Archive pour le 13 février, 2007

MESSAGE DE SA SAINTETÉ BENOÎT XVI POUR LE CARÊME 2007

13 février, 2007

du site Vatican:

MESSAGE DE SA SAINTETÉ
BENOÎT XVI
POUR LE CARÊME 2007
 
« Ils regarderont celui

Chers frères et sœurs! 

« Ils regarderont celui qu’ils ont transpercé. » (Jn 19, 37). C’est le thème biblique qui guidera cette année notre réflexion quadragésimale. Le Carême est une période propice pour apprendre à faire halte avec Marie et Jean, le disciple préféré, auprès de Celui qui, sur
la Croix, offre pour l’Humanité entière le sacrifice de sa vie (cf. Jn 19, 25). Aussi, avec une participation plus fervente, nous tournons notre regard, en ce temps de pénitence et de prière, vers le Christ crucifié qui, en mourant sur le Calvaire, nous a révélé pleinement l’amour de Dieu. Je me suis penché sur le thème de l’amour dans l’encyclique Deus caritas est, en soulignant ses deux formes fondamentales : l’agape et l’eros

L’amour de Dieu : agape et eros

Le terme agape, que l’on trouve très souvent dans le Nouveau Testament, indique l’amour désintéressé de celui qui recherche exclusivement le bien d’autrui ; le mot eros, quant à lui, désigne l’amour de celui qui désire posséder ce qui lui manque et aspire à l’union avec l’aimé. 

L’amour dont Dieu nous entoure est sans aucun doute agape. En effet, l’homme peut-il donner à Dieu quelque chose de bon qu’Il ne possède pas déjà ? Tout ce que la créature humaine est et a, est un don divin : aussi est-ce la créature qui a besoin de Dieu en tout. Mais l’amour de Dieu est aussi eros. Dans l’Ancien Testament, le Créateur de l’univers montre envers le peuple qu’il s’est choisi une prédilection qui transcende toute motivation humaine. Le prophète Osée exprime cette passion divine avec des images audacieuses comme celle de l’amour d’un homme pour une femme adultère (3, 1-3) ; Ézéchiel, pour sa part, n’a pas peur d’utiliser un langage ardent et passionné pour parler du rapport de Dieu avec le peuple d’Israël (16, 1-22). Ces textes bibliques indiquent que l’eros fait partie du cœur même de Dieu : le Tout-puissant attend le « oui » de sa créature comme un jeune marié celui de sa promise. Malheureusement, dès les origines, l’humanité, séduite par les mensonges du Malin, s’est fermée à l’amour de Dieu, dans l’illusion d’une impossible autosuffisance (Jn 3, 1-7). En se repliant sur lui-même, Adam s’est éloigné de cette source de la vie qu’est Dieu lui-même, et il est devenu le premier de « ceux qui, leur vie entière, étaient tenus en esclavage par la crainte de la mort » (Hb 2, 15). Dieu, cependant, ne s’est pas avoué vaincu, mais au contraire, le « non » de l’homme a été comme l’impulsion décisive qui l’a conduit à manifester son amour dans toute sa force rédemptrice. 

La Croix révèle la plénitude de l’amour de Dieu. 

C’est dans le mystère de
la Croix que se révèle pleinement la puissance irrésistible de la miséricorde du Père céleste. Pour conquérir à nouveau l’amour de sa créature, Il a accepté de payer un très grand prix : le sang de son Fils Unique. La mort qui, pour le premier Adam, était un signe radical de solitude et d’impuissance, a été ainsi transformée dans l’acte suprême d’amour et de liberté du nouvel Adam. Aussi, nous pouvons bien affirmer, avec Maxime le Confesseur, que le Christ « mourut, s’il l’on peut dire, divinement parce que il murut librement » (Ambigua, 91, 1956). Sur
la Croix, l’eros de Dieu se manifeste à nous. Eros est effectivement – selon l’expression du Pseudo-Denys – cette force « qui ne permet pas à l’amant de demeurer en lui-même, mais le pousse à s’unir à l’aimé » (De divinis nominibus, IV, 13 : PG 3, 712). Existe-t-il plus « fol eros » (N. Cabasilas, Vita in Christo, 648) que celui qui a conduit le Fils de Dieu à s’unir à nous jusqu’à endurer comme siennes les conséquences de nos propres fautes ? 

« Celui qu’ils ont transpercé » 

Chers frères et sœurs, regardons le Christ transpercé sur
la Croix ! Il est la révélation la plus bouleversante de l’amour de Dieu, un amour dans lequel eros et agape, loin de s’opposer, s’illuminent mutuellement. Sur
la Croix c’est Dieu lui-même qui mendie l’amour de sa créature : Il a soif de l’amour de chacun de nous. L’apôtre Thomas reconnut Jésus comme « Seigneur et Dieu » quand il mit la main sur la blessure de son flanc. Il n’est pas surprenant que, à travers les saints, beaucoup aient trouvé dans le cœur de Jésus l’expression la plus émouvante de ce mystère de l’amour. On pourrait précisément dire que la révélation de l’eros de Dieu envers l’homme est, en réalité, l’expression suprême de son agape. En vérité, seul l’amour dans lequel s’unissent le don désintéressé de soi et le désir passionné de réciprocité, donne une ivresse qui rend légers les sacrifices les plus lourds. Jésus a dit : « Quand je serai élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes. » (Jn 12, 32). La réponse que le Seigneur désire ardemment de notre part est avant tout d’accueillir son amour et de se laisser attirer par lui. Accepter son amour, cependant, ne suffit pas. Il s’agit de correspondre à un tel amour pour ensuite s’engager à le communiquer aux autres : le Christ « m’attire à lui » pour s’unir à moi, pour que j’apprenne à aimer mes frères du même amour. 

Le sang et l’eau. 

« Ils regarderont celui qu’ils ont transpercé ». Regardons avec confiance le côté transpercé de Jésus, d’où jaillissent « du sang et de l’eau » (Jn 19, 34) ! Les Pères de l’Église ont considéré ces éléments comme les symboles des sacrements du Baptême et de l’Eucharistie. Avec l’eau du Baptême, grâce à l’action du Saint Esprit, se dévoile à nous l’intimité de l’amour trinitaire. Pendant le chemin du Carême, mémoire de notre Baptême, nous sommes exhortés à sortir de nous-mêmes pour nous ouvrir, dans un abandon confiant, à l’étreinte miséricordieuse du Père (cf. saint Jean Chrysostome, Catéchèses 3,14). Le sang, symbole de l’amour du Bon Pasteur, coule en nous tout spécialement dans le mystère eucharistique : « L’Eucharistie nous attire dans l’acte d’offrande de Jésus… nous sommes entraînés dans la dynamique de son offrande » (Encyclique Deus caritas est, 13). Nous vivons alors le Carême comme un temps « eucharistique », dans lequel, en accueillant l’amour de Jésus, nous apprenons à le répandre autour de nous dans chaque geste et dans chaque parole. Contempler « celui qu’ils ont transpercé » nous poussera de manière telle à ouvrir notre cœur aux autres en reconnaissant les blessures infligées à la dignité de l’être humain ; cela nous poussera, en particulier, à combattre chaque forme de mépris de la vie et d’exploitation des personnes, et à soulager les drames de la solitude et de l’abandon de tant de personnes. Le Carême est pour chaque chrétien une expérience renouvelée de l’amour de Dieu qui se donne à nous dans le Christ, amour que chaque jour nous devons à notre tour « redonner » au prochain, surtout à ceux qui souffrent le plus et sont dans le besoin. De cette façon seulement nous pourrons participer pleinement à la joie de Pâques. Marie, Mère du Bel Amour, tu nous guides dans ce chemin du Carême, chemin d’authentique conversion à l’amour du Christ. A vous, chers frères et sœurs, je souhaite un chemin du Carême profitable, et je vous adresse affectueusement à tous une spéciale Bénédiction Apostolique. 

Du Vatican, le 21 novembre 2006. 

BENEDICTUS PP. XVI 

demain Saint-Cyrille et Saint-Méthode

13 février, 2007

du site:

http://www.radio.cz/fr/article/29939/limit


La Fête nationale de Saint-Cyrille et Saint-Méthode 
[05-07-2002] Par Jaroslava Gissubelova Écoute
  Une distance de plus de 11 siècles nous sépare d’un événement qui est inscrit, aujourd’hui, dans le calendrier tchèque comme la fête nationale de Saint-Cyrille et Saint-Méthode. Le 5 juillet a été établi fête à la mémoire de deux apôtres de Salonique, /l’actuelle Grèce/, les saints Cyrille et Méthode, venus vers 863 dans l’Etat de Grande Moravie pour y propager la foi et la culture chrétienne dans la langue slave. Puisque cette fête est jour férié en République tchèque, nous vous proposons, au lieu de Faits et événements, un programme spécial sur une grande oeuvre d’évangélisation entreprise il y a 1139 ans… Saint-Cyrille et Saint-Méthode 

La musique qui nous accompagnera est tirée de
la Messe glagolitique de Leos Janacek qui, enfant, participait au couvent de Brno aux festivités du millénaire de la mort de Méthode. Ce n’est qu’à l’âge de 72 ans, que l’idée lui est revenue d’incarner sa profonde impression qu’il en avait gardé dans son oeuvre monumentale,
la Messe glagolitique. 
Avant de commencer une excursion dans la profondeur des temps, sur les traces de la mission des saints Cyrille et Méthode, rappelons qu’il s’agissait de la première traduction de la bible et de textes liturgiques rédigés jusqu’alors en latin uniquement, dans une langue et une écriture slaves. Rappelons aussi que la mission des apôtres de Salonique, l’antique Thessalonique, était liée avec l’existence de la première formation étatique commune des Tchèques et des Slovaques sur notre territoire -
la Grande Moravie, créé en 863. Avec la dislocation de cette dernière, la mission a pris fin, sans être pour autant perdue. L’élément byzantin oriental s’étant montré étranger et éloigné, le pays allait retourner à la liturgie chrétienne occidentale. Il n’empêche que la mission a laissé une empreinte profonde et que, en son temps, elle était d’une importance énorme, au point de vue religieux et culturel, mais aussi politique. Quelle était donc la situation avant l’arrivée de deux missionnaires sur notre territoire? 
En 845, 14 princes tchèques se sont converti au christianisme pour renforcer leurs pouvoirs à la tête des différentes principautés. Au fur et à mesure, celle de Moravie devient un centre autour duquel une nouvelle formation étatique – le premier Etat des Tchèques, Moraves et Slovaques -
la Grande Moravie, est née. Cet état va s’appeler
la Grande Moravie. Ses princes doivent tenir tête aux efforts systématiques des Francs germaniques visant à dominer le pays sur le plan politique mais aussi spirituel. Face à ces conquêtes expansionnistes, les princes cherchaient un appui auprès du puissant Empire romain de Byzance: ainsi le prince morave Rastislav adresse à l’empereur byzantin, Michel III, une requête, pour obtenir l’envoi d’un évêque et maître qui puisse expliquer à ses peuples la vraie foi chrétienne dans leur langue. 
On choisit deux frères érudits, Cyrille et Méthode, qui acceptent de se rendre, probablement dès 863, de Salonique en Grande Moravie, carrefour des influences réciproques entre l’Orient et l’Occident. Ils ont entrepris une mission à laquelle ils ont consacré tout le reste de leur vie, marquée par des voyages, des privations, des souffrances, des hostilité et des persécutions qui sont allées, pour Méthode jusqu’à une captivité. Bien préparés à leur tâche, ils ont apporté les textes de la sainte Ecriture indispensables à la célébration de la sainte liturgie, préparés et traduis par eux en langue vieille-slave, écrits avec un alphabet nouveau, conçu par Cyrille et parfaitement adapté à la phonétique de cette langue. 

L’activité missionnaire des deux Frères a connu un succès considérable, mais aussi des difficultés inévitables auxquelles se heurtait le processus de christianisation, antérieurement accomplie par les Eglises latines limitrophes. Car il ne fait pas de doute que le christianisme existait sur le territoire de notre pays avant l’arrivée des missionnaires. Les débuts de christianisation de
la Grande Moravie étaient liés à une mission antérieure, celle de l’épiscopat bavarois, réalisée sur injonction de Charlemagne après la défaite des Avares, en 796. Les textes religieux fondamentaux, par ex. le Credo, le Pater, les voeux du baptême et les prières de confession avaient été traduits dans le dialecte des Slaves occidentaux par les prêtres bavarois déjà au début du 9e siècle. Une légende de la vie de Cyrille affirme qu’à l’époque où ce dernier est venu en Moravie, des « prêtres francs et latins » y exerçaient déjà leur activité. On sait aussi qu’il y avait des missionnaires originaires du territoire adriatique, de Dalmatie. Ce sont les fouilles archéologiques réalisées en Moravie du sud et près de Nitra, en Slovaquie occidentale, qui ont définitivement confirmé que le christianisme a commencé à se propager dans le pays dès le début du 9e siècle et que, dans la première moitié du 9e siècle, le pays a été déjà, au fond, un pays chrétien. 
Pendant leur séjour en Grande Moravie, Cyrille et Méthode ont rédigé les premiers textes juridiques slaves sous le nom de Zakon sudnyj ljudem. Mais ce code civil n’est jamais entré en plein usage parce qu’il se heurtait en maintes choses, notamment en ce qui concerne les lois sur la vie conjugale, au droit coutumier du pays et devenait une source de divergence entre Méthode et les princes moraves. Cyrille a inventé pour l’usage des Slaves l’écriture glagolitique, nommé d’après lui l’alphabet cyrillique. Plus tard il a traduit les 4 Evangiles, les Epîtres du Nouveau Testament et les Actes des Apôtres de même qu’une partie des Psaumes. De son côté, Méthode a fini la traduction du grec en vieux-slave du Vieux Testament. Au moyen âge, c’était la seule traduction de
la Bible dans une langue nationale. 
En traduisant la bible et les textes liturgiques, les apôtres ont jeté les bases de toute une culture autonome. Les disciples des deux frères ont créé, eux, les légendes racontant la vie de leurs maîtres. Les biographies de Cyrille et Méthode comptent parmi les plus anciens souvenirs littéraires originaux slaves de la fin du 9e siècle. Un nombre suffisant de prêtres se sont appropriés la langue vieille-slave, en la propageant dans leurs prières. Arrêtons-nous un instant sur la langue créé par Cyrille et Méthode. Pour base, ils ont pris l’alphabet grec, en empruntant certaines lettres au glagolitique employé en Bulgarie. Pourquoi, peut-on se demander, un élément au prime abord aussi étrange à nos peuples, proches plutôt de la culture latine occidentale? Compte tenu du contexte historique, la mission avait pour objectif, nous l’avons dit, de créer une liturgie autonome face à l’élément germanique expansionniste. L’émancipation religieuse à l’égard de l’empire franc a été la première et principale raison pour laquelle l’écriture et la langue vieille-slave ont été créées. 

Les deux frères ont accompli leur mission en 867: la bible, les textes liturgiques, de même que des traités juridiques ont été traduits dans l’écriture cyrillique et le vieux-slave est devenu une langue de la liturgie chrétienne. Sous le règne du puissant prince Svatopluk, l’essor de l’Empire de Grande Moravie a atteint son apogée: à l’est, son empire s’étendait jusqu’à
la Lusace, tandis qu’à l’ouest, c’était toute
la Slovaquie occidentale et une partie du territoire de Pannonie, une région sur le Danube. Hélas, cet essor n’a pas duré longtemps… 
Saint-Cyrille et Saint-Méthode Cyrille et Méthode ont quitté
la Grande Moravie et pris le chemin de Rome. Leur itinéraire passait par Venise où l’on discutait publiquement les principes novateurs de leur mission. A Rome, le Pape Adrien II, les a accueillis avec beaucoup de bienveillance. Il a approuvé les livres liturgiques slaves qu’il a ordonné de déposer solennellement sur l’autel de l’église Sainte-Marie-Majeure, en recommandant d’ordonner prêtres leurs disciples. Or Méthode a dû repartir seul pour l’étape suivante, son frère, malade, meurt le 14 février 869, à Rome. 
Après la mort de Cyrille, l’oeuvre des deux saints traversait une crise grave et la persécution contre leurs disciples est devenue si forte qu’ils étaient contraints d’abandonner le terrain de leur mission. Fidèle aux paroles que Cyrille lui avait dites sur son lit de mort, Méthode a poursuivi son activité apostolique, étant nommé légat pontifical pour les peuples slaves et consacré archevêque pour le territoire de Pannonie. Hélas, il est captivé, et libéré seulement sur intervention personnelle du pape. Après avoir sacré les dernières années de sa vie à d’autres traductions de la sainte Ecriture et de textes liturgiques, Méthode meurt, le 6 avril 885. 

Par sa mort, les problèmes au sein de
la Grande Moravie culminent. L’attachement à la liturgie slave provoquait, déjà de sa vie, des litiges avec l’épiscopat bavarois. Dans l’espoir d’atténuer ces conflits, le prince Svatopluk a interdit la liturgie slave et chassé les disciples de Méthode du pays. Ces derniers ont trouvé un refuge en Croatie et en Bulgarie, d’où leur culture allait se propager vers
la Russie. Les mesures sévères prises par Svatopluk n’ont cependant pas pu détourner l’éclatement de son Empire: face aux attaques franques, et finalement face à une invasion dévastatrice des troupes magyares, l’Etat de Grande Moravie n’arrive plus à résister. Après 906, les sources historiques ne font plus mention de
la Grande Moravie. 
La valeur de l’oeuvre évangélisatrice de Cyrille et Méthode vient de ce qu’ils ont comme premiers essayé de réunir les éléments orientaux et occidentaux, tâchant en même temps de respecter la culture indigène. Paradoxalement, c’est en Bulgarie et en Russie que leur oeuvre s’est enracinée et développée, en laissant des traces jusqu’à nos jours dans l’Eglise orthodoxe, pas dans les pays pour lesquels elle était destinée. Alors que l’alphabet cyrillique s’est conservé en Russie et en Bulgarie, dans nos pays il a cédé la place à l’écriture latine. La valeur de l’oeuvre de Cyrille et Méthode réside également dans le fait qu’ils ont compris l’épanouissement du christianisme en tant qu’épanouissement de l’érudition ce qui était vraiment unique à l’époque. Tout à fait exceptionnel et surprenant a été le radicalisme avec lequel ils défendaient l’idée humaniste de l’égalité en droit des peuples devant Dieu. La mission cyrillo-métodienne a laissé une empreinte durable sur notre territoire: que ce soit sous forme de coexistence parallèle, pendant des siècles à venir, de la liturgie latine occidentale et de celle slave orientale, ou dans les manuscrits et chants anciens, sans oublier leur influence sur la construction des monastères et églises fidèle à la tradition byzantine. Ainsi, mentionnons le monastère de Sazava en Bohême centrale, l’un des plus influents à l’époque, construit en 1070 en forme de la croix grecque. Le Monastère d’Emaüses de Prague est lui-aussi lié à la tradition cyrillique. D’autres enclaves de la culture slave orientale se trouvent à Rajhrad, à Veliz, à Ostrov, toujours avec un important rayon d’action parmi les croyants.  Les célébrations de saint Cyrille et saint Méthode ont lieu traditionnellement à Velehrad, lieu de pèlerinage réputé par sa basilique monumentale, autrefois centre politique et administratif de
la Grande Moravie, comme le prouvent des fouilles archéologiques. Un concert des hommes de bonne volonté, le soir du 4 juillet, et un pèlerinage national, le 5 juillet, sont les points d’orgue des festivités cyrillo-métodiennes à Velehrad. 

demain Saint-Cyrille et Saint-Méthode dans Approfondissement cyril1

du site:

http://www.florin.ms/aleph5.html

Lettre aux générations futures: La violence de l’amour

13 février, 2007

Du site:  Lettre aux générations futures 

http://www.unesco.org/opi2/lettres/TextFrancais/LustigerF.html

La violence de l’amour 

Une bouteille à la mer. Autrefois, au temps de la marine à voiles, les naufragés enfermaient dans une bouteille jetée à la mer leur ultime message ou leur appel de détresse, dans l’espoir qu’un jour quelqu’un le découvre…
De même, je jette sur l’immense mer du temps ces quelques lignes, ne sachant qui elles atteindront dans un demi-siècle. Quant à notre génération, elle sera depuis longtemps, selon l’expression de saint Paul dans sa lettre aux Colossiens (III, 3),  » cachée avec le Christ en Dieu « .
Je pense d’ailleurs plus probable que personne, alors, n’en tirera d’autre profit si ce n’est, peut-être, de s’en amuser. Je le souhaite, redoutant pour cet hypothétique lecteur que ces lignes n’éveillent la nostalgie d’une imaginaire  » belle époque « , si, comme cela est possible, le temps qu’il vit alors est plus cruel encore que le nôtre. Car tout est possible.

Le meilleur comme le pire est toujours possible
Tout est toujours possible en ce monde, le meilleur comme le pire de la part des hommes. Voilà une première affirmation qui peut paraître bien naïve parce qu’évidente. Il ne m’a pourtant pas été facile de l’écrire, alors que notre siècle a été emporté dans des projets colossaux de transformation de l’humanité, en croyant que le bonheur était pour demain et qu’il suffisait d’attendre pour qu’apparaissent inéluctablement  » des lendemains qui chantent « .
 » Le meilleur comme le pire !  » car ce qui constitue la condition humaine, c’est sa liberté spirituelle, faite pour choisir le bien et cependant blessée au point de le refuser. Mystère de la condition humaine qui dépasse toutes ses déterminations. Mystère déjà exprimé dans la première page du récit de
la Genèse qui nous décrit, nous hommes,  » créés à l’image et à la ressemblance de Dieu « , nous détournant de lui.
Si donc nous sommes capables du meilleur comme du pire, nous devrions savoir depuis tant de millénaires écoulés comment choisir le bien plutôt que de le refuser. Car on ne choisit jamais le mal. Le penser est l’illusion suicidaire de celui qui pour mieux vivre se précipite dans la mort.

L’expérience ne se transmet pas
Arrivé à ce point, je mesure combien il peut vous paraître étrange de vous proposer, pour un futur qui nous est insaisissable, des conseils et des recommandations tant de fois renouvelés au cours des siècles précédents par tant d’hommes et de femmes qui ont cherché la vérité et mis toutes leurs forces à tenter de lui être fidèles. Il devrait suffire de vous renvoyer aux classiques de l’humanité.
Peut-être attendez-vous de nous plus de modestie. En faisant l’inventaire des erreurs, des fautes commises par notre génération, voire même par notre siècle, peut-être pourrions-nous en tirer quelque enseignement positif à votre usage. Mais là aussi j’hésite. Une seconde évidence se présente, en effet, à mon esprit : l’expérience ne se transmet pas.
On peut transmettre des savoirs, des savoir-faire ; mais rien ne peut dispenser un être humain d’engager sa liberté et de l’éprouver, d’ouvrir son propre esprit à la vérité qui s’offre à lui et d’obéir à la lumière qu’il en reçoit, d’entrer dans l’apprentissage véritable de ce que saint Jean appelle l’amour. Il applique ce mot à Dieu pour en nommer le mystère. L’amour, c’est-à-dire l’oubli de soi au point de se perdre et, dans ce don de soi, recevoir la vie. Ce que résume cet avertissement paradoxal du Christ :  » Celui qui cherche sa vie la perdra ; celui qui la perd à cause de moi la trouvera.  » (Luc, XIX, 24).
Lorsque j’ai écrit  » l’expérience ne se transmet pas « , je voulais vous dire : aucun artifice ne vous dispensera de vivre par vous-mêmes l’amour qui vous a fait naître. Aucune richesse transmise ou héritée ne pourra remplacer la libre disposition par laquelle vous saurez donner plutôt que recevoir. Aucune vie reçue ne vous dispensera de vivre, c’est-à-dire de donner votre vie. Aucun savoir ne vous dispensera de réfléchir à cet appel :  » Qui fait la vérité vient à la lumière  » (Jean, III, 21),  » qui vient à ma suite ne marchera pas dans les ténèbres, il aura la lumière de la vie  » (Jean, VIII, 12). Secret messianique pour le salut des hommes qui n’est dévoilé qu’à celui qui s’engage dans ce chemin.

La paix est impossible
S’il fallait donc commencer d’entreprendre cet examen de nos échecs et de nos réussites, je le résumerais dans une seule formule : la paix est impossible.
Notre siècle a, sans le vouloir, réussi à établir d’étranges territoires de paix totale : il y a accompli l’extermination de toute vie humaine et accessoirement du reste. Une paix beaucoup plus intense que celle de nos cimetières. Car, dans un cimetière, il y a des tombes auprès desquelles les vivants renouent les liens de la mémoire avec les générations passées.
Mais notre siècle a su créer des cimetières absolus, des cimetières dépourvus de tombes et où aucun vivant ne pouvait plus pénétrer. Ce fut le cas d’Hiroshima et de Nagasaki au Japon, où, à la fin de la seconde guerre mondiale, les armes atomiques détruisirent toute vie et interdirent aux vivants d’y revenir, sous peine de mourir à leur tour.
Ce fut le cas aussi de cet enfer créé par des hommes qui se désignaient eux-mêmes comme des surhommes, pour y avilir et y exterminer ceux qu’ils appelaient des sous-hommes. C’est ce que fit le régime nazi de l’Allemagne en détruisant plusieurs millions de juifs sur le territoire de l’Europe. Ceux qui accomplirent ce crime se détruisirent aussi eux-mêmes moralement, sinon toujours physiquement, morts vivants, hommes qui se dépouillèrent eux-mêmes de leur humanité.
Ni Hiroshima, ni Auschwitz, ni bien d’autres lieux dont vous découvrirez le nom en feuilletant les archives de l’histoire, ne sont des prototypes de la paix.
Mais alors ? Il nous aurait fallu découvrir que la paix était un combat et que sa défense exigeait la mobilisation de toutes les ressources humaines. Notre siècle en plusieurs circonstances n’a su établir la paix que par les moyens de la guerre, au nom du  » droit d’ingérence « . Et ce fut, aux yeux de beaucoup, un immense progrès, dans l’espérance d’établir un ordre juridique international capable de garantir en tout lieu et en tout temps le respect des droits fondamentaux. Là encore, vérifiez les annales de l’Afrique, de l’Asie, de l’Europe, etc.
Cependant, combien il fut difficile de peser le poids
des malheurs, ceux que provoquaient les conquêtes guerrières des tyrans et ceux que provoquait la défense guerrière des forces de paix !
Cette  » guerre des justes  » a invoqué le droit et le bon droit, mais n’apparaîtra-t-elle pas aux yeux de vos générations comme une forme renouvelée de la guerre où ceux qui la mènent s’autojustifient ? Comment la guerre pourrait-elle détruire la guerre, la violence arrêter la violence, la haine supprimer la haine ?

Aimez vos ennemis
Pouvons-nous donc identifier une guerre autre qui produise la paix ? Il faut nécessairement, dans ce cas, que les armes soient différentes, les stratégies opposées. On fait disparaître le mal non par le mal mais par le bien. Le choix des moyens fait partie du respect de la fin.
Il nous faut donc trouver une violence du bien, radicalement différente de la violence du mal, une violence de l’amour qui soit capable de supporter et de vaincre la violence de la haine.
Voilà bien des siècles que cette force est à l’œuvre. Elle se nomme le pardon ou la miséricorde. Elle apparaît avec une radicalité absolue dans le témoignage des Évangiles : le Messie crucifié n’est pas une victime qui subit une violence imposée. Il est habité par la puissance divine de l’amour qui, seul, peut changer le cœur du bourreau, alors même que celui-ci accomplit son crime. Il est habité par la puissance divine du pardon qui, seul, peut briser le cercle infernal de la vengeance.
Il ne s’agit pas seulement d’une médiation pacifique au prix de sa propre vie comme en furent le symbole quelques-unes des grandes figures de notre siècle, victimes qui devinrent l’étendard pacifique des opprimés : Martin Luther King, Gandhi, Dag Ammarskjöld. De ceux-là et de quelques autres, certains ont retenu la puissance d’une technique non violente s’opposant aux violences de la technique. Mais la non-violence ne permet pas de nommer le péché ni de guérir les plaies qu’en subit la liberté du pécheur, ni de donner à la victime la force de lui pardonner et même de l’aimer.
 » Aimez vos ennemis  » : ce précepte donné par Jésus invite à aimer même celui qui vous hait, qui vous attaque, qui vous fait mal, et non seulement à s’opposer à lui sans violence. Est-ce humainement possible ? Le Messie l’a fait, car  » tout est possible à Dieu  » (Matth., XIX, 26). Il appelle ses disciples à mettre en œuvre cette même force divine de pardon.

Aimez la vie
Ce que je vous décris peut vous paraître une impossible utopie. Pourtant, nous avons expérimenté, non seulement en notre siècle, mais tout au long des millénaires écoulés, que cette force travaille comme un ferment la sombre pâte humaine.
Il serait naïf d’imaginer l’histoire des hommes, ainsi que je vous le disais en commençant, échappant aux conflits et aux combats qui la caractérisent, à moins que les hommes ne soient réduits à l’inconscience et à l’esclavage. Et encore, les esclaves se sont battus entre eux : les drogués se sont déchirés pour leurs drogues.
Seule la violence de l’amour qui pardonne peut répondre à l’excès du mal dont l’homme peut être l’auteur. Cet amour, c’est Dieu lui-même, vers qui nous nous tournons lorsque nous prions. Encore faut-il apprendre à prier et vouloir prier.
C’est la grandeur de l’humanité d’être capable de mener ce combat, de faire naître sans cesse l’espérance là où tant de nos semblables ont désespéré, de rétablir des ponts là où tous les liens ont été détruits, de permettre aux hommes de se respecter et de s’accepter là où le mépris et les calculs d’intérêt ont tout faussé.
Je prie Dieu que, dans les générations qui viennent, ces  » naïfs « , ces  » ravis « , ces  » chimériques  » continuent de maintenir la flamme vive qui sauve l’humanité dans sa course folle.
Notre siècle en a reconnu quelques-uns qui vécurent au milieu des pires horreurs concentrationnaires. Je préfère, en terminant, mettre sous vos yeux la figure de saint François d’Assise qui surgit au début du IIe millénaire, dans le sein d’une Europe déchirée. Il a été le témoin de cette générosité qui se fait pauvre pour enrichir tous les hommes, qui se fait pacifique pour arrêter les conflits, qui invite l’homme à ne pas être le prédateur du cosmos dont Dieu lui a remis la charge, mais à aimer la vie, puisque la vie nous est donnée par Dieu. 

l’Église orthodoxe est une des trois expressions majeures du christianisme.

13 février, 2007

du site:

 http://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/l_eglise_orthodoxe.asp

Olivier Clément 

Professeur de théologie morale et d’histoire de l’Église à l’institut Saint-Serge.

Avec le catholicisme romain et les Églises issues de
la Réforme, l’Église orthodoxe est une des trois expressions majeures du christianisme. Elle compte environ deux cents millions de baptisés ; comme le catholicisme, elle est issue de
la Pentecôte et du témoignage des Apôtres. Si les historiens datent de 1054 la séparation de l’orthodoxie et du catholicisme – on disait autrefois les Grecs et les Latins – ils considèrent plutôt cette date comme l’aboutissement d’un lent processus qui a duré du XIe au XIIIe siècle. Olivier Clément a consacré de nombreux ouvrages à l’orthodoxie dont l’Église orthodoxe (Que sais-je ? 2002) ; il nous donne ici quelques principes d’histoire et de théologie qui permettent de mieux comprendre cette Église orthodoxe dont nous admirons les trésors lors de nos voyages.

Son rayonnement dans le monde

Pour les orthodoxes, l’Église universelle se manifeste en plénitude dans chaque communauté eucharistique, autour de l’évêque qui témoigne de cette continuité apostolique. La communion des évêques se structure en Églises « autocéphales », interdépendantes, dont chacune désigne librement son primat. Une Église autocéphale est généralement présidée par un « patriarche ». À l’origine espaces de civilisation, la plupart de ces patriarcats sont devenus depuis deux siècles des « Églises nationales ». Le patriarche de Constantinople ou patriarche « œcuménique » est investi d’une primauté d’honneur depuis que l’Orient et l’Occident chrétiens se sont séparés.

On appelle parfois l’Église orthodoxe, 1′« Orient chrétien »  dans la mesure où elle s’est développée dans la partie orientale de l’Empire romain. Elle englobe une part non négligeable des Arabes du Moyen-Orient, la plupart des pays balkaniques,
la Roumanie, – orthodoxie « latine » –, une partie du Caucase et les grandes Églises slaves, serbe, bulgare, ukrainienne, polonaise et surtout l’Église russe. La nécessité économique et surtout les tragédies de l’histoire – révolutions communistes, effondrement de
la Grèce d’Asie, troubles du Moyen-Orient… – l’ont amenée à s’implanter dans l’Occident entier, de l’Europe de l’Ouest aux Amériques et en Australie. En France, on compte environ deux cent cinquante mille baptisés. Les missions orthodoxes ont été vigoureuses : mission byzantine jusqu’au cercle polaire, mission russe pré-révolutionnaire à travers la haute Asie jusqu’au Pacifique nord. Elles reprennent aujourd’hui en Afrique noire, dans le cadre du patriarcat d’Alexandrie.

Il existe aussi des Églises seulement « autonomes » dont le primat est confirmé ou désigné soit par 1′ « Église-Mère » – les Églises d’Ukraine et du Japon, par exemple, sont sous l’autorité du patriarcat de Moscou – soit par le patriarcat œcuménique comme en Crète, en Finlande ou en Estonie. De ce point de vue, une situation particulièrement complexe en Ukraine oppose Constantinople et Moscou.

Par contre l’importante « diaspora » contemporaine n’a pas encore trouvé un statut canonique et les « juridictions » qui représentent les Églises d’origine s’y affrontent. Des Églises locales plus ou moins autonomes, polyethniques et pluriculturelles semblent s’y préparer, notamment aux États-Unis et en France.

L’Église orthodoxe en France

L’importance du témoignage de l’Église orthodoxe en France et dans les pays voisins dépasse de beaucoup le nombre limité de ses fidèles. Au début du XXe siècle,
la Russie connaissait un puissant renouveau spirituel, intellectuel et artistique et c’est une élite de théologiens et de « philosophes religieux » qui s’est retrouvée à Paris, surtout à l’institut Saint-Serge, fondé en 1925. Un Berdiaev, un Boulgakov, un Chestov ont pu ainsi mener à bien leur œuvre. La génération suivante, née avec le siècle, écrivant directement en français, a réalisé la puissante synthèse « néopatristique », – en référence aux Pères de l’Église du premier millénaire – et « néo-palamite » – du nom de saint Grégoire Palamas, grand théologien byzantin du XIVe siècle. Cette synthèse est devenue aujourd’hui l’enseignement commun de l’orthodoxie tout entière. Mentionnons, entre autres, Vladimir Lossky pour la théologie dogmatique et Léonide Ouspenky pour celle de l’icône. Après 1950, les pères Schmemann et Meyendorff ont permis à 1′ « École de Paris » d’essaimer aux États-Unis. Parallèlement le père Sophrony, disciple du starets Silouane, et le père Lev Gillet, un Français de vieille souche, ont actualisé la spiritualité monastique traditionnelle. Aujourd’hui, si la tradition « russe » de saint Serge continue avec le doyen de l’institut, le père Boris Bobrinskoy, la nouvelle génération de théologiens, à Paris mais aussi en province, en Suisse romande et en Belgique, se compose uniquement d’Occidentaux convertis à l’orthodoxie.

Les fondements de la foi orthodoxe

Tandis que l’orthodoxie restait partiellement fidèle à 1′ecclésiologie de communion du premier millénaire, le catholicisme majorait de plus en plus le rôle du pape, ce qui conduira à la révolte du protestantisme au XVIe siècle. À cela s’est ajoutée une grave difficulté théologique concernant 1′origine et le rôle du Saint-Esprit qui procède du Père et du Fils, filioque, selon l’Occident, du Père seul ou du Père par le Fils selon l’Orient.

La foi orthodoxe se fonde sur l’Écriture et sur les diverses expressions de
la Tradition, qui est la vie du Saint-Esprit dans le Corps du Christ. Parmi ces expressions, les plus importantes sont les écrits des Pères de l’Église et des grands théologiens byzantins. La règle de foi elle-même se concentre dans les définitions des sept conciles œcuméniques qui ont suggéré le mystère de La Trinité – Nicée I, 325 ; Constantinople I, 381 – et celui de la divino-humanité du Christ – Ephèse, 431 : Marie « Mère de Dieu » ; Chalcédoine 451 ; Constantinople II, 553, Constantinople III, 680 ; Nicée II, 787 : l’icône.

Au cœur du message, la mort-résurrection du Dieu-homme qui porte en lui toute l’humanité. Avec celle-ci, le Christ descend dans la mort et dans l’enfer pour les anéantir, pour nous ouvrir les voies de la résurrection et de la transfiguration de l’univers. L’Église-eucharistie fait de nous à la fois des pécheurs pardonnés et des créateurs créés car « Dieu s’est fait homme pour que l’homme puisse devenir Dieu ». Le Christ-Esprit révèle que Dieu est simultanément unité absolue et diversité absolue, Uni-Trinité, source de toute communion. De même en effet il existe un seul Homme, dans la diversité irréductible des personnes. La puissance de Dieu est celle de l’amour. Il est donc crucifié sur tout le mal du monde mais permet à ceux qui s’enracinent en lui par la confiance, l’humilité, la créativité, de devenir des témoins de la résurrection, des artisans du Royaume de
la Vie déjà secrètement présent dans la profondeur de l’Église et de toute existence.

Sous bien des scories, l’Église est le Corps du Christ, le Temple du Saint-Esprit,
la Maison du Père, la source maternelle d’une infinie miséricorde.

C’est pourquoi, d’ailleurs, les prescriptions de l’Église sont toujours adaptées aux situations personnelles par ce qu’on appelle 1′« économie ». Ce mot, qui désigne la relation de Dieu avec sa création, souligne la portée existentielle de toute règle qu’elle peut relativiser. C’est ainsi que les divorcés-remariés peuvent être réadmis à la communion eucharistique, la décision ultime revenant à l’évêque. Comme dans l’Église primitive, un homme marié peut être ordonné prêtre. Par contre, depuis le VIIe siècle, les évêques se recrutent en principe parmi les moines.

La liturgie, le monachisme, l’art de l’icône

Le message pascal – de joie pascale – s’inscrit dans une ample et complexe liturgie, dans une hymnographie foisonnante qui entrecroise les cycles journaliers, hebdomadaires, les fêtes fixes et le cycle proprement pascal. Chaque dimanche, premier et huitième jour de la semaine est le jour eucharistique par excellence.

Unie pour la date de Pâques et le cycle pascal, l’orthodoxie, pour les fêtes fixes, reste divisée entre le calendrier grégorien, comme en Grèce ou en Roumanie, et le calendrier julien, en retard de 13 jours : c’est ainsi que l’Église russe, l’Église serbe et celle de Jérusalem célèbrent
la Noël le 7 janvier, c’est-à-dire le 25 décembre selon le calendrier julien.

Le monachisme, dont la place est essentielle dans l’Église comme exemple et comme intercession, a mis au point une méthode de contemplation, « art des arts et science des sciences », partiellement exposée dans un ample recueil de textes spirituels,
la Philocalie ou « amour de la beauté ». Cette méthode, qui utilise les rythmes du corps pour faciliter l’union de 1′intelligence et du cœur profond, comporte trois grandes étapes : la praxis, la « pratique », qui permet d’accéder à la paix et au silence intérieurs ; la théorla physikè ou contemplation de la nature qui conduit à aimer Dieu à travers sa création ; la théosis, la « déification », vision transformante de la lumière divine. Le père spirituel, guide nécessaire, est un spirituel qui a parcouru cette voie et reçu la grâce de lire dans les cœurs et de pouvoir dire une parole de vie.

L’icône est le seul art traditionnel qui subsiste dans le monde chrétien. Peinte selon des règles précises, elle peut représenter une personne, une scène – le plus souvent décrite par l’Écriture – ou un symbole : ainsi la célèbre icône de Roublev représente l’hospitalité d’Abraham pour évoquer La Trinité. Elle fait surgir des visages pénétrés d’une vivante éternité.

Au risque de la modernité

Après trois quarts de siècle d’écrasement totalitaire, l’Église orthodoxe se remet difficilement. Au-delà de la fusion parfois messianique ou de l’écrasement, elle a du mal à préciser ce que serait une relation libre avec l’État ; il lui est aussi difficile de surmonter le nationalisme religieux, pourtant condamné par le concile de Constantinople de 1872. Dans son vieux rêve de tout englober, elle a du mal à accepter la modernité et à dialoguer avec les autres chrétiens et les autres religions, avec le risque de s’enfermer ainsi dans le ritualisme. Elle fait de l’âge patristique une sorte d’âge d’or dont il faudrait seulement répéter les formulations. Il lui est difficile d’envisager lucidement ses propres problèmes, dont les plus graves sont sans doute la désignation de l’épiscopat et le nationalisme religieux. Pourtant elle recèle des trésors de sainteté et de beauté, elle a donné au XXe siècle des martyrs par milliers. Il faut la connaître avec le cœur.

Olivier Clément

Mars 2002

commentaire au évangile du 13.2.07 du EAQ

13 février, 2007

Saint Vincent de Lérins (?-avant 450), moine
Commonitorium, 23 (trad. bréviaire)

« Vous ne voyez pas ? Vous ne comprenez pas encore ? »

Dans l’Église du Christ, ne peut-il y avoir aucun progrès de la doctrine ?… Mais certainement, il en faut un, et considérable ! Qui serait assez jaloux des hommes et ennemi de Dieu pour tenter de s’y opposer ? Mais à condition qu’il s’agisse d’un véritable progrès de la foi, et non d’une altération… Il faut donc que grandissent et que progressent fortement en chacun comme en tous, chez un seul homme autant que dans l’Église entière, au cours des âges et des siècles, l’intelligence, la science et la sagesse ; mais il faut qu’elles progressent chacune, selon sa propre nature, c’est-à-dire dans la même doctrine, le même sens, la même affirmation.Que la religion des âmes imite donc le développement des corps : bien qu’ils évoluent et qu’ils grandissent au cours des années, ils demeurent ce qu’ils étaient. Il y a grande différence entre l’éclosion de l’enfance et les fruits de la vieillesse, mais c’est la même personne qui passe de l’enfance au grand âge. C’est un seul et même homme dont la stature et les manières se modifient, tandis qu’il garde la même nature, qu’il demeure une seule et même personne. Les membres des bébés sont petits, ceux des jeunes gens sont grands ; ce sont pourtant les mêmes…, ils existaient déjà en puissance chez l’embryon…

La foi chrétienne, de même, doit suivre ces lois du progrès pour qu’elle se fortifie avec les années, que le temps la développe, que l’âge l’ennoblisse. Nos pères ont semé jadis le froment de la foi pour la moisson de l’Église. Il serait injuste et choquant que nous, leurs descendants, au lieu du blé de la vérité authentique, nous y récoltions l’erreur frauduleuse de l’ivraie (Mt 13,24s). Au contraire, il est juste et logique qu’il n’y ait pas de désaccord entre les débuts et la fin et que nous moissonnions ce blé qui s’est développé depuis que le même blé a été semé. Ainsi, alors qu’une partie des premières semences doit évoluer avec le temps, il conviendra encore maintenant de les fertiliser et d’en parfaire la culture.