Dieu est Amour – (SBF)
16 novembre, 200628.01.2006 @ 13:13
Dieu est Amour
SBF Dialogue (Studium Biblicum Franciscanum Jerusalem)
La première lettre encyclique de Benoit XVI plonge ses lecteurs dans l’immensité du mystère de Dieu et de l’homme tout à la fois. Du fait même elle a une dimension inter religieuse, car elle concerne tout homme. C’est la qualité divine de l’amour qui mesure la qualité humaine d’une vie. Pour le chrétien tout ce qui est humain prend une nouvelle dimension religieuse. Les racines juives de cette doctrine sont rappelées clairement.
L’unique commandement de l’amour concerne Dieu et l’homme. L’amour du prochain n’est pas une simple répétition de l’amour de Dieu : aimer le prochain, c’est plus qu’aimer Dieu dans le prochain, c’est aimer l’homme tout court, en cherchant dans l’amour de Dieu pour l’homme son fondement. L’unique motif d’aimer l’homme est l’amour de Dieu pour nous
Les caricatures de la charité sont nombreuses dans le monde globalisé au point que le mot lui-même de charité est suspect. Le procès fait à la charité est entamé au nom de la justice. La charité exige la justice, mais la dépasse. Bien plus, la charité doit présider aux combats de la justice en dépassant l’équilibre des droits. Peut-être est-ce là le plus grand défi lancé à la dureté des temps modernes épris de justice. La charité n’est pas la justice. La justice concerne l’ordre politique. Cependant, ce qui reste fondamental est le «service d’amour», nécessaire à l’homme. Il convient donc que l’État reconnaisse le bien-fondé de l’intervention directe de l’Église en matière de charité, et lui donne toute sa place.
Tout amour vient de Dieu et appelle à une charité renouvelée. Les religions ne sont pas d’abord affaire de loi ou de morale, mais d’amour. L’amour est inscrit au plus profond de tout être humain. On accuse parfois le christianisme d’avoir méconnu cette réalité. Benoît XVI répond à cette objection : ce que la Bible dénonce, c’est l’eros réduit à une expérience de la plus haute béatitude. C’est là une fausse divinisation de cet amour qui prive l’homme de sa dignité et le dégrade. L’amour vrai , l’agapê, a partie liée au divin, puisqu’il promet l’infini et l’éternité.
Benoit XVI s’attache à établir ce lien sur la base de la constitution de l’être humain, à la fois corps et âme voués à s’accepter pour accéder à leur dignité : «Le défi de l’eros est vraiment surmonté lorsque cette unification est réussie» entre corps et âme. Ce n’est donc pas l’Église qui rabaisse le corps mais une fausse exaltation du corps qui le réduit à une chose : «L’eros rabaissé simplement au sexe devient une marchandise».
La Bible sait que la beauté ne peut pas sauver l’homme si elle est séparée du bien. La beauté excite le désir de l’homme. Le véritable amour n’est pas cependant un érotisme impersonnel. Il met l’eros au service de l’agapê pour l’épanouir et l’ouvrir à sa véritable dimension d’absolu. Le commandement biblique de l’amour demande d’aimer Dieu avec tout son coeur, avec les deux tendances qui sont dans le coeur de l’homme, avec l’eros et l’agapê. S’abandonner au mouvement aveugle de l’eros c’est se désintégrer. Intégrer réellement l’eros signifie permettre à la force de la vie de devenir célébration d’une rencontre et joie de la découverte d’une tendresse.
Enfin, «la façon dont Dieu aime devient la mesure de l’amour humain.» Ainsi, «l’amour de Dieu et l’amour du prochain se fondent l’un dans l’autre. Un processus jamais achevé au fil d’une vie, jusqu’à ce que Dieu soit découvert «plus intime à moi-même que moi-même», comme l’affirme saint Augustin, qui conclut : «L’amour grandit par l’amour».
Pour Grégoire de Nysse Abraham est le symbole de l’homme qui sans poser de questions chemine à travers les profondeurs mystérieuses de Dieu. Or les fils d’Abraham, juifs, chrétiens et musulmans, se comportent différemment de leur père: ils posent des questions et exigent des preuves. Les chrétiens ont conclu de la définition du Dieu-Amour à un Dieu-Trinité, communion d’amour. Parler d’un Dieu Trinité signifie retourner au polythéisme pour les Juifs et les Musulmans. Même si la Trinité n’est qu’une expression de l’Amour de Dieu comme l’affirment les chrétiens, que signifie un Dieu Amour alors que l’homme se comporte comme un loup envers les autres? Cet Amour transparaît si peu dans notre monde violent. Les interrogations ne manquent pas. Pascal, le philosophe, notait déjà: “La révélation signifie le voile ôté, or l’incarnation voile encore davantage la face de Dieu”. Un dialogue inter-religieux en profondeur ne peut pas éviter d’aborder le mystère de Dieu. “Dieu est plus grand que notre coeur”, affirme 1 Jn 3,20. Il est plus grand que ce que nos Ecritures peuvent nous dire ou nous faire comprendre de lui.
Benoit XVI invite les chrétiens à entrer dans le silence de Dieu pour contempler son mystère de communion et d’unité. Le silence qui est une qualité de Dieu n’est plus à la mode. Il demeure cependant une condition essentielle pour découvrir Dieu présent en nous. Si le Dieu que nous adorons est le Dieu vivant, et non pas une idole que nous recomposons à partir de notre raison, ce Dieu ne peut être que plus grand que les concepts que nous avons de lui. Juifs, chrétiens et musulmans ont une réflexion à mener ensemble pour dépasser les jugements trop réducteurs du mystère de Dieu. Cela concerne tout d’abord la compréhension de leur propre tradition. Un jour ou l’autre les trois religions monothéistes devront s’interroger sur le sens de la Révélation et ce qu’elles entendent par là.
Frédéric Manns ofm
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