LA FOI AU DÉFI – WALTER KASPER
d’en théologien très connu, et que j’ai connu :
LA FOI AU DÉFI WALTER KASPER
L’incroyance a rarement aussi bien maîtrisé l’art du camouflage qu’à notre époque où règne une confusion babylonienne.Voici que l’incroyance a le visage de la piété, sous prétexte d’ouverture, de tolérance et d’engagement.
L’homme religieux admet comme postulat que la réalité sensible et perceptible n’est pas l’essentiel du réel, ou du moins qu’elle n’est pas la seule réalité… ( Alors que ) la conscience contemporaine n’admet pour seule réalité que la réalité tangible, matérielle et économique.
Au cours des guerres de religion qui suivirent le schisme au XVIème siècle, la société médiévale se disloqua complètement. La religion chrétienne avait cessé de jouer son rôle de référence, et n’assurait plus sa fonction unificatrice.
Les lumières ont cherché à fonder la dignité de l’homme, ainsi que l’ordre et la paix sur terre, sur la base de la raison humaine, considérée comme l’épicentre, le critérium absolu, l’instance suprême à laquelle tout et tous, jusqu’à la foi elle-même, se doivent de rendre compte…
La religion ne pouvait donc qu’être le fait que de « l’imposture des clercs »…
Parvenu à sa maturité, l’homme doit être capable de résoudre ses problèmes par lui-même, et, comme le disait Sigmund Freud, se passer d’appui consolateur.
critique de la « modernité »
Il fallait, pour Nietzsche, que Dieu soit mort, afin que le surhomme puisse exister. Mais le surhomme a-t-il encore quelque chose d’humain ?
L’indifférentisme est bien plus pernicieux que l’athéisme militant, pour lequel Dieu continue de poser problème et reste un adversaire à combattre…
Dieu est passé sous silence, bien plus encore qu’il n’est proclamé mort.
critique de la modernité
Quiconque exclut catégoriquement toute certitude première se trouve en contradiction avec soi-même et se fabrique une immunité on ne peut plus primaire, contre toute critique…
L’homme ne saurait revenir sur l’opposition entre le oui et le non, le vrai et le faux, le bien et le mal, sous peine de devoir renoncer à lui-même.
Croire, c’est admettre une chose et la tenir pour vraie sur la foi du témoignage d’un tiers.
La foi est l’audace d’exister.
Cité par
L’acte de foi et le contenu de la foi sont indissociables l’un de l’autre.
Le contenu n’existe que dans l’accomplissement vivant de la foi; l’accomplissement vivant de la foi dépend en retour du contenu…
La foi… renoncement à toutes les certitudes, retour sur soi… élan audacieux qui vous pousse vers l’inconnu… chemin à parcourir… enracinement dans ce que l’on ne possède pas encore… audace qui ambitionne tout et qui exècre la petitesse et la mesquinerie.
La foi n’est pas un point de vue arrêté et établi une fois pour toutes.
Ou l’homme est en mesure de se doter d’un fondement ultime, ou alors il reconnaît un absolu, il s’incline devant une fin dernière, qui ne peut être que Dieu lui-même.
L’homme découvre donc de manière intuitive, éclatante, évidente et nécessaire, que la vérité de Dieu est une vérité sur lui-même.
Si Dieu n’a plus rien à voir avec le monde et avec les préoccupations des hommes… avec la réalité de la création, la théologie de l’histoire du salut et la conception existentielle de la foi ne sont plus que gnose, et, suspectes de projection et d’illusion…
En reconnaissant que l’univers est création, on admet en revanche que le monde de Dieu est plus que le monde des hommes, même s’il est là pour l’homme.
Le récit de la création ne s’achève pas sur l’ordre de dominer le monde, mais sur l’instauration d’un culte… Ainsi la liberté humaine ne se dissipe-t-elle pas dans l’usage et la jouissance des biens matériels.
Car elle est gratuite, et trouve son accomplissement dans la gratuité, dans le jeu, les loisirs, l’Art, la fête et la liesse.
Dans notre monde désaxé et dénaturé, la liturgie demeure l’espace de liberté par excellence, où l’homme peut respirer et se ressourcer.
Ce ne sont ni les structures, ni l’ordre préexistant, ni tel ou tel autre mécanisme quelconque qui sont en cause; la faute est mienne. « Contre toi, toi seul, j’ai péché » ( PS 51, 6 ).
Le verset traduit et la sincérité, et le courage de reconnaître la faute et d’en assumer la responsabilité. Il exprime la clairvoyance de l’homme qui, en tant que personne, est bien plus qu’un faisceau de fonctions ou un réseau de connexions sociales.
Dés lors que l’on n’ose plus parler de faute, de péché, ni prêcher la conversion, le message du Salut et de
la Rédemption n’est plus qu’un discours pieux mais vain, qui n’exerce plus qu’une fonction tranquillisante.
Le christianisme prend le problème du mal très au sérieux, et, ce faisant, il le relativise; il ne baisse pas les bras, ne se laisse pas gagner par le défaitisme… La lumière que
la Rédemption projette sur l’univers est la seule chose qui nous protège du désespoir face au problème du mal…
L’homme est « esprit dans le monde »… C’est pourquoi il est, à notre connaissance, le seul être capable d’insatisfaction, de déception, de frustration…
Rien en ce monde n’est assez grand et assez vaste pour combler la profondeur, la hauteur et l’étendue du coeur de l’homme…
L’amour humain n’est pas infini. Il prend fin, au plus tard, avec la mort…
La nature de l’homme est donc paradoxale : il se dépasse en soi. Il aspire, de par sa nature même, à une perfection qu’il ne peut se donner lui-même.
L’homme se situe donc à mi-chemin entre Prométhée et Sisyphe, habité par une folle ambition en même temps que par une extrême pusillanimité.
La profession de foi en
la Trinité… signifie que Dieu n’est pas un Dieu solitaire et monomane; il est au contraire lui-même un dialogue, l’accomplissement en soi de l’amour librement donné. Il est en soi communion…
Le mystère de
la Trinité signifie en effet que l’on passe d’une conception du monde dominée par le primat de l’existence en soi de la substance, à une conception du monde placée sous le signe de la personne et de la relation.
Pour le chrétien, la réalité première n’est pas la substance, mais la personne, qui n’est concevable que dans l’échange désintéressé du don et du recevoir.
Le monothéisme chrétien ne signifie pas une unité figée, monolithique, uniformisante et tyrannique, qui exclut, absorbe ou étouffe toute autre forme d’être. Cette unité là ne serait qu’indigence.
L’unité divine est au contraire surabondance… offrande… don…
Elle est l’unité qui rassemble au lieu d’exclure, elle est partage et réciprocité dans l’amour…
Les « lieux de l’être », ce ne sont ni le pouvoir ni le faste, mais le service et l’humilité, et là sont aussi la constance et la pérennité.
WALTER KASPER, La foi au défi, fin
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