur, tout ce qui est aimable, tout ce qui mérite l’approbation, ce qui est vertueux et digne de louange, soit l’objet de vos pensées » (4,8).

Partir d’une identité catholique vigoureuse

33. […] Rappelons, brièvement, certains éléments de l’identité spirituelle catholique, qui rendent possible le discernement et l’engagement moral. Dans les lignes suivantes, nous nous inspirons de très près du discours de Benoît XVI à Vérone déjà cité.

34. La résurrection du Christ est un fait historique; les apôtres en ont été les témoins et non pas les créateurs. Il ne s’agit pas d’un simple retour à notre vie terrestre ; c’est au contraire la « transformation » la plus grande de toute l’histoire, le « saut » crucial vers une dimension de vie profondément nouvelle, l’entrée dans un ordre radicalement différent, qui concerne Jésus de Nazareth en premier lieu, mais nous aussi, tout le genre humain, l’histoire et l’univers entier. C’est pourquoi la résurrection de Jésus est au centre de la prédication et du témoignage chrétien, du début jusqu’à la fin des temps. Jésus ressuscite des morts parce que tout son être est uni à Dieu, qui est amour et donc réellement plus fort que la mort. Sa résurrection a été une explosion de lumière, une explosion d’amour qui a brisé les chaînes du péché et de la mort. Sa résurrection a crée une nouvelle dimension de la vie et de la réalité; il en résulte une nouvelle création qui imprègne continuellement notre monde, le transforme et l attire à soi.

35. Tout ceci se produit, en effet, grâce à la vie et au témoignage de l’Eglise. […]

39. La reconnaissance de Jésus Christ et notre participation à sa mission, en communion avec l’Eglise, s’exprime en quelques objectifs concrets, auxquels il faut se consacrer sérieusement. Nous pensons à trois d’entre eux, qui sont particulièrement urgents dans la situation actuelle.

40. 1 – Formation à la foi. Pour fortifier l’identité et la clarté du témoignage chrétien et des communautés catholiques de notre société, avec le retour aux sources et l’intensification de la formation spirituelle et la communion ecclésiale, nous devons nous préoccuper, davantage et mieux, de l’initiation chrétienne systématique des enfants, des jeunes et des adultes. Il faudra promouvoir les catéchuménats de conversion en tant que parcours pour accueillir les nouveaux chrétiens dans la communauté ecclésiale ; nous devons conserver fidèlement la discipline des sacrements et la cohérence de la vie chrétienne, sans céder aux tendances et aux préférences de la culture laïciste, ni nous fondre dans l’anonymat et dans la soumission aux usages en vigueur.

41. 2 – Annoncer l’Evangile du mariage et de la famille. Un deuxième point central dans nos préoccupations doit être d’annoncer et de vivre, authentiquement, le mystère chrétien du mariage et de la famille. Nous constatons avec douleur comment le législateur espagnol a supprimé de la loi civile espagnole une institution aussi importante pour la vie des personnes et de la société qu’est le vrai mariage Il est inscrit, dans la nature personnelle de l’être humain et plus profondément dans l’esprit du Créateur, que des liens aussi important et beaux tels que les liens matrimoniaux, paternels, maternels, filiaux et fraternels se réalisent dans le mariage, compris comme union indissoluble de vie et d’amour entre un homme et une femme, ouvert à la transmission responsable de la vie et à l’éducation des enfants. Les lois en vigueur facilitent la dissolution du mariage en dispensant les parties concernées de fournir des motifs pour l’obtenir et de plus elles ont supprimé la référence à l’homme et à la femme en tant que sujet qui contracte le mariage. Cet état de fait nous oblige à constater, avec stupeur, que la législation espagnole actuelle non seulement ne protège pas le mariage, elle en méconnaît l’essence propre et spécifique. Ni L’Eglise ni nous les catholiques, nous ne pouvons accepter cette situation, dans laquelle nous voyons une désobéissance grave au dessein divin, une contradiction à la nature de l’être humain et, en conséquence, un atteinte extrêmement grave au bien des personne et de toute la société.

42. Le mariage chrétien, sacrement de l’amour de Dieu, vécu dans la relation conjugale et familiale, est en train de devenir une protestation vivante contre une mentalité et une législation qui attaquent gravement le bien commun. Il devient également, la préfiguration d’une vraie humanité, édifiée sur cet amour humain que l’amour de Dieu rend possible dans le monde. Les époux chrétiens, renforcés par l’amour du Christ envers son Eglise, doivent réellement communiquer la foi aux nouvelles générations, être les éducateurs de l’amour et de la confiance, les témoins de la nouvelle société purifiée et vivifiée par la présence et par l’action de l’amour divin dans les cœur des hommes.

43. 3 – Donner de l’importance à la messe du dimanche. La vigueur et la force de la vie chrétienne des baptisés et de la communauté toute entière, s’alimentent de la célébration de l’eucharistie, et en particulier, de celle du dimanche, le jour du Seigneur ressuscité et de l’Eglise. Dans une société devenue culturellement païenne et dans laquelle les catholiques vivent plus ou moins dispersés, l’assemblée eucharistique du dimanche devient, si cela est possible, encore plus nécessaire et doit être l’objet de soins très attentifs. Cette assemblée est plus nécessaire pour les catholiques, qui doivent renouveler périodiquement leur foi et leur unité au cours de la célébration liturgique; elle l’est aussi pour assurer la visibilité de l’Eglise et des catholiques dans la société. La célébration de l’eucharistie implique le recours fréquent au sacrement de la pénitence, selon la discipline de l’Eglise, pour la préparation personnelle à la célébration, sincère et profonde, des mystères du salut.

44. Nous savons bien que le choix de croire et celui de suivre Jésus ne sont jamais faciles; au contraire, ils donnent toujours lieu à des contestations et des controverses. Aujourd’hui aussi l’Eglise continue à être un « signe de contradiction », à l’exemple de son Maître (Luc 2,34). Pourtant, ne perdons pas espoir. Au contraire, nous devons toujours être prêts à répondre à qui nous demande raison de notre espérance, comme la Première lettre de saint Pierre nous invite à le faire (cf. 3,15). […]

L’Eglise et la société civile

47. Lorsque nous demandons aux catholiques de se manifester dans la vie publique et de chercher à l’influencer, cela ne veut pas dire que nous prétendons imposer la foi et la morale chrétiennes à qui que ce soit, ni que nous voulons nous mêler de questions qui ne sont pas de notre compétence. Dans cette assertion, il faut faire une distinction fondamentale. L’Eglise dans son ensemble, comme communauté, n’a pas de compétences ni d’attributions politiques. Ses buts sont essentiellement d’ordre religieux et moral. Avec Jésus et comme Jésus, nous annonçons le règne de Dieu, la nécessité de la conversion, le pardon des péchés et les promesses d’une vie éternelle. Par sa prédication, et par le témoignage des meilleurs de ses fils, l’Eglise aide ceux qui la regardent avec bienveillance à discerner ce qui est juste et à travailler au bien commun. Voici l’enseignement récent du pape: « L’Eglise n’est donc pas et n’entend pas être un agent politique. Mais en même temps, elle a un intérêt profond pour le bien de la communauté politique, qui est animée par le souci de justice et elle lui offre à un double niveau sa contribution spécifique. La foi chrétienne purifie en fait la raison et l’aide à mieux être elle-même: avec sa doctrine sociale, fondée sur ce qui est conforme à la nature de tout être humain, l’Eglise contribue à faire en sorte que ce qui est juste puisse être efficacement reconnu puis réalisé ».

48. D’autres points doivent être indiqués aux chrétiens laïcs. Ils sont membres de l’Eglise, mais également citoyens, dans la plénitude des droits et des devoirs. Ils partagent avec les autres les mêmes responsabilités sociales et politiques. Et, comme tous les autres citoyens, ils ont le droit et le devoir de se comporter dans leurs activités sociales et publiques selon leur conscience et selon leurs convictions religieuses et morales. La foi n’est pas une question purement privée. On ne peut pas demander aux catholiques qu’ils agissent sans tenir compte de la foi et de la charité fraternelle quand ils assument des responsabilités sociales, professionnelles, culturelles et politiques. C’est là la contribution spécifique que les catholiques peuvent apporter, dans ce domaine, au bien commun, partagé par tous. Vouloir exclure l’influence du christianisme de notre vie sociale serait non seulement une façon d’agir autoritaire et non démocratique mais aussi une grave mutilation et une perte regrettable. […]

Démocratie et morale

52. Il y a des gens qui pensent que la référence à une morale objective, préexistante et supérieure aux institutions démocratiques, est incompatible avec l’organisation démocratique de la société et de la vie en commun. On parle souvent de la démocratie comme si les institutions et les procédures démocratiques devaient être la première référence morale des citoyens, le principe qui régit la conscience personnelle, la source du bien et du mal. Derrière ce raisonnement, fruit d’une vision laïciste et relativiste de la vie, se cache un germe dangereux de pragmatisme machiavélique et d’autoritarisme. Si les institutions démocratiques, formées par des hommes et des femmes qui agissent selon leurs critères personnels propres, pouvaient être considérées comme la référence ultime de la conscience des citoyens, ni la critique ni la résistance morale aux décisions des parlementaires et des gouvernements n’auraient de sens. En définitive, le bien et le mal, la conscience individuelle et collective seraient déterminés par les décisions d’un petit nombre de personnes, par les intérêts des groupes qui à un moment donné exercent le pouvoir réel, politique et économique. Rien n’est plus contraire à la vraie démocratie.

53. La raison naturelle, éclairée et enrichie par la foi, voit les choses différemment. La démocratie n’est pas un système global de vie. C’est plutôt une manière d’organiser la vie en commun selon une conception de la vie préexistante et supérieure aux procédures démocratiques et aux normes juridiques. La valeur éthique de la personne humaine, reconnue et d’un point de vue naturel et d’un point de vue religieux, existe avant les procédures et les normes […] Dans une vraie démocratie, ce ne sont pas les institutions politiques qui forgent les convictions personnelles des citoyens, c’est tout le contraire; ce sont les citoyens qui doivent définir les institutions politiques et agir dans leur cadre selon leurs convictions morales personnelles, en accord avec leur conscience et toujours en faveur du bien commun.

54. La critique des procédures non démocratiques d’autres époques a conduit certains de nos concitoyens à croire que, dans la vie démocratique, la liberté exige que les décisions politiques ne reconnaissent aucun critère moral et ne se soumettent à aucun code moral objectif. C’est une conception très dangereuse et elle ne nous paraît pas acceptable. […] Si les parlementaires, et plus concrètement les dirigeants d’un groupe politique au pouvoir peuvent légiférer selon leurs propres critères, sans se soumettre à quelque principe moral, socialement reconnu et contraignant, que ce soit, la société toute entière reste à la merci des opinions et des désirs d’un petit nombre de personnes qui s’arrogent d’un pouvoir quasi absolu, ce qui va certainement au-delà de leurs prérogatives. Tout cela a une terrible conséquence: le positivisme juridique – doctrine qui ne reconnaît pas l’existence de principes éthiques qu’aucun pouvoir politique n’a jamais le droit de transgresser – est l’antichambre du totalitarisme.

55. On ne peut pas confondre la situation de non confessionnalité ou de laïcité de l’Etat avec l’affranchissement moral et l’exemption d’obligations morales objectives pour les dirigeants politiques. En disant cela, nous attendons des gouvernants qu’ils se soumettent non pas aux critères de la morale catholique mais à l’ensemble des valeurs morales en vigueur dans notre société, considérées avec respect et réalisme comme le résultat de la contribution des différents acteurs sociaux. Toutes les sociétés et tous les groupes qui les composent ont le droit d’être gouvernés dans la vie publique selon le dénominateur commun de la morale socialement en vigueur, fondée sur la raison juste et sur l’expérience historique de chaque peuple. Une politique qui prétend s’émanciper de cette reconnaissance se transformera assurément en dictature, en discrimination et en désordre. Une société où la dimension morale des lois et du gouvernement n’est pas suffisamment prise en considération est une société sans colonne vertébrale, littéralement désorientée, et constitue une proie facile pour la manipulation, la corruption et l’autoritarisme.

56. Par conséquent, avant d’appuyer par leur vote une des nombreuses propositions, les catholiques et les citoyens qui veulent agir de manière responsable doivent évaluer les différents programmes politiques qui leur sont proposés en prenant en considération la valeur que chaque parti politique, chaque programme et chaque candidat donne à la dimension morale de la vie mais aussi au fondement moral de leurs propositions et programmes. La qualité et l’exigence morale du citoyen, lorsqu’il exerce son droit de vote, sont le meilleur moyen pour conserver la force et l’authenticité des institutions démocratiques. « Mais il faut aussi – indique le pape – affronter avec autant de détermination que de clarté le risque de choix politiques et législatifs qui vont à l’encontre de valeurs fondamentales et de principes anthropologiques et éthiques enracinés dans la nature de l’être humain, particulièrement en ce qui concerne la protection de la vie humaine au cours de toutes ses étapes, depuis la conception jusqu’à la mort naturelle, et à la promotion la famille fondée sur la mariage, en évitant d’introduire dans l’ordre public d’autres formes d’unions qui contribueraient à la déstabiliser, en cachant le caractère unique et le rôle social irremplaçable de la famille et du mariage ». […]

Respect et protection de la liberté religieuse

62. L’état laïc, véritablement démocratique, est celui qui considère la liberté religieuse comme un élément fondamental du bien commun, méritant respect et protection. […]

64. Ce n’est pas sans inquiétude que nous voyons un certain nombre de signes de mépris et d’intolérance envers la présence de la religion catholique dans les programmes de l’école publique, ainsi que le refus d’exposer des symboles religieux dans les lieux publics ou le refus de soutenir par des fonds publics de manière proportionnée les institutions religieuses dans leurs activités sociales et spécifiquement religieuses. La religion mérite autant d’être soutenue que la musique, le sport, de même que les lieux de culte ne sont pas moins importants que les musées ou les stades pour l’épanouissement complet des citoyens. Nous assistons actuellement avec beaucoup d’inquiétude à l’affaiblissement des convictions morales de beaucoup de gens, à la multiplication de comportements contraires à la dignité humaine, comme la promiscuité et les violences sexuelles, le recours à l’avortement – en particulier chez les adolescents et les jeunes –, tout comme la dépendance à la drogue ou à l’alcoolisme et la délinquance des mineurs; nous observons avec regret la violence croissante à l’école et au sein des familles. C’est pourquoi nous ne comprenons pas le refus et l’intolérance que manifestent certaines personnes et institutions dans notre société contre la religion catholique. Sans éducation morale, la démocratie n’est pas possible. Personne ne peut nier que la religion éclaire et renforce les convictions et le comportement moral de ceux qui l’acceptent et qui la vivent d’une manière appropriée. Le gouvernement et l’Eglise devraient s’accorder sur la nécessité de développer l’éducation morale des personnes, et en particulier celle des jeunes. C’est pourquoi, au lieu de regarder l’Eglise avec méfiance, il faudrait la reconnaître comme une institution capable de contribuer de manière spécifique à cet objectif, si important pour le bien des personnes et de la société toute entière, qui répond à l’éducation morale juste de la jeunesse. […]

commentaire de l’évangile du jour – 23.2.07

23 février, 2007

 commentaire du EAQ de l’évangile du jour – 23.2.07

Saint Bernard (1091-1153), moine cistercien et docteur de l’Église
Sermon 1 pour le premier jour du carême,1,3,6 (trad Brésard, 2000 ans B, p. 84)

« Alors ils jeûneront »

      Pourquoi le jeûne du Christ ne serait-il pas commun à tous les chrétiens ? Pourquoi les membres ne suivraient-ils pas leur Tête ? (Col 1,18). Si nous avons reçu les biens de cette Tête, n’en supporterions-nous pas les maux ? Voulons-nous rejeter sa tristesse et communier à ses joies ? S’il en est ainsi, nous nous montrons indignes de faire corps avec cette Tête. Car tout ce qu’il a souffert, c’est pour nous. Si nous répugnons à collaborer à l’oeuvre de notre salut, en quoi nous montrerons-nous ses aides ? Jeûner avec le Christ est peu de chose pour celui qui doit s’asseoir avec lui à la table du Père. Heureux le membre qui aura adhéré en tout à cette Tête et l’aura suivie partout où elle ira (Ap 14,4). Autrement, s’il venait à en être coupé et séparé, il sera forcément privé aussitôt du souffle de vie…

      Pour moi, adhérer complètement à toi est un bien, ô Tête glorieuse et bénie dans les siècles, sur laquelle les anges aussi se penchent avec convoitise (1P 1,12). Je te suivrai partout où tu iras. Si tu passes par le feu, je ne me séparerai pas de toi, et ne craindrai aucun mal, car tu es avec moi (Ps 22,4). Tu portes mes douleurs et tu souffres pour moi. Toi, le premier, tu es passé par l’étroit passage de la souffrance pour offrir une large entrée aux membres qui te suivent. Qui nous séparera de l’amour du Christ ? (Rm 8,35)… Cet amour est le parfum qui descend de la Tête sur la barbe, qui descend aussi sur l’encolure du vêtement, pour en oindre jusqu’au plus petit fil (Ps 132,2). Dans la Tête se trouve la plénitude des grâces, et d’elle nous la recevons tous. Dans la Tête est toute la miséricorde, dans la Tête le débordement des parfums spirituels, comme il est écrit : « Dieu t’a oint d’une huile de joie » (Ps 44,8)…

      Et nous, qu’est-ce que l’évangile nous demande en ce début du carême ? « Toi, dit-il, quand tu jeûnes, oins de parfum ta tête » (Mt 16,17). Admirable condescendance ! L’Esprit du Seigneur est sur lui, il en a été oint (Lc 4,18), et pourtant, pour évangéliser les pauvres, il leur dit : « Oins de parfum ta tête ».